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CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 16 mars 2016

Nature : Décision
Titre : CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 16 mars 2016
Pays : France
Juridiction : Colmar (CA), 1re ch. civ. sect. A
Demande : 15/00655
Date : 16/03/2016
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5530

CA COLMAR (1re ch. civ. sec. A), 16 mars 2016 : RG n° 15/00655

Publication : Jurica

 

Extrait : « Quant aux conditions générales de vente invoquées par CSE, elles mentionnent que les prix proposés sont susceptibles de changements à la hausse en cas de retard dans la remise des éléments de travaux et ordres de commandes, ou de modifications techniques ou changement de toute nature et particulièrement en cas de compression des délais de livraison, suite aux retards non imputables à CSE. Par ailleurs, l'article relatif aux conditions de livraison et de paiement prévoit la possibilité d'augmenter le montant facturé de 10 % en cas de non paiement d'une facture à son échéance. Ces conditions de paiement, auxquelles le devis renvoie à l'emplacement la signature de l'association, peuvent être considérées comme opposables à celle-ci, mais leur contenu est singulièrement imprécis et indéterminé, et peut constituer un ensemble de clauses abusives qui ne permettent pas en l'absence de conditions de révision de déterminer les conditions de paiement et d'évolution des prix, de sorte que leur appréciation échappe à la compétence du juge des référés. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE COLMAR

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRÊT DU 16 MARS 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A 15/00655. Décision déférée à la Cour : 5 janvier 2015 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE COLMAR.

 

APPELANTE :

SARL CSE MANAGEMENT

Prise en la personne de son représentant légal, Représentée par Maître Christophe ROUSSEL, avocat à la Cour

 

INTIMÉE :

Association SUR LES TRACES DES HABSBOURG

prise en la personne de son représentant légal, Représentée par Maître Thierry CAHN de la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI, avocat à la Cour

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 786 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 février 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. VALLENS, Conseiller faisant fonction de Président, entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. VALLENS, Conseiller faisant fonction de Président, Mme DORSCH, Conseillère, Mme ALZEARI, Conseillère, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme ARMSPACH-SENGLE

ARRÊT : - Contradictoire - rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile. - signé par M. Jean-Luc VALLENS, conseiller faisant fonction de président et Mme Christiane MUNCH-SCHEBACHER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La société CSE Management (CSE) a effectué pour l'association Sur les traces des Habsbourg (l'association) des prestations portant sur la communication et la promotion touristique et culturelle d'un itinéraire européen relatif à l'histoire dénommé « Sur les traces des Habsbourg ». Une offre a été établie le 3 mai 2013 et acceptée par l'association pour un montant de 89.908 euros TTC, qui a été réglé. Des prestations complémentaires ont été également facturées et réglées pour 12.000 euros. CSE a établi une troisième facture de 41.189 euros, devant être portée à 79.865 euros passé un délai fixé au 31 décembre 2013.

Invoquant des difficultés et des retards qu'elle a imputés à l'association, CSE a fait citer l'association devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Strasbourg par un acte d'huissier du 20 août 2014 pour lui réclamer le paiement d'une provision de 93.265 euros ramenée à titre subsidiaire à 54.865 euros et demandant, plus subsidiairement, le renvoi à une audience ultérieure pour qu'il soit statué sur le fond.

Par une ordonnance du 5 janvier 2015, le juge des référés a rejeté la demande de CSE tendant au paiement de ces montants et rejeté une demande reconventionnelle de l'association demandant le rétablissement sous peine d'astreinte du site Internet que CSE avait mis au point pour son compte.

CSE a interjeté appel de l'ordonnance.

Elle demande à la Cour de :

- condamner l'association sous astreinte de 250 euros par jour de retard à lui payer la somme de 93.265 euros,

- subsidiairement, condamner l'association à lui payer une provision de 54.865 euros correspondant à la première facture,

- condamner l'association à lui payer une indemnité de procédure de 5.000 euros.

Elle expose : le calendrier des prestations a été décalé plusieurs fois par le représentant de l'association M. X. de mai 2013 à septembre 2013 ; un rapport de gestion a été établi le 13 décembre 2013 précisant les conséquences sur le budget complémentaire ; elle a accepté de remplacer sa facture unique par plusieurs factures distinctes ; l'association a proposé un règlement de 25.000 euros au lieu de la somme facturée de 41.189 euros ; les retards de paiement ont porté le montant dû à 79.865 euros, sur lequel CSE a imputé le paiement de 25.000 euros ; elle a facturé par ailleurs des prestations postérieures pour 38.400 euros, portant le total du à 93.265 euros ; le paiement de sa créance est urgent ; CSE bénéficie d'un plan de redressement, affirmation rectifiée ultérieurement, l'appelante précisant qu'il s'agit seulement de mesures de redressement ; le non-paiement de ces factures a occasionné un préjudice à CSE et à son dirigeant M. Y. ; CSE a été poursuivie par ses propres fournisseurs qui ont travaillé pour son compte en sous-traitance ; les travaux supplémentaires demandés par l'association doivent être payés ; M. Y. est lui-même dans une situation difficile car il ne bénéficie plus du RSA ; les parties étaient en relation d'affaires depuis 20 ans ; les conditions de générales de vente sont donc opposables à l'association ; le rapport établi le 9 août 2013 vaut avenant ; le silence opposé par l'association vaut acceptation en matière commerciale ; l'association n'a jamais contesté les rapports établis par CSE relatant l'écart entre les travaux initialement convenus et les travaux supplémentaires ; l'association a différé les règlements de mauvaise foi sans contester les montants facturés.

L'association demande à la Cour de rejeter l'appel et les demandes de CSE, de dire et juger que sa demande de rétablissement du site était justifiée et de condamner CSE à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure et appel abusifs et de 2.500 euros à titre d'indemnité de procédure.

Elle fait valoir : elle a été créée en 2013 en reprenant le nom et l'activité d'une association de fait antérieurement créée en 2001 ; elle a confié à CSE la mise au point de nouveaux supports et de moyens de communication, selon un devis du 3 mai 2013 pour 89.908 euros ; ce montant a été augmenté en cours d'exécution, plaçant l'association devant le fait accompli ; M. X. a dû lui-même réglé un supplément de 10.000 euros sur ses deniers ; CSE n'a pas réglé ses propres fournisseurs malgré les montants qu'elle a encaissés ; la créance de CSE est contestée ; CSE a bloqué le site Internet de l'association caractérisant un trouble manifestement illicite que le premier juge n'a pas retenu ; les conditions générales de vente de CSE n'ont jamais été acceptées ; elles prévoient une augmentation éventuelle des factures dans la limite de 10 % ; elles constituent des clauses abusives et sont pour le reste contestées ; l'imputation des retards de paiement à l'association est contestée ; il n'existe pas d'accord sur les montants qui ont été réclamés en sus ; l'association avait seulement accepté le devis initial du 3 mai 2013 et le principe de montants pour des travaux supplémentaires sans que des précisions sont apportées sur les montants dus ; en ce qui concerne le site, l'association a dû mettre en place un nouveau site ; les dommages et intérêts sont justifiés.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Sur ce, la Cour :

La demande de paiement formée par CSE devant la juridiction des référés porte sur un montant de 93.265 euros réclamé avec astreinte ou subsidiairement sur un montant de 54.865 euros représentant le montant de la première facture, et se trouve complétée par une demande également subsidiaire sollicitant le renvoi devant le juge du fond.

La Cour ne peut assortir d'une astreinte la condamnation à un paiement qui ne constitue pas une obligation de faire. Elle ne peut pas non plus renvoyer devant le juge du fond par application de l'article 811 du code de procédure civile. Seules sont en cause la demande de paiement formée à titre principal et celle formée à titre subsidiaire, la compétence du juge des référés étant déterminée par les articles 808 et 809 du code de procédure civile.

Un seul document contractuel est produit aux débats, le devis de du 3 mai 2013 qui a été signé par l'association le 14 août 2013 pour un montant de 89.908 euros TTC. Ce devis représente diverses prestations de conseil, d'étude et de réalisation de supports de communication pour l'activité de l'association, destinée à promouvoir une route culturelle européenne sur le thème : « 800 ans d'art et d'histoire européens sur les traces des Habsbourg ».

D'autres documents ont été également produits par l'appelante :

- un document intitulé « offre complémentaire » pour 12.000 euros, portant sur des « prestations d'accompagnement convenues et planifiées ensemble » avec la mention : « offre convenue ensemble le 13 août 2013 » ;

- un compte rendu n° 1 du 31 mai 2013, relatant les documents produits, les travaux en cours et les délais de réalisation et de validation ainsi qu'un planning prévisionnel de livraison ;

- un deuxième compte rendu du 9 août 2013 contenant un rapport d'étape et un planning recadré des livraisons ;

- un troisième compte rendu intitulé « compte rendu final » du 13 décembre 2013, contenant un nouvel échéancier détaillant les charges et les ressources déjà consommées ;

- les conditions générales de vente de CSE qui étaient annexées au devis initial.

Aucun avenant n'a été établi concrétisant les prestations réalisées, les prestations supplémentaires et les incidences en termes de délais et de coût.

Une facture a été ensuite établie par CSE. Cette facture, datée du 3 mars 2014, porte sur un montant de 79.865 euros, dont elle a déduit un acompte de 25.000 euros, faisant apparaître un solde de 54.865 euros, et constitue, selon ses propres conclusions, « la première facture ».

Une seconde facture de 38.400 euros a été établie par CSE le 19 avril 2014 « à titre conservatoire » et qui serait « exigée complémentairement en cas de non règlement du solde final dans les conditions de notre LRAR de mise en demeure du 19 avril 2014 », soit de la même date. Cette deuxième facture correspond selon l'appelante à « l'ensemble de (ses) prestations et frais sur la période courant après le 8 novembre et jusqu'à ce jour », soit pour 40 jours/ homme, facturés sur une période de 120 jours sur la base d'un montant de 960 euros hors-taxes mais ne comporte aucun détail des prestations facturées.

Quant aux conditions générales de vente invoquées par CSE, elles mentionnent que les prix proposés sont susceptibles de changements à la hausse en cas de retard dans la remise des éléments de travaux et ordres de commandes, ou de modifications techniques ou changement de toute nature et particulièrement en cas de compression des délais de livraison, suite aux retards non imputables à CSE. Par ailleurs, l'article relatif aux conditions de livraison et de paiement prévoit la possibilité d'augmenter le montant facturé de 10 % en cas de non paiement d'une facture à son échéance.

Ces conditions de paiement, auxquelles le devis renvoie à l'emplacement la signature de l'association, peuvent être considérées comme opposables à celle-ci, mais leur contenu est singulièrement imprécis et indéterminé, et peut constituer un ensemble de clauses abusives qui ne permettent pas en l'absence de conditions de révision de déterminer les conditions de paiement et d'évolution des prix, de sorte que leur appréciation échappe à la compétence du juge des référés.

Aucun détail n'est donné quant aux prestations facturées 54.865 euros ni à l'augmentation, qui a été appliquée à hauteur de 38.400 euros, et qui pouvait être exigée si la première facture n'était pas payée, ce qui apparaît comme l'application d'une clause pénale sans être qualifiée de telle, de sorte que le juge des référés excéderait les limites de ses pouvoirs en se prononçant au vu des contestations soulevées.

Quant au silence que l'association aurait gardé à la réception des factures (ce qui n'est pas démontré), un tel silence ne peut être invoqué à son encontre, dans la mesure où l'association n'a pas agi dans le cadre d'une activité commerciale.

Les procédés curieux de facturation mis en œuvre par CSE en dehors de prévisions contractuelles loyales présentent un caractère sérieusement contestable, au regard de la bonne foi qui doit présider à la conclusion et à l'exécution d'une convention.

Quant aux plannings recadrés contenus dans les comptes rendus et rapports d'étape, ils ne sont accompagnés d'aucune précision sur le détail des travaux supplémentaires ni sur l'incidence financière de chacun.

CSE n'a produit en outre aux débats aucun décompte précis de l'ensemble de ses prestations, des paiements effectués par l'association et par son président, ni des prestations supplémentaires commandées ni des montants correspondant à ses propres travaux et à ceux de ses sous-traitants.

Enfin M. Y. n'hésite pas à se prévaloir du fait qu'il percevait le RSA malgré l'activité professionnelle, pour faire valoir la perte de ce droit et invoquer l'importance du préjudice qu'il aurait subi, alors que la demande a été formée au titre de sa société.

Si CSE peut légitimement prétendre être payée des travaux réalisés, il n'appartient pas au juge des référés de se prononcer sur le bien-fondé de ses factures, au vu des contestations sérieuses soulevées.

En ce qui concerne le site internet de l'association, celle-ci précise qu'elle a créé depuis un nouveau site, après le blocage du précédent qu'elle impute à CSE. Les conditions dans lesquelles ce blocage a été entrepris sont liées au contentieux né entre les parties a conduit le premier juge à écarter le grief d'un trouble illicite. Si cette analyse peut être contestée, la demande de l'association est néanmoins aujourd'hui sans objet de l'aveu même de l'intimée, de sorte que ses prétentions à ce titre sont dénuées de fondement.

Si la demande initiale pouvait être admissible et ne présentait pas un caractère abusif manifeste, il n'en va pas de même de l'appel, dans la mesure où le premier juge a analysé de manière détaillée les prétentions de CSE et établi le caractère sérieusement contestable de celles-ci. L'appel est ainsi manifestement abusif, dès lors que CSE aurait dû saisir le juge du fond. Le recours a occasionné à l'association un préjudice caractérisé qui appelle une indemnisation.

Le recours a également occasionné à l'intimée des frais irrépétibles qui justifient une indemnité.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Confirme l'ordonnance déférée,

Condamne la société CSE Management à payer à l'association « Sur les traces des Habsbourg » la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société CSE Management aux entiers frais et dépens.

Le Greffier :                          le Président :