CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA CHAMBÉRY (ch. civ.), 22 novembre 1994

Nature : Décision
Titre : CA CHAMBÉRY (ch. civ.), 22 novembre 1994
Pays : France
Juridiction : Chambery (CA), ch. civ.
Demande : 93/00567
Date : 22/11/1994
Nature de la décision : Infirmation
Date de la demande : 17/03/1993
Décision antérieure : TI BONNEVILLE, 4 janvier 1993
Décision antérieure :
Imprimer ce document

 

CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 582

CA CHAMBERY (ch. civ.), 22 novembre 1994 : RG n° 93/00567

 

Extraits : « Qu'il se peut qu'elle ait commis une erreur sur l'âge de Monsieur X. ou que ce point lui ait échappé lorsqu'il a demandé le bénéfice de la garantie alors surtout qu'elle considérait que de toute façon l'invalidité absolue et définitive au sens de la police n'était pas établi ; que Monsieur X. est par ailleurs mal fondé à prétendre qu'il a payé une assurance complémentaire pour un risque qui à l'époque même de la signature du contrat n'était pas garanti ; qu'il a souscrit une assurance pour l'ouverture de crédit dans les conditions exposées au verso de l'offre c'est à dire, vu son âge à la date du contrat, pour le seul risque décès ; que l'assurance avait donc bien un objet, le risque décès, et que ce qu'il a payé correspond à cet objet »

« Qu'enfin les clauses litigieuses ne peuvent s'analyser comme des clauses relatives à la charge du risque imposées aux non professionnels ou consommateurs par un abus de la puissance économique de l'autre partie et conférant à cette dernière un avantage excessif ; que ni la Société d'assurances ni l'organisme de crédit ne tirent un avantage excessif de ces clauses ; qu'ainsi que cela a déjà été dit, Monsieur X. a souscrit une assurance le garantissant pour le risque décès et que les primes réglées avaient cette garantie décès pour contrepartie ; que l'on n'est pas en présence de clauses pouvant être réputées abusives au regard de la recommandation de synthèse N° 91-02 émise par la commission des clauses abusives dans son article 1 ou de l'article 35 de la loi 78-23 du 10 janvier 1978 ; que le risque invalidité totale et absolue dont Monsieur X. affirme qu'il s'est réalisé n'est pas garanti et qu'aucune faute n'est établie à la charge de la Société ASSUPAR VIE ».                 

 

COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 22 NOVEMBRE 1994

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 9300567.

LE VINGT DEUX NOVEMBRE MIL NEUF CENT QUATRE VINGT QUATORZE LA CHAMBRE CIVILE DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY a rendu l'arrêt dont la teneur suit, dans la cause 9300567 - section 1 [FC/HF] opposant :

 

APPELANT :

COMPAGNIE D ASSURANCES ASSUPAR VIE,

dont le siège social est [adresse], agissant poursuites et diligences de son représentant légal audit siège ; APPELANT ; Représenté par SCP VASSEUR-BOLLONJEON-ARNAUD, Avoué et ayant pour Avocat SCP BALLALOUD du barreau de BONNEVILLE ;

à :

INTIMÉS :

- Monsieur X.

demeurant [adresse] ; Admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle en date du […] ; INTIME ; Représenté par Maître DELACHENAL, Avoué et ayant pour Avocat Maître BOISSON du barreau de CHAMBÉRY ;

- SOCIÉTÉ GROUPE CREDIPAR 

dont le siège social est [adresse] ; INTIMÉE ; Représentée par SCP BUTTIN-RICHARD-FILLARD, Avoué et ayant pour Avocat Maître GOSSET du barreau de ANNECY ;

 

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience des débats, tenue le ONZE OCTOBRE MIL NEUF CENT QUATRE VINGT QUATORZE avec l'assistance de Madame GÉRARD, Greffier

Et lors du délibéré, par : Monsieur FINANCE, Président - Monsieur LANNUZEL, Conseiller

Monsieur CUNY, Conseiller.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :

Monsieur X. a emprunté, suivant contrat du 11 mars 1991, une somme de 15.000,00 Francs à la Société CREDIPAR pour l'achat d'un véhicule. Il a adhéré à une assurance groupe.

Le 16 janvier 1992, il a été atteint d'une hémiplégie droite le mettant en situation d'invalidité.

Par actes des 22 et 24 juin 1992, il a fait assigner devant le Tribunal d'Instance de BONNEVILLE le Groupe CREDIPAR et la Compagnie ASSUPAR VIE aux fins d'entendre dire et juger que la garantie stipulée au contrat de crédit du 11 mars 1991 en cas d'invalidité lui était acquise et de voir condamner la Compagnie d'Assurances à mettre en œuvre cette garantie à compter du 16 janvier 1992 et à lui verser la somme de 3.558,00 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par jugement du 04 janvier 1993, le Tribunal a fait droit aux demandes de Monsieur X. en réduisant cependant le montant de la condamnation au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par déclaration au greffe en date du 17 mars 1993, la Compagnie ASSUPAR VIE a relevé appel de ce jugement.

Elle fait valoir que depuis son 55ème anniversaire, Monsieur X. n'était plus contractuellement garanti qu'au cas de décès ; qu'en tout état de cause, la garantie invalidité lorsqu'elle a vocation à s'appliquer n'est due que si l'assuré est classé dans la 3ème catégorie des invalides de la sécurité sociale, ce qui n'est pas établi en l'espèce.

Elle ajoute que selon la notice du contrat souscrit : « l'assureur se réserve le droit de se livrer à toute enquête et de soumettre l'assuré à toute expertise qu'il juge utiles pour apprécier l'état d'invalidité ».

Elle conclut à la réformation du jugement entrepris et à la condamnation de Monsieur PHAM au paiement de la somme de 5.000,00 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux dépens.

Monsieur PHAM fait observer que la Compagnie d'Assurances ASSUPAR VIE prétend pour la première fois devant la Cour qu'il ne peut, vu son âge, bénéficier du régime d'assurance invalidité, qu'elle n'a donc elle même pas eu conscience des clauses qu'elle invoque aujourd'hui ; qu'elle lui a fait souscrire une assurance [minute page 3] complémentaire qu'il a dû bien évidemment payer pour un dommage exclu dès la signature du contrat puisqu'il avait alors plus de 55 ans, qu'elle a commis une faute lourde et a manqué à son obligation de conseil, que la clause litigieuse doit être réputée non écrite comme abusive :

Il demande à la Cour de :

« Rejetant toutes fins et conclusions contraires.

Statuant ce que de droit sur la recevabilité de l'appel interjeté.

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal d'Instance du 4 janvier 1993 sauf a y ajouter une indemnité de 2.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Condamner l'appelante en tous les dépens lesquels seront recouvrés suivant les dispositions de l'aide juridictionnelle et de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit de Maître DELACHENAL, Avoué.

A titre subsidiaire, constatant l'existence d'une clause abusive, constatant la faute lourde commise par la Compagnie d'Assurances.

Réformant le jugement rendu par le Tribunal d'Instance en date du 4 Janvier 1993.

Condamner la Compagnie ASSUPAR-VIE à couvrir les mensualités échues à compter du 18 janvier 1992 et à verser à Monsieur PHAM la somme de 4.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés selon les dispositions de l'aide juridictionnelle ».

Le Groupe CREDIPAR demande à la Cour de constater qu'aucune demande n'est formulée à son encontre et que sa créance n'est pas contestée.

Il demande acte de ses réserves quant au recouvrement des sommes dues.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, LA COUR :

Attendu que l'offre préalable de crédit de la Société DIN à laquelle Monsieur X. a souscrit le 11 mars 1991 porte sur la somme de 15.000,00 Francs ; que selon l'article 10 de cette offre, dans le cadre de cette ouverture de crédit et sans pouvoir dépasser le montant global disponible du découvert autorisé, le prêteur peut proposer à l'emprunteur d'affecter une partie de ce montant à un compte distinct en lui offrant une nouvelle grille de fonctionnement et en mettant à sa disposition [minute page 4] d'autres moyens de paiement ; que Monsieur X. a donné mandat au prêteur de souscrire à son profit les assurances garantissant l'emprunteur dans les conditions exposées au verso de l'offre d'une part pour l'ouverture de crédit (police N° 0007-ASSUPAR VIE) et d'autre part pour le deuxième compte distinct visé à l'article 10 (police N° 0008-ASSUPAR VIE) ; que l'adhésion était révocable dans le mois suivant le premier prélèvement ; qu'il était prévu que pour chacune des polices, une notice reprenant les conditions d'application des garanties serait adressée séparément au souscripteur et lui permettrait d'user éventuellement de la faculté de renonciation ; qu'il était précisé au verso de l'offre auquel renvoyait expressément l'adhésion signée par Monsieur X. :

« II - EXTRAIT DES ASSURANCES GARANTISSANT L'EMPRUNT

Nature des garanties

« D » = décès seul

« DI » = décès et invalidité absolue et définitive (3ème catégorie des invalides de la Sécurité Sociale avec l'assistance permanente d'une tierce-personne pour l'exécution des actes ordinaires de la vie)

« ALD » = arrêt total de travail de longue durée par maladie, accident ou perte d'emploi salarié.

Garanties accordées pour l'ouverture de crédit :

« DI » = jusqu'à 55 ans

« D » = au delà et jusqu'à 70 ans....

Garanties accordées pour le 2ème compte distinct :

Condition d'adhésion : être âgé de moins de 72 ans

« DI + ALD » jusqu'à 55 ans

« D » au delà et jusqu'à 75 ans »

Qu'il n'est pas contesté que la notice visée à l'adhésion à l'assurance a bien été remise à Monsieur X. qui la verse à son dossier ; que cette notice rappelle :

«  I - Nature des garanties

Le décès survenant pendant la durée du contrat de prêt et au plus tard le jour du 55ème anniversaire.

Invalidité définitive et absolue mettant l'assuré dans l'incapacité absolue et définitive d'exercer une activité quelconque lui procurant salaire, gain ou profit et l'obligeant en outre à recourir à l'assistance permanente d'une tierce personne pour les actes ordinaires de la vie (classement en 3ème catégorie [minute page 5] des invalides par la sécurité sociale) survenant pendant la durée du contrat de prêt et au plus tard le jour du 55ème anniversaire de l'assuré ».

Qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier que Monsieur X. est né le 20 septembre 1934 à [ville] ; qu'il était donc âgé de 56 ans à la date de signature du contrat et de 57 ans à la date de l'invalidité ;

Qu'il s'ensuit qu'à supposer même qu'il soit atteint d'une invalidité-définitive et absolue au sens de la police il ne peut prétendre à une quelconque garantie à ce titre ;

Que certes la Société ASSUPAR VIE soulève ce moyen pour la première fois devant la Cour mais qu'ainsi que l'a admis Monsieur X. dans ses écritures, il ne lui est nullement interdit de le faire ; qu'en effet elle ne se heurte à aucune forclusion et qu'elle ne peut être présumée avoir renoncé à s'en prévaloir ; qu’il ne peut en outre en être déduit qu'elle n'avait pas conscience de la portée des clauses qu'elle invoque actuellement ;

Qu'il se peut qu'elle ait commis une erreur sur l'âge de Monsieur X. ou que ce point lui ait échappé lorsqu'il a demandé le bénéfice de la garantie alors surtout qu'elle considérait que de toute façon l'invalidité absolue et définitive au sens de la police n'était pas établi ; que Monsieur X. est par ailleurs mal fondé à prétendre qu'il a payé une assurance complémentaire pour un risque qui à l'époque même de la signature du contrat n'était pas garanti ; qu'il a souscrit une assurance pour l'ouverture de crédit dans les conditions exposées au verso de l'offre c'est à dire, vu son âge à la date du contrat, pour le seul risque décès ; que l'assurance avait donc bien un objet, le risque décès, et que ce qu'il a payé correspond à cet objet ; qu'il ne peut reprocher à la Société d'assurances ou même à l'organisme de crédit une faute lourde ; que les conditions des garanties étaient claires et précises et qu'elles ne posaient pas la moindre difficulté de compréhension ;

Que leur libellé ne pouvait induire en erreur; qu'il a pu au moment de la formation du contrat avoir une parfaite connaissance des garanties dont il pouvait bénéficier grâce à la seule lecture des documents contractuels, et notamment de l'offre préalable de crédit recto verso et de la notice, dont la présentation matérielle est à l'abri de critique et dont le caractère lisible et compréhensible est incontestable ;

[minute page 6] Qu'enfin les clauses litigieuses ne peuvent s'analyser comme des clauses relatives à la charge du risque imposées aux non professionnels ou consommateurs par un abus de la puissance économique de l'autre partie et conférant à cette dernière un avantage excessif ; que ni la Société d'assurances ni l'organisme de crédit ne tirent un avantage excessif de ces clauses ; qu'ainsi que cela a déjà été dit, Monsieur X. a souscrit une assurance le garantissant pour le risque décès et que les primes réglées avaient cette garantie décès pour contrepartie ; que l'on n'est pas en présence de clauses pouvant être réputées abusives au regard de la recommandation de synthèse N° 91-02 émise par la commission des clauses abusives dans son article 1 ou de l'article 35 de la loi 78-23 du 10 janvier 1978 ; que le risque invalidité totale et absolue dont Monsieur X. affirme qu'il s'est réalisé n'est pas garanti et qu'aucune faute n'est établie à la charge de la Société ASSUPAR VIE ;

Qu'à tort le Tribunal a dit que la garantie de la Société ASSUPAR VIE devait être mise en jeu et que cette société devait prendre en charge les mensualités échues à compter du 18 janvier 1992 et l'a en outre condamné au paiement de 2.000,00 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux dépens ;

Qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau de débouter Monsieur X. de toutes ses demandes ;

Attendu qu'il n'est pas inéquitable qu'il supporte l'intégralité des frais irrépétibles qu'il a exposés puisqu'il succombe ; que l'équité ne commande pas, vu la situation respective des parties, d'allouer quelque indemnité que ce soit à la Société ASSUPAR VIE sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile alors surtout qu'elle a attendu la procédure d'appel pour se prévaloir de la non garantie du risque invalidité ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare recevable en la forme l'appel de la Société ASSUPAR VIE,

Au fond,

Infirme le jugement du Tribunal d'Instance de BONNEVILLE en date du 4 janvier 1993,

[minute page 7] Statuant à nouveau,

Déboute Monsieur X. de toutes ses demandes,

Constate qu'aucune demande n'est formulée à l'encontre du Groupe CREDIPAR, et que sa créance n'est pas contestée en l'état et dans le cadre de la présente procédure,

Lui donne acte de ce qu'il réserve ses droits quant au recouvrement des sommes qui lui sont dues,

Déboute les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires,

Condamne Monsieur X. aux dépens avec droit de recouvrement direct pour ceux d'appel au profit de la SCP BUTTIN RICHARD FILLARD et de la SCP VASSEUR BOLLONJEON ARNAUD conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Ainsi prononcé en audience publique le VINGT DEUX NOVEMBRE MIL NEUF CENT QUATRE VINGT QUATORZE par Monsieur FINANCE, Président, qui a signé le présent arrêt avec Madame GÉRARD, Greffier.