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CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 29 septembre 2016

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 29 septembre 2016
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 6
Demande : 15/00071
Date : 29/09/2016
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 26/12/2014
Décision antérieure : CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 14 avril 2016
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2016-020669
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5978

CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 29 septembre 2016 : RG n° 15/00071 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Considérant que le Crédit du Nord a prononcé la déchéance du terme du prêt en application de l'article 9.1 des conditions générales de la convention par lettres recommandées avec accusé de réception du 22 mai 2012 reçues le 26 mai 2012 par Madame Y. et Monsieur X. ; Considérant que cette clause contractuelle stipule que « le prêt, en principal, intérêts, frais et accessoires, deviendra immédiatement et de plein droit exigible par anticipation sans que le prêteur ait à remplir une formalité judiciaire quelconque, sauf accord écrit de sa part, en cas de fourniture de renseignements inexacts sur la situation de l'emprunteur dès lors que ces renseignements étaient nécessaires à la prise de décision du prêteur » ;

Considérant que la clause qui permet au prêteur d'exiger de plein droit le remboursement anticipé sans que l'emprunteur soit défaillant dans le remboursement de son crédit ne satisfait aux exigences de l'article L. 311-13 du code de la consommation et crée un déséquilibre entre les parties ; qu'elle est abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation ; qu'elle doit être réputée non écrite de sorte que le Crédit du Nord ne peut se fonder sur cette disposition pour prononcer la résiliation de la convention ».

2/ « Considérant que la communication de renseignements inexacts et la remise de faux documents sur la solvabilité des emprunteurs qui sont des éléments déterminants de l'octroi du crédit constitue une manœuvre destinée à vicier le consentement de la banque qui a été trompée sur les capacités financières des emprunteurs et n'aurait pas accordé le crédit sollicité si elle avait connu la réalité de leur situation ; Considérant que le Crédit du Nord est, en conséquence, fondé à demander la nullité de la convention de prêt pour dol ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 6

ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/00071 (6 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 décembre 2014 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - R.G. n° 12/09605.

 

APPELANTS :

Monsieur X.

Né le [date] à [ville], Représenté par Maître Joëlle V.-P., avocat au barreau de PARIS, toque : D1476, Ayant pour avocat plaidant Maître Emmanuel T., avocat au barreau de PARIS, toque : D0022

Madame Y.

Née le [date] à [ville], Représentée par Maître Joëlle V.-P., avocat au barreau de PARIS, toque : D1476, Ayant pour avocat plaidant Maître Emmanuel T., avocat au barreau de PARIS, toque : D0022

 

INTIMÉE :

SA CRÉDIT DU NORD

RCS LILLE XX, Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Ali EL A., avocat au barreau de PARIS, toque : D0289, Ayant pour avocat plaidant Maître Maryvonne EL A., avocat au barreau de PARIS, toque : D0289

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 juin 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Muriel GONAND, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Dominique LONNE, Présidente, Madame Caroline FÈVRE, Conseillère, Madame Muriel GONAND, Conseillère.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Josélita COQUIN

ARRÊT : - Contradictoire, - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Dominique LONNE, président et par Madame Josélita COQUIN, greffier présent lors du prononcé.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu le jugement en date du 16 décembre 2014 rendu par le tribunal de grande instance de Bobigny qui a rejeté la demande de sursis à statuer formée par Madame Y. et Monsieur X., les a condamnés solidairement à verser au Crédit du Nord la somme de 514.518,54 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,40 % à compter du 22 mai 2012, ordonné la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil, débouté Madame Y. et Monsieur X. de leurs demandes reconventionnelles et les a condamnés solidairement à verser au Crédit du Nord la somme de 1.200 en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ordonné l'exécution provisoire, rejeté le surplus des demandes, condamné Madame Y. et Monsieur X. aux dépens.

Vu la déclaration d'appel de Madame Y. et Monsieur X. remise au greffe de la cour le 26 décembre 2014.

Vu l'arrêt de cette cour en date du 14 avril 2016 qui a confirmé le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à statuer formée par Madame Y. et Monsieur X., révoqué l'ordonnance de clôture et renvoyé l'affaire à la mise en état, invité les parties à conclure sur le caractère éventuellement abusif de l'article 9.1 des conditions générales de l'offre préalable permettant au prêteur d'exiger le remboursement anticipé sans défaillance de l'emprunteur dans le remboursement du prêt, dit que l'ordonnance de clôture pourra intervenir le 31 mai 2016 et que l'audience de plaidoirie se tiendra le 6 juin 2016 à 9 heures.

 

Vu les dernières conclusions, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, signifiées le 10 mai 2016 par Madame Y. et Monsieur X. qui demandent l'infirmation du jugement déféré et de :

- dire que le contrat de prêt consenti par le Crédit du Nord le 6 juin 2011 conservera et poursuivra ses effets portant sur le crédit en capital de 490.000 euros, remboursable en 300 mensualités de 2.808,54 euros, pour l'achat d'une maison à usage d'habitation principale, située [...], sans aucune indemnité subie par les emprunteurs,

- condamner le Crédit du Nord à leur payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts,

- condamner le Crédit du Nord à leur payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

 

Vu les dernières conclusions, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, signifiées le 23 mai 2016 par le Crédit du Nord qui demande de :

- déclarer Madame Y. et Monsieur X. mal fondés en leur appel,

- débouter Madame Y. et Monsieur X. de leurs demandes,

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions notamment en ce qu'il a fait application de l'article 9.1 des conditions générales du contrat de prêt, prononcé la résiliation du prêt et condamné Madame Y. et Monsieur X. à lui rembourser la somme de 514.518,54 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,40 % l'an à compter du 22 mai 2012 et capitalisation, débouté Madame Y. et Monsieur X. de leurs demandes reconventionnelles,

et, à défaut,

- prononcer la nullité du contrat de prêt du 6 juin 2011 et condamner Madame Y. et Monsieur X. à lui payer la somme de 490.000 euros sous déduction des sommes qui ont été payées au titre du prêt avec intérêts,

- condamner Madame Y. et Monsieur X. à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

 

Vu l'ordonnance de clôture en date du 31 mai 2016.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

Considérant que Madame Y. et Monsieur X. soutiennent que la clause de déchéance du terme prévue par l'article 9.1 des conditions générales du prêt est abusive dès lors qu'il n'y a eu aucune défaillance de leur part dans le règlement des échéances ; qu'ils se prévalent d'un arrêt de la Cour de Cassation du 30 avril 2014 qui a jugé qu'une clause de déchéance permettant au prêteur d'exiger le remboursement anticipé du crédit sans défaillance de l'emprunteur ne satisfait pas aux exigences de l'article L. 311-13 du code de la consommation ; qu'ils en concluent que le jugement doit être infirmé et que la banque doit leur payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Considérant que le Crédit du Nord réplique Madame Y. et Monsieur X. lui ont donné de fausses informations et lui ont remis de faux documents pour le convaincre de leur accorder le prêt en cause ; que, même s'ils contestent être l'auteur des faux, ils ont reconnu les avoir utilisés ; qu'ils ont manqué de loyauté afin de le tromper sur leur solvabilité ; qu'il estime avoir légitimement fait application de l'article 9.1 des conditions générales du contrat qui fait la loi des parties puisque les emprunteurs lui ont fourni des renseignements inexacts et déterminants pour la prise de décision d'octroi du crédit qu'il n'avait pas à vérifier en l'absence d'anomalies apparentes compte tenu de la concordance entre les déclarations et les justificatifs remis ; que la clause contractuelle incriminée ne revêt pas de caractère abusif au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation dès lors qu'elle énumère strictement les cas ouvrant la possibilité d'une exigibilité anticipée du prêt ; que la résiliation du contrat est justifiée ; qu'à titre subsidiaire, il fait valoir que le manquement des emprunteurs à leur obligation de bonne foi à seule fin de le tromper sur leur profession et leurs revenus, ce qui constitue un comportement frauduleux, a vicié son consentement et que la convention est entachée de nullité par application de l'article 1116 du code civil ;

 

Considérant que le Crédit du Nord a prononcé la déchéance du terme du prêt en application de l'article 9.1 des conditions générales de la convention par lettres recommandées avec accusé de réception du 22 mai 2012 reçues le 26 mai 2012 par Madame Y. et Monsieur X. ;

Considérant que cette clause contractuelle stipule que « le prêt, en principal, intérêts, frais et accessoires, deviendra immédiatement et de plein droit exigible par anticipation sans que le prêteur ait à remplir une formalité judiciaire quelconque, sauf accord écrit de sa part, en cas de fourniture de renseignements inexacts sur la situation de l'emprunteur dès lors que ces renseignements étaient nécessaires à la prise de décision du prêteur » ;

Considérant que la clause qui permet au prêteur d'exiger de plein droit le remboursement anticipé sans que l'emprunteur soit défaillant dans le remboursement de son crédit ne satisfait aux exigences de l'article L. 311-13 du code de la consommation et crée un déséquilibre entre les parties ; qu'elle est abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation ; qu'elle doit être réputée non écrite de sorte que le Crédit du Nord ne peut se fonder sur cette disposition pour prononcer la résiliation de la convention ;

Considérant qu'en application de l'article 1116 du code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'un des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé ;

Considérant qu'il n'est ni contesté, ni contestable que Madame Y. et Monsieur X. ont fourni de faux renseignements et de faux documents au Crédit du Nord pour justifier de leur profession, de leurs revenus de 8.500 euros par mois et de leur situation économique ;

Considérant que la communication de renseignements inexacts et la remise de faux documents sur la solvabilité des emprunteurs qui sont des éléments déterminants de l'octroi du crédit constitue une manœuvre destinée à vicier le consentement de la banque qui a été trompée sur les capacités financières des emprunteurs et n'aurait pas accordé le crédit sollicité si elle avait connu la réalité de leur situation ;

Considérant que le Crédit du Nord est, en conséquence, fondé à demander la nullité de la convention de prêt pour dol ;

Considérant que la nullité a pour effet de remettre les parties en l'état où elles se trouvaient avant la conclusion du contrat de prêt ; que Madame Y. et Monsieur X. doivent rembourser à la banque la somme empruntée de 490.000 euros, sous déduction des sommes qu'ils ont payées au titre du prêt, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision qui prononce la nullité de la convention ;

Considérant que Madame Y. et Monsieur X. sollicitent des dommages-intérêts sans alléguer, ni démontrer une quelconque faute circonstanciée imputable au Crédit du Nord qui n'avait pas à vérifier les informations qui lui avaient été communiquées par les emprunteurs tenus à une obligation de loyauté et qui ne peuvent pas se prévaloir de leur propre turpitude ; qu'ils seront déboutés de leur demande ;

Considérant que le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné Madame Y. et Monsieur X. à payer la somme de 514.518 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,40 % l'an à compter du 22 mai 2012 et confirmé pour le surplus en ses autres dispositions non contraires au présent arrêt ;

Considérant qu'il est inéquitable de laisser à la charge de la banque le montant de ses frais irrépétibles ; qu'il convient de condamner les appelants à lui payer la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Considérant que Madame Y. et Monsieur X., qui succombent, supporteront les dépens d'appel ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Vu l'arrêt rendu par cette cour le 14 avril 2016,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné solidairement Madame Y. et Monsieur X. à verser au Crédit du Nord la somme de 514.518,54 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,40 % à compter du 22 mai 2012 et le confirme pour le surplus en ses dispositions non contraires au présent arrêt,

Statuant à nouveau quant à ce et y ajoutant,

Dit que la clause permettant au prêteur de prononcer la déchéance du terme en cas de fourniture de renseignements inexacts sur la situation de l'emprunteur est abusive et qu'elle est réputée non écrite ;

Prononce la nullité de la convention de prêt du 6 juin 2011 en application de l'article 1116 du code civil,

Condamne Madame Y. et Monsieur X. à payer au Crédit du Nord la somme de 490.000 euros, sous déduction des sommes qu'ils ont réglées au titre du prêt, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision

Condamne Madame Y. et Monsieur X. à payer au Crédit du Nord la somme de 1.500,00 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne Madame Y. et Monsieur X. aux dépens d'appel avec distraction au profit de l'avocat concerné dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT