CA AIX-EN-PROVENCE (8e ch. A), 29 septembre 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 5963
CA AIX-EN-PROVENCE (8e ch. A), 29 septembre 2016 : RG n° 14/15716 ; arrêt n° 2016/529
Publication : Jurica
Extrait : « M. Y. ès qualités soutient qu'en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, la stipulation de l'indemnité de résiliation doit être réputée non écrite pour constituer une clause abusive. Même formée pour la première fois en appel, cette demande n'est pas nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile, dès lors qu'elle tend à faire écarter les prétentions adverses.
Mais, les dispositions du code de la consommation relatives aux clauses abusives ne s'appliquent que dans les relations contractuelles entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs. Tel n'est pas le cas de la convention litigieuse qui porte sur la location d'un véhicule à usage professionnel et qui a été souscrite par Mme X. sous sa dénomination commerciale de CF Impression, ce dont il résulte qu'elle agissait dans l'exercice de sa profession, à des fins en rapport direct avec cet exercice. »
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
HUITIÈME CHAMBRE A
ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 14/15716. Arrêt n° 2016/529. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Juge Commissaire du Tribunal de Commerce de FRÉJUS en date du 23 juillet 2014 enregistré(e) au répertoire général sous le R.G. n° 2014002402.
APPELANTE :
SA CREDIPAR
dont le siège social est [adresse], représentée par Maître Laurence DE S. de la SCP D. D'A. B. & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Maître Léa B., avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉS :
Madame X
artisan exerçant sous l'enseigne C&F IMPRESSION, représenté par Maître Georges André P., mandataire judiciaire, demeurant [adresse], défaillante
Maître Y.
membre de la SCP P.-M., ès qualités de mandataire judiciaire de Madame X., demeurant [adresse], représenté par Maître Florent L., avocat au barreau de DRAGUIGNAN substitué par Maître Eléonore D., avocat au barreau de DRAGUIGNAN
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 15 juin 2016 en audience publique devant la Cour composée de : Monsieur Yves ROUSSEL, Président rapporteur, Madame Catherine DURAND, Conseiller, Madame Anne CHALBOS, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2016
ARRÊT : Réputé contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2016, Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR :
Le 14 septembre 2011, Mme X., qui exerce une activité artisanale sous l'enseigne CF Impression, a souscrit auprès de la société Credipar un contrat de location portant sur un véhicule automobile, moyennant 48 loyers de 573,51 euros.
Le 30 septembre 2013, le tribunal de commerce de Fréjus a ouvert le redressement judiciaire de Mme X. en désignant M. Y. en qualité de mandataire judiciaire.
La société Credipar a déclaré au passif de la procédure collective une créance de 15.439,42 euros représentant les loyers à échoir.
Le contrat n'ayant pas été poursuivi, le véhicule a été restitué et vendu au prix de 10.000 euros HT sur lequel s'imputent des frais de 182,94 euros.
La société Credipar a réduit sa créance à la somme de 10.511,12 euros, montant de l'indemnité de résiliation.
Par ordonnance du 23 juillet 2014, le juge-commissaire a admis la créance pour 1 euro, au motif que l'indemnité de résiliation est une clause pénale dont le montant est manifestement excessif.
La société Credipar est appelante de cette décision.
* * *
Par conclusions remises le 27 janvier 2015, la société Credipar demande de déclarer irrecevable la prétention tirée du caractère prétendu de clause abusive de la stipulation de l'indemnité de résiliation, d'infirmer l'ordonnance attaquée, d'admettre la créance pour 10 511,12 euros à titre chirographaire, de lui allouer la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir :
- que la demande tendant à déclarer non écrite la clause d'indemnité de résiliation est irrecevable pour être formée pour la première fois en appel ;
- que cette demande est mal fondée, le texte invoqué étant sans application dans le cas d'une convention souscrite pour les besoins d'une activité professionnelle ;
- que l'indemnité de résiliation, qui ne peut être réduite en deçà du préjudice subi, répare le dommage découlant de l'interruption de la convention.
Par conclusions remises le 28 novembre 2014, M. Y. ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de Mme X. demande la confirmation de l'ordonnance attaquée et l'allocation de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir :
- que l'indemnité de résiliation est une clause pénale qui doit être réduite en raison de son caractère manifestement excessif ;
- que la société Credipar a renoncé à l'application de l'indemnité de résiliation en déduisant de sa créance la somme perçue à la suite de la vente du véhicule ;
- qu'en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, la stipulation de l'indemnité de résiliation doit être réputée non écrite pour être une clause abusive au regard de l'exigence de lisibilité.
Assignée à sa personne le 2 octobre 2014, Mme X. n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 juin 2016.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la demande tendant à ce que soit réputée non écrite la stipulation de l'indemnité de résiliation :
M. Y. ès qualités soutient qu'en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, la stipulation de l'indemnité de résiliation doit être réputée non écrite pour constituer une clause abusive.
Même formée pour la première fois en appel, cette demande n'est pas nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile, dès lors qu'elle tend à faire écarter les prétentions adverses.
Mais, les dispositions du code de la consommation relatives aux clauses abusives ne s'appliquent que dans les relations contractuelles entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs.
Tel n'est pas le cas de la convention litigieuse qui porte sur la location d'un véhicule à usage professionnel et qui a été souscrite par Mme X. sous sa dénomination commerciale de CF Impression, ce dont il résulte qu'elle agissait dans l'exercice de sa profession, à des fins en rapport direct avec cet exercice.
Par suite, la demande tendant à ce que la clause soit réputée non écrite est écartée.
Sur la demande tendant à constater que la société Credipar a renoncé à la clause pénale :
Le liquidateur judiciaire soutient que la société Credipar a renoncé à l'application de l'indemnité de résiliation en déduisant de sa créance la somme perçue à la suite de la vente du véhicule.
Mais, le prix de vente du véhicule n'a nullement été déduit de la créance, la société Credipar ayant dans un premier temps déclaré les loyers à échoir au jour de l'ouverture de la procédure pour un montant TTC, puis s'étant prévalue de l'indemnité de résiliation, représentée par les loyers à échoir au jour de la résiliation, pour un montant HT.
Sur la demande en modération de la clause pénale :
Les conditions générales de la convention de location stipulent à l'article 8 qu'en cas de résiliation, le bailleur réclamera une indemnité hors taxe correspondant à la valeur à la date de la résiliation du montant hors taxe des loyers non encore échus, actualisé en fonction de l'évolution du taux de l'intérêt légal depuis le jour de la signature de la convention.
L'indemnité de résiliation est une clause pénale en ce qu'elle fixe forfaitairement et à l'avance la sanction applicable en cas d'inexécution de l'obligation contractée. Cette clause est susceptible de modération, en application de l'article 1152 du code civil, lorsqu'elle est manifestement excessive, sans toutefois que le montant alloué puisse être inférieur à celui du dommage.
Le préjudice subi du fait du défaut d'exécution d'une convention de location jusqu'au terme convenu doit s'apprécier au regard des sommes que le bailleur aurait dû percevoir si la convention s'était poursuivie jusqu'à son terme, du capital qu'il a investi, des gains qu'il pouvait escompter, des frais qu'il expose à la suite de l'inexécution, enfin, de la valeur du matériel restitué, susceptible d'être revendu ou reloué.
En l'espèce, aucune mensualité n'est restée impayée antérieurement à la date de résiliation et le montant des loyers qui restaient à percevoir postérieurement s'élève à 10.549 euros. Cette somme est quasiment compensée par celle de 9.817 euros HT reçue par la société Credipar à la suite de la vente du véhicule.
Dans ces circonstances, l'indemnité de résiliation, d'un montant de 10.511,12 euros présente un caractère manifestement excessif. Elle doit être réduite à la somme de 4.000 euros.
* * *
L'ordonnance attaquée est infirmée.
En considération des succombances, chaque partie conserve la charge des frais et des dépens qu'elle a exposés.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
Déclare recevable mais mal fondée la demande tendant à déclarer non écrite la stipulation de l'indemnité de résiliation,
Infirme l'ordonnance attaquée,
Statuant à nouveau,
Fixe au passif de Mme X. la créance de la société Credipar à la somme de 4 000 euros à titre chirographaire,
Laisse à chaque partie la charge des frais et des dépens qu'elle a exposés.
Le Greffier Le Président
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