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CA NANCY (2e ch. civ.), 7 juillet 2016

Nature : Décision
Titre : CA NANCY (2e ch. civ.), 7 juillet 2016
Pays : France
Juridiction : Nancy (CA), 2e ch. civ.
Demande : 15/02173
Date : 7/07/2016
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 24/07/2005
Décision antérieure : CA NANCY (2e ch. civ.), 28 avril 2016
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5668

CA NANCY (2e ch. civ.), 7 juillet 2016 : RG n° 15/02173

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Attendu sur l'existence d'une clause illicite au contrat, que l'article II-4 du contrat de prêt indique que « le prêteur pourra résilier le contrat après envoi à l'emprunteur d'une mise en demeure par lettre recommandée dans chacun des cas suivants :

- non-paiement à la bonne date de toute somme due au titre du présent contrat

- inexactitude des renseignements confidentiels fournis par l'emprunteur au prêteur » ;

Que cette clause qui permet à la seule initiative du prêteur une résiliation du crédit pour des motifs étrangers au contrat de crédit, rend l'offre de crédit non conforme aux dispositions des articles L. 311-8 à L. 311.13 du code de la consommation, de sorte que le prêteur doit être déchu de son droit aux intérêts contractuels en application de l'article L. 311-33 du même code ».

2/ « Attendu que si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE NANCY

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 7 JUILLET 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/02173. Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal de Grande Instance de NANCY, R.G. n° 14/00749, en date du 12 juin 2015.

 

APPELANTS :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], demeurant [adresse], Représenté par Maître Clarisse M. de la SELARL L. W. M. L., avocat au barreau de NANCY

 

INTIMÉE :

SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE,

prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social [adresse] inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro XXX, Représenté par Maître Christian O. de la SCP D. K. B. O., avocat au barreau de NANCY

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 16 juin 2016, en audience publique devant la Cour composée de : Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre, Monsieur Francis MARTIN, Conseiller, Madame Sandrine GUIOT-MLYNARCZYK, Conseiller, qui a fait le rapport, qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Monsieur Ali ADJAL ;

A l'issue des débats, le Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 7 Juillet 2016, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 7 juillet 2016, par Monsieur Ali ADJAL, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; signé par Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre et par Monsieur Ali ADJAL, greffier ;

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Selon offre préalable de prêt signée le 30 janvier 2006, la SA BNP Paribas Personal Finance a consenti à M. X. et G. Y. épouse X. un prêt d'un montant de 52.353 euros remboursable en 120 mensualités avec intérêts au taux contractuel de 7,50 % l'an.

La SA BNP Paribas Personal Finance a assigné M. et Mme X. par actes d'huissier du 13 février 2014 devant le tribunal de grande instance de Nancy aux fins de les voir condamner à lui verser 29.565,28 euros outre les intérêts et une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement réputé contradictoire du 12 juin 2015, le tribunal a condamné solidairement M. et Mme X. à verser à la SA BNP Paribas Personal Finance :

- 28.371,21 euros avec intérêts au taux contractuel de 7,50 % à compter du 13 février 2014

- 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a considéré que la demande en paiement était justifiée par les pièces mais a rejeté l'indemnité de retard sollicitée par le prêteur au motif qu'il n'avait pas délivré de mise en demeure aux emprunteurs.

M. X. et G. Y. épouse X. ont interjeté appel de cette décision par déclaration d'appel du 24 juillet 2015.

M. X. conclut à l'infirmation du jugement et sollicite :

- que soit déclarée nulle l'assignation délivrée le 13 février 2014 à G. Y. épouse X. et irrégulière la procédure suivie à son encontre,

- le rejet des toutes les demandes de la SA BNP Paribas Personal Finance

- que la SA BNP Paribas Personal Finance soit déchue de son droit à intérêts,

- la condamnation de la SA BNP Paribas Personal Finance à lui verser 2.097,45 euros

- la condamnation de la SA BNP Paribas Personal Finance à lui verser 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Il fait valoir que G. Y. épouse X. est décédée le 31 janvier 2011 et que l'assignation délivrée en 2014 est nulle et la procédure subséquente irrégulière. Il estime être bien fondé à invoquer la nullité des actes concernant son épouse décédée.

Pour lui-même, l'appelant soutient qu'en application de l'article II-4 du contrat, le prêteur peut résilier le contrat après une lettre de mise en demeure et qu'il ne lui a jamais adressé de mise en demeure. Il en déduit que faute d'exigibilité des sommes, la SA BNP Paribas Personal Finance doit être déboutée de sa demande en paiement.

Sur la déchéance du droit aux intérêts, M. X. invoque l'article L. 311-33 du code de la consommation et l'existence d'une clause abusive permettant au prêteur de résilier le contrat pour l'inexactitude d'un renseignement et rendant l'offre de crédit non conforme aux articles L. 311-8 à 13. Il soutient que la sanction prévue est bien la déchéance du droit aux intérêts. L'appelant fait encore valoir que les dispositions des articles L. 311-15 et suivants du code de la consommation n'ont pas été rappelées dans l'offre en violation de l'article L. 311-10. En conséquence, il relève qu'à la lecture du décompte de créance établi par la banque, elle a perçu 54.450,45 euros sur un capital prêté de 52.353 euros et sollicite la condamnation de la SA BNP Paribas Personal Finance à lui verser le trop-perçu soit la somme de 2.097,45 euros.

La SA BNP Paribas Personal Finance sollicite in limine litis que la demande de nullité de l'assignation soit déclarée irrecevable. Pour le reste, elle conclut à la confirmation du jugement en son principe et à son infirmation sur le quantum, sollicitant sur appel incident la condamnation de M. X. à lui verser 29.565,28 euros avec intérêts au taux contractuel de 7,49 % à compter de la mise en demeure du 2 janvier 2014 et la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Elle expose que M. X. a interjeté appel du jugement en son nom propre et non en qualité d'éventuel ayant droit de G. Y. épouse X., de sorte qu'il n'a pas qualité à agir pour contester la régularité de l'assignation.

Sur le fond, l'intimée fait valoir que les emprunteurs ont réglé 54.450,45 euros, que la première échéance impayée est datée du 28 juillet 2012, qu'elle a adressé à M. X. une lettre de mise en demeure le 2 janvier 2014 de sorte que la résiliation du contrat est acquise. Elle précise que l'emprunteur reste lui devoir la somme de 29.565,28 euros.

Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels, elle considère que la clause litigieuse n'est pas rédigée dans les mêmes termes que celle déclarée abusive par la commission des clauses abusives dans son avis du 24 février 2005 puisqu'il ne s'agit pas dans son cas d'une clause permettant la résiliation de plein droit du contrat. Elle considère que sa clause n'aggrave pas la situation du débiteur ainsi que l'ont jugé plusieurs autres cours. De plus, elle fait valoir que la sanction éventuelle serait de déclarer la clause non écrite et non pas la déchéance du droit aux intérêts puisque toutes les mentions légales sont présentes et que le seul fait d'ajouter une clause complémentaire ne peut entraîner une telle sanction. Elle ajoute qu'en application de l'article L. 311-33 du code de la consommation, cette déchéance est limitée aux dispositions des articles L. 311-8 à 13 du même code.

Sur le respect de l'article L. 311-15 du code de la consommation, la SA BNP Paribas Personal Finance expose que les dispositions de cet article ont bien été reprises au contrat dans ses articles I-2a et I-3a de sorte que la sanction de la déchéance ne peut être encourue.

Par arrêt avant dire droit 28 avril 2016, la cour d'appel a invité les parties à présenter leurs observations sur la nullité de la déclaration d'appel formée par G. Y. épouse X., décédée le 31 janvier 2011.

M. X. n'a pas pris de nouvelles conclusions après l'arrêt avant dire droit.

La SA BNP Paribas Personal Finance sollicite pour sa part :

- in limine litis que la déclaration d'appel de G. Y. épouse X. soit déclarée nulle ainsi que les actes subséquents,

- que soit déclarée irrecevable la demande de nullité de l'assignation

- la confirmation du jugement en son principe et l'infirmation sur le quantum,

- la condamnation de M. X. à lui verser 29.565,28 euros avec intérêts au taux contractuel de 7,49 % à compter de la mise en demeure du 2 janvier 2014 et la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Elle expose que M. X. n'a interjeté appel du jugement qu'en son nom personnel, qu'il n'a pas formé appel en qualité d'héritier de G. Y. épouse X. de sorte que la demande de nullité de l'assignation délivrée à cette dernière est irrecevable. Elle ajoute que celle-ci étant décédée au jour de la déclaration d'appel, cette déclaration est nulle en application de l'article 117 du code de procédure civile.

Pour le reste, l'intimée reprend ses demandes et moyens exposés précédemment.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Vu les écritures déposées le 13 janvier 2016 par M. X. et le 18 mai 2016 par la SA BNP Paribas Personal Finance, auxquelles la Cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 25 mai 2016 ;

 

Sur la nullité de la déclaration d'appel :

Attendu qu'il est apparu en cours de procédure que G. Y. épouse X. était décédée le 31 janvier 2011 de sorte que la déclaration d'appel faite en son nom le 24 juillet 2015 et non par un ayant droit de la personne décédée es qualités, est nulle pour défaut de capacité à agir ;

 

Sur la nullité de l'assignation :

Attendu que M. X. qui a interjeté appel du jugement en son nom personnel et pour son propre compte et non es qualités d'ayant droit de G. Y. épouse X., n'a pas qualité pour contester la régularité de l'assignation délivrée à cette dernière ; que cette demande est irrecevable ;

 

Sur la déchéance du droit aux intérêts :

Attendu sur le respect de l'article L. 311-10 du code de la consommation dans sa version applicable à l'espèce, qu'à la lecture de l'offre de prêt, il est constaté que les dispositions des articles L. 311-15 à 17 et L. 311-32 ont été reprises dans les conditions du contrat aux articles I-2a et I-3a, de sorte que la déchéance du droit aux intérêts contractuels ne peut être encourue sur ce point ;

Attendu sur l'existence d'une clause illicite au contrat, que l'article II-4 du contrat de prêt indique que « le prêteur pourra résilier le contrat après envoi à l'emprunteur d'une mise en demeure par lettre recommandée dans chacun des cas suivants :

- non-paiement à la bonne date de toute somme due au titre du présent contrat

- inexactitude des renseignements confidentiels fournis par l'emprunteur au prêteur » ;

Que cette clause qui permet à la seule initiative du prêteur une résiliation du crédit pour des motifs étrangers au contrat de crédit, rend l'offre de crédit non conforme aux dispositions des articles L. 311-8 à L. 311.13 du code de la consommation, de sorte que le prêteur doit être déchu de son droit aux intérêts contractuels en application de l'article L. 311-33 du même code ;

 

Sur la demande en paiement :

Attendu que si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle ;

Qu'en l'espèce, l'article II-4 du contrat de prêt prévoit que le prêteur pourra résilier le contrat après envoi d'une lettre recommandée de mise en demeure à l'emprunteur en cas de non- paiement à la bonne date des sommes dues ;

Que la SA BNP Paribas Personal Finance justifie par la production de la lettre et de la fiche de traitement de celle-ci par la poste, avoir adressé par courrier recommandé du 2 janvier 2014, une mise en demeure à M. X. de régler la somme de 29.565,28 euros restant due au titre du prêt et précisant qu'il avait un délai de 8 jours pour verser cette somme avant que soit prononcée la déchéance du terme ; qu'il s'ensuit que la banque a régulièrement prononcé la déchéance du terme ce qui rend la somme restant due exigible ; que ce moyen est inopérant ;

Attendu qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés ; qu'en cas de déchéance du droit aux intérêts contractuels, il résulte de l'article L. 311-33 du code de la consommation que l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu et que les sommes perçues au titre des intérêts seront restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû ;

Qu'en l'espèce, il résulte du décompte produit par la SA BNP Paribas Personal Finance (pièce 15) que sur un capital prêté de 52.353 euros, les règlements reçus avant contentieux s'élèvent à la somme totale de 54.450,45 ; qu'en conséquence, la SA BNP Paribas Personal Finance doit être déboutée de sa demande en paiement et condamnée à rembourser à M. X. le trop-perçu de 2.097,45 euros ; que le jugement déféré est infirmé ;

 

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Attendu que la SA BNP Paribas Personal Finance, partie perdante, devra supporter les dépens et qu'il est équitable qu'elle soit condamnée à verser à M. X. la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'il convient en outre de la débouter de sa propre demande de ce chef ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement déféré et statuant à nouveau,

CONSTATE la nullité de la déclaration d'appel faite par G. Y. épouse X. ;

DECLARE irrecevable la demande formée par M. X. tendant à la nullité de l'assignation délivrée à G. Y. épouse X. ;

PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts à l'égard de la SA BNP Paribas Personal Finance ;

DEBOUTE la SA BNP Paribas Personal Finance de sa demande en paiement ;

CONDAMNE la SA BNP Paribas Personal Finance à rembourser à M. X. le trop-perçu de deux mille quatre vingt dix sept euros et quarante cinq centimes (2.097,45 euros) avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l'arrêt ;

CONDAMNE la SA BNP Paribas Personal Finance à verser à M. X. la somme de huit cents euros (800 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la SA BNP Paribas Personal Finance de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SA BNP Paribas Personal Finance aux entiers dépens et autorise la SCP L.-W.-M.-L. à faire application de l'article 699 du code de procédure civile ;

Le présent arrêt a été signé par Madame CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,       LE PRÉSIDENT,

Minute en sept pages.