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CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 7 avril 2016

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 7 avril 2016
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 4 ch. 9
Demande : 13/20861
Date : 7/04/2016
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 29/10/2013
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2016-007480
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5575

CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 7 avril 2016 : RG n° 13/20861 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Or en l'espèce, le bilan médical du 12 juin 2009 indique qu'à la date de l'examen Madame X. exerçait encore, elle avait une activité professionnelle déclarée au 20 octobre 2009 ainsi qu'il résulte de sa fiche SIRENE., elle a souscrit à la création d'un Site internet pour vanter son activité professionnelle et a apposé sur le contrat la mention manuscrite « lu et approuvé » et sa signature suivie de son Cachet professionnel ainsi que de son numéro de RCS.

Madame X. a donc bien contracté dans le cadre de son activité professionnelle, fût-elle de nature artistique, et par suite, elle ne peut se prévaloir des dispositions protectrices du code de la consommation.

Madame X. sera donc déboutée de sa demande de nullité du contrat en application des dispositions des articles L. 121-21 et L. 121-23 du code de la consommation. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 4 CHAMBRE 9

ARRÊT DU 7 AVRIL 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 13/20861 (6 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 9 octobre 2012 - Tribunal d'Instance de PARIS 20e arrdt - R.G. n° 11-11-000940.

 

APPELANTE :

Madame X.

née le [date] à [ville], Représentée et assistée de Maître Dominique DE G., avocat au barreau de PARIS, toque : D0712 (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2013/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

 

INTIMÉE :

Société LOCAM LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS SAS

représentée par son représentant légal domicilié es qualité audit siège, N° SIRET : XX, Représentée et assistée de Maître Guillaume M. de la SELARL « ABM DROIT ET CONSEIL » AVOCATS E.B. & M., avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC430

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 2 mars 2016, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Jean-Pierre GIMONET, Président de chambre, Madame Patricia GRASSO, Conseillère, Madame Françoise JEANJAQUET, Conseillère, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Fabienne LEFRANC

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Monsieur Jean-Pierre GIMONET, président et par Monsieur Thibaut SUHR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par acte sous seing privé en date du 20 octobre 2009, Madame X. a souscrit auprès de la société CORTIX un contrat de licence d'exploitation de site internet pour une durée irrévocable de 60 mois moyennant un prélèvement mensuel de 185,38 euros.

Par suite de la défaillance de la débitrice, la société LOCAM - LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS venant aux droits de la société CORTIX a, par acte du 21 novembre 2011, fait assigner Madame X. pour obtenir la restitution du site internet et de sa documentation sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ainsi que sa condamnation à lui payer la somme de 8.452,40 euros avec intérêts au taux pratiqué par la banque centrale européenne majoré de 10 points et capitalisation des intérêts.

Elle a sollicité également 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et le bénéfice de l'exécution provisoire.

Par jugement du 9 octobre 2012, le tribunal d'instance du 20ème arrondissement de Paris a jugé que la cession de créance était opposable à Madame X. et que la société LOCAM était donc recevable à agir.

Elle a estimé n'y avoir lieu à annuler le contrat de licence d'exploitation du 20 octobre 2009 et a débouté Madame X. de ses demandes, faute de preuve de son incapacité alléguée.

Madame X. a été condamnée à payer à la société LOCAM la somme de 7.674,64 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2011, et capitalisation des intérêts.

L'indemnité de résiliation a été réduite à néant.

Le Tribunal a ordonné la restitution par Madame X., du site internet et de sa documentation, à la société Locam, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, un mois après la signification du jugement.

Les frais irrépétibles de la société Locam ont été laissés à sa charge.

L'exécution provisoire a été ordonnée et Madame X. a été condamnée aux dépens.

Par déclaration du 29 octobre 2013, Madame X. a relevé appel du jugement.

Aux termes de ses conclusions du 10 septembre 2014, elle demande à la cour, infirmant le jugement, de débouter la Société LOCAM de toutes ses demandes.

Elle sollicite l'annulation du contrat de licence d'exploitation du site internet du 20 octobre 2009 et en conséquence la condamnation de la Société LOCAM au remboursement de toutes les échéances qu'elle a déjà payées.

Subsidiairement, elle demande à la Cour de prononcer dans les conditions de l'article 1184 du Code Civil, la résolution du contrat de licence d'exploitation du contrat de licence d'exploitation de site internet dont elle avait demandé la résolution par sa lettre recommandée du 19 octobre 2010 et dont l'Administrateur Judiciaire de la Société CORTIX au surplus n'a pas demandé la continuation.

Plus subsidiairement, elle demande à la Cour de juger que la « désactivation de ce site » n'est pas de son fait, mais qu'elle résulte de l'inexécution de la prestation par la Société CORTIX et qu'en toute hypothèse la demande de la Société LOCAM en restitution du site est faite dans l'intention de lui nuire.

Elle sollicite la condamnation de la Société LOCAM au paiement de la somme de 1.200 euros en vertu des dispositions de l'article 37.2 de la loi du 10 juillet 1991, et aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle fait valoir que les engagements signés le 20 octobre 2009 sont nuls en raison de son incapacité pour troubles mentaux, physiques et intellectuels, à comprendre et à vouloir s'engager dans les liens du contrat de licence d'exploitation d'un site internet dont elle est par ailleurs incapable de comprendre et maîtriser les spécificités technologiques pour son exploitation ou d'y trouver un intérêt.

Elle affirme que l'agent commercial a abusé de ses faiblesses pour lui faire signer cet acte, et a usé de dol et réticences dolosives qui l'ont induite en erreur et l'ont déterminée à contracter.

Elle allègue également une pratique commerciale trompeuse au regard des dispositions de l'art. L. 121-1 du Code de la Consommation et le manquement aux obligations d'information et de renseignement

La société LOCAM a conclu le 10 juillet 2014 à la confirmation du jugement rendu en toutes ses dispositions.

Elle sollicite la condamnation de Madame X. au paiement de la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens tant de première instance que d'appel dont distraction au profit de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

Elle fait valoir qu'au moment de la conclusion du contrat, Mme X. présentait des troubles qui n'étaient cependant pas de nature à entraver sa volonté.

Elle soutient que la preuve n'est pas rapportée d'une manœuvre particulière de la part de la société CORTIX dans la conclusion du contrat, non plus que d'une quelconque dissimulation ou réticence dolosive de l'agent commercial.

Sur les dispositions du code de la consommation, elle précise que Mme X. n'explique pas en quoi la société CORTIX aurait fourni des informations fausses concernant les caractéristiques essentielles du service.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, LA COUR :

Il résulte des mentions portées sur le contrat de licence d'exploitation de site Internet que ce contrat est tripartite, étant conclu entre la société CORTIX fournisseur, la SAS LOCAM, bailleur potentiel, et Madame X., client.

La qualité à agir de la Société LOCAM par suite de la cession de créance intervenue entre elle et la Société CORTIX et dont Madame X. a été informée selon les modalités prévues à l'article 1 du contrat, n'est plus contestée.

Madame X. invoque les dispositions de l'article 414-1 du Code civil selon lesquelles :

« Pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte. » pour voir prononcer la nullité du contrat.

Il lui appartient de justifier de l'existence du trouble mental allégué.

Il n'est pas contesté qu'elle a été victime d'une agression et il résulte des pièces qu'elle produit et notamment du bilan neuropsychologique réalisé le 13 juin 2009, soit quatre mois avant la signature du contrat, par une psychologue clinicienne, et du rapport d'expertise judiciaire du 16 novembre 2009, qu'elle présentait alors

1. « … un déficit mnésique, concernant la mémoire de travail »,

2. « … des troubles de l'attention et de la concentration »,

3. « … un léger déficit d'accès au stock lexical »,

4. « … une fatigabilité visible dans les épreuves nécessitant une attention soutenue »,

5. « ... des troubles cognitifs ... source de difficultés dans sa vie quotidienne, notamment au niveau professionnel

6. « ... des troubles de la volition ayant des répercussions sur ses capacités de travail ».

Cependant, ainsi que l'a souligné le premier juge, si le rapport dit également que sur le plan comportemental, Madame X. a subi des modifications en termes de caractère, avec une irritabilité plus marquée, lui posant des problèmes relationnels avec son entourage, qu'elle présente une apathie et un défaut d'initiative et de projets qui lui causent de l'anxiété, il souligne également que bien qu'en retraite anticipée, Mme X. est toujours en activité.

Le Dr D. relevait dans son bilan du 12/06/2009 que : « le bilan n'a pas mis en évidence en évidence de troubles au niveau des fonctions exécutives - Les capacités d'inhibition, de planification et de flexibilité mentale ne semblent pas altérées. »

Il apparaît ainsi que l'appelante, qui n'a jamais fait l'objet d'une mesure de protection, bien que rencontrant des difficultés dans sa vie quotidienne par suite des séquelles de l'agression induisant des troubles du comportement, a continué exercer sa profession et à gérer seule l'ensemble de ses affaires et de ses intérêts, exprimant d'ailleurs sa volonté le 19 octobre 2010, soit un an après la conclusion du contrat, en demandant à la société CORTIX la résiliation du contrat, de sorte que la preuve n'est pas rapportée d'une incapacité à contracter due à une altération des facultés mentales et qu'il n'y a pas lieu de dire le contrat nul de ce chef.

Madame X. invoque également les dispositions de l'article 1109 du même code qui dispose : « Il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol ».

Elle soutient à cet égard qu'en raison des troubles mentaux existants chez elle au moment des actes, elle n'a pu valablement et consciemment contracter alors que le commercial a abusé de ses faiblesses pour lui faire signer en même temps, le bon de commande, le contrat de licence d'exploitation de site internet, la fiche de renseignements-autorisation de prélèvements et a surpris le 20 octobre 2009 son peu de conscience par dol ou manœuvres dolosives, faute par lui et de surcroît de l'informer et de la renseigner précisément sur la consistance de la prestation proposée et son intérêt.

Toutefois, elle ne rapporte la preuve d'aucune manœuvre particulière de la part de la société CORTIX ni d'une quelconque dissimulation ou réticence dolosive de la part de l'agent commercial.

Il n'y a donc pas lieu de prononcer la nullité du contrat de ce chef.

S'il est exact que Madame X. a signé le même jour à son domicile le « bon de commande », « le contrat de licence d'exploitation de site internet », la « fiche de renseignements portant paiement par prélèvements des mensualités prévues au contrat » et le « bon de livraison », il résulte des dispositions de l'article L. 121-22 du code de la consommation que ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-28 du dit code les ventes, locations ou locations-ventes de biens ou les prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession.

Or en l'espèce, le bilan médical du 12 juin 2009 indique qu'à la date de l'examen Madame X. exerçait encore, elle avait une activité professionnelle déclarée au 20 octobre 2009 ainsi qu'il résulte de sa fiche SIRENE., elle a souscrit à la création d'un Site internet pour vanter son activité professionnelle et a apposé sur le contrat la mention manuscrite « lu et approuvé » et sa signature suivie de son Cachet professionnel ainsi que de son numéro de RCS.

Madame X. a donc bien contracté dans le cadre de son activité professionnelle, fût-elle de nature artistique, et par suite, elle ne peut se prévaloir des dispositions protectrices du code de la consommation.

Madame X. sera donc déboutée de sa demande de nullité du contrat en application des dispositions des articles L. 121-21 et L. 121-23 du code de la consommation.

Madame X. demande subsidiairement la résolution du contrat, estimant que la mise en ligne est nécessairement postérieure à la signature du contrat, que la création d'un site internet comprenant notamment l'arborescence du site, les liens hypertextes, la fourniture des textes, les graphismes et les sons ainsi que le prévoit l'article 2 du contrat, est un produit complexe dont la délivrance n'est pleinement réalisée qu'une fois réalisée la mise au point effective de la chose, de sorte que la Société LOCAM ne peut se prévaloir du procès-verbal du 20 octobre 2009 pour preuve de la délivrance.

L'objet du contrat de location passé avec la Société LOCAM est le financement de l'opération et non la délivrance du site Internet.

Madame X. a signé le 20 octobre 2009 un procès-verbal de réception indiquant que la prestation portait sur « espace hébergement + site internet » et portant sur le seul espace d'hébergement www.design-X.-paris.com.

D'une part l'article 2.2 du contrat prévoit que « l'obligation de délivrance du site internet est exécutée par le fournisseur sous le contrôle du client. En cas de défaillance du fournisseur, dans la délivrance du site internet, le client dégage le cessionnaire de toute responsabilité.

Le site web sera considéré comme accepté par le client si celui-ci n'émet aucune opposition à la conformité du site deux jours ouvrés après la réception de la lettre ou de la télécopie lui confirmant la mise en ligne du site. »

D'autre part l'article 2-2 du contrat de licence d'exploitation stipule également que la signature du procès-verbal de réception de l'espace d'hébergement est le fait déclencheur de l'exigibilité des échéances et cette clause, comme l'article 11-1, exclut par ailleurs que Madame X. puisse invoquer à l'égard de la société LOCAM de quelconques griefs inhérents à l'activité de la société CORTIX ou lui imputer une quelconque obligation de délivrance, les mécanismes contractuels l'excluant, dès lors que l'obligation de paiement existe au moment où le prestataire exécute sa propre prestation ou une partie et qu'un procès-verbal de réception le constate.

En l'espèce, aucune contestation sur la prestation n'a été émise avant la lettre de résiliation 19 octobre 2010 dans laquelle Madame X. n'a émis aucune plainte sur la qualité du Site ou sur une exécution défaillante des prestations mais a simplement motivé sa demande par le fait qu'elle n'en avait en réalité pas le besoin.

La SA Locam est donc fondée à demander à Madame X., qui s'est engagée de manière irrévocable à supporter le financement du site internet dont elle a bénéficié, les sommes restant dues en application du contrat et le jugement sera en conséquence confirmé.

Au vu des circonstances de l'espèce, il apparaît équitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 9 octobre 2012 par le tribunal d'instance du 20ème arrondissement de Paris ;

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Madame X. aux dépens de l'appel.

LE GREFFIER        LE PRÉSIDENT