CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA AIX-EN-PROVENCE (8e ch. A), 9 juin 2016

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (8e ch. A), 9 juin 2016
Pays : France
Juridiction : Aix-en-provence (CA), 8e ch. A
Demande : 14/10117
Décision : 2016/391
Date : 9/06/2016
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 20/05/2014
Numéro de la décision : 391
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 5664

CA AIX-EN-PROVENCE (8e ch. A), 9 juin 2016 : RG n° 14/10117 ; arrêt n° 2016/391

Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2016-014947

 

Extrait : « Elle conteste la validité de la clause de quota au motif que le chiffre d'affaires annuel de 20.000 euros qu'elle s'est engagée à réaliser est excessif et irréalisable, que la clause de quota est une clause léonine qui attribue à la société DAB des droits disproportionnés par rapport à ses obligations.

La société SB4 ne fournit cependant aucun élément d'information concernant son activité et ne produit en particulier aucune pièce comptable permettant d'apprécier par rapport à ses propres capacités, le caractère excessif ou non du quota sur lequel elle s'est engagée. L'engagement d'approvisionnement exclusif à hauteur d'un certain quota souscrit par la société SB4 trouve par ailleurs une contrepartie dans les obligations souscrites par la société DAB telles que le cautionnement à hauteur de 50 % du prêt bancaire de 45.000 euros, les remises consenties sur différents produits, la mise à disposition de matériel. Le moyen tiré de l'illicéité de la clause de quota sera en conséquence écarté.

La société SB4 invoque d'autre part le caractère abusif de la clause pénale au regard des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation. Or ces dispositions, applicables aux contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, ne peuvent être invoquées par la société SB4 qui a souscrit les contrats litigieux dans le cadre de son activité professionnelle et en rapport direct avec celle-ci. »

 

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

HUITIÈME CHAMBRE A

ARRÊT DU 9 JUIN 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/10117. Arrêt n° 2016/391. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 1er avril 2014 enregistré(e) au répertoire général sous le RG n° 2014F00158.

 

APPELANTE :

SARL SB4

dont le siège social est [adresse], représentée par Maître Cyril C.-B., avocat au barreau de NICE

 

INTIMÉE :

SAS DISTRIBUTION AZUREENNE DE BOISSONS (DAB),

dont le siège social est [adresse], représentée par Maître Romain C. de la SELARL B. C. I., avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 24 mars 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne CHALBOS, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Yves ROUSSEL, Président, Madame Catherine DURAND, Conseiller, Madame Anne CHALBOS, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 mai 2016 et prorogé au 9 juin 2016.

ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 9 juin 2016, Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par conventions des 19 mai 2011 et 20 juillet 2011, la SARL SB4 exploitant un fonds de commerce de restaurant sous l'enseigne « Le C. » s'est engagée, en contrepartie du cautionnement d'un prêt bancaire de 45.000 euros, à s'approvisionner exclusivement pendant cinq ans en boissons auprès de la SAS Distribution azuréenne de boissons dite DAB, entrepositaire grossiste en boissons, et à réaliser un chiffre d'affaires minimum de 20.000 euros HT.

Aux termes de la seconde convention la SAS Distribution azuréenne de boissons dite DAB a mis à disposition de la société SB4 un matériel de tirage à pression d'une valeur de 3.875,73 euros HT soit 4.635,39 euros TTC.

Par acte en date du 19 février 2014, la société DAB a fait assigner la société SB4 devant le tribunal de commerce de Nice aux fins d'obtenir la condamnation de cette dernière à payer la somme de 25.905,30 euros de pénalités contractuelles, outre 2.500 euros au titre des factures impayées et à restituer le matériel mis à disposition.

Par jugement réputé contradictoire du 1er avril 2014, le tribunal de commerce a :

- condamné l'EURL SB4 à payer à la SAS DAB la somme de 25.905,30 euros au titre des pénalités prévues par la convention,

- condamné l'EURL SB4 à restituer sous astreinte de 100 euros par jour de retard le tirage mis à disposition et ce dans les 15 jours de la signification de la présente décision,

- condamné l'EURL SB4 à payer à la SAS DAB la somme de 2.500 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- dit que ces condamnations sont assorties de l'exécution provisoire,

- condamné l'EURL SB4 à payer à la SAS DAB la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

 

La société SB4 a interjeté appel de cette décision le 20 mai 2014.

Par conclusions déposées et notifiées le 7 août 2014 elle demande à la cour, vu les articles 117, 122, 32-1 du code de procédure civile, 468, 1109, 464 du code civil, 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, de :

- in limine litis :

- constater l'incapacité d'ester en justice de Madame X. représentante légale de la société SB4,

- constater la désignation d'un curateur dans le cadre de la mesure de curatelle renforcée dont fait l'objet Madame X.,

- constater l'absence de signification de l'assignation au curateur et en conséquence déclarer irrecevable l'action diligentée par la société DAB,

- dire et juger nul et de nul effet l'acte introductif s'instance et irrecevables les demandes qui en découlent,

- débouter purement et simplement la société DAB de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- subsidiairement :

- prononcer la nullité des contrats signés entre la société SB4 et la société DAB,

- débouter purement et simplement l'ensemble des requérants de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,

- très subsidiairement, dire et juger que le préjudice subi par la société SB4 du fait des fautes de la société DAB est d'un montant égal à la somme pour laquelle elle est poursuivie par cette dernière,

- dans tous les cas, condamner la société DAB au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

 

Par conclusions déposées et notifiées le 25 septembre 2014, la société DAB demande à la cour, vu les articles 464, 1134, 1147, 1184 du code civil, de :

- constater que la société SB4 qui a été assignée et condamnée est étrangère à la décision de curatelle produite,

- en conséquence, dire et juger l'assignation régulière et les demandes recevables,

- constater que la société SB4 a laissé impayées les factures de février à mai 2013 en dépit des deux mises en demeure, de l'assignation et du jugement rendu, cessé tout approvisionnement à compter de mai 2013 en dépit de son engagement d'approvisionnement exclusif contracté le 19 mai 2011 pour une durée de 5 ans moyennant un quota annuel de 20.000 euros,

- constater que la société SB4 soulève une fixation d'un quota trop élevé sans communiquer la moindre pièce comptable et notamment ses bilans et ses grands livres permettant éventuellement de démontrer son argumentation, une qualification de clause abusive au visa de l'article L. 132-1 du code de la consommation, inapplicable à la société SB4 qui n'est pas un consommateur,

- en conséquence, confirmer purement et simplement le jugement dont appel,

- condamner la société SB4 au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de la SELARL B. C. I.

 

La procédure a été clôturée le 10 mars 2016.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la régularité de l'action introduite contre la société SB4 :

Madame X. a été placée sous le régime de la curatelle renforcée par jugement du 17 décembre 2013.

Le prononcé de cette mesure n'entraîne pas ipso facto, pour Madame X., la cessation de ses fonctions de gérante de la société SB4, dont elle n'a ni démissionné, ni été révoquée.

La société SB4 est donc toujours valablement représentée par sa gérante en exercice, Madame X.

La mesure de protection ne concerne que Madame X. à titre personnel et ne s'étend pas à la personne morale qu'elle dirige, à l'égard de laquelle le curateur n'a aucun mandat ni pouvoir.

L'action introduite par la société DAB étant dirigée contre la société SB4 et non contre Madame X., l'assignation n'a pas à être signifiée au curateur, contrairement à ce qu'affirme l'appelante.

Le moyen tiré de l'irrégularité de l'assignation sera en conséquence écarté.

 

Sur le fond :

La société SB4 ne conteste pas ne pas devoir une somme de 2.500 euros pour solde des factures d'approvisionnement de février à mai 2013, et avoir cessé tout approvisionnement à compter de mai 2013, et encourir à ce titre le jeu de la clause résolutoire stipulée aux conventions la liant à la société DAB.

Aux termes de cette clause, en cas de non-respect par le client des obligations mises à sa charge, outre la faculté d'exiger la résiliation de la convention, l'entrepositaire peut exiger de plein droit de versement de dommages et intérêts d'un montant égal à 20 % du chiffre d'affaires non réalisé.

Elle conteste la validité de la clause de quota au motif que le chiffre d'affaires annuel de 20.000 euros qu'elle s'est engagée à réaliser est excessif et irréalisable, que la clause de quota est une clause léonine qui attribue à la société DAB des droits disproportionnés par rapport à ses obligations.

La société SB4 ne fournit cependant aucun élément d'information concernant son activité et ne produit en particulier aucune pièce comptable permettant d'apprécier par rapport à ses propres capacités, le caractère excessif ou non du quota sur lequel elle s'est engagée.

L'engagement d'approvisionnement exclusif à hauteur d'un certain quota souscrit par la société SB4 trouve par ailleurs une contrepartie dans les obligations souscrites par la société DAB telles que le cautionnement à hauteur de 50 % du prêt bancaire de 45.000 euros, les remises consenties sur différents produits, la mise à disposition de matériel.

Le moyen tiré de l'illicéité de la clause de quota sera en conséquence écarté.

La société SB4 invoque d'autre part le caractère abusif de la clause pénale au regard des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation.

Or ces dispositions, applicables aux contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, ne peuvent être invoquées par la société SB4 qui a souscrit les contrats litigieux dans le cadre de son activité professionnelle et en rapport direct avec celle-ci.

La société SB4 ne démontre ni le caractère manifestement excessif de la clause au sens de l'article 1152 du code civil, ni la mauvaise foi qu'elle reproche à la société DAB sans autre précision. Elle ne précise pas non plus quelles fautes aurait commises la société DAB.

Il sera en conséquence fait application des contrats signés entre les parties, en vertu desquels la société DAB est fondée à obtenir, outre la résiliation des conventions, le paiement du solde des factures d'approvisionnement, la pénalité contractuelle et la restitution du matériel mis à disposition.

Le décompte de la pénalité contractuelle produit par la société DAB ne peut cependant être retenu puisqu'établi à partir d'un chiffre d'affaires annuel de 30.000 euros, alors que l'engagement de la société SB4 porte sur un chiffre d'affaires annuel de 20.000 euros.

Le décompte de la pénalité s'établit en conséquence comme suit :

- année 2011 (8 mois) : 13.333,33 euros – 2.766,48 euros = 10.566,85 euros

- année 2012 : 20.000 euros – 3.234,00 euros = 16.766,00 euros

- année 2013 : 20.000 euros – 4.473,00 euros = 15.527,00 euros

- année 2014 : 20.000 euros

- année 2015 : 20.000 euros

- année 2016 (4 mois) : 6.666,66 euros

- total chiffre d'affaires manquant = 89.526,51 euros

- pénalité : 89.526,51 x 20 % = 17.905,30 euros.

Le jugement entrepris sera réformé sur le quantum de la pénalité contractuelle qui s'élève à 17.905,30 euros et non 25.905,30 euros.

Le jugement sera également réformé sur le montant et la durée de l'astreinte assortissant l'obligation de restitution du matériel de tirage à pression, comme il sera dit au dispositif.

La société SB4, partie succombante, sera condamnée aux dépens, sans qu'il y ait lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe contradictoirement,

Déboute la société SB4 de sa demande en nullité de l'assignation,

Déclare la société Distribution azuréenne de boissons recevable en son action,

Déboute la société SB4 de sa demande en nullité des contrats signés entre elle-même et la société Distribution azuréenne de boissons,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné l'EURL SB4 à payer à la SAS Distribution azuréenne de boissons la somme de 2.500 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

Réformant le jugement pour le surplus,

Condamne la société SB4 à payer à la SAS Distribution azuréenne de boissons la somme de 17.905,30 euros au titre des pénalités contractuelles,

Condamne la société SB4 à restituer à la SAS Distribution azuréenne de boissons le matériel de tirage à pression mis à disposition le 19 juillet 2011, dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision et sous astreinte de 30 euros par jour de retard pendant 100 jours,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne la société SB4 aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier                             Le président