CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 15 avril 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 5585
CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 15 avril 2016 : RG n° 13/19134
Publication : Jurica
Extrait : « Considérant que RENDAV prétend que cette clause créée un déséquilibre significatif au sens l'article L. [442-6-I-2°] du code de commerce et doit en conséquence être annulée en application de cet article qui prévoit qu’« engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : « de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » ; que la clause résolutoire de l'article 10.2 n'est pas de nature à créer un déséquilibre significatif en défaveur du locataire dès lors qu'elle vise d'une part à contraindre ce dernier à l'exécution du contrat, d'autre part à réparer forfaitairement le préjudice effectivement subi par le bailleur en cas de résiliation de la convention ;
Considérant que cette clause est constitutive d'une pénalité au sens de l'article 1152 du code civil et est donc susceptible de réduction dans les conditions prévues par cet article ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que Siemens a fait l'acquisition des matériels en cause auprès de la société GROUPE S-VISION pour un montant de 6.974,40 euros TTC (pièce n° 2 communiquée par Siemens) ; que la somme de 5.248,00 euros réclamée au titre des 41 loyers à échoir du 1er novembre 2010 au 31 mars 2014 ne présente, dans ces circonstances, aucun caractère manifestement excessif au sens de l'article 1152 du code civil ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 11
ARRÊT DU 15 AVRIL 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 13/19134 (6 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 9 septembre 2013 -Tribunal de Commerce de paris - R.G. n° 2013000530.
APPELANTE :
SARL RENDAV
ayant son siège social [adresse], N° SIRET : XXX, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Juliette P., avocat au barreau de PARIS, toque : D1094
INTIMÉES :
SAS SIEMENS LEASE SERVICES
ayant son siège social [adresse], N° SIRET : YYY, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Frédéric I. de la SELARL I. & T. - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055, Représentée par Maître Ferhat A. de la SCP D.-A. AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0288
SCP BTSG, représenté par Maître G., ès qualités de mandataire liquidateur judiciaire de la SAS Groupe S - VISION
ayant son siège social [adresse], Non représenté
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 février 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Paul André RICHARD, Conseiller hors classe, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président de la chambre, Madame Michèle LIS SCHAAL, Présidente de chambre, Monsieur Paul André RICHARD, Conseiller hors classe, qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Mme Patricia DARDAS
ARRÊT : - par réputé contradictoire, - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Monsieur Patrick BIROLLEAU, président, et par Monsieur Vincent BRÉANT, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
La société RENDAV est appelante du jugement prononcé le 9 septembre 2013 par le tribunal de commerce de Paris qui l'a condamnée à payer à la société SIEMENS les sommes de 2.754,39 euros au titre des échéances mensuelles de loyers arriérés pour la location de matériel de vidéo surveillance et de 5.562,88 euros au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation du contrat de location, et à restituer le matériel de vidéo surveillance.
Vu les dernières conclusions de la société RENDAV signifiées le 13 décembre 2013 par lesquelles elle demande à la Cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société SIEMENS LEASE SERVICES de sa demande au titre des indemnités mensuelles de jouissance ;
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la SAS GROUPE S-VISION à garantir de toutes les condamnations mises à sa charge, y compris la restitution du matériel loué, la société RENDAV exerçant sous la dénomination JEAN LOUIS DAVID, et fixe le montant des condamnations ci-dessus prononcées au passif de la liquidation judiciaire de la SAS GROUPE S-VISION ;
- infirmer le jugement pour le surplus ;
Et statuant de nouveau,
- débouter la société SIEMENS LEASE SERVICES de ses demandes ;
A titre subsidiaire,
- ramener les demandes de la société SIEMENS LEASE SERVICES à de plus justes proportions ;
- dire que la société GROUPE S-VISION prise en la personne de Maître G. ès qualités de mandataire liquidateur sera tenue solidairement de relever et garantir la société RENDAV de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées contre elle à la requête de la société SIEMENS LEASE SERVICE ;
- fixer le montant des condamnations prononcées au passif de la liquidation judiciaire de la société GROUPE S-VISION ;
A titre infiniment subsidiaire,
- fixer au passif de la société GROUPE S-VISION la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts au profit de la société RENDAV ;
En tout état de cause,
- fixer au passif de la société GROUPE S-VISION la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société RENDAV ainsi que les entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 16 juin 2015 de la société SIEMENS LEASE SERVICES par lesquelles elle demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris et condamner RENDAV au paiement de la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu la lettre à la Cour en date du 14 octobre 2013 de Maître G. ès qualités de mandataire liquidateur judiciaire de la société GROUPE S - VISION, par laquelle il indique qu'il n'interviendra pas dans la procédure ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Considérant que la société RENDAV a acquis, de la société FID'L, un fonds de commerce de salon de coiffure, sis [...], le 4 janvier 2010 ; que ledit salon était équipé d'un ensemble de vidéo surveillance installé par la société S-VISION et loué depuis mars 2009 à la société SIEMENS dans le cadre d'une location financière ;
Considérant que, la société RENDAV, qui avait repris le contrat de location de l'installation de vidéo surveillance, a signalé, le 1er avril 2010, à la société SIEMENS que la vidéo surveillance n'avait jamais fonctionné depuis qu'elle avait acquis le fonds de commerce ; que, le 27 avril 2010, la société SIEMENS a indiqué à la société RENDAV qu'elle devait continuer à payer les loyers dans la mesure où SIEMENS avait financé le matériel mis en place et avait respecté ses propres obligations ;
Considérant que, le 26 août 2010, le conseil de la société RANDAV a rappelé à la société S-VISION ses courriers précédents demeurés sans réponse et les nombreux appels téléphoniques par lesquels RANDAV sollicitait l'envoi d'un technicien pour remédier aux dysfonctionnements de l'installation ; que cette lettre est restée sans réponse comme les précédentes ;
Considérant que Maître L., huissier de justice, a constaté, par procès-verbal dressé le 3 novembre 2010, qu' « en l'état, et sous réserve que des images soient effectivement captées et enregistrées par ces caméras sur cet équipement, il n'existe aucun mode effectif de contrôle et de visionnage de celles-ci dans ce fonds de commerce » ;
Considérant que, si la société S-VISION a indiqué, par courrier du 3 novembre 2010, que son service technique s'était présenté chez RENDAV, mais que « le client avait refusé l'intervention, que les installations étaient en parfait état de marche et que la société RENDAV n'avait aucune raison de bloquer les prélèvements », cette lettre ne présente aucun caractère probant quant au fonctionnement de l'installation, dès lors que :
- la société S-VISION ne répond au conseil de la société RENDAV qu'à la suite de l'intervention de l'huissier de justice, soit plus de trois mois après le courrier de Maître P. du 26 août 2010 ;
- les circonstances dans lesquelles RENDAV aurait refusé de recevoir le technicien de S-VISION ne sont nullement précisées ;
- le refus prétendu de RENDAV de l'intervention est en totale contradiction avec les demandes récurrentes de cette dernière, et ce alors que Maître P. a, à nouveau, écrit, le 25 novembre 2010, à la société S-VISION pour déplorer qu'elle n’avait pas encore pris contact avec RENDAV et que l'installation ne fonctionnait toujours pas ;
- la société S-VISION soutient que l'installation fonctionne normalement sans même l'avoir contrôlée ;
Considérant que ces éléments établissent le défaut de fonctionnement persistant de l'installation de vidéo surveillance fournie par S-VISION, non au 1er avril 2010, comme le prétend RENDAV, mais au 3 novembre 2010, date de l'acte d'huissier ;
Considérant que RENDAV ne sollicite pas pour autant le prononcé de la résiliation du contrat de fourniture et de maintenance conclu avec S-VISION ;
Sur les loyers échus :
Considérant qu'aucun élément certain autre que l'acte d'huissier du 3 novembre 2010 n'établit l'absence de fonctionnement de l'installation avant le 3 novembre 2010 ; que l'appelante ne saurait se prévaloir de ce que le matériel était à la disposition du bailleur depuis le 1er avril 2010, aucun dysfonctionnement n'ayant été contradictoirement constaté à cette date ; qu'il est constant que RENDAV a conservé par devers elle le matériel ; qu'elle demeure donc redevable des loyers dus jusqu'au 1er octobre 2010, ainsi que le réclame le bailleur ; que la pénalité d'indemnité d'impayé de 100 euros par mois de loyer ne présente aucun caractère manifestement excessif ; que la décision déférée sera confirmé en ce qu'elle a condamné RENDAV à payer à SIEMENS la somme de 2.754,39 euros au titre des échéances mensuelles de loyers ;
Sur l'indemnité de résiliation :
Considérant que la société SIEMENS réclame la condamnation de la société RENDAV à lui verser une indemnité de résiliation d'un montant de 5.562,88 euros représentant 41 loyers restant à échoir, outre une pénalité de 6 %, en application de l'article 10.2 de ses conditions générales de vente qui dispose qu’« en cas de résiliation du contrat pour quelque cause que ce soit, le locataire restituera l'équipement et versera immédiatement au bailleur, sans mise en demeure préalable, outre les loyers échus impayés et tous leurs accessoires, une indemnité égale à la somme des loyers restant à courir jusqu'au terme du contrat et du montant de l'option d'achat figurant aux conditions particulières, taxes en sus. Il est expressément entendu que l'indemnité de résiliation et les dommages et intérêts complémentaires devront être payés par le locataire au bailleur à l'issue d'un délai de quinze jours suivant la date d'effet de la résiliation. Cette indemnité est diminuée dans la limite du montant encaissé des sommes HT correspondant au prix de vente net de tous frais du matériel ou à sa relocation, le locataire disposant de la faculté de soumettre à l'agrément du bailleur un acheteur ou un locataire solvable, dans la quinzaine de la résiliation. L'indemnité ci-dessus calculée portera intérêts au taux conventionnel de 1,50 % par mois à compter du jour de la résiliation sans qu'il soit besoin de mise en demeure, et il sera fait application de l'article 1154 du code civil. L'indemnité ci-dessus sera majorée de tous frais et honoraires qui devront être éventuellement exposés pour en assurer le recouvrement.
A titre de pénalité pour inexécution du contrat, le locataire paiera en sus au bailleur une somme égale à 6 % du montant hors taxe de l'indemnité de résiliation stipulée ci-dessus.
L'indemnité et la pénalité ci-dessus seront majorées, le cas échéant, de toutes taxes présentes ou à venir dont la réglementation fiscale française ou du pays du lieu du lieu d'utilisation de l'équipement exigerait le paiement. » ;
Considérant que RENDAV prétend que cette clause créée un déséquilibre significatif au sens l'article L. [442-6-I-2°] du code de commerce et doit en conséquence être annulée en application de cet article qui prévoit qu’« engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : « de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » ; que la clause résolutoire de l'article 10.2 n'est pas de nature à créer un déséquilibre significatif en défaveur du locataire dès lors qu'elle vise d'une part à contraindre ce dernier à l'exécution du contrat, d'autre part à réparer forfaitairement le préjudice effectivement subi par le bailleur en cas de résiliation de la convention ;
Considérant que cette clause est constitutive d'une pénalité au sens de l'article 1152 du code civil et est donc susceptible de réduction dans les conditions prévues par cet article ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que Siemens a fait l'acquisition des matériels en cause auprès de la société GROUPE S-VISION pour un montant de 6.974,40 euros TTC (pièce n° 2 communiquée par Siemens) ; que la somme de 5.248,00 euros réclamée au titre des 41 loyers à échoir du 1er novembre 2010 au 31 mars 2014 ne présente, dans ces circonstances, aucun caractère manifestement excessif au sens de l'article 1152 du code civil ;
Que toutefois la pénalité de 6 % appliquée sur une première pénalité - d'un montant de 314,88 euros - est manifestement excessive ; qu'elle sera ramenée à la somme d'un euro ;
Qu'en conséquence, la Cour réformera le jugement entrepris en ce sens et condamnera la société RENDAV au paiement de la somme totale de 5.249,00 euros ;
Sur la garantie de la société GROUPE S-VISION :
Considérant qu'il est établi que, du fait des manquements de la société GROUPE S-VISION à ses obligations contractuelles, la société RENDAV n'a pas été en mesure d'utiliser le système de vidéosurveillance ; que RENDAV est dès lors fondée à obtenir que S-VISION la garantisse de la condamnation prononcée à son encontre au titre, non des loyers échus jusqu'au 1er octobre 2010 - aucun manquement du fournisseur n'étant établi avant cette date - mais de l'indemnité contractuelle de résiliation ; qu'en conséquence, la Cour fixera, au passif de la liquidation judiciaire de la SAS GROUPE S-VISION, la créance de RENDAV à la somme de 5.249,00 euros à titre chirographaire ;
Considérant qu'il est établi que la société RENDAV a restitué le matériel litigieux ; que la demande de restitution est donc devenue sans objet ;
Considérant qu'il sera fait application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que précisé au dispositif ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant par arrêt contradictoire à signifier,
CONFIRME le jugement entrepris, sauf sur la restitution du matériel, sur l'indemnité contractuelle de résiliation et sur la demande de garantie de la SARL RENDAV,
STATUANT A NOUVEAU des chefs infirmés,
DIT sans objet la demande de restitution des matériels,
CONDAMNE la SARL RENDAV à payer à la SAS SIEMENS LEASE SERVICES la somme de 5.249,00 euros au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation, avec intérêts au taux conventionnel de 1,50 % par mois à compter de chaque échéance mensuelle impayée,
ORDONNE la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil,
FAIT DROIT à la demande de la SARL RENDAV tendant à ce que la SAS GROUPE S -VISION la garantisse de la condamnation prononcée à son encontre au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation,
FIXE, au passif de la liquidation judiciaire de la SAS GROUPE S-VISION, la créance de la SARL RENDAV à la somme de 5.249,00 euros à titre chirographaire,
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
CONDAMNE la SARL RENDAV aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président
Vincent BRÉANT Patrick BIROLLEAU
- 6169 - Code de commerce (L. 442-6-I-2° C. com. ancien) - Domaine de la protection - Victime : partenaire commercial
- 6212 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par contrat - Locations financières sans option d’achat
- 6233 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Clauses pénales