CA TOULOUSE (2e ch.), 5 octobre 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 5974
CA TOULOUSE (2e ch.), 5 octobre 2016 : RG n° 15/00758 ; arrêt n° 555
Publication : Jurica
Extrait : « La possibilité pour le crédit-preneur de soumettre à la société Star Lease un acquéreur faisant une offre d'achat du véhicule dans le délai d'un mois à compter du fait générateur est prévue par l'article 11-1 du contrat, qui prévoit malgré cela l'obligation pour le locataire de restituer immédiatement le véhicule en cas de résiliation, créant un déséquilibre significatif entre les obligations des parties.
La cour relève cependant, nonobstant le caractère abusif de la clause du contrat obligeant le locataire à une restitution immédiate ne lui permettant pas d'exercer dans des conditions satisfaisante le droit de présentation d'un éventuel acquéreur prévu par l'article D. 311-8 du code de la consommation, que la société l'Autre Monde Business & Leisure n'a toujours pas restitué le véhicule, que la société Star Lease n'a pas poursuivi l'exécution de cette obligation et que le crédit-preneur a disposé d'un délai de fait de plus de deux ans pour exercer un droit dont il n'a pas fait usage.
La résiliation du contrat entraîne l'obligation pour le locataire de restituer le bien qu'il détient et le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné cette restitution. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 5 OCTOBRE 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/00758. Arrêt n° 555. Décision déférée du 28 janvier 2015 - Tribunal de Commerce de MONTAUBAN - 2014/176.
APPELANTE :
SARL L'AUTRE MONDE BUSINESS AND LEISURE
Représentée par Maître Marie V., avocat au barreau de Tarn-et-Garonne
INTIMÉE :
SA STAR LEASE
Représentée par Maître Isabelle T., avocat au barreau de Tarn-et-Garonne
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Juin 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M-P. PELLARIN, conseiller faisant fonction de président, et M. SONNEVILLE, conseiller, chargés du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M.P. PELLARIN, conseiller faisant fonction de président, M. SONNEVILLE, conseiller, V. SALMERON, conseiller
Greffier, lors des débats : C. LERMIGNY
ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par V. SALMERON, conseiller en remplacement du président, empêché, et par C. LERMIGNY, greffier de chambre.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant contrat sous seing privé en date du 27 août 2010, la société l'Autre Monde Business & Leisure a souscrit auprès de la société Star Lease un contrat de crédit-bail portant financement d'un véhicule JEEP Wrangler Unlimited 2.8 CRD.
Aux termes de ce contrat, il était convenu que la société l'Autre Monde Business & Leisure s'acquitterait de 60 loyers mensuels de 685,12 euros.
Elle a laissé un certain nombre de loyers impayés à compter du mois d'octobre 2012.
Après plusieurs démarches amiables restées vaines, la société Star Lease s'est prévalue de la résiliation du contrat suivant LRAR en date du 2 janvier 2014.
La SA Star Lease a fait assigner la société l'Autre Monde Business and Leasure devant le tribunal de commerce de Montauban par acte en date du 13 juin 2014.
Par jugement du 28 janvier 2015, le tribunal a :
- condamné la société l'Autre Monde Business & Leisure au paiement de la somme de dix-huit mille cinq cent quatre-vingt-quinze euros soixante-treize cents (18.595,73 euros) au titre des loyers échus et de l'indemnité de résiliation, augmentée des intérêts au taux contractuel à compter de l'assignation et ce jusqu'à parfait paiement ;
- ordonné la restitution du matériel Jeep Wrangler 2.8 CRD ;
- dit, vu l'article 1244-1 du Code Civil que la société l'Autre Monde Business & Leisure s'acquittera de sa dette auprès de la SA Star Lease en vingt-quatre mensualités égales, le premier règlement devant intervenir dans le mois suivant la signification du présent jugement, le dernier devant solder la dette en principal frais et intérêts ;
- dit que ce jugement est assorti de la déchéance du terme, en cas de non règlement d'une seule mensualité à sa date d'échéance, la totalité de la dette deviendra immédiatement exigible, sans mise en demeure préalable.
- dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire ;
- condamné la société l'Autre Monde Business & Leisure au paiement de la somme de cinq cents euros (500 euros) au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- condamné la société l'Autre Monde Business & Leisure aux entiers dépens de l'instance en cours.
Par déclaration en date du 17 février 2015, la société l'Autre Monde Business and Leasure a relevé appel du jugement.
La clôture est intervenue le 12 avril 2016.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES.
* Par conclusions notifiées le 13 mai 2015, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'examen du détail de l'argumentation, la société l'Autre Monde Business and Leasure demande à la cour, au visa des articles 1134, 1226 à 1233 du Code civil, L. 132-1 et D. 311-13 du code de la consommation
- infirmer partiellement le jugement rendu le 28 janvier 2015 par le Tribunal de Commerce de Montauban :
En conséquence :
- dire que la clause pénale d'un montant de 411,06 euros invoquée par la Société Star Lease lui est inopposable, puisque non contractuellement prévue en matière de résiliation du contrat.
- Arrêter à la somme de 4.777,72 euros l'indemnité due au titre des loyers impayés et lui donner acte qu'elle ne s'oppose pas à son versement
- Requalifier l'indemnité de résiliation anticipée en clause pénale
- Dire que cette clause pénale revêt un caractère disproportionné et, en conséquence, minorer son montant qui ne saurait être supérieur à la somme de 3.000 euros.
- Dire que la clause relative à la restitution immédiate du véhicule s'analyse en une clause abusive, donc inopposable à la Société l'AUTRE MONDE puisque réputée non-écrite
Subsidiairement à défaut de requalification :
- Dire que le montant de l'indemnité de résiliation anticipée est de 13.098,01 euros selon le mode de calcul prévu au contrat
En toute hypothèse :
- confirmer le jugement du 28 janvier 2015 en ce qu'il a dit que l'elle pourra s'acquitter de sa dette en vingt-quatre mensualités conformément aux dispositions de l'article 1244-1 du Code civil.
L'appelante fait essentiellement valoir que :
- la clause qui met à sa charge en cas de résiliation la totalité des loyers à échoir majorée de l'option d'achat est une clause pénale ; elle est manifestement excessive et doit être réduite à 3.000 euros,
- la clause pénale de 411 euros n'est pas prévue par le contrat en cas de résiliation et ne lui est pas opposable,
- en lui imposant de restituer immédiatement le véhicule, elle se trouve privée de la possibilité de vendre elle-même le véhicule, ce qui crée un déséquilibre abusif entre les parties, alors qu'elle a en charge les loyers à échoir,
- subsidiairement, il y a une erreur dans le calcul de l'indemnité de résiliation,
- elle peut prétendre à des délais de paiement.
* Par conclusions notifiées le 1er juillet 2015, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'examen du détail de l'argumentation, la SA Star Lease demande à la cour, de :
- débouter la société L'Autre Monde de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Montauban en ce qu'il a condamné la société l'Autre Monde Business & Leisure au paiement de la somme de 18.595,73 euros, ordonné la restitution du matériel loué, condamné au paiement d'une somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a octroyé des délais de paiement à la société L'Autre Monde ;
- condamner la société L'Autre Monde au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
L'intimée développe principalement les observations suivantes :
- la clause pénale de 10 % des loyers impayés est due, puisqu'il y a eu impayés,
- la société l'Autre Monde Business and Leasure ne démontre pas que l'indemnité de résiliation serait excessive,
- le contrat est résilié depuis novembre 2012 et le délai de 30 jours pour que le locataire présente un acquéreur au bailleur est expiré depuis longtemps ; la société l'Autre Monde Business and Leasure ne prouve pas qu'elle en a cherché un ;
- il n'y a pas d'erreur dans le calcul de l'indemnité ;
- la dette est ancienne et le principe de délais n'est pas justifié.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION.
La résiliation anticipée du contrat de crédit-bail en raison du non-paiement de loyers par la société l'Autre Monde Business & Leisure n'est pas discutée ; celle-ci conteste par contre le montant de la somme mise à sa charge au titre des loyers impayés, soutient que l'indemnité prévue au titre des loyers constituerait une clause pénale dont le montant serait manifestement excessif et que la clause prévoyant la restitution du véhicule serait abusive au regard des dispositions de l'article D. 311-8 du code de la consommation.
* La somme de 5.188,52 euros mise à la charge de la société l'Autre Monde Business & Leisure au titre des loyers impayés à la résiliation est composée de 6 mensualités (pour 4.110,72 euros), d'une clause pénale de 10 % de ce montant (411,06 euros) et des intérêts pour 666.74 euros. La clause pénale est prévue par le contrat en son article 3-7, ainsi rédigé : « en cas de retard dans le paiement de toute somme due par le locataire, dans l'hypothèse où le bailleur accepte de surseoir à la résiliation encourue, les intérêts de retard seront calculés, depuis la date d'échéance jusqu'au jour du paiement effectif, au taux fixé conventionnellement à 1,50 % par mois majorés du remboursement, en tout état de cause et sans justificatifs, des frais divers engagés pour tout rappel d'échéance. En outre le bailleur se réserve le droit d'exiger à titre de clause pénale une somme forfaitaire égale à 10% du loyer impayé. »
La société Star Lease s'est prévalue de la résiliation du contrat par courrier du 2 janvier 2014 en raison de certains loyers impayés entre octobre 2012 et septembre 2013. L'article 11 du contrat qui concerne la résiliation ne prévoit pas dans ce cas cette pénalité. La rédaction de l'article 3-7 est ambigüe et sa combinaison avec l'article 11, obscure, conduit à l'interpréter contre celui qui les a stipulés en considérant que la pénalité de 10 % du montant des loyers impayés ne s'applique qu'en l'absence de résiliation.
La somme de 411,06 euros n'est pas due par le crédit-preneur, qui n'est redevable au titre des impayés que d'une somme de 4.777,72 euros et le jugement sera infirmé sur ce chef.
* La possibilité pour le crédit-preneur de soumettre à la société Star Lease un acquéreur faisant une offre d'achat du véhicule dans le délai d'un mois à compter du fait générateur est prévue par l'article 11-1 du contrat, qui prévoit malgré cela l'obligation pour le locataire de restituer immédiatement le véhicule en cas de résiliation, créant un déséquilibre significatif entre les obligations des parties.
La cour relève cependant, nonobstant le caractère abusif de la clause du contrat obligeant le locataire à une restitution immédiate ne lui permettant pas d'exercer dans des conditions satisfaisante le droit de présentation d'un éventuel acquéreur prévu par l'article D. 311-8 du code de la consommation, que la société l'Autre Monde Business & Leisure n'a toujours pas restitué le véhicule, que la société Star Lease n'a pas poursuivi l'exécution de cette obligation et que le crédit-preneur a disposé d'un délai de fait de plus de deux ans pour exercer un droit dont il n'a pas fait usage.
La résiliation du contrat entraîne l'obligation pour le locataire de restituer le bien qu'il détient et le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné cette restitution.
* La clause qui met à la charge du débiteur la totalité des loyers à échoir au jour de la résiliation prévoit une compensation forfaitaire du préjudice subi par le créancier du fait de l'inexécution du contrat ; cette indemnité de résiliation constitue une clause pénale, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge. En application de l'article 1152 du code civil, elle peut être réduite par le juge si elle apparaît manifestement excessive au regard du préjudice subi par le créancier.
En application de l'article 11-2 du contrat, elle est constituée par 21 loyers à échoir de 561,40 euros chacun, l'option d'achat fixée à 1% de la valeur HT du matériel, soit 297,53 euros, une pénalité de 10% sur le montant des loyers à échoir, soit une somme de 13.295,52 euros.
Au-delà de six loyers impayés, le créancier depuis qu'il a entendu se prévaloir de la résiliation, est privé de tout règlement et de la jouissance du matériel depuis janvier 2014. La clause pénale n'apparaît pas manifestement excessive et il n'y a pas lieu à réduction.
En raison de l'ancienneté de la créance, de l'absence de toute restitution volontaire du véhicule par la société l'Autre Monde Business & Leisure depuis plus de deux ans et de tout paiement de sa part, il n'y a pas lieu de la faire bénéficier des délais de paiement qu'autorise l'article 1244-1 du code civil et le jugement sera infirmé sur ce chef.
La société l'Autre Monde Business & Leisure, qui succombe, supportera la charge des dépens de la présente instance et ses propres frais. En outre, l'équité commande de la faire participer aux frais irrépétibles exposés par l'intimée et elle sera condamnée au paiement d'une indemnité de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a ordonné la restitution du véhicule et condamné la société l'Autre Monde Business & Leisure au paiement d'une indemnité de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne la société l'Autre Monde Business & Leisure à payer à la société Star Lease la somme de 18.184,67 euros au titre des loyers échus et de l'indemnité de résiliation, majorée des intérêts au taux contractuel à compter de l'assignation ;
Déboute la société Star Lease de sa demande en paiement de la clause pénale appliquée aux intérêts échus en application de l'article 3-7 du contrat ;
Rejette la demande de délais de paiement présentée par la société l'Autre Monde Business & Leisure ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Condamne la société l'Autre Monde Business & Leisure à payer à la société Star Lease la somme de 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société l'Autre Monde Business & Leisure aux dépens.
Le greffier, P/Le président empêché,
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