CA BESANÇON (1re ch. civ.), 12 août 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 5665
CA BESANÇON (1re ch. civ.), 12 août 2016 : RG n° 15/01384
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Cette clause établit une simple présomption de remise d'une fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées qui peut être détruite par la preuve contraire, tirée par exemple de la production par l'emprunteur de son exemplaire du contrat, et n'impose pas au juge de considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur.
En outre, la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008, transposée en droit français par la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, prévoit l'obligation pour le prêteur de dispenser à l'emprunteur une information précontractuelle, notamment sur l'existence ou l'absence d'un droit de rétractation (article 5 1. o), de vérifier la solvabilité du consommateur (article 8) et reconnaît à ce dernier un droit de rétractation (article 14).
Comme le rappelle l'arrêt du 18 décembre 2014 dans son considérant n° 22, la directive ne comporte cependant aucune disposition relative aux modalités de la preuve du respect de ces obligations.
Il en résulte que la clause instituant une simple présomption de remise d'une fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées n'est pas de nature à compromettre l'effectivité des droits reconnus par la directive.
La mention signée par les époux X., qui n'ont contesté, ni en première instance ni en appel, avoir reçu un exemplaire de la fiche, laisse présumer sa remise effective de sorte que la SA Credipar n'encourt pas la déchéance du droit aux intérêts de ce chef et que le jugement entrepris doit être infirmé sur ce point. »
2/ « La clause de reconnaissance de la remise d'un bordereau de rétractation détachable n'est cependant pas rédigée de façon abstraite et générale et permet d'apprécier, par la simple présomption qu'elle pose, l'application effective du droit à rétractation de l'emprunteur. Elle ne présente donc pas un caractère abusif.
En l'espèce, dans l'offre de crédit qu'ils ont signée le 15 septembre 2011, les époux X., ont reconnu avoir reçu un formulaire détachable de rétractation.
Ainsi, à défaut pour eux d'administrer la preuve contraire ou du caractère irrégulier dudit bordereau, aucune déchéance du droit aux intérêts n'est encourue par la SA Credipar et le jugement du 3 février 2015 sera également infirmé sur ce point. »
COUR D’APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 –
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 12 AOÛT 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/01384. Défaut. Audience publique du 25 mai 2016. S/appel d'une décision du Tribunal d'Instance de BESANÇON, en date du 3 février 2015 [R.G. n° 11-14-001101]. Code affaire : 53B : Prêt - Demande en remboursement du prêt.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE :
SA CREDIPAR
dont le siège est sis [adresse], Représentée par Maître Séverine W. de la SCP DSC AVOCATS, avocat au barreau de BESANÇON
ET :
INTIMÉ :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], demeurant [adresse], n'ayant pas constitué avocat
INTIMÉE :
Madame Y. épouse X.
née le [date] à [ville], demeurant [adresse], n'ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats :
MAGISTRAT RAPPORTEUR : Madame H. BITTARD, Conseiller, conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, avec l'accord des Conseils des parties.
GREFFIER : Madame D. BOROWSKI, Greffier.
Lors du délibéré : Madame H. BITTARD, Conseiller, a rendu compte conformément à l'article 786 du Code de Procédure Civile aux autres magistrats : Monsieur E. MAZARIN, Président et Madame B. UGUEN LAITHIER, Conseiller
L'affaire, plaidée à l'audience du 25 mai 2016 a été mise en délibéré au 29 juin 2016, et prorogée au 6 juillet 2016 puis au 12 août 2016 pour un plus ample délibéré. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits, procédure et moyens des parties :
M. X. et son épouse L. née Y. (les époux X.) ont accepté une offre de contrat de crédit en date du 15 septembre 2011 proposé par la SA Credipar portant sur une somme de 25.905 euros remboursable en 60 mensualités au taux nominal de 7,09 % l'an afin de financer l'acquisition d'un véhicule Peugeot 5008 Active.
Des échéances étant demeurées impayées à compter du 15 avril 2013, date du premier impayé non régularisé, ils ont vainement été mis en demeure de régler le solde de leur dette par courriers recommandés avec avis de réception du 14 mai 2014.
Par exploit d'huissier délivré le 21 novembre 2014, la société créancière les a fait assigner sur le fondement de l'article 1134 du code civil, en paiement de la somme totale de 24.039,14 euros, outre intérêts au taux contractuel selon décompte arrêté au 9 octobre 2014.
Par un premier jugement avant dire-droit du 9 décembre 2014, le tribunal d'instance de Besançon a soulevé d'office l'application de diverses dispositions du code de la consommation puis, dans un second, réputé contradictoire, rendu le 3 février 2015, il a :
- condamné les époux X. à payer à la SA Credipar la somme de 15.392,09 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2014, au titre du contrat de prêt souscrit le 15 septembre 2011,
- débouté la société demanderesse du surplus de ses demandes,
- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné les époux X. aux dépens de l'instance,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Le 3 juillet 2015, la SA Credipar a interjeté appel de ce jugement et par conclusions transmises le 7 août 2015, elle a demandé à la cour au visa de l'article 1134 du code civil :
- de réformer la décision entreprise et de juger n'y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts dans la mesure où elle a respecté l'ensemble de ses obligations légales,
- en conséquence, de condamner solidairement les époux X. à lui payer la somme de 24.039,14 euros, outre 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Les époux X. n'ont pas constitué avocat. L'acte d'appel et les conclusions de l'appelante transmises à la Cour par RPVA le 7 août 2015 leur ayant été signifiés le 5 août 2015 selon les modalités prescrites à l'article 659 du code de procédure civile, le présent arrêt sera rendu par défaut, en application des dispositions de l'article 474 du même code.
Pour l'exposé complet des moyens de la SA Credipar, la cour d'appel se réfère à ses écritures ci-dessus visées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 décembre 2015.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Motifs de la cour :
1. Sur la déchéance du droit aux intérêts et les sommes dues :
Dans le contrat de crédit du 15 septembre 2011, les époux X. ont reconnu être en possession d'un exemplaire de la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées et être informés des caractéristiques essentielles du crédit et de ses conséquences sur leur situation financière.
La SA Credipar conteste le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que cette clause de reconnaissance était contraire au droit communautaire.
Dans son arrêt du 18 décembre 2014, rendu dans l'affaire C-449/13, à propos de la preuve de la remise à une emprunteuse de la notice d'informations précontractuelles, la Cour de Justice de l'Union européenne a retenu :
- qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si la valeur probatoire de la clause-type « je reconnais avoir reçu et pris connaissance de la fiche d'informations européennes normalisées » compromet la possibilité, tant pour le consommateur que pour le juge, de mettre en cause la correcte exécution des obligations d'information et de vérification précontractuelles incombant au prêteur (considérant 31),
- que les dispositions de la directive 2008/48 s'opposent à ce que, en raison d'une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve desdites obligations de nature à compromettre l'effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 (considérant 32).
En droit national, aux termes des articles L. 311-6 et R. 311-3 dans leur rédaction résultant respectivement de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et du décret n° 2011-136 du 1er février 2011 applicables au contrat de crédit du 15 septembre 2011, préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit donne à l'emprunteur par écrit ou sur tout autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison des différentes offres et permettant à l'emprunteur, compte tenu de ses préférences, d'appréhender clairement l'étendue de son engagement. Cette information est donnée en se conformant à un modèle de fiche d'information joint à l'article R. 311-3 du code de la consommation.
Le non-respect de ces dispositions est sanctionné par la déchéance totale du droit aux intérêts, en vertu de l'article L. 311-48 du même code.
Cette clause établit une simple présomption de remise d'une fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées qui peut être détruite par la preuve contraire, tirée par exemple de la production par l'emprunteur de son exemplaire du contrat, et n'impose pas au juge de considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur.
En outre, la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008, transposée en droit français par la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, prévoit l'obligation pour le prêteur de dispenser à l'emprunteur une information précontractuelle, notamment sur l'existence ou l'absence d'un droit de rétractation (article 5 1. o), de vérifier la solvabilité du consommateur (article 8) et reconnaît à ce dernier un droit de rétractation (article 14).
Comme le rappelle l'arrêt du 18 décembre 2014 dans son considérant n° 22, la directive ne comporte cependant aucune disposition relative aux modalités de la preuve du respect de ces obligations.
Il en résulte que la clause instituant une simple présomption de remise d'une fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées n'est pas de nature à compromettre l'effectivité des droits reconnus par la directive.
La mention signée par les époux X., qui n'ont contesté, ni en première instance ni en appel, avoir reçu un exemplaire de la fiche, laisse présumer sa remise effective de sorte que la SA Credipar n'encourt pas la déchéance du droit aux intérêts de ce chef et que le jugement entrepris doit être infirmé sur ce point.
Dans le contrat de crédit du 15 septembre 2011, les époux X. ont encore reconnu être en possession d'un exemplaire du contrat doté d'un formulaire détachable de rétractation.
La SA Credipar conteste le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que cette clause est abusive.
En application des dispositions de l'article L. 311-12 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 applicable aux contrats de crédit dont les offres ont été émises après le 1er mai 2011, l'emprunteur peut se rétracter sans motifs dans un délai de 14 jours calendaires révolus à compter du jour de l'acceptation de l'offre de contrat de crédit. Afin de permettre l'exercice de ce droit de rétractation, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit.
L'absence ou l'irrégularité du bordereau de rétractation est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts, selon l'article 311-48 du même code.
Mais aucune disposition légale n'impose que le bordereau de rétractation, dont l'usage est exclusivement réservé à l'emprunteur, figure aussi sur l'exemplaire de l'offre destinée à être conservée par le prêteur, la formalité du double s'appliquant uniquement à l'offre préalable elle-même et non au formulaire détachable de rétractation qui y est joint (Civ. 1ère, 12 juillet 2012, pourvoi n° 11-17595).
La reconnaissance écrite, par l'emprunteur, dans le corps de l'offre préalable, de la remise d'un bordereau de rétractation détachable joint à cette offre, laisse présumer la remise effective de celui-ci et, faute pour l'emprunteur de rapporter la preuve de l'absence de remise du bordereau, ou, à défaut, de son caractère irrégulier, l'intéressé ne peut se prévaloir de la déchéance du droit aux intérêts du prêteur. (Civ. 1ère, 16 janvier 2013, pourvoi n° 12-14122).
En application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Dans son avis 13-01 du 6 juin 2013, la commission des clauses abusives a considéré que la clause selon laquelle l'emprunteur « reconnaît avoir reçu les explications nécessaires sur les caractéristiques du crédit qui correspondent à ses besoins et déclare accepter les termes du présent contrat de crédit » présente un caractère abusif au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, en ce que, par sa rédaction abstraite et générale, elle ne permet pas d'apprécier le caractère personnalisé des explications fournies à l'emprunteur concernant les conséquences du crédit sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement.
La clause de reconnaissance de la remise d'un bordereau de rétractation détachable n'est cependant pas rédigée de façon abstraite et générale et permet d'apprécier, par la simple présomption qu'elle pose, l'application effective du droit à rétractation de l'emprunteur. Elle ne présente donc pas un caractère abusif.
En l'espèce, dans l'offre de crédit qu'ils ont signée le 15 septembre 2011, les époux X., ont reconnu avoir reçu un formulaire détachable de rétractation.
Ainsi, à défaut pour eux d'administrer la preuve contraire ou du caractère irrégulier dudit bordereau, aucune déchéance du droit aux intérêts n'est encourue par la SA Credipar et le jugement du 3 février 2015 sera également infirmé sur ce point.
Au vu du contrat de crédit du 15 septembre 2011, du tableau d'amortissement, des lettres de mise en demeure du 14 mai 2014 et du décompte arrêté au 9 octobre 2014 produits par la SA Credipar, il reste dû à cette dernière :
- échéances impayées : 4.172,15 euros
- indemnité contractuelle de 8 % sur les échéances impayées : 296,04 euros
- capital restant dû : 17.098,54 euros
- intérêts de retard au taux contractuel de 7,09% arrêtés au 9 octobre 2014 : 1.104,53 euros
- indemnité contractuelle de 8 % sur le capital restant dû : 1.367,88 euros
- total : 24.039,14 euros
Infirmant le jugement frappé d'appel, les époux X. seront dès lors condamnés solidairement à payer cette somme à la SA Credipar.
Le même jugement sera confirmé en ses autres dispositions, non contestées.
2. Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Les époux X. qui succombent seront condamnés solidairement aux dépens d'appel.
Aucune considération tirée de l'équité ne justifie qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de ce litige.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant par défaut, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement du tribunal d'instance de Besançon du 3 février 2015 en ce qu'il a condamné les époux X. à payer à la SA Credipar la somme de quinze mille trois cent quatre-vingt douze euros, neuf centimes (15.392,09 euros), avec intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2014, au titre du contrat de prêt souscrit le 15 septembre 2011.
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à prononcer la déchéance du droit aux intérêts.
Condamne solidairement les époux X. à payer à la SA Credipar la somme de vingt-quatre mille trente-neuf euros, quatorze centimes (24.039,14 euros).
Confirme le jugement déféré pour se surplus.
Déboute la SA Credipar de sa demande formée à hauteur de cour en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne solidairement les époux X. aux dépens d'appel.
Ledit arrêt a été signé par M. Edouard Mazarin, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Dominique Borowski, greffier.
Le greffier, Le président de chambre
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- 6084 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Consentement - Obligations d’information - Mise en garde - Conseil
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