CA BESANÇON (1re ch. civ. com.), 13 septembre 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 5792
CA BESANÇON (1re ch. civ. com.), 13 septembre 2016 : RG n° 15/01322
Publication : Jurica
Extrait : « Qu'il doit être rappelé que le contrat d'associé coopérateur, de même que la convention de compte courant d'activité, ne relèvent pas des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation et que la Coopérative agricole Interval ne peut être qualifié d'établissement bancaire ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de l'existence de clauses abusives, alors que l'appelante s'abstient d'ailleurs de mentionner quelles clauses seraient précisément abusives, est inopérant ».
COUR D’APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/01322. Contradictoire. Audience publique du 14 juin 2016. S/appel d'une décision du tribunal de grande instance de VESOUL, en date du 19 mai 2015 : R.G. n° 13/01247.
Code affaire : 56B : Demande en paiement du prix, ou des honoraires formée contre le client et/ou tendant à faire sanctionner le non-paiement du prix, ou des honoraires.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE :
EARL G.
dont le siège est sis [adresse], Représentée par Maître Catherine B. de la SCP B., avocat au barreau de HAUTE-SAÔNE
ET
INTIMÉE :
Société COOPERATIVE AGRICOLE INTERVAL
dont le siège est sis [adresse], Représentée par Maître Virginie L. de la SCP P. L. V., avocat au barreau de HAUTE-SAÔNE
COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats :
PRÉSIDENT : Monsieur Edouard MAZARIN, Président de chambre.
ASSESSEURS : Madame B. UGUEN-LAITHIER (magistrat rapporteur) et Monsieur L. MARCEL, Conseillers.
GREFFIER : Madame L. CHEVENEMENT, Greffier.
lors du délibéré :
PRÉSIDENT : Monsieur Edouard MAZARIN, Président de chambre
ASSESSEURS : Madame B. UGUEN-LAITHIER et Monsieur L. MARCEL, Conseillers.
L'affaire, plaidée à l'audience du 14 juin 2016 a été mise en délibéré au 13 septembre 2016. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits, moyens et prétentions des parties :
L'Earl G. dispose d'un compte courant d'activité auprès de la Coopérative agricole Interval destiné à faciliter les échanges commerciaux entre les parties et au sociétaire, à la fois fournisseur et client, de compenser sur une récolte ses factures d'approvisionnement en limitant la fréquence des paiements réciproques.
Par acte délivré le 17 juillet 2013, la Coopérative agricole Interval a fait assigner l'Earl G. devant le tribunal de grande instance de Vesoul aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement du solde débiteur du compte s'élevant à 50.274,60 euros.
Par jugement du 19 mai 2015, ce tribunal a condamné l'Earl G. à payer à la Coopérative agricole Interval la somme de 50.274,60 euros arrêtée au 15 juin 2013, outre intérêts au taux de 12 % à compter de cette date, ainsi qu'aux dépens et rejeté le surplus des prétentions des parties et notamment la demande de dommages-intérêts formée à titre reconventionnel par l'Earl G.
Suivant déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 29 juin 2015, l'Earl Grammont a relevé appel de cette décision, et, aux termes de ses dernières conclusions déposées le 15 octobre 2015, demande à la Cour de :
- à titre principal, dire l'action adverse prescrite,
- subsidiairement, débouter la Coopérative agricole Interval de ses prétentions,
- très subsidiairement, au regard de l'inopposabilité de la clause et l'imprécision de la demande, dire n'y avoir lieu à fixation d'un intérêt de 12 % et rejeter la demande adverse correspondant aux intérêts à hauteur de 24.087,48 euros,
- en tout état de cause, condamner la Coopérative agricole Interval à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts et à lui verser une indemnité de 1.500 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, avec droit pour Maître B. de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du même code.
Par dernières écritures déposées le 26 octobre 2015, la Coopérative agricole Interval conclut à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de l'Earl G. à lui verser une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, avec droit pour la Scp P. L. V. de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du même code.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la Cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée par ordonnance du 24 mai 2016.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Motifs de la décision :
* Sur la prescription :
Attendu que l'Earl G. soulève le moyen tiré de la prescription de la demande en paiement de son contradicteur, en s'abstenant néanmoins d'indiquer le fondement juridique de cette fin de non recevoir ;
Que c'est à bon droit que la Coopérative agricole Interval rétorque sur ce point qu'aucune prescription n'est acquise s'agissant d'un solde débiteur de compte ; que le montant des sommes apparaissant en débit du compte ne devenant en effet exigible qu'à la clôture du-dit compte, dont il n'est d'ailleurs pas démontré qu'il a été clôturé, l'action en paiement engagée suivant acte délivré le 17 juillet 2013 n'est donc pas prescrite ;
* Sur la demande en paiement :
Attendu que le Gaec de G. a souscrit le 2 avril 1995 un contrat d'adhésion à la Coopérative Saônoise agricole devenue ensuite Coopérative agricole Interval, aux termes duquel il s'est engagé à en respecter les statuts et le règlement intérieur ; que par bulletin du 11 février 2000, l'Earl de G. a sollicité le transfert à son bénéfice des parts du Gaec de G. et souscrit un contrat d'adhésion et d'engagement en qualité d'associé coopérateur et de convention de compte courant ; que l'Earl y déclare avoir pris connaissance des statuts et du règlement intérieur et y adhérer ;
Attendu que le règlement intérieur établi le 6 mai 1995 dont il est produit la page 4 prévoit notamment que la position débitrice du compte donnera lieu à facturation d'intérêts débiteurs dont le montant sera au moins équivalent à celui qui résultera de l'application d'un taux égal à une fois et demie le taux de l'intérêt légal, les taux ainsi fixés pouvant être modifiés par décision du conseil d'administration et les nouveaux taux inscrits dans une circulaire communiquée à tous les adhérents ;
Que l'Earl de G. fait vainement grief à l'intimée de ne pas produire l'intégralité de son règlement intérieur dans la mesure où elle a, dès 1995 dans son statut initial de Gaec, puis lors de sa constitution, reconnu avoir pris connaissance des règles régissant ses relations contractuelles avec la coopérative ; que c'est tout aussi vainement qu'elle tente de soutenir que les modalités de ces relations contractuelles, qu'elle a librement acceptées, créeraient entre les parties un déséquilibre à son détriment, qui serait de nature à priver le contrat d'effets ;
Qu'il doit être rappelé que le contrat d'associé coopérateur, de même que la convention de compte courant d'activité, ne relèvent pas des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation et que la Coopérative agricole Interval ne peut être qualifié d'établissement bancaire ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de l'existence de clauses abusives, alors que l'appelante s'abstient d'ailleurs de mentionner quelles clauses seraient précisément abusives, est inopérant ;
Attendu que l'Earl de G. prétend en outre que la facture n° 623879 émise le 31 août 2008 pour un montant de 1.033,56 euros invoquée par son contradicteur ne correspond à aucune prestation ; que cependant l'extrait de compte de l'appelante pour la période du 30 avril 1995 au 25 février 2014 fait bien apparaître ladite facture à la date du 31 août 2008, laquelle porte le même montant et le même numéro, en sorte qu'en l'absence de contestation contemporaine à l'établissement du compte et de la facture litigieuse, l'Earl de G. apparaît mal fondée à en contester l'existence ;
Attendu enfin que l'Earl de G. soutient que le taux d'intérêts pratiqué n'est pas contractuel et qu'il serait au surplus erroné dans son calcul ;
Attendu que si le règlement intérieur du 6 mai 1995 définit le mode de calcul de l'intérêt débiteur pratiqué de façon très large, il n'est pas démontré que l'associé coopérateur en a reçu une information complète ne serait-ce qu'au regard du taux pratiqué à la date de l'adhésion, étant observé que les factures établies au nom de l'Earl de G. portent simplement la mention 'toute facture non réglée à sa date d'échéance sera majorée d'intérêt de retard’et que les facturations d'intérêts débiteurs ne précisent pas davantage le taux pratiqué pour la période ;
Qu'il n'est produit en la cause qu'une lettre circulaire adressée aux adhérents le 3 décembre 2007 informant ceux-ci que le taux d'intérêts débiteurs serait fixé à 12 % l'an à compter du 1er janvier 2008 à la suite de la décision du conseil d'administration réuni le 21 décembre 2007, dont il est communiqué le procès-verbal de séance ; que dans ces conditions, la demande en ce qu'elle porte sur les intérêts débiteurs ne sera retenue comme justifiée qu'à compter du 1er janvier 2008 au taux précité ;
Qu'en conséquence, après retranchement des facturations d'intérêts débiteurs antérieures à cette date, soit la somme totale de 22.555,69 euros du 31 octobre 1995 au 30 septembre 2007 inclus, l'Earl de G. est redevable au titre du solde débiteur de son compte d'associé coopérateur de la somme de 27.718,91 euros (50.274,60 euros - 22.555,69 euros), arrêtée au 15 juin 2013 conformément à la demande, laquelle produira intérêts au taux conventionnel de 12 %, à compter du 16 juin 2013 ;
Que le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a fixé la créance de la Coopérative agricole Interval à la somme de 50.274,60 euros ;
* Sur les manquements contractuels de la Coopérative agricole Interval :
Attendu que l'Earl de G. prétend que l'intimée aurait eu à son égard un comportement fautif en ce qu'elle aurait manqué à son devoir de conseil en la laissant persévérer dans une exploitation peu rentable et aggraver son endettement, se comportant comme un établissement bancaire dans le cadre d'un soutien abusif ;
Que la Coopérative agricole Interval réplique pertinemment qu'elle ne peut être assimilée à un établissement de crédit, en sorte que le moyen tiré d'un prétendu soutien abusif est inopérant ;
Que pour autant l'appelante est habile à solliciter l'indemnisation d'un préjudice à la condition d'en caractériser l'existence et de démontrer qu'il est directement lié à une faute de son contradicteur ;
Attendu que s'il est établi que le compte courant d'activité est débiteur depuis plusieurs années, l'Earl de G. ne rapporte cependant pas la preuve que son exploitation est dépourvue d'une rentabilité suffisante pour persévérer dans son activité agricole ; que la Coopérative agricole Interval justifie que, par des correspondances adressées régulièrement dès l'année 2004, elle a suggéré à son adhérent, entre autres conseils, de procéder à des virements plus réguliers afin notamment d'éviter les frais correspondant aux intérêts, allant même jusqu'à lui conseiller de recourir à un emprunt auprès d'établissements bancaires dont les taux étaient moindres et donc plus favorables à l'appelante ; qu'au surplus, force est de constater que la Coopérative agricole Interval n'a pas laissé perdurer un compte inactif puisque des mouvements y apparaissent sans discontinuer jusqu'au 15 juin 2013 ;
Qu'ayant appelé l'attention de l'Earl de G. sur l'accroissement progressif du débit de son compte courant, l'intimée ne peut être tenue pour responsable de l'endettement de l'appelante alors qu'il lui était loisible de suivre les conseils prodigués et de réduire son débit ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que l'Earl de G., échouant dans la charge de la preuve d'une faute imputable à son contradicteur, doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts ; que le jugement qui a statué en ce sens sera confirmé de ce chef ;
* Sur les demandes accessoires :
Attendu que chacune des parties succombant partiellement en ses prétentions à hauteur de Cour, il apparaît équitable de rejeter leurs demandes respectives sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de dire qu'elles conserveront la charge de leurs propres dépens exposés en appel, les dispositions accessoires du jugement déféré étant par ailleurs confirmées ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré,
Ecarte le moyen tiré de la prescription.
Confirme le jugement rendu le 19 mai 2015 par le tribunal de grande instance de Vesoul, sauf en sa disposition relative à la condamnation au principal de l'Earl de G.
L'infirme de ce seul chef, statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne l'Earl de G. à payer à la Coopérative agricole Interval la somme de vingt sept mille sept cent dix huit euros et quatre vingt onze centimes (27.718,91 euros), outre intérêts au taux de 12 % à compter du 16 juin 2013.
Déboute l'Earl de G. et la Coopérative agricole Interval de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens exposés en appel.
Ledit arrêt a été signé par M. Edouard Mazarin, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Dominique Borowski, greffier.
Le Greffier, le Président de chambre
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