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CA BORDEAUX (1re ch. civ. sect. B), 21 janvier 2016

Nature : Décision
Titre : CA BORDEAUX (1re ch. civ. sect. B), 21 janvier 2016
Pays : France
Juridiction : Bordeaux (CA), 1re ch. sect. A
Demande : 14/04952
Date : 21/01/2016
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 12/08/2014
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5494

CA BORDEAUX (1re ch. civ. sect. B), 21 janvier 2016 : RG n° 14/04952

Publication : Jurica

 

Extrait : « L'offre préalable de crédit litigieuse prévoit notamment, dans son paragraphe intitulé « VII-Conditions particulières de financement 7.4 », qu’» outre la défaillance résultant du non paiement à bonne date d’une échéance, le contrat pourra être résilié par le prêteur, qui pourra exiger le remboursement immédiat des sommes restant dues à la date de la résiliation, dans le cas où les renseignements fournis au prêteur s'avéreraient avoir été sciemment inexacts ». Il en ressort que la déchéance du terme peut résulter de toute inexécution de l'une des clauses du contrat, notamment le défaut de paiement d'une échéance, mais qu'elle peut aussi intervenir de plein droit dans d'autres cas, étrangers à la bonne exécution du contrat. En ce qu'elle permet au prêteur, à sa seule initiative, de résilier le contrat pour un motif qui ne met pas nécessairement en péril le remboursement des échéances qui lui sont dues, cette clause créé un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties et revêt de ce fait un caractère abusif.

Dès lors que son insertion dans le contrat de crédit a pour effet de contourner la législation protectrice du consommateur, cette clause est non seulement réputée non écrite, mais elle rend l'offre non conforme aux dispositions du code de la consommation, ce qui justifie qu'il soit fait application des dispositions de l'article L. 311-33, et que la déchéance du droit aux intérêts soit prononcée. Cette sanction, qui est attachée au fait, pour le prêteur, d'avoir inclus une telle clause dans le contrat et ainsi aggravé la situation de l'emprunteur par rapport aux prévisions du modèle-type, est applicable que le prêteur se soit ou non prévalu de la clause illicite. »

 

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE - SECTION B

ARRÊT DU 21 JANVIER 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/04952 (Rédacteur : Madame Elisabeth FABRY, Conseiller). Nature de la décision : AU FOND. Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 juin 2014 (R.G. n° 14/000270) par le Tribunal d'Instance d'ANGOULÊME suivant déclaration d'appel du 12 août 2014.

 

APPELANTE :

LA SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE - venant aux drois de la SA LASER, venant elle-même aux droits de la SA LASER COFINOGA

(immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro XXX), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis [adresse], et en son Centre de Gestion Clientèle [adresse], Représentée par Maître Alexandra BAUDOUIN, membre de la SCP Georges TONNET - Alexandra BAUDOUIN - Houssam OTHMAN-FARAH - Alexandra BECHAUD, Avocats Associés au barreau de BORDEAUX,

 

INTIMÉS :

1°/ Monsieur X.

né le [date] à [ville], de nationalité française, demeurant [adresse], Régulièrement assigné, non représenté,

2°/ Madame Y. épouse X.

née le [date] à [ville], de nationalité française, demeurant [adresse], Régulièrement assignée, non représentée,

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 novembre 2015 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Elisabeth FABRY, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Michel BARRAILLA, Président, Madame Catherine COUDY, Conseiller, Madame Elisabeth FABRY, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Marceline LOISON

ARRÊT : - de défaut - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon offre préalable acceptée le 13 décembre 2008, la SA Laser Cofinoga a consenti aux époux X. une ouverture de crédit autorisant un découvert maximum d'un montant de 5.000,00 euros.

Les paiements s'étant interrompus, la banque a prononcé la déchéance du terme le 23 novembre 2013.

Par exploit d'huissier en date du 8 avril 2014, la SA Laser Cofinoga a fait assigner les époux X. à comparaître devant le tribunal d'instance d'Angoulême afin d'obtenir leur condamnation solidaire au paiement de la somme de 4.011,16 euros, majorée des intérêts de retard au taux de 14,12 % à compter du 24 novembre 2013 sur la somme de 3.506,03 euros jusqu'à parfait règlement, outre celle de 610,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens. Elle sollicitait en outre la capitalisation annuelle des intérêts et l'exécution provisoire.

Les époux X., en la personne de M. X., ont sollicité des délais de paiement et la réduction de la clause pénale.

Par jugement contradictoire en date du 25 juin 2014, le tribunal d'instance d'Angoulême a :

- prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la banque,

- rejeté toutes les demandes de la société Laser Cofinoga,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- laissé à chaque partie la charge des dépens.

Le tribunal a prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société Laser Cofinoga au motif d'une part, de l'insertion de clauses de résiliation extérieures à la défaillance de l'emprunteur et d'autre part, de l'irrégularité de l'offre au regard de l'article L. 311-10 du code de la consommation, cette dernière n'ayant pas été produite en original. Il a en conséquence rejeté la demande en paiement, en constatant que le total des remboursements (soit 4.095,38 euros) était supérieur au total des financements (1.855,64 euros).

 

La société Laser Cofinoga a relevé appel du jugement par déclaration en date du 12 août 2014.

Dans ses dernières conclusions, remises et notifiées le 8 octobre 2014, elle demande à la cour de :

- réformer en son intégralité le jugement du tribunal d'instance d'Angoulême,

- en conséquence,

- condamner solidairement les époux X. à lui payer la somme de 4.011,16 euros, avec intérêts de retard au taux de 14,12 % sur celle de 3.506,03 euros à compter du 24 novembre 2013 jusqu'au jour du parfait règlement,

- condamner solidairement les époux X. à lui payer la somme de 2.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de son conseil selon les dispositions des articles 696 et suivants du code de procédure civile.

Elle allègue que la déchéance du droit aux intérêts ne peut venir sanctionner le caractère abusif d'une clause sans méconnaître l'article L. 132-1 du code de la consommation ; qu'en tout état de cause, même à supposer que la clause soit qualifiée d'abusive, et par voie de conséquence qu'elle soit réputée non écrite, ceci est parfaitement indifférent dans la mesure où elle n'a pas opposé cette clause aux débiteurs.

Par acte déclaratif notifié le 14 octobre 2015, la SA BNP Paribas Personal Finance a indiqué venir aux droits de la SA Laser, venant elle-même aux droits de la société Laser Cofinoga, suite à la fusion-absorption intervenue le 1er septembre 2015.

 

Les époux X. n'ont pas constitué avocat.

 

L'ordonnance de clôture a été rendue le 04 novembre 2015.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Il résulte des pièces versées aux débats par la SA BNP Paribas Personal Finance qu'une fusion-absorption est intervenue le 1er septembre 2015 entre la société Laser (société absorbante) et la société Laser Cofinoga (société absorbée) puis entre la SA BNP Paribas Personal Finance (société absorbante) et la société Laser (société absorbée). Il y a en lieu en conséquence de déclarer la SA BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Laser elle-même venant aux droits de la société Laser Cofinoga, recevable en son intervention.

Pour contester le jugement, l'appelante fait valoir que :

- l'offre préalable de crédit, dont elle verse un exemplaire en cause d'appel, est parfaitement régulière ; la clause de résiliation figurant au contrat, invoquée par le tribunal pour considérer qu'elle n'était pas conforme au modèle-type applicable à ce type de crédit, saurait d'autant moins être qualifiée d'abusive que la résiliation en a été prononcée pour un autre motif, du fait des impayés des époux X. ;

- en tout état de cause, en sanctionnant le défaut de conformité de l'offre par la déchéance du droit aux intérêts au visa de l'article L. 311-33 du code de la consommation, le tribunal a fait une application erronée des textes ; la sanction d'une clause abusive est d'être réputée non écrite et ne consiste en aucun cas en la déchéance du droit aux intérêts ; en dénonçant le caractère potentiellement abusif des clauses relatives à la résiliation du contrat, le tribunal a commis une grossière confusion entre deux types de protection du consommateur :

- celle à laquelle il peut prétendre par application de l'article L. 132-1 du code de la consommation,

- celle à laquelle il peut prétendre en vertu des dispositions formalistes encadrant la distribution du crédit à la consommation (articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation).

 

L'offre litigieuse ayant été acceptée en 2008, elle est soumise aux dispositions du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi du 28 janvier 2005, les dispositions nées de la loi du 1er juillet 2010, et notamment l'article L. 311-48, n'étant applicables qu'aux contrats dont l'offre a été émise après la date de son entrée en vigueur le 1er mai 2011.

Aux termes des dispositions de l'article L. 311-33 du code de la consommation applicable à l'espèce, le prêteur qui accorde un crédit sans saisir l'emprunteur d'une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 est déchu du droit aux intérêts.

L'article L. 311-13 précise que « l'offre préalable est établie en application des conditions prévues aux articles précédents selon l'un des modèles types fixés par le comité de réglementation bancaire après consultation du Conseil national de la consommation ». (cf. article R. 311-6)

Pour être régulière, l'offre préalable doit seulement comporter les indications figurant au modèle type, sans qu'il y ait lieu à reproduction formelle du modèle. Cependant, elle ne satisfait pas aux dispositions de l'article L. 311-13 lorsqu'elle contient des clauses qui, ajoutées aux mentions imposées par le modèle type, aggravent la situation de l'emprunteur.

L'offre préalable de crédit litigieuse prévoit notamment, dans son paragraphe intitulé « VII-Conditions particulières de financement 7.4 », qu’« outre la défaillance résultant du non paiement à bonne date d’une échéance, le contrat pourra être résilié par le prêteur, qui pourra exiger le remboursement immédiat des sommes restant dues à la date de la résiliation, dans le cas où les renseignements fournis au prêteur s'avéreraient avoir été sciemment inexacts ».

Il en ressort que la déchéance du terme peut résulter de toute inexécution de l'une des clauses du contrat, notamment le défaut de paiement d'une échéance, mais qu'elle peut aussi intervenir de plein droit dans d'autres cas, étrangers à la bonne exécution du contrat. En ce qu'elle permet au prêteur, à sa seule initiative, de résilier le contrat pour un motif qui ne met pas nécessairement en péril le remboursement des échéances qui lui sont dues, cette clause créé un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties et revêt de ce fait un caractère abusif.

Dès lors que son insertion dans le contrat de crédit a pour effet de contourner la législation protectrice du consommateur, cette clause est non seulement réputée non écrite, mais elle rend l'offre non conforme aux dispositions du code de la consommation, ce qui justifie qu'il soit fait application des dispositions de l'article L. 311-33, et que la déchéance du droit aux intérêts soit prononcée.

Cette sanction, qui est attachée au fait, pour le prêteur, d'avoir inclus une telle clause dans le contrat et ainsi aggravé la situation de l'emprunteur par rapport aux prévisions du modèle-type, est applicable que le prêteur se soit ou non prévalu de la clause illicite.

Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a :

- prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société Laser Cofinoga ;

- rejeté sa demande en paiement, le total des remboursements effectués (4.095,38 euros) étant supérieur au total des financements (1.855,64 euros).

La SA BNP Paribas Personal Finance, qui succombe en ses prétentions en appel, sera déboutée de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée aux dépens de la procédure d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Déclare la SA BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Laser elle-même venant aux droits de la société Laser Cofinoga, recevable en son intervention

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal d'instance d'Angoulême en date du 25 juin 2014

Y ajoutant,

Déboute la SA BNP Paribas Personal Finance de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la SA BNP Paribas Personal Finance aux dépens de la procédure d'appel.

Ainsi jugé et mis à disposition au greffe les jour, mois et an susdits et signé par Michel Barrailla, Président et par Marceline Loison, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER                    LE PRÉSIDENT