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CA DOUAI (ord. tax.), 1er décembre 2015

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (ord. tax.), 1er décembre 2015
Pays : France
Juridiction : Douai (CA)
Demande : 14/06616
Date : 1/12/2015
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 27/10/2014
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5420

CA DOUAI (ord. tax.), 1er décembre 2015 : RG n° 14/06616

Publication : Jurica

 

Extrait : « Au vu de ces éléments, apparaît comme une clause abusive au sens de l'article L 132-1 du code de la consommation la clause d'honoraire de résultat incluse par convention conclue en cours de procédure d'appel sans que la portée de cet engagement puisse être réellement comprise par Madame Y. faute d'élément d'information sur la définition du résultat obtenu et les modalités de calcul, alors même que des honoraires de diligences étaient réclamés sur la base de la réalité des diligences opérées, ce qui a instauré un déséquilibre significatif entre les droits et obligations de chacune des parties au contrat au détriment de Madame Y. non professionnelle du droit envers laquelle Maître X. avait une obligation de conseil. »

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

ORDONNANCE DE TAXE DU 1er DÉCEMBRE 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/06616.

 

APPELANTE :

Maître X.

Comparant en personne

 

INTIMÉE :

Madame Y.

Comparant en personne

 

PRÉSIDENTE DÉLÉGUÉE : Mme TAPSOBA-CHATEAU, Présidente de Chambre désignée par ordonnance du 25 août 2015 pour remplacer le Premier Président empêché.

GREFFIER : Madame SCHWARTZ

DÉBATS : à l'audience publique du 3 novembre 2015

ORDONNANCE : Contradictoire, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe le premier décembre deux mille quinze, date indiquée à l'issue des débats, par Mme TAPSOBA-CHATEAU, Présidente, ayant signé la minute avec Madame DUTILLIEUX, greffier en chef, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Madame Y. a confié la défense de ses intérêts à Maître X. dans le cadre d'une procédure de divorce devant le juge aux affaires familiales de VALENCIENNES qui a conduit à un jugement du 15 février 2012 puis devant la cour d'appel où elle avait la qualité d'intimée, qui a conduit à un arrêt du 19 décembre 2013.

Madame Y. a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de VALENCIENNES d'une demande de taxe des honoraires de son avocate le 15 juillet 2014.

Par ordonnance du 29 septembre 2014, Madame le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de VALENCIENNES, après avoir annulé la convention d'honoraires du 10 janvier 2013, compte tenu de la fragilité psychologique de Madame Y. connu de son avocate, a taxé les honoraires dus à Maître X. à la somme de 6144,05 euros TTC pour la seule procédure d'appel, a constaté que Madame Y. s'était déjà acquittée de cette somme.

Par lettre recommandée adressée au greffe de la cour et portant la date d'expédition du 28 octobre 2014 indiquée par la poste, Maître X. a formé un recours à l'encontre de cette décision.

Les parties ont été convoquées à l'audience de taxe du 3 novembre 2015.

A cette audience, Maître X. comparaît en personne et sollicite que :

- son recours à l'encontre de l'ordonnance de Madame le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de VALENCIENNES du 29 septembre 2014 soit déclaré recevable,

- cette ordonnance soit infirmée,

- il soit jugé que la convention d'honoraires du 10 janvier 2013 régularisée avec Madame Y. soit jugée valide,

- ses honoraires soient fixés à la somme de 11.935,75 euros TTC déduction faite des provisions versées,

- subsidiairement à défaut de convention valide, ses honoraires soient fixés à la somme de 4592 euro déduction faite des provisions versées.

Madame Y. régulièrement convoquée par lettre recommandée avec avis de réception signée le 27 août 2015 comparaît en personne et sollicite la confirmation de la décision de Madame le Bâtonnier de l'ordre des avocats de VALENCIENNES, s'opposant au paiement d'un honoraire de résultat dont elle n'avait pas compris la portée lors de la signature de la convention.

L'affaire a alors été mise en délibéré au 1er décembre 2015.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la recevabilité du recours :

En vertu de l'article 176 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991, la décision du bâtonnier est susceptible de recours dans le délai d'un mois à compter de la réception de sa notification, la date figurant sur l'avis de réception faisant foi.

Le recours formé le 28 octobre 2014 par Maître X. à l'encontre d'une décision du 29 septembre 2014 est recevable.

 

a. Sur la validité de la convention :

L'article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 disposait dans sa rédaction antérieure à la réforme du 6 août 2015, la nouvelle rédaction n'étant pas applicable aux faits de l'espèce

« La tarification de la postulation devant le tribunal de grande instance et des actes de procédure est régie par les dispositions sur la procédure civile. Les honoraires de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client.

A défaut de convention entre l'avocat et son client, les honoraires sont fixés selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de la notoriété et des diligences de celui-ci.

Toute fixation d'honoraires, qui ne le serait qu'en fonction du résultat judiciaire, est interdite. Est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu. »

En l'espèce, est versée aux débats la convention d'honoraires signée entre Maître X. et Madame Y. le 10 janvier 2013 aux termes de laquelle Maître X. était chargée des intérêts de Madame Y. dans le cadre d'une procédure de divorce devant la cour d'appel de Douai et où étaient prévus :

- un honoraire sur la base de 200 euros HT de l'heure, les rendez-vous étant quant à eux facturés sur la base de 140 euros TTC l'heure,

- un honoraire de résultat déterminé par le résultat obtenu ou le montant de la condamnation évitée égal à 10 % du montant des sommes obtenues soit en suite d'une transaction conclue avec le concours de l'avocat soit en vertu d'une décision de justice définitive ayant fait droit totalement ou partiellement à ses demandes.,

- le paiement des frais et débours.

Pour qu'une telle convention soit annulée, il faut justifier d'un vice de consentement à savoir l'erreur, la violence ou le dol au sens de l'article 1109 du code civil.

Il n'est pas contesté par Madame Y. que Maître X. n'a pas demandé à Madame Y. de signer cette convention dans son bureau, mais qu'elle lui a laissé le temps de la réflexion, que l'existence d'une quelconque manœuvre dolosive n'est même pas alléguée, pas plus que l'existence de violence.

Madame Y. invoque plutôt l'erreur de compréhension de la clause relative à l'honoraire de résultat, mettant en avant ses troubles psychiatriques lourds à savoir une schizophrénie.

Le document versé aux débats devant la cour par Madame Y. à savoir le certificat médical du 18 septembre 2015 du docteur S. médecin psychiatre établit certes que Madame Y. est prise en charge régulièrement depuis l'année 2002 pour une pathologie psychiatrique chronique invalidante, mais précise également que les difficultés de Madame Y. sont consolidées sous traitement psychotrope adapté, régulièrement réévalué, bien observé, non susceptible d'être interrompu.

Les documents versés aux débats par Maître X. sur l'état de santé de Madame Y. dans le cadre de la procédure de divorce et qu'elle produit devant la présente juridiction à savoir les certificats médicaux du même docteur S. des 22 mars 2010 et 23 août 2013 faisait état de ce que Madame Y. était déjà sur ces périodes compliante au traitement pour la prise en charge de sa schizophrénie paranoïde chronique évolutive, de sorte que son état psychique était consolidé, ce qui ne permet pas à la présente juridiction de conclure qu'elle se trouvait au 10 janvier 2013 dans un état de santé ne lui permettant pas de signer la convention qui lui a été présentée.

Madame Y. ne bénéficie par ailleurs d'aucune mesure de protection ; elle a la capacité juridique de signer une convention.

La convention est donc valide.

 

b. Sur le montant des honoraires de diligence :

Il est constant que Madame Y. a accepté de régler à Maître X. une somme totale de 6.144,05 euros pour la seule procédure d'appel et qu'elle ne remet pas une cause ce paiement, alors même que Maître X. avait facturé ses honoraires de diligences à la somme de 4.500 euros HT pour 22 h 50 de travail et 966,50 euros HT de frais, ces sommes étant justifiées au regard des diligences accomplies.

Compte tenu d'une TVA à 20 % Madame Y. était redevable d'une somme de 6.559,98 euros ; dans la mesure où elle a réglé une somme de 6.144,05 euro, reste due une somme de 415,75 euros ;

 

c. Sur le montant de l'honoraire de résultat :

Si la présente juridiction a considéré la convention comme valide, se pose la question de savoir si la clause relative à l'honoraire de résultat peut trouver application.

Maître X. réclame un honoraire de résultat de 10 % sur la somme de 600 euros par mois (différence entre les 200 euros proposés par le mari et les 800 euros obtenus de prestation compensatoire) et ce pendant 10 ans, ces éléments de calcul n'étant nullement exposés dans la convention.

En effet, la clause litigieuse rappelée ci-dessus ne définissait nullement ce que Maître X., qui a préparé la convention, entendait par résultat obtenu.

La présente juridiction constate par ailleurs que la convention prévoyait déjà des honoraires de diligences correspondant à une juste rémunération du travail de l'avocat sur une base horaire de 200 euros HT.

Au vu de ces éléments, apparaît comme une clause abusive au sens de l'article L 132-1 du code de la consommation la clause d'honoraire de résultat incluse par convention conclue en cours de procédure d'appel sans que la portée de cet engagement puisse être réellement comprise par Madame Y. faute d'élément d'information sur la définition du résultat obtenu et les modalités de calcul, alors même que des honoraires de diligences étaient réclamés sur la base de la réalité des diligences opérées, ce qui a instauré un déséquilibre significatif entre les droits et obligations de chacune des parties au contrat au détriment de Madame Y. non professionnelle du droit envers laquelle Maître X. avait une obligation de conseil.

Sera en conséquence rejetée la demande d'honoraires de résultat formée par Maître X.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe et contradictoirement,

Déclarons recevable le recours formé par Maître X. à l'encontre de l'ordonnance du 29 septembre 2014 de Madame le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de VALENCIENNES,

Infirmons cette ordonnance de taxe,

Statuant à nouveau,

Condamnons Madame Y. Christine à payer à Maître X. la somme de 415,75 euro TTC de solde d'honoraires de diligences.

LE GREFFIER EN CHEF,              LA PRÉSIDENTE,

C. DUTILLIEUX                                          H. TAPSOBA-CHATEAU