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CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 14 avril 2016

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 14 avril 2016
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 6
Demande : 14/25646
Date : 14/04/2016
Nature de la décision : Avant dire droit
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 18/12/2014
Décision antérieure : CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 29 septembre 2016
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2016-008287
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5584

CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 14 avril 2016 : RG n° 14/25646 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Considérant que pour fonder sa demande à l'encontre de M.et Mme X., le CRÉDIT DU NORD, qui n'invoque pas de manquement suffisamment grave justifiant le prononcé d'une résolution judiciaire du prêt selon l'article 1184 du code civil, se prévaut uniquement de la clause d'exigibilité immédiate du prêt immobilier prévue par l'article 9.1 des conditions générales annexées au contrat de prêt selon laquelle : « Le prêt en principal, intérêts, frais et accessoires, deviendra immédiatement et de plein droit exigible par anticipation, sans que le prêteur ait à remplir une formalité judiciaire quelconque, sauf accord écrit de sa part, dans l'un des cas suivants : - « fournitures de renseignements inexacts sur la situation de l'emprunteur dès lors que ces renseignements étaient nécessaires à la prise de décision du prêteur » ; […] Dans ces hypothèses, la défaillance de l'emprunteur aura pour conséquence la déchéance du terme et l'exigibilité immédiate des sommes dues » ;

Considérant que l'article L. 132-1 du code de la consommation édicte que […] ; Que la clause susvisée, qui autorise la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues dès lors que les déclarations faites par l'emprunteur ont été reconnues fausses ou inexactes, est de nature à créer un déséquilibre significatif dans la mesure où elle tend à laisser penser que l'établissement dispose d'un pouvoir discrétionnaire et que l'emprunteur ne peut recourir au juge pour contester le bien-fondé de la déchéance du terme ; Considérant qu'ainsi il a été jugé que constitue une clause abusive la clause qui prévoit la résiliation du contrat de prêt pour une défaillance de l'emprunteur extérieure à ce contrat, une telle clause, envisagée en termes généraux et afférente à l'exécution de conventions distinctes, créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur, ainsi exposé par une décision unilatérale de l'organisme prêteur, en dehors du mécanisme de la condition résolutoire, à une aggravation soudaine des conditions de remboursement et à une modification majeure de l'économie du contrat de prêt ;

Considérant qu'il convient de mettre LE CRÉDIT DU NORD en mesure de s'expliquer sur le moyen tiré du caractère abusif de la clause susvisée, susceptible d'être relevé ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 6

ARRÊT DU 14 AVRIL 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/25646 (5 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 8 décembre 2014 -Tribunal de Grande Instance d'ÉVRY - R.G. n° 14/01619.

 

APPELANTE :

SA CRÉDIT DU NORD

RCS LILLE XXX, Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, Représentée et ayant pour avocat plaidant Maître Ali EL A., avocat au barreau de PARIS, toque : D0289

 

INTIMÉS :

Monsieur X.

Né le [date] à [ville]

Non constitué

Madame Y. X.

Née le [date] à [ville]

Non constituée

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 février 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Dominique LONNE, Présidente, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente de chambre, Mme Dominique LONNE, Présidente, Madame Caroline FÈVRE, Conseillère.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Josélita COQUIN

ARRÊT : - Par défaut, - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, président et par Madame Josélita COQUIN, greffier présent lors du prononcé.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

M. X. et à Mme Y. épouse X. ont sollicité en mars 2013 un prêt immobilier d'un montant de 266.327 euros afin de financer l'acquisition d'une maison individuelle à usage d'habitation principale sise [adresse].

A l'appui de cette demande de prêt, M. et Mme X. ont présenté au CRÉDIT DU NORD le compromis de vente, des bulletins de paie, leurs avis d'imposition 2011 et 2012, la taxe foncière 2012 et les relevés de leur compte dans les livres de la Caisse d'Epargne.

Par offre acceptée le 30 mars 2013, le CRÉDIT DU NORD a consenti à M. et Mme X. un prêt immobilier d'un montant de 266.327 euros au taux fixe de 4,25 % l'an remboursable en 300 mensualités de 1.507,15 euros.

Le 15 mai 2013, le CRÉDIT DU NORD s'est vu adresser une réquisition judiciaire émanant du Groupement d'intervention régional de l'Essonne lui demandant de communiquer aux services de police un certain nombre de documents concernant Mme X.

Le 27 mai 2013, le CRÉDIT DU NORD a sollicité la CAISSE D'ÉPARGNE afin de vérifier la conformité des relevés de compte fournis par les époux X. aux écritures comptables de cet établissement. La CAISSE D'ÉPARGNE lui a indiqué que les relevés qui lui ont été transmis ne sont pas conformes aux écritures inscrites dans ses livres.

Par lettres recommandées avec avis de réception du 16 septembre 2013 adressées à M.et Mme X., le CRÉDIT DU NORD a prononcé l'exigibilité anticipée du prêt immobilier de 266.327 euros, pour fourniture de renseignements inexacts, au visa des dispositions de l'article 9.1 des conditions générales du prêt et a mis en demeure les époux X. de lui rembourser la somme de 283.550 euros au titre du capital restant dû, des intérêts au taux contractuel de 4,25 % et de l'indemnité contractuelle d'exigibilité anticipée.

Par acte d'huissier du 5 février 2014, le CRÉDIT DU NORD a fait assigner M. X. et à Mme Y. épouse X. devant le tribunal de grande instance d'Evry afin de faire « constater que le prêt consenti a été rendu exigible en conséquence des renseignements inexacts fournis par les époux X. sur leur situation » et afin de les voir condamner solidairement à lui payer la somme de 283.550 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,25 % courus depuis le 16 septembre 2013 et capitalisation des intérêts.

Par jugement du 8 décembre 2014, le tribunal de grande instance d'Évry a :

- débouté le CRÉDIT DU NORD de sa demande de paiement,

- dit que la demande en capitalisation des intérêts devient donc sans objet,

- débouté le CRÉDIT DU NORD de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamné aux dépens.

Par déclaration du 18 décembre 2014, le CRÉDIT DU NORD a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses écritures signifiées le 9 février 2015, le CRÉDIT DU NORD demande à la cour de :

- le déclarer recevable et bien fondé en son appel,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a été débouté de ses demandes,

en conséquence,

- constater que le prêt consenti à M.et Mme X. a été rendu exigible en conséquence des renseignements inexacts fournis par ces derniers sur leur situation,

- condamné solidairement M. et Mme X. à lui payer la somme de 283.550 euros majorée des intérêts au taux contractuel de 4,25 % postérieurs au 16 septembre 2013, date de la déchéance du terme, jusqu'à parfait paiement,

- ordonné la capitalisation annuelle des intérêts,

- les condamner solidairement au paiement de la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

Par actes d'huissier du 23 février 2015, le CRÉDIT DU NORD a fait signifier sa déclaration d'appel et ses conclusions d'appelant à M. X. et à Mme Y. épouse X. (avec remise de la copie des actes en l'étude de l'huissier instrumentaire).

Les intimés n'ont pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 janvier 2006.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Considérant que le CRÉDIT DU NORD se prévaut des stipulations de l'article 9-1 des conditions générales du prêt immobilier ; qu'il conclut que c'est sur le fondement de cette disposition contractuelle qu'il a prononcé l'exigibilité anticipée du prêt ; que le prêt a été accordé sur la base de documents falsifiés ; que par un courriel reçu le 27 mai 2013 de la CAISSE D'ÉPARGNE, celle-ci a indiqué que les relevés de compte transmis ne correspondent pas à ses écritures comptables ; que le montant des salaires apparaissant sur les fiches de paye ne se retrouvent pas sur les relevés du compte ouvert au CRÉDIT DU NORD sur lequel les revenus devaient être domiciliés ; qu'il ne connaît pas les ressources réelles de M.et Mme X. ; qu'il était donc en droit de prononcer l'exigibilité anticipée du prêt le 16 septembre 2013 en application des dispositions de l’article 9-1 des conditions générales du contrat de prêt ;

Que le CRÉDIT DU NORD ajoute qu'il justifie en cause d'appel que le prêt a été décaissé en deux versements, l'un de 1.327 euros sur le compte de M. X. le 4 avril 2013, le second de 265.000 euros par virement au compte de l'étude J. notaire à [ville E.], le 5 avril 2013 ; qu'il a donc remis l'intégralité des fonds au époux X. avant d'avoir eu connaissance de la réquisition judiciaire et du courriel de la CAISSE D'ÉPARGNE ;

Considérant que, si les intimés sont défaillants, il ne peut être fait droit à la demande que dans la mesure où elle est régulière, recevable et bien fondée ;

Considérant que pour fonder sa demande à l'encontre de M.et Mme X., le CRÉDIT DU NORD, qui n'invoque pas de manquement suffisamment grave justifiant le prononcé d'une résolution judiciaire du prêt selon l'article 1184 du code civil, se prévaut uniquement de la clause d'exigibilité immédiate du prêt immobilier prévue par l'article 9.1 des conditions générales annexées au contrat de prêt selon laquelle :

« Le prêt en principal, intérêts, frais et accessoires, deviendra immédiatement et de plein droit exigible par anticipation, sans que le prêteur ait à remplir une formalité judiciaire quelconque, sauf accord écrit de sa part, dans l'un des cas suivants :

- « fournitures de renseignements inexacts sur la situation de l'emprunteur dès lors que ces renseignements étaient nécessaires à la prise de décision du prêteur » ; […]

Dans ces hypothèses, la défaillance de l'emprunteur aura pour conséquence la déchéance du terme et l'exigibilité immédiate des sommes dues » ;

Considérant que l'article L. 132-1 du code de la consommation édicte que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que les clauses abusives sont réputées non écrites ;

Que la clause susvisée, qui autorise la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues dès lors que les déclarations faites par l'emprunteur ont été reconnues fausses ou inexactes, est de nature à créer un déséquilibre significatif dans la mesure où elle tend à laisser penser que l'établissement dispose d'un pouvoir discrétionnaire et que l'emprunteur ne peut recourir au juge pour contester le bien-fondé de la déchéance du terme ;

Considérant qu'ainsi il a été jugé que constitue une clause abusive la clause qui prévoit la résiliation du contrat de prêt pour une défaillance de l'emprunteur extérieure à ce contrat, une telle clause, envisagée en termes généraux et afférente à l'exécution de conventions distinctes, créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur, ainsi exposé par une décision unilatérale de l'organisme prêteur, en dehors du mécanisme de la condition résolutoire, à une aggravation soudaine des conditions de remboursement et à une modification majeure de l'économie du contrat de prêt ;

Considérant qu'il convient de mettre LE CRÉDIT DU NORD en mesure de s'expliquer sur le moyen tiré du caractère abusif de la clause susvisée, susceptible d'être relevé ;

Considérant que l'affaire doit être renvoyée à la mise en état ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Ordonne la réouverture des débats et le renvoi de l'affaire à la mise en état du 21 juin 2016 à 13h30,

Invite le CRÉDIT DU NORD à formuler ses observations sur le caractère abusif de la clause figurant à l'article 9.1 des conditions générales du prêt consenti à M. X. et à Mme Y. épouse X.

Dit que le présent arrêt et toutes nouvelles écritures seront signifiées aux intimés,

Réserve les dépens.

LE GREFFIER                    LE PRÉSIDENT