CA CAEN (1re ch. sect. civ. et com.), 12 octobre 2006
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 580
CA CAEN (1re ch. sect. civ. et com.), 12 octobre 2006 : RG n° 04/03857
Publication : Juris-Data n° 338954
Extraits : 1/ « La banque soutient que ce moyen de contestation est irrecevable comme atteint par la forclusion en application de l'article L. 311-37 du Code de la Consommation en sa rédaction antérieure à la loi du 11 décembre 2001.
La directive 93/13 CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, s'oppose à une réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l'encontre d'un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national à l'expiration d'un délai de forclusion de relever, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans ledit contrat. Le juge national, chargé d'appliquer de droit communautaire, a l'obligation d'assurer le plein effet de ses normes, en laissant inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition de la législation nationale, même postérieure, sans attendre l'élimination de ces dispositions par voie législative ou tout autre procédé constitutionnel.
Cependant, cette jurisprudence ne peut être utilement invoquée que s'il est demandé de réputer non écrite une clause abusive et non lorsqu'il est sollicité la nullité du contrat ou la déchéance du droit aux intérêts en raison d'une irrégularité affectant le contrat au regard des obligations légales. En l'espèce, il n'est allégué l'existence d'aucune clause abusive. »
2/ « Par ailleurs, la clause pénale ne constitue pas une clause abusive dès lors que ne s'y ajoute pas une augmentation du taux d'intérêt à titre de pénalité et que son montant, de 8 % du capital restant dû, et n'augmentant pas le taux d'intérêts, même indirectement ou de manière déguisée, est conforme aux dispositions légales et réglementaires, et son montant n'apparaît pas manifestement excessif. »
COUR D’APPEL DE CAEN
PREMIÈRE CHAMBRE - SECTION CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2006
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 04/03857. ORIGINE : DÉCISION en date du 13 septembre 2004 du Tribunal d’Instance de LISIEUX.
APPELANTE :
SA FRANFINANCE
[adresse] prise en la personne de son représentant légal, représentée par la SCP GRANDSARD DELCOURT, avoués, assistée de Maître KOKOU substituant Maître Bernard BLANCHARD, avocat au barreau de CAEN
INTIMÉS :
- Monsieur X.
[adresse], représenté par la SCP PARROT LECHEVALLIER ROUSSEAU, avoués assistés de Maître Jérôme PRIOUX, avocat au barreau de LISIEUX ((bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro XXX du 17 novembre 2004 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [ville])
- Madame Y. épouse X.
[adresse], représentée par la SCP MOSQUET MIALON D'OLIVEIRA LECONTE, avoués assistée de la SCP PIRO PIRO-VINAS, avocats au barreau de LISIEUX ((bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro XXX du 17 novembre 2004 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [ville])
[minute page 2] COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur LE FEVRE, Président,
Madame HOLMAN, Conseiller, Rédacteur Madame BOISSEL DOMBREVAL, Conseiller.
DÉBATS : À l'audience publique du 5 septembre 2006
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier, lors des débats
ARRÊT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2006 et signé par Monsieur LE FEVRE, Président, et Mme LE GALL, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
La SA FRANFINANCE (la banque) a interjeté appel du jugement rendu le 13 septembre 2004 par le Tribunal d'Instance de Lisieux dans un litige l'opposant à M. X. et Mme Y. épouse X.
Aux termes d'une offre acceptée du 11 novembre I995, les époux X. ont souscrit auprès de la banque une ouverture de crédit d'un montant de 5.000 francs utilisable par fractions et assortie d'une carte de crédit et d'avis de débit dite « CARTE PLURIEL » au TEG de 17,76 %.
Par avenant du 9 avril 1998 signé seulement de Madame X., le montant de découvert maximum autorisé a été porté à 25.000 francs, le TEG restant inchangé.
Le 27 juillet 1999, Madame X. a résilié le contrat d'ouverture de crédit a effet du 10 septembre 1999 et par le même acte dénommé « avenant de réaménagement » et précisant qu'il constituait une régularisation des échéances précédemment impayées conformément à l'article L. 311-37 alinéa 2 du Code de la Consommation. Les parties ont convenu que le montant des sommes restant dues au titre de l'ouverture de crédit, soit 20.962,05 francs serait remboursé en 101 mensualités de 400,73 francs chacune au taux effectif global annuel de 15,60 %, ce du 10 octobre 1999 au 10 février 2008.
Par ailleurs, aux termes d'une offre acceptée le 31 juillet 1997, les époux X. ont souscrit auprès de la banque un prêt personnel « CREDISSIMO » pour un montant de 140.000 francs remboursable par mensualités de 3.207,48 francs chacune au taux de 10,50 % l'an.
Le 19 novembre 1999, un avenant de réaménagement concernant le prêt personnel « CREDISSIMO » a été régularisé, aux termes duquel [minute page 3] les emprunteurs se sont engagés à rembourser la somme restant due, soit 150.135 francs, en 100 mensualités de 1.501,35 francs chacune au taux inchangé de 10,50 % ce du 10 décembre 1999 au 10 mars 2008.
Les échéances étant demeurées impayées à compter de juin 2001, la banque a prononcé la déchéance du terme le 1er avril 2002 et par acte du 12 mai 2003, a fait assigner les époux X. devant le Tribunal afin d'obtenir leur condamnation solidaire à lui régler les sommes de :
- 3.353,69 euros avec intérêts au taux contractuel de 15.60 % sur la somme de 3.127,77 euros et les intérêts au taux légal sur 225,99 euros à compter du 1er avril 2002 au titre du crédit « CARTE PLURIELLE »,
- 14.457,21 euros avec intérêts au taux contractuel de 10,50 % l'an sur la somme de 13.481,21 euros et les intérêts au taux légal sur 975,60 euros à compter du 1er avril 2002 au titre du contrat de prêt personnel CREDISSIMO.
Par le jugement déféré assorti de l'exécution provisoire le Tribunal a :
- débouté la banque de ses demandes à l'encontre de Monsieur X.,
- débouté la banque de sa demande au titre du contrat de crédit « CARTE PLURIEL »,
- condamné Madame X. à payer à la banque la somme de 3.159,99 euros pour solde du contrat de prêt « CREDISSIMO » avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2002,
- condamné Madame X. à payer à la banque la somme de 200 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- condamné la banque à payer à Monsieur X. la somme de 500 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile avec faculté d'option soit pour l'aide juridictionnelle soit pour l'article 700 en application de l'article 108 du décret du 19 décembre 1999.
Vu les écritures signifiées :
- le 30 juin 2006 par la banque qui conclut à la réformation du jugement et au bénéfice de son assignation devant le Tribunal, la somme réclamée en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile étant cependant portée à 1.000 euros,
- le 3 octobre 2005 par Madame X. qui conclut à l'infirmation du jugement et à la forclusion, subsidiairement à la déchéance des droits aux intérêts, au rejet des réclamations au titre des frais et de la clause pénale et à l'application de l'article 220 du Code Civil, et sollicite des délais de paiement.
- le 25 juillet 2006 par Monsieur X. qui conclut à la confirmation du jugement et demande paiement d'une somme complémentaire de [minute page 4] 1.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, avec faculté d'option pour l'aide juridictionnelle.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
I - Sur la forclusion :
En cause d'appel, Madame X. soutient que l'action de la banque est forclose puisque les premiers incidents de paiement non régularisés datent de 1999 et que la procédure a été engagée en 2003.
Cependant, aux termes de l'article L. 311-37 alinéa 2 du Code de la Consommation, lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l'objet d'un réaménagement ou d'un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés.
En l'espèce, les deux prêts litigieux ont fait l'objet d'un réaménagement conventionnel, respectivement le 27 juillet et le 19 novembre 1999, et le premier incident de paiement non régularisé subséquent est survenu en juin 2001.
En conséquence l'action engagée le 12 mai 2003 n'est pas atteinte de forclusion et ce moyen, infondé, sera rejeté.
II - Sur le contrat « CARTE PLURIEL » :
1) Sur la régularité de l'offre préalable :
Madame X. prétend qu'en violation des articles L. 311-15 et L. 311-17 du Code de la Consommation aucun formulaire détachable de rétractation ne lui a été remis et qu'en tout état de cause, la banque ne rapporte pas la preuve de la conformité de ces documents aux dispositions des articles R. 311-6 et R. 311-7 du Code de la Consommation.
La banque soutient que ce moyen de contestation est irrecevable comme atteint par la forclusion en application de l'article L. 311-37 du Code de la Consommation en sa rédaction antérieure à la loi du 11 décembre 2001.
La directive 93/13 CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, s'oppose à une réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l'encontre d'un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national à l'expiration d'un délai de forclusion de relever, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans ledit contrat.
Le juge national, chargé d'appliquer de droit communautaire, a l'obligation d'assurer le plein effet de ses normes, en laissant inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition de la législation nationale, même postérieure, sans attendre l'élimination de ces dispositions par voie législative ou tout autre procédé constitutionnel.
[minute page 5] Cependant, cette jurisprudence ne peut être utilement invoquée que s'il est demandé de réputer non écrite une clause abusive et non lorsqu'il est sollicité la nullité du contrat ou la déchéance du droit aux intérêts en raison d'une irrégularité affectant le contrat au regard des obligations légales.
En l'espèce, il n'est allégué l'existence d'aucune clause abusive.
Dès lors, le moyen de contestation de la régularité de l'offre préalable, émis pour la première fois par Madame X. dans ses écritures du 6 novembre 2003 devant le Tribunal, soit plus de deux ans après la formation du contrat, est irrecevable comme atteint de forclusion et le jugement sera réformé de ce chef.
2) Sur les conditions de renouvellement du crédit :
Pour le motif ci-dessus exposé, Madame X. est également irrecevable à invoquer pour la période antérieure au 6 novembre 2001 un manquement de la banque à l'obligation d'information annuelle prévue par l'article L. 311-9 alinéa 2 du Code de la Consommation.
Pour la période postérieure, aucune obligation ne pèse sur la banque puisque le contrat était résilié depuis le 10 septembre 1999.
En conséquence ce moyen, infondé, sera rejeté et le jugement sera également réformé de ce chef.
3) Sur le montant de la créance :
Au vu de l'historique du compte et des décomptes produits par la banque et non utilement contestés, la créance de la banque sera fixée à la somme principale de 3.127,27 euros avec intérêts au taux contractuel de 15,60 % à compter du 1er avril 2002.
Par ailleurs, la clause pénale ne constitue pas une clause abusive dès lors que ne s'y ajoute pas une augmentation du taux d'intérêt à titre de pénalité et que son montant, de 8 % du capital restant dû, et n'augmentant pas le taux d'intérêts, même indirectement ou de manière déguisée, est conforme aux dispositions légales et réglementaires, et son montant n'apparaît pas manifestement excessif.
La créance de ce chef sera en conséquence fixée à 225,99 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2002.
III - Sur le prêt « CREDISSIMO » :
Pour les motifs ci-dessus exposés, les moyens relatifs tant à [minute page 6] la régularité de l'offre préalable qu'aux conditions de renouvellement du crédit, irrecevables et infondés, seront rejetés.
Au vu de l'historique du compte et des comptes produits par la banque et non utilement contestés, la créance de la banque sera fixée à la somme principale de 13.481,21 euros avec intérêts au taux contractuel de 10.50 % à compter du 1er avril 2002.
Pour les motifs ci-dessus exposés, la créance au titre de la clause pénale sera fixée à 975,60 %. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 1er avril 2002.
IV - Sur l'engagement de Monsieur X. et la solidarité :
Il résulte de l'article 220 alinéa 3 du Code Civil que lorsque les contrats n'ont pas été conclus par les deux époux, la solidarité entre époux est exclue pour les emprunts, à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante.
En l'espèce, concernant le contrat « Carte Pluriel », Monsieur X. conteste avoir signé l'acte du 11 novembre 1995, affirmant que sa signature a été imitée par son épouse.
Monsieur X. n'est signataire ni de l'avenant du 9 avril &998 qui a porté le découvert de 5.000 francs à 25.000 francs, ni de la résiliation du crédit assortie du réaménagement du solde dû datée du 27 juillet 1999 – ces deux actes n'ayant d'ailleurs été établis qu'en deux exemplaires ainsi qu'il résulte des mentions y figurant – alors qu'ils ont profondément modifié l'économie du contrat initial puisque le montant du crédit et des échéances ainsi que le nombre de mensualités ont été changés.
Dès lors il doit être considéré que Monsieur X. n'est pas contractuellement engagé à l'égard de la banque, qui fonde sa réclamation sur ces avenants et ce sans qu'il y ait lieu d'examiner le moyen relatif à l'imitation de sa signature sur le contrat initial.
Concernant le prêt « CREDISSIMO », Monsieur X. conteste sa signature tant sur l'acte initial que sur l'avenant et il résulte de la comparaison des différents exemplaires de signature par lui produits aux débats avec l'original de ces actes que les paraphes figurant sur ces écrits ne peuvent manifestement pas lui être attribués, étant précisé que l'expertise diligentée par Madame X. est dénuée de toute force probante comme ayant été réalisée à partir exclusivement de photocopies.
Le Tribunal a donc justement considéré que seule Madame X. était contractuellement engagée à l'égard de la banque.
Aux termes des contrats, les revenus mensuels du ménage s'élevaient à 18.700 francs outre 2600 francs d'allocations familiales, les charges étant constituées de 3 enfants en bas âge et d'un prêt immobilier aux échéances mensuelles de 3 500 francs.
[minute page 7] Des emprunts de 25.000 francs et 140.000 francs ne sauraient être considérés comme des sommes modestes.
Par ailleurs, Madame X. et la banque, à qui appartiennent la charge de la preuve, ne justifient nullement de l'affectation de ces emprunts aux besoins de la vie courante, et notamment ne produit aucune pièce précisant le type de commerce où ont été effectués les achats par elles allégués et leur montant, la seule mention « Toys'r'us » figurant sur l'offre préalable de crédit « carte pluriel » étant insuffisante pour établir que ce prêt a été affecté aux besoins de la vie courante, la somme de 25.000 francs excédant en outre manifestement les besoins en jouets de trois enfants en bas âge, et Madame X. ne démontre pas, ainsi qu'elle le prétend, que le prêt personnel a servi au réaménagement de différents crédits antérieurs souscrits par Monsieur X.
C'est donc à bon droit que le Tribunal a écarté l'application de l'article 220 alinéa 3 du Code Civil et le jugement sera confirmé sur la mise hors de cause de Monsieur X.
V - Sur les délais :
Madame X. qui bénéficie d'un plan conventionnel de surendettement approuvé par la commission de surendettement des particuliers du calvados du 27 mars 2002, admet être dans l'impossibilité d'acquitter sa dette.
Dès lors la Cour est dans l'impossibilité de lui accorder des délais utiles de paiement et la réclamation de ce chef, infondée, sera rejetée.
VI - Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile :
La banque conservera en équité la charge de ses frais irrépétibles en cause d'appel.
Monsieur X., bénéficiant de l'aide juridictionnelle totale, sa demande en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile sera rejetée.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
- Confirme le jugement sur la mise hors de cause de Monsieur X. et l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- Le réforme en ses autres dispositions,
- Condamne Madame Y. épouse X. à payer à la SA FRANFINANCE les sommes de 3.353,69 euros avec intérêts au taux de 15,60 % sur la somme de 3.127,27 euros et intérêts au taux légal sur la [minute page 8] somme de 225,99 euros à compter du 1er avril 2002 au titre du crédit « carte pluriel », 14.457,21 euros avec intérêts au taux de 10,50% sur la somme de 975,60 euros à compter du 1er avril 2002 au titre du prêt « CREDISSIMO »,
- Déboute Madame X. de sa demande de délais de paiement,
- Déboute Monsieur X. de sa demande en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- Condamne Madame X. aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile et selon les règles applicables à l'aide juridictionnelle.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
N. LE GALL A. LE FEVRE
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