CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 18 mars 2016

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 18 mars 2016
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), 6e ch.
Demande : 14/06012
Date : 18/03/2016
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 17/03/2014
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 5549

CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 18 mars 2016 : RG n° 14/06012

Publication : Jurica

 

Extrait : « Considérant que le CRÉDIT DU NORD n'établit pas que l'offre du 17 janvier 2011, qui contient une clause permettant au prêteur d'exiger un remboursement anticipé du prêt, hors l'hypothèse de la défaillance de l'emprunteur, satisfait aux dispositions de l'article L. 311-13 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la date du 17 janvier 2011 ;

Considérant par ailleurs que cette clause, qui fait état de renseignements inexacts nécessaires à la prise de décision du prêteur, présente un caractère très général et relève du seul pouvoir d'appréciation du prêteur sur le caractère nécessaire ou non de ces renseignements, de sorte que la banque dispose en l'espèce d'un pouvoir discrétionnaire, de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ; Considérant en conséquence que cette clause 9-1 des conditions générales de l'offre de prêt relative à l'exigibilité anticipée pour fourniture de renseignements inexacts, présente en l'espèce un caractère abusif et qu'elle doit dès lors être déclarée nulle ; Considérant dans ces conditions que le CRÉDIT DU NORD ne pouvait se prévaloir de l'exigibilité anticipée du prêt, pour le motif mentionné dans sa lettre du 22 mai 2012 et qu'il ne pouvait réclamer le paiement du capital restant dû à cette date ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 6

ARRÊT DU 18 MARS 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/06012 (5 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 février 2014 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY : R.G. n° 12/09394.

 

APPELANTE :

SA CRÉDIT DU NORD

RCS LILLE XXX, Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Ali EL ASSAAD, avocat au barreau de PARIS, toque : D0289, Ayant pour avocat plaidant Maître Maryvonne EL ASSAAD, avocat au barreau de PARIS, toque : D0289

 

INTIMÉ :

Monsieur X.

Né le [date] à [ville], Représenté et ayant pour avocat plaidant Maître Thibaud COTTA, avocat au barreau de PARIS, toque : G0622

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 janvier 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente, et Madame Muriel GONAND, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente de chambre, Madame Caroline FÈVRE, Conseillère, Madame Muriel GONAND, Conseillère

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Josélita COQUIN

ARRÊT : - Contradictoire, - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, président et par Madame Josélita COQUIN, greffier présent lors du prononcé.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Aux termes d'un acte sous seing privé du 17 janvier 2011, le CRÉDIT DU NORD a consenti à Monsieur X. un prêt immobilier LIBERTIMMO de 225.000 euros sur 276 mois, moyennant un taux d'intérêt de 3,80 % l'an, aux fins de financer l'acquisition d'une maison individuelle à usage d'habitation principale de l'emprunteur, sis [adresse].

Estimant que l'emprunteur lui avait fourni des renseignements inexacts sur sa situation, le CRÉDIT DU NORD a, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 22 mai 2012, prononcé la déchéance du terme du prêt et mis Monsieur X. en demeure de payer l'intégralité du solde.

Pas acte d'huissier de justice du 19 juin 2012, le CRÉDIT DU NORD a assigné Monsieur X. devant le tribunal de grande instance de Bobigny.

Par jugement rendu le 25 février 2014, le tribunal de grande instance de Bobigny a débouté le CRÉDIT DU NORD de ses demandes à l'encontre de Monsieur X., dit n'y avoir lieu à exécution provisoire, laissé au CRÉDIT DU NORD la charge de ses dépens.

La déclaration d'appel de la SA CRÉDIT DU NORD a été déposée au greffe de la cour le 17 mars 2014.

Par arrêt rendu le 28 mai 2015, la cour d'appel a révoqué l'ordonnance de clôture et renvoyé l'affaire à la mise en état, invité les parties à conclure sur le caractère éventuellement abusif de la clause de l'offre préalable permettant au prêteur d'exiger un remboursement anticipé, hors l'hypothèse de la défaillance de l'emprunteur, réservé les dépens.

Selon ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, signifiées le 24 novembre 2015, le CRÉDIT DU NORD demande à la cour :

- de le déclarer recevable et bien fondé en son appel,

- de constater que le prêt consenti à Monsieur X. a été rendu exigible en conséquence des renseignements inexacts fournis par celui-ci sur sa situation, constituant une défaillance au sens de l'article 9 du contrat de prêt,

- de dire que cette clause ne constitue pas une clause abusive,

- de condamner en conséquence Monsieur X. à lui payer la somme principale de 232.357,24 euros majorée des intérêts au taux de 3,80 % postérieurs au 22 mai 2012, date de la déchéance du terme avec mise en demeure et jusqu'à parfait paiement,

- d'ordonner la capitalisation annuelle des intérêts,

- d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

- de condamner Monsieur X. à lui payer la somme de 5.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, signifiées le 3 novembre 2015, Monsieur X. demande à la cour de :

- déclarer nul l'article 9-1 des conditions générales du prêt revêtant le caractère d'une clause abusive,

- débouter le CRÉDIT DU NORD de ses demandes,

- condamner le CRÉDIT DU NORD à lui verser la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 décembre 2015.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Considérant que le CRÉDIT DU NORD soutient qu'il rapporte la preuve en appel que l'intimé lui a fourni des renseignements inexacts sur sa situation et notamment que les relevés de compte de la banque postale remis par Monsieur X. au moment de la souscription du prêt sont des faux ; qu'il estime qu'il était légitime à prononcer la déchéance anticipée du prêt, en application de l'article 9-1 des conditions générales du prêt, en raison de la fourniture de renseignements inexacts ; qu'il affirme qu'en application de la recommandation n° 04-03 de la Commission des clauses abusives, seule une clause prévoyant l'exigibilité anticipée en cas de fausses déclarations portant sur des information non substantielles pourrait être qualifiée d'abusive et que la clause prévoyant le cas de fausses informations essentielles pour la conclusion du prêt est valable ;

Considérant qu'en réponse, Monsieur X. s'oppose à la déchéance du terme, au motif que la banque ne rapporte pas la preuve qu'il s'est rendu coupable de faux ; qu'il rappelle qu'aucun incident de paiement n'est survenu depuis l'octroi du prêt et que ses ressources lui permettent de rembourser le prêt ; qu'il indique que selon la recommandation n° 04-03 de la Commission des clauses abusives, la clause litigieuse est de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, qu'elle revêt un caractère abusif et doit être déclarée nulle ;

 

Considérant que par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 22 mai 2012, le CRÉDIT DU NORD a prononcé la déchéance du terme du prêt, conformément aux dispositions de l'article 9.1 des conditions générales du contrat de prêt ;

Considérant qu'aux termes de l'article 9.1 des conditions générales de l'offre de prêt signée le 17 janvier 2011, « le prêt, en principal, intérêts, frais et accessoires, deviendra immédiatement et de plein droit exigible par anticipation sans que le prêteur ait à remplir une formalité judiciaire quelconque, sauf accord écrit de sa part, dans l'un des cas suivants :

- fourniture de renseignements inexacts sur la situation de l'emprunteur dès lors que ces renseignements étaient nécessaires à la prise de décision du prêteur » ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 311-13 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la date du 17 janvier 2011, « l'offre préalable est établie en application des conditions prévues aux articles précédents selon l'un des modèles types fixés par le comité de réglementation bancaire, après consultation du Conseil national de la consommation » ;

Considérant que le CRÉDIT DU NORD n'établit pas que l'offre du 17 janvier 2011, qui contient une clause permettant au prêteur d'exiger un remboursement anticipé du prêt, hors l'hypothèse de la défaillance de l'emprunteur, satisfait aux dispositions de l'article L. 311-13 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la date du 17 janvier 2011 ;

Considérant par ailleurs que cette clause, qui fait état de renseignements inexacts nécessaires à la prise de décision du prêteur, présente un caractère très général et relève du seul pouvoir d'appréciation du prêteur sur le caractère nécessaire ou non de ces renseignements, de sorte que la banque dispose en l'espèce d'un pouvoir discrétionnaire, de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ;

Considérant en conséquence que cette clause 9-1 des conditions générales de l'offre de prêt relative à l'exigibilité anticipée pour fourniture de renseignements inexacts, présente en l'espèce un caractère abusif et qu'elle doit dès lors être déclarée nulle ;

Considérant dans ces conditions que le CRÉDIT DU NORD ne pouvait se prévaloir de l'exigibilité anticipée du prêt, pour le motif mentionné dans sa lettre du 22 mai 2012 et qu'il ne pouvait réclamer le paiement du capital restant dû à cette date ;

Considérant qu'il n'est pas contesté par le CRÉDIT DU NORD que Monsieur X. était à jour du paiement des mensualités du prêt ;

Considérant que le CRÉDIT DU NORD doit donc être débouté de sa demande en paiement et que le jugement sera confirmé de ce chef par substitution de motifs ;

Considérant que le jugement doit également être confirmé en ce qu'il a condamné le CRÉDIT DU NORD aux dépens ;

Considérant que le CRÉDIT DU NORD, qui succombe, supportera ses frais irrépétibles et les dépens d'appel ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge du Monsieur X. les frais non compris dans les dépens, exposés en appel et qu'il convient de condamner le CRÉDIT DU NORD à lui payer la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Confirme, par substitution de motifs, le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Condamne le CRÉDIT DU NORD à payer à Monsieur X. la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Déboute les parties de toutes autres demandes.

Condamne le CRÉDIT DU NORD aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER                    LE PRÉSIDENT