CA POITIERS (2e ch. civ.), 20 octobre 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5385
CA POITIERS (2e ch. civ.), 20 octobre 2015 : RG n° 14/04081 ; arrêt n° 413
Publication : Jurica
Extrait : « L'article L. 137-2 du Code de la consommation invoqué par les appelants dispose : « L'action des professionnels, pour les biens et services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ». La prescription biennale - et non forclusion - édictée par le texte précité ne régit limitativement que les actions des professionnels pour les biens ou services qu'ils fournissent aux seuls « consommateurs ». La qualité de consommateur est circonscrite aux seules personnes physiques, et donc inapplicable à la SCI du LAVOIR, débitrice principale.
Le Code de la consommation opère une distinction entre les notions de consommateur et de non-professionnel, et rend ses dispositions applicables alternativement ou cumulativement à ces deux catégories de sujets de droit. Ainsi, au sein du titre III du livre I dudit code, régissant les conditions générales des contrats, le régime des clauses abusives (articles L. 132-1 et suivants) et de l'interprétation des contrats (article L. 133-2) bénéficie cumulativement aux cocontractants non-professionnels et consommateurs. Le régime de la reconduction des contrats (article L. 136-1), initialement institué au bénéfice des seuls consommateurs, a été étendu, en vertu du dernier alinéa de cet article, aux non-professionnels par la loi n° 2008-3 du 3/01/2008. En revanche, le régime de la prescription institué par les articles L. 137-1 et L. 137-2 est circonscrit aux seuls cocontractants consommateurs. Les catégories de non-professionnels et de consommateurs se distinguent en ce que les premiers peuvent être des personnes morales ou physiques, et que les seconds sont exclusivement des personnes physiques.
Cette définition limitative du consommateur est explicitée par l'article préliminaire du Code de la consommation introduit par l'article 3 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation (au sens du présent code, est considérée comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale).
En conséquence, l'article L. 137-2 du Code de la consommation est inapplicable aux prêts souscrits par la SCI du LAVOIR, et la fin de non-recevoir soulevée par les appelants doit être écartée comme mal fondée. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 20 OCTOBRE 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 14/04081. Arrêt n° 413. Décision déférée à la Cour : Jugement au fond du 10 juin 2014 rendu par le Tribunal de Grande Instance de LA ROCHELLE : R.G. n° 13/01362.
APPELANTS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], Ayant pour avocat postulant Maître Frédéric C., avocat au barreau de POITIERS. Ayant pour avocat plaidant Maître Ann Z.-P., avocat au barreau de la ROCHELLE.
Madame B. Y. épouse X.
née le [date] à [ville], Ayant pour avocat postulant Maître Frédéric C., avocat au barreau de POITIERS. Ayant pour avocat plaidant Maître Ann Z.-P., avocat au barreau de la ROCHELLE.
Monsieur Z.
né le [date] à [ville], Ayant pour avocat postulant Maître Frédéric C., avocat au barreau de POITIERS. Ayant pour avocat plaidant Maître Ann Z.-P., avocat au barreau de la ROCHELLE.
Madame X. épouse Z.
née le [date] à [ville], Ayant pour avocat postulant Maître Frédéric C., avocat au barreau de POITIERS. Ayant pour avocat plaidant Maître Ann Z.-P., avocat au barreau de la ROCHELLE.
SCI DU LAVOIR
Ayant pour avocat postulant Maître Frédéric C., avocat au barreau de POITIERS. Ayant pour avocat plaidant Maître Ann Z.-P., avocat au barreau de la ROCHELLE.
INTIMÉE :
CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CHARENTE MARITIME - DEUX SÈVRES
Agissant aux poursuites et diligences de son Directeur et de ses Administrateurs, domiciliés en cette qualité audit siège social. Ayant pour avocat plaidant Maître Magalie R. de la SCP R. V. F., avocat au barreau de SAINTES
COMPOSITION DE LA COUR : En application des articles 907 et 786 du Code Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 7 septembre 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant : Monsieur Thierry RALINCOURT, Conseiller.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Béatrice SALLABERRY, Présidente de chambre, Monsieur Thierry RALINCOURT, Conseiller, Madame Catherine FAURESSE, Conseiller,
GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, - Signé par Madame Béatrice SALLABERRY, Présidente de chambre, et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu le jugement du Tribunal de grande instance de la Rochelle en date du 10 juin 2014 (R.G. instance n° 13/01362) qui a :
- dit que les clauses contractuelles constituent des clauses pénates manifestement excessives,
- réduit les indemnités à la somme de 1 euro pour chaque contrat,
- réduit le taux des intérêts de retard à 2,85 % pour le prêt de 471.090 euros et à 1,60 % pour le prêt de 449.000 euros,
- condamné solidairement la SCI du LAVOIR, Z., X. épouse Z., R. X. et B. Y. épouse X. à verser à la Caisse Régionale de CREDIT AGRICOLE Mutuel Charente-Maritime Deux-Sèvres les sommes suivantes :
* au titre du prêt de 471.000 euros :
- 471.000 euros outre les intérêts de retard au taux de 2,85 % à compter du 19 février 2013,
- 799,03 euros au titre des intérêts de retard,
- 1 euro au titre de l'indemnité conventionnelle,
* au titre du prêt de 440.000 euros :
- 341.561,70 euros au titre des mensualités échues impayées et du capital restant dû outre les intérêts au taux de 1,60 % à compter du 19 février 2013,
- 33,65 euros au titre des intérêts de retard,
- 1 euro au titre de l'indemnité contractuelle,
- prononcé l'attribution au profit de ladite caisse de CRÉDIT AGRICOLE des sommes contenues sur les contrats d'assurance-vie suivants, en déduction des sommes dues au titre du prêt de 471.000 euros :
* contrat d'épargne SORAVIE GROUPAMA VIE/FINANCES, appartenant à R. X., n° 15XX36 DE 60 00 23,
* contrat d'épargne SORAVIE GROUPAMA VIE/FINANCES, appartenant à B. Y., n° 15XX361 DE 60 00 14,
* contrat d'assurance-vie PREDIGE PREDICA / CRÉDIT AGRICOLE, appartenant à X. épouse Z. n° 602ZZ674 (avenant n° 360201),
- autorisé Z. et X. épouse Z. à se libérer du paiement de cette dette par des versements mensuels de 100 euros pendant 12 mois,
- autorisé R. X. et B. Y. épouse X. à se libérer du paiement de cette dette par des versements mensuels de 500 euros pendant 12 mois,
- autorisé la SCI du LAVOIR à se libérer du paiement de cette dette par des versements mensuels de 1.000 euros pendant 12 mois,
- rappelé que pendant ce délai aucune majoration d'intérêts ou de pénalités ne pourra être encourue à raison du retard et que les poursuites sont suspendues,
- dit que les paiements devront se produire dans le délai d'un mois à compter de la (sic)
- dit qu'à défaut du versement d'une mensualité à son échéance, la totalité du solde sera immédiatement exigible et que les poursuites pourront être reprises,
- dit que les délais ne concernent que le règlement des sommes dues après attribution des sommes contenues sur les contrats d'assurance-vie,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- condamné solidairement la SCI du LAVOIR, Z., X. épouse Z., R. X. et B. Y. épouse X. aux dépens incluant le coût des mesures conservatoires,
Vu le jugement rectificatif du même Tribunal en date du 17 juillet 2014 qui a rectifié le jugement du 10 juin 2014 en ce qu'il convient de lire :
- page 8 : sur les dépens
Les dépens sont à la charge de la partie perdante du procès. Les défendeurs seront condamnés solidairement à leur paiement et les dépens incluront le coût des mesures conservatoires. Il sera accordé à la SCP R. V. F. le droit de recouvrement.
- page 10 :
condamne solidairement la SCI du LAVOIR, Z., X. épouse Z., R. X. et B. Y. épouse X. aux dépens incluant le coût des mesures conservatoires et accorde à la SCP R. V. F. le droit de recouvrement ;
- complété le jugement du 10 juin 2014 comme suit : page 8 :
dit que les paiements devront se produire dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement et les suivants de mois en mois jusqu'à l'extinction de la dette ;
déboute la Caisse Régionale de CRÉDIT AGRICOLE Mutuel Charente-Maritime Deux-Sèvres de ses plus amples demandes ;
- dit que le jugement rectificatif sera mentionné sur la minute et les expéditions du jugement du et sera notifié comme lui,
- laissé les dépens de l'instance rectificative à la charge du trésor public,
Vu le jugement rectificatif du même Tribunal en date du 16 septembre 2014 qui a rectifié le jugement du 10 juin 2014 en ce qu'il convient de lire page 9 :
« Condamne solidairement la SCI du LAVOIR, Z., X. épouse Z., R. X. et B. Y. épouse X. à la Caisse Régionale de CRÉDIT AGRICOLE Mutuel Charente-Maritime Deux-Sèvres les sommes suivantes au titre du prêt de 471.000 euros :
* 471.000 euros outre les intérêts de retard au taux de 2,85 % à compter du 19 février 2013
* 799,03 euros au titre des intérêts de retard
* 1 euro au titre de l'indemnité conventionnelle
« Condamne solidairement Z., X. épouse Z., R. X. et Madame B. Y. épouse X. à la Caisse Régionale de CRÉDIT AGRICOLE Mutuel Charente-Maritime Deux Sèvres les sommes suivantes au titre du prêt de 440.000 euros
* 341.561,70 euros au titre des mensualités échues impayées et du capital restant dû outre les intérêts au taux de 1,60 % à compter du 19/02/2013
* 33,65 euros au titre des intérêts de retard
* 1 euro au titre de l'indemnité contractuelle. »
- dit que le jugement rectificatif sera mentionné sur la minute et les expéditions du jugement du et sera notifié comme lui,
- laissé les dépens de l'instance rectificative à la charge du trésor public,
Vu l'appel de ces trois jugements interjeté par la SCI du LAVOIR, Z., X. épouse Z., R. X. et B. Y. épouse X. selon déclaration du 5 novembre 2014,
Vu les conclusions du 5 février 2015 de Z., X. épouse Z., R. X. et B. Y. épouse X. (les consorts X.) et la SCI du LAVOIR, demandant à la Cour de :
- à titre principal :
* infirmer totalement les jugements entrepris et déclarer irrecevable l'action de la Caisse Régionale de CRÉDIT AGRICOLE Mutuel pour la forclusion de son action,
* dire que la SCI du LAVOIR et ses associés n'ont plus aucun remboursement à effectuer envers ladite caisse au titre des prêts n° 70XX84 accordé pour 471.000 euros et n° 7000 ZZ290 accordé pour 440.000 euros,
* déclarer nulles les actions suivant ces jugements et ordonnant la saisie immobilière des biens immobiliers de la SCI du LAVOIR,
- à titre subsidiaire :
* reconnaître les erreurs successives contenues dans les jugements entrepris des 10 juin, 17 juillet et 16 septembre 2014, et retirer la condamnation à rembourser le prêt de 444.000 (sic) euros,
* prononcer le retrait des attributions des contrats d'assurance-vie tant pour les époux Rémi X. que pour B. Z.,
* octroyer à la SCI du LAVOIR 60.000 euros de dommages et intérêts suite aux préjudices moral et matériel subis liés au commandement de payer, au fichage abusif au FICP, aux nombreux frais assumés ainsi qu'au stress en découlant, un certificat médical circonstancié établi sur la santé de B. X. née le [date] et donc âgée de 79 ans étant adressé à la Cour à l'appui des demandes,
- condamner le créancier poursuivant et inscrit au paiement de l'article 700,
- condamner la Caisse Régionale de CRÉDIT AGRICOLE Mutuel aux entiers dépens et frais liés au jugement de première instance,
- condamner le Trésor Public solidairement aux dépens ;
Vu les conclusions du 2 avril 2015 de la caisse régionale de CRÉDIT AGRICOLE mutuel de Charente-Maritime Deux-Sèvres (le CRÉDIT AGRICOLE), demandant à la Cour de :
- rejeter toutes demandes des appelants,
- dire et juger que l'action engagée par le CRÉDIT AGRICOLE n'est pas prescrite,
- rejeter la demande de la SCI du LAVOIR en dommages et intérêts,
- confirmer le jugement du 10 juin 2014, rectifié par les jugements des 17 juillet et 16 septembre 2014, sauf en ce qu'il a réduit à 1 euro le montant des sommes dues au titre des indemnités conventionnelles sollicitées,
- statuant à nouveau, condamner solidairement la SCI du LAVOIR, Z., X. épouse Z., R. X. et B. Y. épouse X. à payer au CREDIT AGRICOLE une somme de 47.179,90 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de 10 % prévue au contrat de prêt de 471.000 euros,
- condamner solidairement Z., X. épouse Z., R. X. et B. Y. épouse X. à payer au CRÉDIT AGRICOLE une somme de 7.914,77 euros au titre de l'indemnité conventionnelle du prêt de 440.000 euros, fixée suivant jugement rendu par le Juge de l'exécution de la Rochelle en date du 7 janvier 2014,
- rectifier l'erreur matérielle contenue dans le jugement entrepris du 10 juin 2014 rectifié par jugement du 16 septembre 2014, en ce qu'il a omis les termes « à payer » au sein de chaque chef de condamnation, et dire que le dispositif sera ainsi rédigé :
« Condamne solidairement la SCI du LAVOIR, Monsieur Z., Madame X. épouse Z., Monsieur R. X. et Madame B. Y. épouse X. à payer à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CHARENTE MARITIME DEUX SEVRES les sommes suivantes :
Au titre du prêt de 471.000 euros : (condamnation)
Condamne solidairement Monsieur Z., Madame X. épouse Z., Monsieur R. X. et Madame B. Y. épouse X. à payer à la CAISSE REGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CHARENTE MARITIME DEUX SEVRES les sommes suivantes :
Au titre du prêt de 440.000 euros : (condamnation) ».
- condamner solidairement la SCI du LAVOIR, Z., X. épouse Z., R. X. et B. Y. épouse X. à payer au CRÉDIT AGRICOLE une indemnité de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Vu l'ordonnance de clôture du 10 août 2015 ;
* * *
Par acte sous seing privé du 12 septembre 2003, le CRÉDIT AGRICOLE a consenti à la SCI du LAVOIR un prêt immobilier n° 70XX84 de 471.000 euros remboursable au terme d'une période de 180 mois, les intérêts à taux variable étant payables entretemps par 179 mensualités.
Dans le même acte, les quatre consorts X. ont cautionné solidairement ce prêt.
Les titulaires ont, en outre, affecté en nantissement au profit du CRÉDIT AGRICOLE les trois contrats d'épargne et d'assurance-vie énumérés au dispositif du jugement du 10 juin 2014.
Par acte sous seing privé du 15 juin 2006, réitéré par acte authentique du 18 juillet 2006 envers la seule SCI emprunteuse, le CRÉDIT AGRICOLE a consenti à la SCI du LAVOIR un prêt immobilier n° 7000WW290 de 440.000 euros remboursable en 264 mensualités à taux d'intérêt révisable.
Dans le même acte, les quatre consorts X. ont cautionné solidairement ce prêt dans la limite de 572.000 euros.
Suite à la défaillance de la SCI du LAVOIR, emprunteuse, et après sommation de payer délivrée les 4 et 5 mars 2013 à la débitrice principale et aux cautions, le CRÉDIT AGRICOLE a agi à leur encontre en paiement de ses créances afférentes aux deux prêts par assignations du 13 et 17 mai 2013 introductives de l'instance dont appel.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS de la DÉCISION :
1 - Les consorts X. soutiennent, sur le fondement de l'article L. 137-2 du Code de la consommation, que l'action du CRÉDIT AGRICOLE serait « forclose » (sic) aux motifs :
- que le point de départ du délai biennal édicté par ce texte serait le premier incident de paiement non régularisé,
- qu'en l'occurrence, la première mensualité impayée non régularisée serait celle de juillet 2010 et que le CRÉDIT AGRICOLE n'aurait fait délivrer à la société emprunteuse un commandement payer valant saisie immobilier que le 29 mai 2013, plus de deux ans plus tard.
L'article L. 137-2 du Code de la consommation invoqué par les appelants dispose : L'action des professionnels, pour les biens et services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans
La prescription biennale - et non forclusion - édictée par le texte précité ne régit limitativement que les actions des professionnels pour les biens ou services qu'ils fournissent aux seuls « consommateurs ».
La qualité de consommateur est circonscrite aux seules personnes physiques, et donc inapplicable à la SCI du LAVOIR, débitrice principale.
Le Code de la consommation opère une distinction entre les notions de consommateur et de non-professionnel, et rend ses dispositions applicables alternativement ou cumulativement à ces deux catégories de sujets de droit.
Ainsi, au sein du titre III du livre I dudit code, régissant les conditions générales des contrats, le régime des clauses abusives (articles L. 132-1 et suivants) et de l'interprétation des contrats (article L. 133-2) bénéficie cumulativement aux cocontractants non-professionnels et consommateurs.
Le régime de la reconduction des contrats (article L. 136-1), initialement institué au bénéfice des seuls consommateurs, a été étendu, en vertu du dernier alinéa de cet article, aux non-professionnels par la loi n° 2008-3 du 3/01/2008.
En revanche, le régime de la prescription institué par les articles L. 137-1 et L. 137-2 est circonscrit aux seuls cocontractants consommateurs.
Les catégories de non-professionnels et de consommateurs se distinguent en ce que les premiers peuvent être des personnes morales ou physiques, et que les seconds sont exclusivement des personnes physiques.
Cette définition limitative du consommateur est explicitée par l'article préliminaire du Code de la consommation introduit par l'article 3 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation (au sens du présent code, est considérée comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale).
En conséquence, l'article L. 137-2 du Code de la consommation est inapplicable aux prêts souscrits par la SCI du LAVOIR, et la fin de non-recevoir soulevée par les appelants doit être écartée comme mal fondée.
2 - Les consorts X. font valoir :
- que le CRÉDIT AGRICOLE a saisi le Tribunal de grande instance de la Rochelle d'une requête en rectification d'erreur matérielle en ce que le jugement précédent comportait une condamnation de la SCI du LAVOIR à paiement au titre du prêt de 440.000 euros, alors que la banque n'avait formé aucune demande contre la SCI au titre de ce prêt,
- que le jugement rectificatif reprendrait la condamnation de la SCI du LAVOIR à rembourser les deux prêts,
- que « ces erreurs ne permettraient pas à la SCI du LAVOIR de pouvoir se défendre correctement et avoir un procès équitable ».
Les appelants dénaturent le jugement rectificatif du 16 septembre 2014 dont le dispositif comporte condamnation solidaire de la SCI du LAVOIR et des consorts X. au titre du prêt de 471.000 euros, et condamnation solidaire des seuls consorts X. au titre du prêt de 440.000 euros.
Ce second jugement rectificatif qui a, avec pertinence, fait droit à la requête en rectification d'erreur matérielle présentée par le CRÉDIT AGRICOLE doit être confirmé à cet égard.
La SCI du LAVOIR ne démontre aucunement en quoi il aurait été porté atteinte à sa défense et à son droit à un procès équitable, étant observé que le CRÉDIT AGRICOLE a précisé qu'il n'avait pas agi judiciairement en paiement contre la SCI du LAVOIR au titre du prêt de 440.000 euros au motif que ce contrat avait été conclu par acte authentique et qu'en conséquence la banque disposait déjà d'un titre exécutoire.
3 - Les consorts X. concluent à l'infirmation du jugement du 16 juin 2014 en ce qu'il a ordonné l'attribution au CRÉDIT AGRICOLE des sommes contenues dans les contrats d'assurance-vie des cautions associés, et font valoir :
- que l'obligation des associés aux dettes sociales ne présenterait qu'un caractère subsidiaire en application de l'article 1858 du Code Civil,
- que le patrimoine de la SCI du LAVOIR serait constitué de deux immeubles d'une valeur cumulée excédant 1.000.000 euros,
- que le recouvrement des créances du CRÉDIT AGRICOLE ne serait donc pas en péril, de sorte qu'il n'y aurait nul besoin de recourir aux cautions.
Le contrat de prêt de 471.000 euros stipule en page 2 in fine, à titre de garantie, le nantissement des contrats d'assurance-vie et d'épargne visés dans le dispositif du jugement du 16 juin 2014.
La demande d'attribution de ces contrats est expressément fondée, par le CRÉDIT AGRICOLE, sur la qualité de garants attachée aux titulaires de ces contrats, et sur l'article 2365 (voire 2347) du Code Civil, et non sur la qualité d'associés de la SCI du LAVOIR ni sur l'article 1857 du Code Civil.
Le moyen tiré de l'absence de péril pour le recouvrement des créances du CRÉDIT AGRICOLE et du recours prétendument superflu à l'encontre des cautions est infondé, dès lors que les consorts X. ont cautionné solidairement la SCI du LAVOIR et qu'en vertu de l'article 2298 du Code Civil ils ne disposent pas du bénéfice de discussion.
4 - Dès lors que les demandes en paiement présentées par le CRÉDIT AGRICOLE sont recevables et bien fondées, la SCI du LAVOIR ne démontre aucunement en quoi la délivrance du commandement de payer aux fins de saisie immobilière du 29 mai 2013 serait fautive et l'inscription au fichier des incidents de paiement serait abusive.
En l'absence de preuve d'une quelconque faute imputable au CRÉDIT AGRICOLE, la demande en dommages et intérêts formée contre lui par la SCI du LAVOIR doit être rejetée comme infondée, et elle-même abusive.
5 - Sur appel incident, le CRÉDIT AGRICOLE conclut à l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a réduit les indemnités contractuelles à 1 euro, et fait valoir :
- que l'indemnité contractuelle pour participation à une procédure d'ordre ne constituerait pas une clause pénale et ne serait donc pas judiciairement réductible,
- que, si l'indemnité d'exigibilité anticipée constitue une clause pénale et est judiciairement réductible, en l'occurrence, suite au commandement aux fins de saisie immobilière du 29/05/2013, le Juge de l'exécution de la Rochelle aurait, par jugement d'orientation du 7/01/2014, réduit cette indemnité à la somme de 7.914,77 euros,
- qu'en application de l'article R. 121-14 du Code des Procédures Civiles d'Exécution, cette décision emporterait autorité de la chose jugée tant envers la débitrice principale (SCI du LAVOIR) qu'envers les cautions solidaires.
La SCI du LAVOIR et les consorts X. n'ont pas répliqué à l'appel incident.
Les conditions générales du prêt de 471.000 euros stipulent en 6 de l'acte du 12 septembre 2003 : « indemnité de recouvrement - dans le cas où, pour parvenir au recouvrement de sa créance en capital, intérêts et accessoires, le prêteur se trouverait obligé d'avoir recours à un mandataire de justice ou d'exercer des poursuites ou de produire à un ordre, l'emprunteur s'oblige à lui payer outre les dépens mis à sa charge, une indemnité forfaitaire de 10 % calculée sur le montant du prêt ou de ce qui lui resterait dû, pour le couvrir des pertes et dommages de toutes sortes occasionnés par ce fait ».
Dès lors qu'en premier lieu l'application de cette clause est conditionnée par l'inexécution contractuelle du débiteur, qu'en second lieu son montant est expressément forfaitaire et qu'en troisième lieu l'indemnité contractuelle a vocation à couvrir les « dommages de toutes sortes » causés au créancier par la défaillance du débiteur, il s'en déduit que cette indemnité contractuelle s'analyse juridiquement en une clause pénale et qu'elle judiciairement réductible en application de l'article 1152 du Code Civil.
Le montant de l'indemnité (47.179,90 euros) réclamée par le CRÉDIT AGRICOLE est manifestement excessif par rapport au préjudice que lui a causé la défaillance de la SCI du LAVOIR dans le remboursement du prêt de 471.000 euros et par rapport aux frais exposés par la banque pour recouvrer sa créance.
Cette indemnité sera judiciairement réduite au taux de 3 % du capital emprunté, et liquidée à la somme de 14.130 euros.
Concernant le prêt de 440.000 euros, le CRÉDIT AGRICOLE fait exactement valoir : d'une part, que la disposition du jugement d'orientation mentionnant le montant retenu pour la créance du poursuivant emporte autorité de la chose jugée en application de l'article R. 121-14 du Code des Procédures Civiles d'Exécution, en l'absence de dispositions contraires de l'article R. 322-18 du même code ; d'autre part, qu'en vertu de la représentation mutuelle des coobligés, la décision ayant autorité de la chose jugée à l'égard de l'un d'eux est opposable aux autres.
Il y a dès lors lieu de fixer le montant de l'indemnité contractuelle afférente à ce prêt à la somme de 7.914,77 euros réclamée par le CRÉDIT AGRICOLE.
6 - L'appel incident de ce dernier doit également être accueilli en ce qu'il tend à rectifier une erreur matérielle affectant le dispositif du jugement rectificatif du 16 septembre 2014.
7 - Les appelants, parties perdantes, supporteront solidairement les dépens d'appel.
La demande indemnitaire du CRÉDIT AGRICOLE fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile sera accueillie dans son principe et son montant.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
la Cour
Rejette comme mal fondée la fin de non-recevoir tirée par la SCI du LAVOIR et les consorts X. de l'article L. 137-2 du Code de la consommation.
Infirme le jugement du Tribunal de grande instance de la Rochelle en date du 16 juin 2014 et le jugement rectificatif du même tribunal en date du 16 septembre 2014 en ce qu'ils ont :
- condamné solidairement la SCI du LAVOIR, Z., X. épouse Z., R. X. et B. Y. épouse X. à payer à la Caisse Régionale de CRÉDIT AGRICOLE Mutuel Charente-Maritime Deux-Sèvres une somme de 1 euro au titre de l'indemnité conventionnelle au titre du prêt de 471.000 euros,
- condamné solidairement Z., X. épouse Z., R. X. et Madame B. Y. épouse X. à payer à la Caisse Régionale de CRÉDIT AGRICOLE Mutuel Charente-Maritime Deux Sèvres une somme de 1 euro au titre de l'indemnité contractuelle au titre du prêt de 440.000 euros.
Statuant à nouveau de ce chef,
Condamne solidairement la SCI du LAVOIR, Z., X. épouse Z., R. X. et B. Y. épouse X. à payer à la Caisse Régionale de CRÉDIT AGRICOLE Mutuel Charente-Maritime Deux-Sèvres une somme de 14.130 euros (quatorze mille cent trente euros) au titre de l'indemnité conventionnelle du prêt de 471.000 euros.
Condamne solidairement Z., X. épouse Z., R. X. et Madame B. Y. épouse X. à payer à la Caisse Régionale de CRÉDIT AGRICOLE Mutuel Charente-Maritime Deux-Sèvres une somme 7.914,77 euros (sept mille neuf cent quatorze euros soixante-dix-sept centimes) au titre de l'indemnité contractuelle du prêt de 440.000 euros.
Rectifiant une erreur matérielle, dit et juge que le jugement rectificatif du Tribunal de grande instance de la Rochelle du 16 septembre 2014 dispose en page 3 :
Condamne solidairement la SCI du LAVOIR, Z., X. épouse Z., R. X. et B. Y. épouse X. à payer à la Caisse Régionale de CRÉDIT AGRICOLE Mutuel Charente-Maritime Deux-Sèvres les sommes suivantes :
- au titre du prêt de 471.000 euros : (deux premiers postes de condamnation sans changement)
Condamne solidairement Z., X. épouse Z., R. X. et Madame B. Y. épouse X. à payer à la Caisse Régionale de CREDIT AGRICOLE Mutuel Charente-Maritime Deux Sèvres les sommes suivantes :
-au titre du prêt de 440.000 euros (la suite sans changement).
Confirme les jugements entrepris en toutes leurs autres dispositions.
Rejette toutes demandes autres, plus amples ou contraires des parties.
Condamne solidairement la SCI du LAVOIR, Z., X. épouse Z., R. X. et B. Y. épouse X. à payer la Caisse Régionale de CRÉDIT AGRICOLE Mutuel Charente-Maritime Deux-Sèvres une indemnité de 3.500 euros (trois mille cinq cents euros) par application, en cause d'appel, de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamne solidairement la SCI du LAVOIR, Z., X. épouse Z., R. X. et B. Y. épouse X. aux dépens d'appel.
Dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
- 5820 - Code de la consommation - Clauses abusives - Application dans le temps - Illustrations : Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014
- 5856 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Droit postérieur à la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014
- 5862 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Autres textes