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CA RIOM (ch. civ. et com.), 14 octobre 2015

Nature : Décision
Titre : CA RIOM (ch. civ. et com.), 14 octobre 2015
Pays : France
Juridiction : Riom (CA), ch. civ. et com.
Demande : 14/00583
Date : 14/10/2015
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 11/03/2014
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5377

CA RIOM (ch. civ. et com.), 14 octobre 2015 : RG n° 14/00583

Publication : Jurica

 

Extrait : 1/ « Néanmoins, s'il est constant que l'offre de crédit doit se conformer à l'un des modèles type et que l'absence de remise d'un bordereau de rétractation conforme a vocation à être sanctionné par la déchéance susvisé, il n'en demeure pas moins qu'une clause du contrat de crédit est susceptible d'ajouter au modèle type si elle n'a pas pour effet d'aggraver la situation de l'emprunteur. Tel est le cas d'une prolongation du délai de rétractation, qui a été porté à 14 jours dans l'offre acceptée par M. X.

Dès lors, le bordereau de rétractation mis à la disposition de l'emprunteur étant conforme aux énonciations de l'offre préalable, c'est à tort que le premier juge est venu sanctionner la forme de ce bordereau par la déchéance du droit aux intérêts conventionnels. »

 2/ « Pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, le tribunal d'instance a encore considéré que la clause II-5 des conditions générales est abusive en ce qu'elle aggrave la situation de l'emprunteur par rapport au modèle type institué par décret pour prévoir une possibilité de déchéance du terme à l'initiative du prêteur pour une raison autre que le simple défaut de paiement des échéances, en l'occurrence, le décès de l'emprunteur.

En réalité, cette clause ne vient pas créer une cause d'exigibilité anticipée pour des raisons étrangères au déroulement de l'opération de crédit, mais uniquement aménager les conditions du remboursement du prêt par la succession de l'emprunteur si elle a décidé de ne pas poursuivre ladite opération lorsqu'une assurance décès n'a pas été contractée ou lorsqu'elle a négligé de poursuivre le versement des échéances.

Si cette clause vient ajouter au modèle type, elle ne se traduit pas pour autant par une aggravation de la situation de l'emprunteur et n'a pas pour effet de rendre l'offre de crédit non conforme aux dispositions des articles L. 311-8 à L. 311-13 du code de la consommation.

Il s'ensuit que c'est à mauvais escient que le tribunal a prononcé la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts conventionnels à raison du contenu de cette clause. Sa décision sera également infirmée de ce chef. »

 

COUR D'APPEL DE RIOM

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 14 OCTOBRE 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/00583. Sur APPEL d'une décision rendue le 13 novembre 2013 par le Tribunal d'instance de Montluçon (R.G. n° 11-13-0000195).

 

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré de : Mme Marie-Paule LAFON, Première Présidente, M. François RIFFAUD, Président, Mme Chantal JAVION, Conseillère

lors des débats et du prononcé : Mme Carine CESCHIN, Greffière

 

ENTRE :

APPELANT :

SA CREATIS

RCS de Lille Métropole n° B 419 XXX ; Représentant : Maître Bernard SOUTHON de la SCP SOUTHON BERNARD ET AMET-DUSSAP ANNE, avocat au barreau de MONTLUCON

 

ET :

INTIMÉ :

M. X.

Assigné le 16 mai 2014 par dépôt en étude d'huissier - non représenté n'ayant pas constitué avocat

 

DÉBATS : Après avoir entendu en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, à l'audience publique du 24 juin 2015, sans opposition de leur part, les avocats des parties, M. Riffaud, magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et à l'audience publique de ce jour, indiquée par le magistrat rapporteur, l'arrêt dont la teneur suit a été prononcé publiquement conformément aux dispositions de l'article 452 du code de procédure civile :

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :         

Suivant une offre préalable acceptée le 16 mars 2009, la SA CREATIS a consenti à M. X. un prêt personnel d'un montant de 19.200,00 euros remboursable, au taux nominal de 7,94 % l'an, par 144 mensualités de 207,20 euros (hors assurances).

Invoquant l'existence de plusieurs échéances demeurées impayées, la société CREATIS a, après une mise en demeure en date du 15 février 2013, notifiée par une lettre recommandée non réclamée par le débiteur, prononcé la déchéance du terme le 20 mars 2013.

Le débiteur s'est vu notifier cette décision par une lettre recommandée dont il a accusé réception le 22 mars 2013.

Par acte d'huissier de justice du 25 avril 2013, la SA CREATIS a fait assigner M. X. devant le tribunal d'instance de Montluçon pour obtenir paiement de la somme de 18.739,78 euros en principal arrêtée au 8 avril 2013, outre intérêts au taux de 7,94 % l'an, ainsi que de la somme de 1.900,00 euros au titre de ses frais de procès.

 

Par jugement du 13 novembre 2013, le tribunal a :

- prononcé la déchéance du droit de la SA CREATIS aux intérêts conventionnels ;

- condamné M. X. à payer à la SA CREATIS la somme de 11.286,05 arrêtée au 8 avril 2013 et ne portant pas intérêts ;

- autorisé M. X. à s'acquitter de cette somme en 23 versements de 200,00 euros, outre un 24e soldant sa dette, sauf meilleur accord des parties pour une poursuite de l'échéancier ;

- dit que chaque paiement devra intervenir le 15 de chaque mois à compter du mois suivant la signification du présent jugement ;

- dit qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité, le débiteur sera déchu des délais ainsi accordés, 15 jours après une mise en demeure par LRAR demeurée infructueuse, la totalité du solde redevenant alors immédiatement exigible ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné M. X. aux dépens.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 11 mars 2014, la SA CREATIS a relevé appel de cette décision.

 

Aux termes de ses écritures signifiées le 15 mai 2014, la SA CREATIS sollicite la réformation de la décision et demande à la cour de :

- dire n'y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts ;

- condamner M. X. au paiement des sommes suivantes :

* 18.739,78 euros au titre du prêt personnel du 16 mars 2009, outre intérêts de retard au taux contractuel de 7,94 % l'an, à compter du 20 mars 2013, date de la mise en demeure, jusqu'à parfait paiement ;

* 2.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner M. X. aux entiers dépens.

Elle considère qu'il appartient à M. X. de prouver que le bordereau de rétractation resté en sa possession serait irrégulier et que cette irrégularité lui aurait causé un grief ce qui n'est pas le cas puisque le délai de 14 jours était plus favorable au consommateur.

Elle ajoute, que le formulaire et le délai de rétractation ne sont institués qu'à l'article L. 311-15 ancien du Code de la consommation et que la sanction de la déchéance du droit aux intérêts n'est prévue que pour des cas précis qui n'incluent pas ce texte.

Elle soutient, par ailleurs, que M. X. n'a pas d’intérêt actuel à se plaindre de la clause de remboursement anticipé selon laquelle « en cas de décès de l'emprunteur, si une assurance décès n'a pas été souscrite par l'emprunteur, les héritiers pourront solder le prêt dans les conditions prévues au paragraphe II-3 remboursement par anticipation. À défaut les sommes prévues à l'article I-4 seront exigibles » puisque le contrat n'a pas été résilié pour ce motif.

En outre, elle rappelle qu'un contrat de prêt est un contrat conclu intuitu personae et qu'il ne saurait être imposé aux héritiers d'en reprendre à leur compte l'exécution échelonnée.

Elle soutient que le tribunal ne pouvait pas ordonner que la condamnation prononcée à l'encontre de M. X. ne porterait pas intérêts et elle s'estime fondée à obtenir le bénéfice du principal, des intérêts ainsi que de l'indemnité contractuelle et légale de 8 %, conformément aux articles L. 311-30 et D. 311-11 du Code de la consommation.

Elle s'oppose aux délais de paiement accordés par le tribunal puisque M. X. est défaillant et ne satisfait manifestement pas aux conditions de l'article 1244-1 du Code Civil.

 

M. X., qui a reçu signification de la déclaration d'appel et des conclusions de la société appelante par un acte signifié le 16 mai 2014 et déposé en l'étude de l'huissier dans les conditions prévues par l'article 656 du Code de procédure civile n'a pas constitué avocat.

 

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 avril 2015.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la forme du bordereau de rétractation :

Le tribunal d'instance, après avoir relevé ce moyen d'office, a prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société CREATIS en se fondant sur l'irrégularité du bordereau de rétractation aux motifs que l'article L. 311-33 du Code de la consommation, sanctionne le prêteur qui accorde un crédit sans saisir l'emprunteur d'une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 de ce code, que l'article L. 311-15, dont référence est faite dans les dispositions de l'article L. 311-10 du même code, dispose que, pour permettre l'exercice de la faculté de rétractation, un formulaire détachable est joint à l'offre préalable, que l'article L. 311-34 incrimine le fait, pour le prêteur, d'omettre de prévoir un formulaire détachable dans l'offre, que la présence de ce formulaire est exigée par les modèles types d'offre préalable prévus par les articles R. 311-6 et R. 311-7 du même code et qu'ainsi, le formulaire détachable fait partie intégrante de l'offre, de sorte qu'une irrégularité formelle qui l'affecte doit être sanctionnée par la déchéance pour le prêteur du droit aux intérêts conventionnels.

Néanmoins, s'il est constant que l'offre de crédit doit se conformer à l'un des modèles type et que l'absence de remise d'un bordereau de rétractation conforme a vocation à être sanctionné par la déchéance susvisé, il n'en demeure pas moins qu'une clause du contrat de crédit est susceptible d'ajouter au modèle type si elle n'a pas pour effet d'aggraver la situation de l'emprunteur.

Tel est le cas d'une prolongation du délai de rétractation, qui a été porté à 14 jours dans l'offre acceptée par M. X.

Dès lors, le bordereau de rétractation mis à la disposition de l'emprunteur étant conforme aux énonciations de l'offre préalable, c'est à tort que le premier juge est venu sanctionner la forme de ce bordereau par la déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

Il s'ensuit que sa décision sera infirmée de ce chef.

 

Sur l'existence d'une clause abusive :

Pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, le tribunal d'instance a encore considéré que la clause II-5 des conditions générales est abusive en ce qu'elle aggrave la situation de l'emprunteur par rapport au modèle type institué par décret pour prévoir une possibilité de déchéance du terme à l'initiative du prêteur pour une raison autre que le simple défaut de paiement des échéances, en l'occurrence, le décès de l'emprunteur.

En réalité, cette clause ne vient pas créer une cause d'exigibilité anticipée pour des raisons étrangères au déroulement de l'opération de crédit, mais uniquement aménager les conditions du remboursement du prêt par la succession de l'emprunteur si elle a décidé de ne pas poursuivre ladite opération lorsqu'une assurance décès n'a pas été contractée ou lorsqu'elle a négligé de poursuivre le versement des échéances.

Si cette clause vient ajouter au modèle type, elle ne se traduit pas pour autant par une aggravation de la situation de l'emprunteur et n'a pas pour effet de rendre l'offre de crédit non conforme aux dispositions des articles L. 311-8 à L. 311-13 du code de la consommation.

Il s'ensuit que c'est à mauvais escient que le tribunal a prononcé la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts conventionnels à raison du contenu de cette clause. Sa décision sera également infirmée de ce chef.

 

Sur les sommes dues par l'emprunteur à la suite de sa défaillance :

À la suite de la défaillance de l'emprunteur, il résulte de l'offre préalable, du tableau d'amortissement et du décompte produit que la société CREATIS - qui ne s'explique sur le calcul des pénalités de retard imputée au débiteur et qui seront ainsi écartées - est fondée à obtenir paiement des sommes arrêtées selon le décompte qui suit :

* capital restant dû au 20 mars 2013, date de déchéance du terme : 14.906,12 euros,

* échéances échues et demeurées impayées à la même date : 2.410,82 euros,

soit la somme de : 17.316,94 euros

augmenté des intérêts au taux conventionnel de 7,94 % à compter du 20 mars 2013, date de la mise en demeure.

À cette somme, il y a lieu d'ajouter l'indemnité conventionnelle de résiliation, qui ne peut excéder 8 % du capital restant dû à la date de déchéance du terme et qui est évaluée par la société CREATIS à 1 183,80 euros.

 

Sur les délais de paiement :

L'amortissement de la dette de M. X. n'est pas susceptible d'être assuré dans le délai maximum de 24 mois prévu par l'article 1244-1 du Code civile au moyen d'échéances de 200,00 euros chacune. Il nécessite, en effet, des mensualités d'un montant nominal dépassant 700,00 euros.

Par ailleurs, du fait de la durée de la procédure, le débiteur a déjà, de fait, obtenu des délais qui excèdent cette durée.

La décision du tribunal, qui ne permettait pas le remboursement de la dette dans le délai légal, doit également être infirmée de ce chef.

 

Sur les demandes accessoires :

M. X., dont la défaillance se trouve à l'origine de la procédure, supportera la charge des dépens.

L'équité ne commande pas d'allouer à la société CREATIS, qui obtient le bénéfice d'une indemnité de résiliation, une indemnité au titre de ses frais de procès.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt de défaut et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré,

Condamne M. X. à payer à la SA CREATIS :

* la somme principale de dix-sept mille trois cent seize euros et quatre-vingt quatorze centimes (17.316,94 euros) augmentée des intérêts au taux conventionnel de 7,94 % à compter du 20 mars 2013, date de la mise en demeure ;

* la somme de mille cent quatre-vingt-trois euros et quatre-vingt centimes (1.183,80 euros) à titre d'indemnité de résiliation ;

Dit n'y avoir lieu à délais de paiement ;

Rejette la demande présentée par la SA CREATIS sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne M. X. aux dépens.

Le greffier,                P/la première présidente empêchée

C. Ceschin                 F. Riffaud