CA TOULOUSE (2e ch. sect. 1), 25 novembre 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5431
CA TOULOUSE (2e ch. sect. 1), 25 novembre 2015 : RG n° 13/06130 ; arrêt n° 676
Publication : Jurica
Extrait : « Les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants ; sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance. […]Il y a donc bien indivisibilité du contrat de prestations de services et du contrat de location financière qui a été cédé à la société Locam, ce que cette dernière ne peut ignorer eu égard au bon de commande ainsi signé.
Dans la mesure où Mme X. établit que le procès-verbal de réception a été signé le même jour que le bon de commande le 4 janvier 2011 alors que la prestation ne pouvait être réalisée puisque par courrier du 7 janvier 2011, la société Cortix informait la cliente que le nom de domaine venait d'être transmis et que le site commandé était en cours de création graphique, qu'en outre, ce n'est que par lettre du 26 janvier 2011, que la société Cortix précisait que le site était en ligne avec le nom de domaine ; le procès-verbal de réception du 4 janvier 2011 est donc nul et ne peut valoir réception sans réserve des prestations d'installation ni du bon fonctionnement du site commandé. Mme X. rapporte la preuve qu'elle s'est plaint du mauvais fonctionnement du site dès le 31 janvier 2011 en précisant que le site ne correspondait pas à son catalogue tel que demandé dans le bon de commande et, dès le 22 février 2011, elle sollicitait la résiliation du contrat pour non-réalisation des prestations commandées notamment concernant son catalogue et l'insuffisance du site livré sur de nombreux points. La société Locam se borne à produire le procès-verbal du 4 janvier 2011 pour dire la prestation réalisée et acceptée sans réserve par la cliente.
La cour constate que la commande des prestations faite auprès de la société Cortix n'ayant pas été réalisée selon les spécifications clairement exprimées par la cliente, le contrat est nul par manquement au devoir de délivrance et l'indivisibilité de ce contrat de prestation avec le contrat de location financière rend nul le contrat de location financière dont veut se prévaloir la société Locam. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
DEUXIÈME CHAMBRE SECTION 1
ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 13/06130. Arrêt n° 676. Décision déférée du 4 septembre 2013 - Tribunal de Commerce de MONTAUBAN - R.G. n° 2012/40.
APPELANTE :
Madame X. née Y.
Représentée par Maître Lucien BEDOC, avocat au barreau de Tarn-et-Garonne
INTIMÉES :
SAS LOCAM Location Automobiles MATÉRIELS
Représentée par Maître Bruno MERLE, avocat au barreau de Toulouse assistée de Maître LEXI de la SELARL LEXI CONSEIL ET DÉFENSE, avocat au barreau de Saint-Etienne
SELARL MALMEZAT PRAT es qualité de mandataire judiciaire de la SA CORTIX
SA CORTIX en liquidation judiciaire représentée par la SELARL MALMEZAT PRAT.
n'ont pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR : Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 16 septembre 2015 en audience publique, devant la Cour composée de : G. COUSTEAUX, président, V. SALMERON, conseiller, J.M. BAÏSSUS, conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : M. MARGUERIT
ARRÊT : - réputé contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par G. COUSTEAUX, président, et par C. LERMIGNY, greffier de chambre.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE :
Le 4 janvier 2011, Mme X. a commandé auprès de la SA Cortix la fourniture d'un site web financé à partir d'un contrat de licence d'exploitation du site internet.
La SAS Locam est intervenue en qualité de cessionnaire de cette convention au titre de l'article 1 intitulé « transfert de cession » des conditions générales pour assurer le financement moyennant le règlement de 60 loyers mensuels de 179,40 euros TTC entre le 20 mars 2011 et le 30 décembre 2015.
Après le 30 septembre 2011, soit huit mois après l'installation du site internet par la SA Cortix, Mme X. a cessé de régler les loyers.
Le 2 octobre 2009, la SAS Locam l'a mise en demeure de régler les loyers impayés dans les 8 jours sous peine de résiliation de plein droit du contrat.
Par acte d'huissier de justice du 6 février 2012, la SAS Locam a fait assigner Mme X. en paiement de sommes au visa des articles 1134 et 1149 du code civil.
Par acte du 9 mars 2012, Mme X. a fait assigner la SELARL Malmezat-Prat, mandataire judiciaire de la SA Cortix, et la SA Cortix à la relever et garantir de toute condamnation prononcée contre elle.
Par acte du 7 février 2013, Mme X. a fait assigner la SELARL Malmezat-Prat, en qualité de liquidateur judiciaire de la SA Cortix, aux mêmes fins.
Par jugement du 4 septembre 2013, le tribunal de commerce de Montauban a :
- joint les deux procédures
- débouté Mme X. de ses demandes
- condamné Mme X. à régler à la SAS Locam la somme de 10.261,68 euros avec intérêts au taux légal et autres accessoires de droit à compter de la mise en demeure
- rejeté l'exécution provisoire
- condamné Mme X. à payer 800 euros à la SAS Locam en application de l'article 700 du code de procédure civile (CPC).
Par déclaration en date du 3 décembre 2013, Mme X. a relevé appel du jugement.
La clôture est intervenue le 30 juin 2015.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Par conclusions notifiées le 20 février 2014 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, Mme X. demande, au visa des articles L. 442-6-I-2°, L. 622-13-III et R. 622-13 du code de commerce, 1184 du code civil, L. 111-1 et L. 131-3 du code de la propriété intellectuelle,
- de prononcer la résiliation judiciaire du contrat la liant à la SA Cortix
- de délier Mme X. de ses obligations contractuelles vis à vis de la société Locam
- condamner la SAS Locam à lui verser 5.000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive
- condamner la SA Cortix et la SAS Locam solidairement à lui verser 3.000 euros en application de l'article 700 du cpc.
Elle fait observer qu'après avoir sollicité en vain la société Cortix pour manquement à ses obligations contractuelles (site non conforme au cahier des charges/catalogue et non prise en compte des demandes de modifications du site), elle a suspendu le paiement des loyers.
Le tribunal n'a pas répondu à sa demande de résiliation du contrat en cause alors qu'en outre, de nombreux litiges et abus répétés de la société Locam auprès de nombreux commerçants avaient été cités.
Elle fonde son action sur la résiliation du contrat avec la SA Cortix pour non-conformité du site internet au cahier des charges (ex. : photos ne correspondant pas aux produits qu'elle vend) et modifications non prises en compte (photos manquantes dans les pages présentation de la boulangerie, contact et formulaire et mauvais référencement du site sur Google).
Elle sollicite la résiliation des deux contrats en se fondant sur le lien d'indivisibilité avec le contrat conclu entre elle et la SAS Locam. Il s'agit d'une même opération économique : prix global couvrant la rémunération des deux intervenants, signature concomitante des deux actes, imbrication du fonctionnement des contrats (encaissement des créances par l'un pour l'autre). Elle dénonce l'absence de validité de l'acte de cession du contrat au visa de l'article L. 131-3 du CPI sur la transmission des droits d'auteur. Elle n'est donc pas liée à la SAS Locam. Elle demande donc la résiliation judiciaire du contrat et le débouté de la SAS Locam.
Elle demande 5.000 euros sur le fondement de l'article L. 442-6-I-2 du code de commerce pour celui qui « soumet ou tente de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ». Elle s'est aperçue a posteriori qu'elle était liée à une société de financement pour maintenir le site en ligne alors qu'elle pensait en être propriétaire et qu'elle était engagée sur 5 années renouvelables par tacite reconduction soit au total 11.122,80 euros ; prix totalement démesuré par rapport au prix du marché pour un site internet basique. Elle a été victime de la technique commerciale de vente agressive dite « one shot » (un rendez-vous = une vente) dénoncée dans de nombreuses plaintes de commerçants victimes des agissements de Cortix. Plusieurs clauses du contrat attestent du déséquilibre contractuel dénoncé.
Par conclusions notifiées le 18 avril 2014 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la SAS Locam demande de confirmer le jugement et, y ajoutant, d'ordonner la capitalisation des intérêts et de lui allouer 1.500 euros en application de l'article 700 du CPC.
Elle fait valoir que :
- la cession des droits entre la SA Cortix et la SAS Locam est régulière, Mme Pereira est titulaire d'une licence d'exploitation ;
- les griefs de dysfonctionnement et de non-conformité sont inopposables à la SAS Locam dès lors que le procès-verbal de réception de l'espace d'hébergement du site a entraîné l'engagement irrévocable de Mme Pereira de régler les loyers financiers dus à la SAS Locam ;
- les dispositions de l'article 442-6-I-2° du code de commerce n'ont pas vocation à s'appliquer en l'espèce entre un crédit bailleur et un locataire pour une opération ponctuelle et non entre deux partenaires commerciaux dont les relations sont permanentes.
La SELARL Malmezat Prat, mandataire judiciaire de la SA Cortix, dûment assignée le 26 février 2014 n'a pas constitué avocat.
Elle a écrit à la cour le 16 décembre 2013 pour dire qu'elle ne disposait pas de fonds suffisants pour constituer avocat.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants ; sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance.
En l'espèce, Mme X. invoque l'interdépendance du bon de commande qu'elle a souscrit auprès de Cortix et du contrat de location financière qui y était inclus et demande la résiliation du contrat litigieux pour inexécution des prestations souscrites et manquement au devoir de délivrance de la société Cortix.
La cour constate que le contrat litigieux est un bon de commande signé le 4 janvier 2011 qui avait pour objet :
- « la création du site internet : 6 pages,
- hébergement, administration et maintenance du site internet,
- demande de référencement sur les principaux moteurs de recherche,
- dépôt du nom de domaine » ;
Le loyer mensuel fixé y était global pour l'ensemble de ces prestations à hauteur de 150 euros HT sur 60 mois.
Il y a donc bien indivisibilité du contrat de prestations de services et du contrat de location financière qui a été cédé à la société Locam, ce que cette dernière ne peut ignorer eu égard au bon de commande ainsi signé.
Dans la mesure où Mme X. établit que le procès-verbal de réception a été signé le même jour que le bon de commande le 4 janvier 2011 alors que la prestation ne pouvait être réalisée puisque par courrier du 7 janvier 2011, la société Cortix informait la cliente que le nom de domaine venait d'être transmis et que le site commandé était en cours de création graphique, qu'en outre, ce n'est que par lettre du 26 janvier 2011, que la société Cortix précisait que le site était en ligne avec le nom de domaine ; le procès-verbal de réception du 4 janvier 2011 est donc nul et ne peut valoir réception sans réserve des prestations d'installation ni du bon fonctionnement du site commandé.
Mme X. rapporte la preuve qu'elle s'est plaint du mauvais fonctionnement du site dès le 31 janvier 2011 en précisant que le site ne correspondait pas à son catalogue tel que demandé dans le bon de commande et, dès le 22 février 2011, elle sollicitait la résiliation du contrat pour non-réalisation des prestations commandées notamment concernant son catalogue et l'insuffisance du site livré sur de nombreux points.
La société Locam se borne à produire le procès-verbal du 4 janvier 2011 pour dire la prestation réalisée et acceptée sans réserve par la cliente.
La cour constate que la commande des prestations faite auprès de la société Cortix n'ayant pas été réalisée selon les spécifications clairement exprimées par la cliente, le contrat est nul par manquement au devoir de délivrance et l'indivisibilité de ce contrat de prestation avec le contrat de location financière rend nul le contrat de location financière dont veut se prévaloir la société Locam.
Dans la mesure où Mme X. demande uniquement la résiliation du contrat signé auprès de la société Cortix et le débouté de la société Locam de ses demandes, il convient de faire droit à sa demande de résiliation du contrat dès février 2011.
Il convient d'infirmer le jugement de résilier le contrat souscrit par Mme X. auprès de la société Cortix et de débouter la société Locam de ses demandes de loyers impayés qu'elle ne formule qu'à partir de l'échéance du 30 septembre 2011.
Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive :
L'exercice d'une action en justice ne dégénère en faute pouvant donner lieu à des dommages-intérêts que si le demandeur a agi par malice ou de mauvaise foi, ou avec légèreté blâmable tous faits insuffisamment caractérisés en l'espèce ; il semble plutôt que la société Locam se soit méprise sur le caractère divisible du contrat souscrit par Mme X. et sur l'étendue de ses droits.
La demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive présentée par Mme X. doit être rejetée.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Infirme le jugement,
Constate l'indivisibilité des contrats de prestations de services et de location financière souscrites auprès de la société Cortix par Mme X.,
Prononce, dès le 22 février 2011, la résiliation du contrat entre Mme X. et la société Cortix, cédé à la société Locam,
Déboute la société Locam de ses demandes,
Déboute Mme X. de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
Condamne la société Locam aux dépens de dépens de première instance et d'appel avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Locam à payer à Mme X. la somme de 2.500 euros
Le greffier, Le président,
- 6274 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Internet - Création de site Internet
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