CA RIOM (1re ch. civ.), 21 juillet 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 5661
CA RIOM (1re ch. civ.), 21 juillet 2016 : RG n° 15/01559
Publication : Jurica
Extrait : « Qu'en effet le prix de vente moyennant 500 euros de ce chien bouledogue anglais âgé de 7 mois dont aucun défaut n'est allégué, très largement inférieur à sa valeur, (Mme A. justifiant d'un prix couramment pratiqué de 2.000 euros) explique l'acceptation par les époux X. de la souscription d'un contrat d'entretien, de sorte que les dispositions du jugement considérant comme abusives pour être dénuées de contrepartie les clauses portant sur l'engagement de le faire confirmer (pour figurer au livre des origines Françaises, LOF) et la participation de Mme A. au bénéfice tiré de ses « saillies extérieures », méritent infirmation à ce titre et M. X. seul signataire du contrat d'élevage sera tenu de réparer le préjudice subi par l'éleveur de la violation de ses obligations à son égard, qui sera évalué en raison de l'aléa portant sur la capacité de l'animal à obtenir une certification et à réaliser les saillies projetées, à la somme de 1.500 euros représentant la différence entre la valeur vénale du chien au moment de la conclusion du contrat et son prix, et à rejeter les autres demandes dont celle portant sur l'existence d'un préjudice moral non avéré.
Attendu de plus que l'article L. 132-1 du code de la consommation, applicable à ces deux conventions conclues entre un professionnel de l'élevage et de la vente de chiens et un consommateur, impose de considérer comme abusives les clauses créant au détriment du non professionnel un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties, à savoir celle retenue par le premier juge selon laquelle « le chien ne devra pas être cédé à titre gratuit ou onéreux, et si M. X. décidait de se séparer du chien, il devra être remis en main propre à Mlle A. qui le reprendra gracieusement », et celle prévoyant que « si le chien s'avère stérile ou non confirmable, il devra être castré aux frais du nouvel acquéreur, et celui-ci ne pourra se retourner contre l'élevage car le chien est placé comme animal de compagnie ». »
COUR D’APPEL DE RIOM
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 21 JUILLET 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° : 15/01559. Jugement Au fond, origine Tribunal d'Instance de MONTLUÇON, décision attaquée en date du 29 Avril 2015, enregistrée sous le n° 11-14-000142.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré : M. François BEYSSAC, Président, Mme Marie-Madeleine BOUSSAROQUE, Conseiller, M. Daniel ACQUARONE, Conseiller
En présence de : Mme Marlène BERTHET, Greffier lors de l'appel des causes et du prononcé
ENTRE :
APPELANTE :
Mme A.
représentée par Maître Maryline D., avocat au barreau de MONTLUÇON, Timbre fiscal acquitté
ET :
INTIMÉS :
M. X.
Mme X.
représentés par Maître Marie-Paule L., avocat au barreau de MONTLUÇON, Timbre fiscal acquitté
DÉBATS : L'affaire a été débattue à l'audience publique du 30 mai 2016, en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme BOUSSAROQUE et M. ACQUARONE, rapporteurs ;
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 21 juillet 2016 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. Signé par Mme Marie Madeleine BOUSSAROQUE, Conseiller, désigné en remplacement du président empêché, et par Mme Marlène BERTHET, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Suivant contrat sous seing privé du 21 décembre 2012 intitulé « convention de vente, de garantie et facture » Mme A., responsable de l'élevage des [...], a vendu aux époux X. un bouledogue anglais dénommé « H. », dit H., né le 14 mai 2012, pour une somme de 500 euros payable en cinq mensualités de 100 euros. Il était fait mention d'un avenant consistant en un contrat d'élevage, intitulé en fait « contrat d'élevage copropriété mâle » que M. X. et Mme A. ont effectivement signé le même jour, au terme duquel alors qu'il était confié aux époux X. qui en assumaient l'entretien, le chien appartenait désormais en copropriété à son nouveau maître et à Mme A. qui conservait notamment le droit de lui faire effectuer des saillies.
Confrontée au refus qui lui était opposé par les époux X. de procéder à la confirmation d’H. avec les conséquences affectant sa future descendance, Mme A. les a fait assigner devant le tribunal d'instance de Montluçon aux fins d'obtenir l'indemnisation de son préjudice résultant de l'impossibilité de lui faire procéder aux saillies envisagées et plus généralement de la violation du contrat d'élevage, dont les époux X. soulevaient en réponse la nullité.
Faute d'être parvenu à concilier les parties dont il avait ordonné la comparution personnelle, le tribunal de Montluçon a rendu le 29 avril 2011 un jugement qui, après avoir rejeté la réclamation portant sur l'annulation du contrat et rappelé les termes de l'article L. 132-1 du code de la consommation, a :
- retenu le caractère abusif des clauses suivantes insérées au « contrat d'élevage copropriété mâle » :
« le chien ne devra pas être cédé à titre gratuit ou onéreux, et si M. X. décidé de se séparer du chien, il devra être remis en main propre à Mlle A. qui le reprendra gracieusement. »
« Mlle A. prendra 300 euros sur chaque saillie extérieure proposée par le nouvel acquéreur qu'effectuera le chien H. »
« M. X. s'engage à : faire confirmer le chien dès qu'il aura l'âge de 15 mois et à régler tous les frais d'exposition et frais SCC pour obtenir le nouveau pedigree. »
- déclaré ces clauses réputées non écrites
- débouté Mme A. de l'ensemble de ses demandes
- débouté les époux X. de leurs réclamations présentées au titre de l'indemnisation d'un préjudice moral et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement
- condamné Mme A. aux dépens.
Le 5 juin 2015 celle-ci en a relevé un appel total.
Au terme de ses dernières écritures signifiées le 22 octobre 2015, Mme A. reproche au jugement d'avoir retenu comme abusives des clauses couramment employées et conformes à la volonté et l'intérêt des deux parties, qui permettaient de compenser la vente d'un chien de race à un prix largement inférieur à celui du marché par son maintien à la disposition de l'éleveur - vendeur auquel il était susceptible de procurer les revenus résultant de saillies qu'il pratiquerait lorsqu’il aurait obtenu sa confirmation une fois atteint l'âge de 15 mois.
[minute page 3] Elle reproche aux époux X. d'avoir violé leur engagement en refusant de procéder à la confirmation du chien, et réclame leur condamnation solidaire à l'indemniser de son préjudice qu'elle établit de la façon suivante :
-1.500 euros en réparation de la perte de revenus liés à la vente du chien ;
- 500 euros au titre d'un préjudice financier résultant de la saillie par un bouledogue anglais des autres chiennes de son élevage, affirmant à cet égard qu'elle n'avait pas conservé de mâle reproducteur comptant sur les services de H. ;
- 2.100 euros au titre de la perte des trois saillies qui devaient être réalisées par ce chien ;
- 1.500 euros en réparation de son préjudice moral.
Elle conclut enfin à la condamnation solidaire des époux X. à lui régler une somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Dans leurs écritures récapitulatives signifiées le 17 septembre 2015 les époux X. demandent à la cour de :
- rejeter purement et simplement les demandes de Mme A. et la débouter intégralement
- déclarer nul le contrat dit « contrat d'élevage copropriété mâle »
- condamner Mme A. à leur payer une somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi qu'une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Ils estiment à cet effet que le contrat ne peut qu'être nul dans la mesure où il ne concerne plus un chiot mais un chien et comporte des clauses ainsi qu'une économie générale léonines les obligeant notamment sans aucun bénéfice ni réciprocité à restituer gratuitement le chien, qu'ils posséderaient en copropriété sans qu'aucune proportion en soit définie et qui ne peut être considéré comme une chose productive de revenus.
Ils affirment par ailleurs avoir versé pour son achat une somme totale de 1.000 euros dont 500 euros en espèces et qualifient d'abusives les clauses mettant uniquement à leur charge l'entretien du chien sans contrepartie.
L'ordonnance clôturant l'instruction de la procédure a été rendue le 31 mars 2016.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Attendu que les époux X. ne rapportent pas la preuve qui leur incombe de l'existence d'un vice de leur consentement susceptible d'entraîner la nullité du « contrat d'élevage copropriété mâle » signé par le mari, ni de ce qu'ils auraient fait l'acquisition de H. pour la somme de 1.000 euros, au demeurant inférieure à la valeur de référence du chien, les témoignages qu'ils produisent rapportant des propos qu'ils auraient tenus et le retrait de leur compte bancaire d'une somme de 500 euros quelques jours avant Noël étant inopérants à cet égard.
[minute page 4] Attendu que ce « contrat d'élevage copropriété mâle » est défini à la fois comme un placement en copropriété du chien dit H., empêchant M. X. de le céder à titre gratuit ou onéreux et le contraignant, s'il s'en séparait, à le remettre en main propre à Mme A., laquelle conservait un droit de saillies, et comme un contrat d'élevage par lequel M. X. s'était notamment engagé :
- à mettre ce chien à la disposition de Mme A., en cas de besoin, pour des saillies,
- à le faire confirmer dès qu'il aurait atteint l'âge de 15 mois, et à régler tous les frais d'exposition et les frais SCC pour obtenir un nouveau pedigree,
- à castrer le chien à ses frais s'il s'avérait stérile ou non confirmable, sans pouvoir se retourner contre l'éleveur dès lors que le chien était placé comme animal de compagnie.
Attendu toutefois que la lecture des deux actes sous seing privé constituant la loi des parties qui met en exergue la contradiction existant entre l'affirmation du placement du chien en copropriété au terme du « contrat d'élevage copropriété mâle » et la transmission de sa propriété intégrale aux époux X. au terme du contrat de vente initial, d'autant qu'il était précisé que l'animal était destiné à être un chien de compagnie et que la charge de son entretien exclusif était conférée à M. X., conduit à rechercher en vertu de l'article 1156 du code civil la commune intention des parties contractantes plutôt que de s'attacher au sens littéral des termes, et à exclure en conséquence, au regard de l'économie de l'opération et des contradictions rapportées, l'existence d'une rencontre des volontés sur l'acquisition du chien en copropriété, cette formule malheureuse ayant manifestement été employée dans le souci des préserver les droits de Mme A. à faire pratiquer des saillies, en relation directe avec sa profession d'éleveur.
Qu'en effet le prix de vente moyennant 500 euros de ce chien bouledogue anglais âgé de 7 mois dont aucun défaut n'est allégué, très largement inférieur à sa valeur, (Mme A. justifiant d'un prix couramment pratiqué de 2.000 euros) explique l'acceptation par les époux X. de la souscription d'un contrat d'entretien, de sorte que les dispositions du jugement considérant comme abusives pour être dénuées de contrepartie les clauses portant sur l'engagement de le faire confirmer (pour figurer au livre des origines Françaises, LOF) et la participation de Mme A. au bénéfice tiré de ses « saillies extérieures », méritent infirmation à ce titre et M. X. seul signataire du contrat d'élevage sera tenu de réparer le préjudice subi par l'éleveur de la violation de ses obligations à son égard, qui sera évalué en raison de l'aléa portant sur la capacité de l'animal à obtenir une certification et à réaliser les saillies projetées, à la somme de 1.500 euros représentant la différence entre la valeur vénale du chien au moment de la conclusion du contrat et son prix, et à rejeter les autres demandes dont celle portant sur l'existence d'un préjudice moral non avéré.
Attendu de plus que l'article L. 132-1 du code de la consommation, applicable à ces deux conventions conclues entre un professionnel de l'élevage et de la vente de chiens et un consommateur, impose de considérer comme abusives les clauses créant au détriment du non professionnel un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties, à savoir celle retenue par le premier juge selon laquelle « le chien ne devra pas être cédé à titre gratuit ou onéreux, et si M. X. décidait de se séparer du chien, il devra être remis en main propre à Mlle A. qui le reprendra gracieusement », et celle prévoyant que « si le chien s'avère stérile ou non confirmable, il devra être castré aux frais du nouvel acquéreur, et celui-ci ne pourra se retourner contre l'élevage car le chien est placé comme animal de compagnie ».
[minute page 5] Attendu enfin que toute action en justice de même que toute défense constituant par essence des droits qui ne peuvent dégénérer en abus engendrent un créance de dommages et intérêts qu'en cas de mauvaise foi, d'intention de nuire ou d'erreur grossière équipollente au dol, lesquelles ne peuvent être imputées à l'appelante, les intimés seront déboutés de leur demande indemnitaire présentée sur ce fondement, ainsi d'ailleurs que de celle portant sur le prononcé de l'exécution provisoire de l'arrêt qui est applicable de plein droit.
Attendu que chaque partie succombant partiellement dans ses prétentions conservera la charge de ses dépens et de ses frais irrépétibles.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement sur le rejet de la demande d'annulation du « contrat d'élevage copropriété mâle », le débouté des demandes indemnitaires présentées par les époux X. et sur le caractère réputé non écrit de la clause suivante : « le chien ne devra pas être cédé à titre gratuit ou onéreux, et si M. X. décidait de se séparer du chien, il devra être remis en main propre à Mlle A. qui le reprendra gracieusement. »
L'infirme pour le surplus.
Déclare réputée non écrite comme constituant une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, celle prévoyant que « si le chien s'avère stérile ou non confirmable, il devra être castré aux frais du nouvel acquéreur, et celui-ci ne pourra se retourner contre l'élevage car le chien est placé comme animal de compagnie ».
Condamne M. X. à payer à Mme A. la somme de 1.500 euros en indemnisation du préjudice résultant de la violation des obligations mises à sa charge par le « contrat d'élevage copropriété mâle », requalifié en contrat d'élevage.
Rejette toutes autres demandes des parties.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens.
Le greffier Le conseiller
- 5848 - Code de la consommation - Domaine d’application - Personne soumise à la protection - Notion de professionnel - Principes
- 6060 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Respect des droits et libertés du consommateur - Droit de propriété
- 6114 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Responsabilité du professionnel - Clauses limitatives et exonératoires - Droit postérieur au décret du 18 mars 2009 (R. 212-1-6° C. consom.)
- 6343 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Animaux