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CA BESANÇON (1re ch. civ.), 14 juin 2016

Nature : Décision
Titre : CA BESANÇON (1re ch. civ.), 14 juin 2016
Pays : France
Juridiction : Besancon (CA), 1re ch. civ.
Demande : 15/01899
Date : 14/06/2016
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 22/09/2015
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5653

CA BESANÇON (1re ch. civ.), 14 juin 2016 : RG n° 15/01899

Publication : Jurica

 

Extrait : « Le droit national établit ainsi une simple présomption de remise d'un bordereau de rétractation, qui peut être combattue par la preuve contraire, comme, par exemple, par la production par l'emprunteur de son exemplaire du contrat de crédit. Par ailleurs, la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008 (transposée en droit français par la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010) prévoit l'obligation, pour le prêteur, de dispenser à l'emprunteur une information précontractuelle (notamment sur l'existence ou l'absence d'un droit de rétractation : article 5 1. o)) et de vérifier la solvabilité du consommateur (article 8) ; elle reconnaît également à ce dernier un droit de rétractation (article 14). Mais comme le rappelle l'arrêt du 18 décembre 2014 (considérant 22), la directive ne comporte cependant aucune disposition relative aux modalités de preuve du respect de ces obligations. Il en résulte que la clause instituant une simple présomption de remise d'un bordereau de rétractation n'est pas de nature à compromettre l'effectivité des droits reconnus par la directive.

D'autre part, en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Dans son avis 13-01 du 6 juin 2013, la commission des clauses abusives a considéré que la clause selon laquelle l'emprunteur « reconnaît avoir reçu les explications nécessaires sur les caractéristiques du crédit qui correspondent à ses besoins et déclare accepter les termes du présent contrat de crédit » présente un caractère abusif au sens de l'article L. 132-1du code de la consommation en ce que, par sa rédaction abstraite et générale, elle ne permet pas d'apprécier le caractère personnalisé des explications fournies à l'emprunteur concernant les conséquences du crédit sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement.

Mais la clause de reconnaissance de la remise d'un bordereau de rétractation détachable n'est pas rédigée de façon abstraite et générale et permet d'apprécier, par la simple présomption qu'elle pose, l'application effective du droit à rétractation de l'emprunteur de sorte qu'elle n'est pas abusive. »

 

COUR D’APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 14 JUIN 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/01899. Défaut. Audience publique du 27 avril 2016. S/appel d'une décision du Tribunal d'Instance de BESANÇON, en date du 8 septembre 2015 : RG n° 11-15-495. Code affaire : 53B - Prêt - Demande en remboursement du prêt.

 

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT :

CRÉDIT LYONNAIS

dont le nom commercial est LCL agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés pour ce audit siège et agissant par son mandataire la SA CRÉDIT LOGEMENT en vertu du mandat délivré le 12.12.2012 ayant siège [adresse], Dont le siège est sis [adresse], Représentée par Maître Caroline L., avocat au barreau de BESANÇON

ET :

INTIMÉ :

Monsieur X.

Demeurant [adresse], n'ayant pas constitué avocat

 

COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats :

MAGISTRAT RAPPORTEUR : Madame H. BITTARD, Conseiller, conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, avec l'accord des Conseils des parties.

GREFFIER : Madame D. BOROWSKI, Greffier.

Lors du délibéré : Madame H. BITTARD, Conseiller, a rendu compte conformément à l'article 786 du Code de Procédure Civile aux autres magistrats : Monsieur E. MAZARIN, Président et Madame B. UGUEN LAITHIER, Conseiller

L'affaire, plaidée à l'audience du 27 avril 2016 a été mise en délibéré au 01 juin 2016 et prorogé au 14 juin 2016 pour un plus ample délibéré. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits, procédure et moyens des parties :

Selon offre acceptée le 13 avril 2011 M. X. a souscrit auprès de la SA Crédit Lyonnais un prêt personnel de 15.000 euros, remboursable en 60 mois au taux nominal annuel de 6,40 %.

Suite à sa défaillance il a été mis en demeure de régulariser sa situation le 10 septembre 2014 et la déchéance du terme a été prononcée le 17 octobre 2014.

Par jugement réputé contradictoire du 8 septembre 2015, le tribunal d'instance de Besançon a condamné M. X. à payer à la SA Crédit Lyonnais la somme de 7.055,82 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2014, débouté la société demanderesse du surplus de ses demandes, dit n'y avoir lieu à 1'application de l'article 700 du code de procédure civile, condamné M. X. aux dépens de l'instance et dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Le 22 septembre 2015, la SA Crédit Lyonnais a interjeté appel de ce jugement et, par conclusions du 4 novembre 2015, a demandé à la cour de condamner M. X. à lui régler les sommes de 9.912,99 euros outre intérêts au taux de 6,5 % l'an à compter du 21 septembre 2014, de 793,01 euros outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation, de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens comprenant les frais d'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire et définitive.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 février 2016.

M. X. n'a pas constitué avocat. L'acte d'appel et les conclusions de l'appelante transmises à la Cour par RPVA le 4 novembre 2015 lui ayant été signifiés le 24 octobre 2015 par dépôt des actes en l'étude de l'huissier de justice, le présent arrêt sera rendu par défaut, en application des dispositions de l'article 473 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Motifs de la cour :

1. Sur la déchéance du droit aux intérêts et les sommes dues :

Dans son arrêt du 18 décembre 2014, rendu dans l'affaire C-449/13, à propos de la preuve de la remise à une emprunteuse de la notice d'informations précontractuelles, la Cour de Justice de l'Union européenne retient :

- qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si la valeur probatoire de la clause-type (« je reconnais avoir reçu et pris connaissance de la fiche d'informations européennes normalisées ») compromet la possibilité, tant pour le consommateur que pour le juge, de mettre en cause la correcte exécution des obligations d'information et de vérification précontractuelles incombant au prêteur (considérant 31),

- que les dispositions de la directive 2008/48 s'opposent à ce que, en raison d'une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve desdites obligations de nature à compromettre l'effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 (considérant 32).

En droit national et en application des dispositions des articles L. 311-15 ancien du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à la loi à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 applicable en l'espèce, et de l'article R. 311-7 ancien du même code, pour permettre l'exercice par l'emprunteur de sa faculté de rétractation dans un délai de sept jours, un formulaire détachable est joint à l'offre préalable, qui doit être conforme à un modèle type et dont l'absence ou l'irrégularité est sanctionnée par la déchéance totale du droit aux intérêts (article L. 311-33 ancien du même code).

Mais aucune disposition légale n'impose que le bordereau de rétractation, dont l'usage est exclusivement réservé à l'emprunteur, figure aussi sur l'exemplaire de l'offre destinée à être conservée par le prêteur, la formalité du double s'appliquant uniquement à l'offre préalable elle-même et non au formulaire détachable de rétractation qui y est joint (Civ. 1re, 12 juillet 2012, pourvoi n° 11-17595).

La reconnaissance écrite, par l'emprunteur, dans le corps de l'offre préalable, de la remise d'un bordereau de rétractation détachable joint à cette offre, laisse présumer sa remise effective et, faute pour l'emprunteur de rapporter la preuve de l'absence de cette remise ou, à défaut, du caractère irrégulier de celui-ci, l'intéressé ne peut se prévaloir de la déchéance du droit aux intérêts du prêteur. (Civ 1re, 16 janvier 2013, pourvoi n° 12-14122).

Le droit national établit ainsi une simple présomption de remise d'un bordereau de rétractation, qui peut être combattue par la preuve contraire, comme, par exemple, par la production par l'emprunteur de son exemplaire du contrat de crédit.

Par ailleurs, la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008 (transposée en droit français par la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010) prévoit l'obligation, pour le prêteur, de dispenser à l'emprunteur une information précontractuelle (notamment sur l'existence ou l'absence d'un droit de rétractation : article 5 1. o)) et de vérifier la solvabilité du consommateur (article 8) ; elle reconnaît également à ce dernier un droit de rétractation (article 14).

Mais comme le rappelle l'arrêt du 18 décembre 2014 (considérant 22), la directive ne comporte cependant aucune disposition relative aux modalités de preuve du respect de ces obligations.

Il en résulte que la clause instituant une simple présomption de remise d'un bordereau de rétractation n'est pas de nature à compromettre l'effectivité des droits reconnus par la directive.

D'autre part, en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Dans son avis 13-01 du 6 juin 2013, la commission des clauses abusives a considéré que la clause selon laquelle l'emprunteur « reconnaît avoir reçu les explications nécessaires sur les caractéristiques du crédit qui correspondent à ses besoins et déclare accepter les termes du présent contrat de crédit » présente un caractère abusif au sens de l'article L. 132-1du code de la consommation en ce que, par sa rédaction abstraite et générale, elle ne permet pas d'apprécier le caractère personnalisé des explications fournies à l'emprunteur concernant les conséquences du crédit sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement.

Mais la clause de reconnaissance de la remise d'un bordereau de rétractation détachable n'est pas rédigée de façon abstraite et générale et permet d'apprécier, par la simple présomption qu'elle pose, l'application effective du droit à rétractation de l'emprunteur de sorte qu'elle n'est pas abusive.

En l'espèce, dans l'offre de crédit qu'il a signée le 13 avril 2011, M. X. a reconnu avoir reçu un formulaire détachable de rétractation. Faute pour lui d'administrer la preuve de l'absence de remise du bordereau, ou de son caractère irrégulier, aucune déchéance du droit aux intérêts n'est encourue par la SA Crédit Lyonnais et le jugement du 8 septembre 2015 sera infirmé sur ce point.

Au vu du contrat de crédit du 13 avril 2011, du tableau d'amortissement, de la lettre de mise en demeure du 10 septembre 2014, et du décompte arrêté au 21 septembre 2014 produits par la SA Crédit Lyonnais, il lui reste dû les sommes suivantes :

- capital restant dû : 9.912,99 euros avec intérêts au taux conventionnel de 6,4 % l'an à compter du 21 septembre 2014,

- indemnité contractuelle de 8 % du capital restant dû : 793,01 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 18 mai 2015 devant le tribunal d'instance de Besançon valant mise en demeure.

Infirmant de ce chef le jugement déféré, M. X. sera condamné à payer ces sommes à la SA Crédit Lyonnais.

Le même jugement sera en revanche confirmé en ses autres dispositions, non contestées.

 

2. Sur les frais irrépétibles et les dépens :

M. X. qui succombe supportera les dépens d'appel et indemnisera la SA Crédit Lyonnais des frais irrépétibles qu'elle a exposés à hauteur de la somme de 500 euros dans laquelle sont nécessairement compris les frais irrépétibles d'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire et définitive.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par défaut, après débats en audience publique et en avoir délibéré,

Confirme le jugement du 8 septembre 2015 du tribunal d'instance de Besançon sauf en ce qu'il a condamné M. X. à payer à la SA Crédit Lyonnais la somme de sept mille cinquante-cinq euros, quatre vingt deux centimes (7.055,82 euros), avec intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2014, au titre du contrat de prêt du 13 avril 2011.

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,

Condamne M. X. à payer à la SA Crédit Lyonnais les sommes de neuf mille neuf cent douze euros, quatre vingt dix neuf centimes (9.912,99 euros), avec les intérêts au taux conventionnel de 6,4 % l'an à compter du 21 septembre 2014 et de sept cent quatre vingt treize euros un centimes (793,01 euros) avec les intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2015.

Condamne M. X. à payer à la SA Crédit Lyonnais la somme de cinq cents euros (500 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. X. aux dépens d'appel.

Ledit arrêt a été signé par M. Edouard Mazarin, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Chantal Mouget, faisant fonction de greffier.

Le Greffier,               le Président de chambre