CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 8 avril 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 5577
CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 8 avril 2016 : RG n° 14/21887
Publication : Jurica
Extrait : « Considérant qu'estimant avoir été victime d'un mode agressif de vente dit « vente one shot » consistant à faire signer au client le contrat et le procès-verbal de réception en un seul rendez-vous, la société X. invoque la protection du droit de la consommation, des lors que l'offre qui lui a été faite « sortait du cadre spécifique de son activité », en soutenant que les articles L. 121-20 et L. 121-22 du code de la consommation ont été violés ;
Mais considérant qu'il n'est pas contesté que les prestations ont été commandées pour le site web de la société X., lequel est un moyen d'exploitation de son activité commerciale, de sorte que la création du site a un rapport direct avec l'activité professionnelle de X. et que le code de la consommation n'est pas applicable au litige objet de la présente instance, ce qui rend, en outre, inopérante la sommation, signifiée par RPVA le 25 mars 2015 et réitérée page 7 de ses écritures du 17 juin 2015, d'avoir à produire le cahier des charges au sens de l'article L 111-1 du code de la consommation ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 11
ARRÊT DU 8 AVRIL 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 14/21887 (5 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 septembre 2014 -Tribunal de Commerce de PARIS - R.G. n° 2013020158.
APPELANTE :
SA LINKEO.COM
ayant son siège social [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Dominique C., avocat au barreau de PARIS, toque : A0736
INTIMÉE :
SARL X.
ayant son siège social [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Mahieddine B., avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 212
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 mars 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Patrick BIROLLEAU, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président de la chambre, Madame Michèle LIS SCHAAL, Président de chambre, Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère, qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Mme Patricia DARDAS
ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Monsieur Patrick BIROLLEAU, président et par Monsieur Vincent BRÉANT, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le 15 octobre 2009, la Sarl X., qui commercialise des portes et des fenêtres, a souscrit un contrat auprès de la SA LINKEO.COM (société LINKEO), d'une durée de 48 mois, pour la réalisation de prestations relatives à son site internet, moyennant des échéances mensuelles d'un montant de 321,72 euros TTC [soit 269 euros HT]. Aucune des échéances n'a été payées, en dépit d'une mise en demeure par lettre recommandée AR du 21 décembre 2012.
Le 12 mars 2013, la société LINKEO a attrait la société X. devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de l'entendre condamner à lui payer la somme de 15.442,76 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2012, outre la somme de 1.800 euros au titre des frais irrépétibles.
S'y opposant, la société X. a d'abord soulevé l'irrecevabilité des demandes en raison d'un défaut d'intérêt à agir, le contrat ayant été cédé à la société PARFIP, et a sollicité des dommages et intérêts, puis a soutenu subsidiairement que la société LINKEO n'a pas fourni les prestations convenues en estimant que le procès-verbal de réception signé en même temps que le contrat, « est sans objet », les mises à jour du site internet ne pouvant pas se faire le même jour que la signature du contrat.
Par jugement contradictoire du 29 septembre 2014, le tribunal retenant essentiellement que le contrat a été cédé avant sa première échéance, conformément à l'article 1er de ses conditions générales, a déclaré la société LlNKEO irrecevable comme n'ayant pas intérêt à agir et l'a condamnée à verser la somme de 1.800 euros à la société X.
Vu l'appel interjeté le 31 octobre 2014, par la société LINKEO et ses dernières écritures télé-transmises le 21 mai 2015, réclamant la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles, poursuivant l'infirmation du jugement, sauf en ce qu'il a débouté la société X. de sa demande de dommages et intérêts, et renouvelant ses demandes principales initialement formulées en première instance ;
Vu les dernières écritures télé-transmises le 17 juin 2015, par la société X. intimée, réclamant la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles, poursuivant :
- à. titre principal, la confirmation du jugement en priant la cour d'ordonner à la société LINKEO de restituer le nom de domaine loué en 2005 ou, subsidiairement, de lui ordonner le retrait du site hébergé à l'adresse « fenetresetportescom »,
- subsidiairement priant la cour de déclarer nul et sans effet le contrat du 15 octobre 2009 et corrélativement, d'annuler le procès-verbal de réception du même jour, en ordonnant à la société LINKEO la restitution du nom de domaine loué en 2005 ou, plus subsidiairement, de lui ordonner le retrait du site hébergé à l'adresse « fenetresetportescom » ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE,
Considérant que la société X. conteste la réalité de la nouvelle cession du contrat par la société PARFIP à la société LINKEO, en faisant valoir qu'une facture n'est pas un contrat, que la quittance subrogative a été établie, selon elle, « pour les besoins de la cause » et qu'en tout état de cause, elle « n'est pas non plus un contrat » ;
Mais considérant que, si le contrat LINKEO/X. a initialement été cédé à la société PARFIP, en ayant fait l'objet d'une facture de cession émise le 30 octobre 2009 par la société LINKEO à PARFIP, il résulte de la lettre du 12 avril 2012 de la société LINKEO a la société X. [pièce n° 7 de l'intimée et n° 11 de l'appelante] que cette dernière a été avisée que le contrat a été repris par le contractant originel ;
Que la nouvelle cession du contrat a fait l'objet d'une facture émise le 7 mai 2010 par la société PARFIP a la société LINKEO [piéce n° 13 de l'appelante] et a, en outre, fait l'objet d'une quittance subrogative émise le 2 novembre 2012 [pièce n° 14 de l'appelante], précisant que cette nouvelle cession par la société PARFIP à la société LINKEO résulte essentiellement de la défaillance de paiement de la société X. et que la société PARFIP a cédé à la société LINKEO tous ses droits et actions, privilèges et garanties nés de la créance à l'encontre de la société X. en renonçant, au bénéfice de la société LINKEO, à tous ses droits et actions contre la société X. ;
Qu'il résulte des pièces ci-dessus analysées que la société LINKEO a intérêt à agir et que le jugement doit être infirmé ;
Considérant qu'estimant avoir été victime d'un mode agressif de vente dit « vente one shot » consistant à faire signer au client le contrat et le procès-verbal de réception en un seul rendez-vous, la société X. invoque la protection du droit de la consommation, des lors que l'offre qui lui a été faite « sortait du cadre spécifique de son activité », en soutenant que les articles L. 121-20 et L. 121-22 du code de la consommation ont été violés ;
Mais considérant qu'il n'est pas contesté que les prestations ont été commandées pour le site web de la société X., lequel est un moyen d'exploitation de son activité commerciale, de sorte que la création du site a un rapport direct avec l'activité professionnelle de X. et que le code de la consommation n'est pas applicable au litige objet de la présente instance, ce qui rend, en outre, inopérante la sommation, signifiée par RPVA le 25 mars 2015 et réitérée page 7 de ses écritures du 17 juin 2015, d'avoir à produire le cahier des charges au sens de l'article L. 111-1 du code de la consommation ;
Considérant que, subsidiairement, la société X., affirmant que les prestations proposées verbalement n'ont jamais été effectuées, le site mis en ligne depuis 2005 « n'ayant subi aucun changement depuis le contrat de 2007 », sollicite l'annulation du contrat du 15 octobre 2009 et l'annulation corrélative du procès-verbal de réception du même jour ou, à tout le moins, la résiliation du contrat ;
Mais considérant, outre que l'invocation de l'article L. 111-1 du code de la consommation est inopérante, qu'en se bornant à rappeler [conclusions page 5] que le consentement donné par l'artisan ou le commerçant doit être exempt de vice, la société X. ne précise pas pour autant la nature du vice qui aurait affecté son consentement, ni ne rapporte la démonstration, qui lui incombe, de 1'existence d'un vice ayant altéré celui-ci au moment de la souscription du contrat litigieux ;
Qu'en tant que professionnelle exploitant une activité commerciale de vente de portes et fenêtres, elle n'explique pas en quoi la technique de vente d'un autre professionnel serait de nature à l'impressionner au point de vicier son consentement ;
Qu'elle ne soutient pas que la signature par ses soins, du procès-verbal de réception le même jour que la signature du contrat, résulterait d'une erreur de sa part, ni ne démontre davantage qu'elle serait intervenue à la suite de manœuvres du cocontractant ou de violences ;
Qu'en tout état de cause, il résulte de la pièce n° 7 a, produite par 1'appelante que, par courriel du 11 janvier 2010, la société LINKEO informait la société X. de ce que les modifications demandées sur le site internet ont été effectuées en communiquant les codes identifiant et le mot de passe permettant à cette dernière d'introduire elle-même les modifications complémentaires qu'elle souhaiterait éventuellement, en précisant les adresses web permettant de consulter les statistiques du site ;
Que la société X. indique elle-même que son site internet avait été antérieurement créé à l'occasion d'un précédent contrat, de sorte qu'il s'en déduit que l'objet du contrat du 15 octobre 2009 était nécessairement limité à sa mise à jour et a sa maintenance annuelle, les écarts de valeur des prestations correspondantes, invoqués par l'intimée, étant inopérants sur le prix souscrit dans le contrat litigieux des lors que la société X. ne démontre pas que son consentement aurait été vicié ;
Qu'elle invoque aussi des services proposés verbalement, mais sans en rapporter la preuve qui lui incombe, en présence des contestations élevées par le cocontractant ;
Qu'elle prétend aussi avoir résilié le contrat par son courriel adressé le 13 novembre 2009 à la société PARFIP, alors détentrice du contrat ;
Mais considérant que cette résiliation est inopérante dès lors qu'aucune clause du contrat n'autorise la société X. à pouvoir résilier unilatéralement le contrat et qu'elle ne justifie pas a postériori l'urgence qu'il y aurait eu à résilier le contrat dès avant la saisine du juge ;
Qu'en outre, l'information que lui a transmise la société PARFIP par lettre du 1er mai 2010 de ce que le dossier a été définitivement clôturé pour ce qui la concerne, n'a pas d'incidence sur une prétendue résiliation, puisqu'à cette époque la société PARFIP retransmettait le contrat à la société LINKEO, de sorte que la clôture invoquée du dossier ne concernait que la société PARFIP dans ses livres, sans atteindre les droits par ailleurs re-cédés ;
Considérant, en conséquence, que la demande de paiement de la société LINKEO est fondée, l'exactitude de la matérialité du calcul n'ayant pas été contestée, et qu'en absence des règlements qui lui incombe, la société X. n'est pas fondée dans ses demandes de restitution du nom de domaine ou de retrait du site hébergé à l'adresse « fenetresetportescom » ;
Que succombant, la société X. ne peut pas non plus prospérer dans sa demande au titre des frais irrépétibles mais qu'il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge définitive de la société LINKEO, ceux qu'elle a dû exposés depuis le début de l'instance ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,
Condamne la Sarl X. à payer à la S.A. LINKEOCOM la somme de 15.442,76 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2012,
Condamne la Sarl X. aux dépens de première instance et d'appel et à verser à la S.A. L1NKEO.COM la somme de 2.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens,
Admet Maître Dominique C., avocat postulant, au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président
Vincent BRÉANT Patrick BIROLLEAU
- 5888 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères – Démarchage - Identité temporaire de critère avec les clauses abusives (rapport direct)
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