CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 9 juin 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 5683
CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 9 juin 2016 : RG n° 15/00678
Publication : Jurica
Extrait : « S'agissant des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de Commerce la société Sodiliège estime que cet article n'est pas applicable, car il ne concerne que les contrats ou accords commerciaux alors que le protocole du 19 décembre 2005 relève d'un contexte familial ;
Cependant la cour ne saurait retenir les moyens avancés par la société Sodiliège dès lors qu'il découle de la clause querellée que celle-ci établit objectivement, peu important la nature du contexte, un système d'éviction d'un concurrent en garantissant à l'une des parties, et pour une durée excessivement longue, que le marché en serait ainsi garanti ; En tout état de cause, la clause de non concurrence qui ne comporte aucune limitation dans l'espace encourrait de ce seul chef la nullité ;
S'évince de ce qui précède que les demandes de la société Sodiliège, fondées sur la violation de cet accord, sont rejetées ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 5
ARRÊT DU 9 JUIN 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/00678 (6 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 novembre 2014 - Tribunal de Commerce de BORDEAUX - R.G. n° 2014F00537.
APPELANTE :
SAS SODILIEGE
ayant son siège social [adresse], N° SIRET : XX, prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Pierre C. de la SELAS C. C. & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R109, Assistée de Maître Jean-Michel C., avocat au barreau de CHARENTE
INTIMÉE :
SARL PLASTURGIE HAUTE PERFORMANCE - PHP
ayant son siège social [adresse], N° SIRET : YY, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Antoine S. de l'ASSOCIATION CABINET D'AVOCATS L., avocat au barreau de PARIS, toque : K0159, Assistée de Maître Philippe M., avocat au barreau de POITIERS
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 24 mars 2016, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Louis DABOSVILLE, Président de Chambre, chargé du rapport, Monsieur Edouard LOOS, Président, Mme Fabienne SCHALLER, Conseillère, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Monsieur Bruno REITZER
ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Monsieur Louis DABOSVILLE, Président, et par Monsieur Bruno REITZER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAIT ET PROCÉDURES :
La Société Sodiliège est une entreprise familiale X., famille X., dont la fille, Madame Y., est actionnaire minoritaire et son époux, Y., Directeur Technique et Commercial.
Aux 'ns de diversifier l'activité de la société vers la plasturgie, ce que la famille X. ne souhaitait pas, Monsieur Y. a créé en août 1995 la Société Plasturgie Haute performance.
La création de cette société a généré un désaccord, la famille X. s'estimant lésée par un détournement de clientèle.
En date du 19 décembre 2005, un protocole de transaction a été signé entre la Société Sodiliège d'une part et la Société Plasturgie Haute Performance et Monsieur Y. d'autre part pour mettre un terme au dit désaccord.
La Société Plasturgie Haute Performance a connu des difficultés et bénéficié d'une procédure de redressement judiciaire dès l'année 2008 et, par jugement du 26 novembre 2009, d'un plan de redressement.
Estimant que les termes de ladite transaction n'étaient pas respectés par Monsieur Y. et la Société Plasturgie Haute Performance, laquelle n'aurait jamais cessé ses activités litigieuses depuis la signature du protocole du 19 décembre 2005, ce en violation de ses obligations transactionnelles au regard de l'article 4 du protocole, la Société Sodiliège a fait assigner la société Plasturgie Haute Performance aux fins de constater l'existence d'une concurrence déloyale.
Par jugement du 20 mars 2014, le Tribunal d'Angoulême s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Bordeaux.
Par jugement rendu le 10 novembre 2014, le Tribunal de Commerce de Bordeaux a :
- Débouté la Société Sodiliège de toutes ses demandes fins et conclusions,
- Débouté la Société Plasturgie Haute Performance de sa demande d'expertise judiciaire,
Condamné la Société Sodiliège à payer à la Société Plasturgie Haute Performance la somme de 3.000,00 euros (TROIS MILLE EUROS) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamné la Société Sodiliège aux entiers dépens de l'instance.
* * *
Vu l'appel interjeté par la société Sodiliège le 8 janvier 2015 contre cette décision.
Vu les dernières conclusions signifiées le 4 mars 2016 par la société Sodiliège par lesquelles il est demandé à la Cour de :
- Dire recevable et bien fondé l'appel de la société Sodiliège du jugement du Tribunal de Commerce de Bordeaux du 10 novembre 2014.
Y faisant droit, réformer la décision en toutes ses dispositions :
- Condamner la Société Plasturgie Haute Performance à verser à titre provisionnel à la société Sodiliège la somme de 70.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- Nommer tel expert qu'il plaira avec la mission d'évaluer le préjudice de la société Sodiliège et à cet effet, rechercher dans la comptabilité de la Société Plasturgie Haute Performance tout achat de bouchons, capsules et opérations de collage de bouchons en liège naturel depuis le 19 décembre 2005 jusqu'au 19 décembre 2012,
- Donner acte à la société Sodiliège de ce qu'elle offre de consigner telle somme à valoir sur la rémunération de l'expert,
- Dire recevable et mal fondé l'appel incident de la Société Plasturgie Haute Performance du jugement du Tribunal de Commerce de Bordeaux do 10 novembre 2014.
En conséquence,
- Débouter la Société Plasturgie Haute Performance de toutes ses demandes,
- Condamner la Société Plasturgie Haute Performance à verser à la Sodiliège la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- Condamner la Société Plasturgie Haute Performance aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître C. conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
* * *
Vu les dernières conclusions signifiées le 7 mars 2016 par la société Plasturgie Haute Performance par lesquelles il est demandé à la Cour de :
A titre principal,
- Réformer le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux pour dire et juger que l'obligation de non concurrence figurant dans l'acte du 19 décembre 2005 est nulle et de nul effet, et, faisant droit à la demande reconventionnelle de la société PHP,
- Dire et juger que la société Sodiliège a engagé sa responsabilité délictuelle,
- Condamner la société Sodiliège à réparer le préjudice subi par la société PHP.
Subsidiairement,
- Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux, dire et juger que l'obligation de non concurrence figurant dans l'acte du 19 décembre 2005 est excessive et engage la responsabilité de son auteur en application de l'article L. 442-6 du Code de commerce,
- Dire et juger que la société Sodiliège a engagé sa responsabilité délictuelle et, faisant droit à la demande reconventionnelle de la société PHP,
- Condamner la société Sodiliège à réparer le préjudice subi par PHP par l'octroi d'une somme de 300.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Subsidiairement,
- Ordonner une expertise judiciaire afin de donner à la juridiction saisie tous éléments utiles pour chiffrer le préjudice subi par la société PHP. pour la période du 19 décembre 2005 au 19 décembre 2012.
- Débouter la société Sodiliège de toutes demandes, fins et conclusions.
En toute hypothèse,
- Condamner la société Sodiliège à payer à la société PHP. pour la procédure d'appel une somme de 8.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la prescription :
Est opposé à la Société Plasturgie Haute Performance le moyen tiré de la prescription quinquennale des articles 1304 et 2224 du code civil, la société Sodiliège arguant du caractère transactionnel de l'acte querellé et de ce que une action en nullité n'est pas elle-même imprescriptible ;
Cependant c'est à bon droit que la Société Plasturgie Haute Performance soutient que cette action en nullité, visant en l'espèce l'acte juridique qui lui est opposé est perpétuelle en ce qu'elle constitue un argument en défense à une demande principale ;
Sur la validité de l'article 4 du protocole :
L'article 4 de la transaction dispose que la Société Plasturgie Haute Performance et Monsieur Y. s'engagent à ne pas fabriquer, réaliser ou commercialiser directement ou par personne interposée pendant 7 ans des bouchons de liège (cinq exemples de différents types étant listés) « et d'une manière générale tous produits en liège naturel distribués par la SA Sodiliège » ;
La Société Plasturgie Haute Performance soutient que la nullité de la clause en question découle de l'existence d’une entente illicite, interdite par l'article L. 420-1 du Code de commerce, et est nulle en application de l'article L. 420-3 dudit Code ;
Subsidiairement, la Société Plasturgie Haute Performance se prévaut des dispositions du droit commun sanctionnant de telles clauses d'une durée en l'espèce excessive (7ans) et dépourvue de limitation dans son champs géographique ;
Enfin, très subsidiairement elle invoque l'existence d'un déséquilibre significatif sanctionné par les articles L. 442-6 et suivants du Code de commerce ;
La société Sodiliège réplique que la validité de l'article 4 est incontestable, car elle a simplement pour objet de protéger le jeu normal de la libre concurrence sans aucune intention de participer à une action concertée faisant que la transaction puisse s'assimiler à une entente illicite de nature à fausser le marché national - ou éventuellement international - du bouchon de liège ;
Elle ajoute qu'elle disposait, en concluant cette transaction, d'un intérêt légitime à vouloir se protéger d'actes de concurrence déloyale, l'article 4 en question pouvant être considéré comme une clause de non concurrence valable, s'agissant simplement d'un engagement de non fabrication et de non commercialisation visant uniquement certains types de bouchons de liège limitativement énumérés, et qui est limitée dans le temps et dans son objet ;
S'agissant des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de Commerce la société Sodiliège estime que cet article n'est pas applicable, car il ne concerne que les contrats ou accords commerciaux alors que le protocole du 19 décembre 2005 relève d'un contexte familial ;
Cependant la cour ne saurait retenir les moyens avancés par la société Sodiliège dès lors qu'il découle de la clause querellée que celle-ci établit objectivement, peu important la nature du contexte, un système d'éviction d'un concurrent en garantissant à l'une des parties, et pour une durée excessivement longue, que le marché en serait ainsi garanti ;
En tout état de cause, la clause de non concurrence qui ne comporte aucune limitation dans l'espace encourrait de ce seul chef la nullité ;
S'évince de ce qui précède que les demandes de la société Sodiliège, fondées sur la violation de cet accord, sont rejetées ;
S'agissant de la demande reconventionnelle :
La Société Plasturgie Haute Performance soutient que l'immobilisation forcée à laquelle l'a contrainte une transaction illégale lui ouvre droit à des dommages et intérêts pour avoir été exclue d'un marché pendant sept ans ;
Pour autant doit être relevé que l'intimée n 'est toujours en mesure d'apporter à sa demande d'expertise, légitimement rejetée par le premier juge, qu'une évaluation forfaitaire dépourvue de toutes justifications ;
La demande est en conséquence rejetée ;
L'équité commande d'allouer à la Société Plasturgie Haute Performance la somme de 4000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du CPC et de rejeter la demande de la société Sodiliège de ce chef.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement ;
Y ajoutant,
Condamne la société Sodiliège à payer à la Société Plasturgie Haute Performance la somme de 4000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Rejette toutes autres demandes.
Condamne la société Sodiliège aux dépens.
Le Greffier Le Président
B. REITZER L. DABOSVILLE
- 6183 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Indices - Déséquilibre injustifié - Nature et économie du contrat
- 6223 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par contrat - Transaction
- 6235 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par clause - Non-concurrence, Non-Affiliation