6045 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Contraintes d’exécution - Consommateur - Exécution impossible
- 6046 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Contraintes d’exécution - Consommateur - Exécutions irréalistes et contraintes excessives
- 6047 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Contraintes d’exécution - Consommateur - Délais de réclamation
- 6185 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Indices - Déséquilibre injustifié - Contraintes d’exécution
- 6011 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Principes généraux - Appréciation de la personne du consommateur
CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6045 (10 septembre 2022)
PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION
NOTION DE CLAUSE ABUSIVE - APPRÉCIATION DU DÉSÉQUILIBRE SIGNIFICATIF
DÉSÉQUILIBRE INJUSTIFIÉ - EXÉCUTION DU CONTRAT
CONTRAINTES D’EXÉCUTION - CONSOMMATEUR - EXÉCUTIONS IMPOSSIBLES
Présentation. Une obligation dont l’objet est impossible à exécuter est nulle. En droit commun (V. désormais art. 1163 C. civ.), cette nullité est pourtant rare, pour deux raisons. Tout d’abord, les hypothèses concernées se concentrent en général sur des obligations principales, en vue d’annuler le contrat dans son ensemble. Ensuite, l’impossibilité est appréciée de façon absolue.
Les décisions recensées montrent au contraire que la protection contre les clauses abusives permet d’aborder cette question dans une perspective beaucoup plus efficace et pragmatique, en analysant des obligations secondaires par référence à une « exécutabilité » concrète plus réaliste : sont abusives les clauses qui imposent au consommateur une obligation pratiquement impossible ou quasiment impossible à exécuter (V. aussi pour les délais de réclamation, Cerclab n° 6047). Il faut noter que la sanction, réputer non écrite l’obligation impossible à exécuter, n’emporte pas la nullité du contrat et a pour conséquence, notamment, de seulement éviter une responsabilité du consommateur ou une irresponsabilité du professionnel.
Clauses abusives en raison de l’impossibilité de leur exécution : recommandations. Pour des clauses jugées abusives dès lors que leur exécution concrète est impossible ou quasiment impossible pour le consommateur, V. pour la Commission des clauses abusives : Recomm. n° 85-04/I-21° : Cerclab n° 3524 (assurance multirisques-habitation ; clauses imposant à l’assuré, sous peine de perdre le bénéfice de l’assurance, des précautions pratiquement irréalisables contre le vol, en particulier l’utilisation effective de tous les moyens de protection existants - y compris les volets, grilles et verrous - pour une absence quelconque, même très courte et durant la journée) - Recomm. n° 96-02/17°, 18° et 20° : Cerclab n° 2165 (location de voiture ; 17° et considérant n° 20 ; clauses laissant en toute circonstance à la charge du locataire les dommages résultant du gel, alors que le locataire ne peut vérifier la qualité de l’antigel fourni ; 18° et considérant n° 21 ; opération de contrôle des niveaux de la boîte de vitesses et du pont arrière techniquement impossible pour un consommateur ; 20° et considérant n° 23 ; clause obligeant le consommateur à faire réparer le véhicule uniquement auprès du garage du loueur : compte tenu de l’éloignement qui peut exister entre le véhicule et ce garage, le respect de la clause peut être quasiment impossible) - Recomm. n° 00-01/B-III-35° : Cerclab n° 2194 (baux d’habitation ; caractère abusif des clauses prévoyant une « domiciliation » du locataire dans les lieux qu’il a libérés ; considérant n° 35 ; clause permettant au bailleur de notifier des actes de procédure à une adresse à laquelle il sait que le locataire ne réside plus).
Clauses abusives en raison de l’impossibilité de leur exécution : juges du fond. Sont abusives les clauses qui imposent aux consommateurs des obligations impossibles à exécuter et qui ont donc pour effet de priver en fait le consommateur d’un droit qui lui est normalement reconnu. V. par exemple TI Tours, 23 janvier 1997 : RG n° 11-95-00631 ; Cerclab n° 161 (caractère abusif d’une clause de déclaration de valeur lorsque l’adresse du professionnel n’est pas connue), infirmé par CA Orléans (ch. civ.), 31 août 1999 : RG n° 98/00019 ; arrêt n° 1463 ; Cerclab n° 699, pourvoi rejeté par Cass. civ. 1re, 5 février 2002 : pourvoi n° 00-10250 ; arrêt n° 218 ; Cerclab n° 2037 ; JCP 2002. IV. 1476 (problème non abordé) - CA Pau (1re ch.), 10 mai 2000 : RG n° 98-001847 ; arrêt n° 2010-00 ; Cerclab n° 639 ; Juris-Data n° 2000-113322 (impossibilité de contrôler les fuites d’une canalisation de 1.700 mètres traversant une voie ferrée et des propriétés privées), confirmant TI Bayonne, 11 mars 1998 : RG n° 11-96-00154 ; jugt n° 152 ; Cerclab n° 37 (obligation de surveillance impossible à exécuter), cassé par Cass. civ. 1re, 5 mars 2002 : pourvoi n° 00-18202 ; arrêt n° 434 ; Bull. civ. I, n° 78 ; Cerclab n° 2035 ; JCP 2002. II. 10123, note Paisant (cassation sur l’applicabilité de la protection, l’arrêt n’ayant pas recherché si le contrat avait un rapport direct avec l’activité) - TGI Bordeaux (1re ch. civ.), 11 mars 2008 : RG n° 06/03703 ; Cerclab n° 2746 ; Lamyline (vente sur internet ; impossibilité pour le consommateur d’exercer son droit de retour sans ouvrir l’emballage, ce qui peut l’endommager ; clause stipulant que « le produit devra obligatoirement être retourné en parfait état, dans son emballage d'origine, non ouvert, non descellé, non marqué... ») - CA Aix-en-Provence (4e ch. A), 12 mars 2010 : RG n° 08/14037 ; arrêt n° 2010/91 ; Cerclab n° 2869 (la clause d’un mandat non exclusif de vente d’immeuble imposant au mandant d’avertir « immédiatement » le mandataire en cas d’acceptation d’une offre sans son intervention, est respectée lorsque le mandant conclut un samedi et envoie la lettre recommandée avec accusé de réception le lundi ; si la clause était interprétée comme exigeant l’envoi le jour même, quel que soit le jour, elle serait impossible à respecter, compte tenu des horaires des bureaux de poste et serait dans ce cas non écrite), réformant TGI Marseille (10e ch. civ.), 6 mai 2008 : RG n° 06/4476 ; jugt n° 283 ; Cerclab n° 3712 (clause non abusive, compte tenu de la nature du mandat et d’une réciprocité implicite, sans examen de la question du délai) - CA Paris (pôle 5 ch. 11), 12 octobre 2018 : RG n° 16/08227 ; Cerclab n° 8160 (accès internet ; caractère abusif de la clause de résiliation après une suspension non régularisée, dès lors qu’après la suspension, les notifications subséquentes sont envoyées… par voie électronique au consommateur qui ne peut plus les recevoir), confirmant TGI Paris, 23 février 2016 : RG n° 13/10357 ; Dnd - CA Toulouse (1re ch. sect. 1), 3 mai 2021 : RG n° 19/01091 ; Cerclab n° 8935 (fourniture d’eau ; inopposabilité d’une clause du règlement qui impose une charge disproportionnée et est impossible à mettre en œuvre en mettant à la charge de l’abonné l’entretien du réseau sous le domaine public), sur appel de TGI Saint-Gaudens, 8 février 2019 : RG n° 17/00508 ; Dnd.
Est abusive et réputée non écrite, en vertu des art. R. 212-2 et L. 241-1 C. consom., en ce qu’elle a pour effet de supprimer l'exercice d'actions en justice, la clause subordonnant la possibilité pour le client de contester la facture au paiement préalable de 90 % de son montant et imposant le respect d'un délai de réclamation impossible de 30 jours, décompté à partir de la date de la facture et non de son envoi, permettant au professionnel de n'adresser la facture que postérieurement à l'expiration du délai imparti pour la contester. CA Paris (pôle 5 ch. 5), 5 septembre 2019 : RG n° 17/02353 ; Cerclab n° 8204, sur appel de TGI Créteil, 13 décembre 2016 : RG n° 15/04311 ; Dnd.
Pour l’exigence d’une preuve impossible : est abusive, en application de l’ancien art. R. 132-2-9° [212-2-9°] C. consom., et réputée non écrite, la clause qui conditionne la garantie de l'assureur à la preuve que le vol a « été commis par effraction du véhicule avec détérioration des organes de direction et de mise en route permettant techniquement le vol du véhicule », puisqu’elle revient à exiger une condition impossible, le vol des véhicules dotés d'une carte de démarrage ne nécessitant pas de détérioration des organes de direction et de mise en route. CA Toulouse (2e ch.), 5 octobre 2016 : RG n° 13/05291 ; arrêt n° 561 ; Cerclab n° 5973 (assurance de véhicule ; l’arrêt constate qu’à la suite de l'arrêt ordonnant la réouverture des débats, l’assureur ne se prévaut plus de l'absence de preuve de la détérioration des organes de direction pour refuser sa garantie, ce qui équivaut à renoncer à la preuve contraire permise par le texte visé ; conséquence : l’assuré doit, en application de l’ancien art. 1315 C. civ., rapporter la preuve du vol par tous moyens), sur appel de TGI Toulouse, 27 septembre 2013 : RG n° 12/00467 ; Dnd. § V. aussi : l’opérateur de téléphonie mobile, tenu d’une obligation de résultat, est présumé responsable de tout dysfonctionnement, sauf à rapporter la preuve d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée : est abusive la clause ne prévoyant l’indemnisation de l’abonné que dans le cas d’une interruption des services d’une durée consécutive de plus de 48 heures et imputable à une faute de l’opérateur, alors que le client n’est pas en mesure de connaître la cause de l’interruption et encore moins de rapporter la preuve de la faute de l’opérateur. TGI Paris (1re ch. sect. soc.), 30 septembre 2008 : RG n° 06/17792 ; jugt n° 5 ; Cerclab n° 4038. § Dans le même sens : CA Versailles (14e ch.), 4 février 2004 : RG n° 03/08320 ; arrêt n° 89 ; Cerclab n° 3990 ; Juris-Data n° 2004-232683 ; D. 2004. 635 ; note Avena-Robardet, confirmant TGI Nanterre (1re ch. A), 10 septembre 2003 : RG n° 02/03296 ; Cerclab n° 3991 ; Juris-Data n° 2003-221400.
Rappr. pour la prise en compte de la spécificité des ventes à distance et de l’impossibilité d’examiner le bien, sur le contenu et la date de l’obligation d’information pesant sur le professionnel : TGI Paris (1re ch. sect. soc.), 4 février 2003 : RG n° 02/11174 ; jugt n° 2 ; Cerclab n° 3862 ; D. 2003. 762, note Manara ; JCP 2003. II. 10079, note Stoffel-Munck ; Juris-Data n° 218093 et n° 204208 (vente par internet ; jugement confortant l’affirmation du caractère abusif de la clause permettant de reporter à la livraison l’exécution de l’obligation d’information de l’art. L. 111-1 C. consom., dans sa rédaction applicable, au motif que l’impossibilité d’examiner le bien dans un contrat à distance justifie qu’il soit décrit de façon très précise).
Utilisation inversée : clauses non abusives en raison de la possibilité de leur exécution. V. par exemple, refusant de déclarer des clauses abusives dès lors que leur respect ne semble pas impossible : Cass. civ. 1re, 7 juillet 1998 : pourvoi n° 96-17279 ; arrêt n° 1268 ; Bull. civ. I, n° 240 ; Cerclab n° 2058 ; D. Affaires 1998, 1309, note V. A.-R. ; D. 1999. Somm. 111, obs. D. Mazeaud ; Defrénois 1998. 1417, obs. D. Mazeaud ; Contr. conc. consom. 1998, n° 120, note Raymond (clause d’un contrat d’assurance multirisques habitation obligeant l’assuré, lorsque le vol n’a pas eu lieu par effraction, à faire la preuve de ce qu’il a été commis par escalade, usage de fausses clés ou introduction clandestine, preuve dont la production n’est pas jugée impossible), rejetant le pourvoi contre CA Paris (7e ch.), 3 avril 1996 : RG n° 94/22836 ; Cerclab n° 1283 ; D. 1996. IR. 142 ; RJDA 1996/10, n° 1271 ; Cerclab n° 1283, confirmant TGI Paris (1re ch. 1re sect.), 29 juin 1994 : RG n° 10838/93 ; Bull. inf. C. cass. 1994, n° 994 ; Cerclab n° 422 ; Petites affiches 4 septembre 1995, note Karimi ; Lamyline - Cass. civ. 1re, 1er février 2000 : pourvoi n° 97-16707 ; arrêt n° 185 ; Cerclab n° 2047 (clause imposant à l’assuré d’utiliser tous les moyens de fermeture et de protection - volets, persiennes...- de nuit, entre 22 heures et 6 heures, ou en cas d’absence supérieure à 15 heures ; vol commis après 22 heures, mais alors que l’assuré était chez lui, la fenêtre du premier étage ouverte), rejetant le pourvoi contre CA Paris (7e ch.), 18 septembre 1996 : RG n° 94/23958 ; Cerclab n° 1273 (idem), sur appel de TGI Paris (5e ch. 1re sect.), 14 juin 1994 : RG n° 15752/93 ; Cerclab n° 1355 (mesure non irréalisable ; clause non abusive surtout lorsque les locaux sont situés au premier étage d’un immeuble de la région parisienne).
Pour les juges du fond : TGI Bordeaux (1re ch. civ.), 11 mars 2008 : RG n° 06/03703 ; Cerclab n° 2746 ; Lamyline (vente sur internet ; le fait de demander le remboursement par chèque sur l'espace client personnalisé, par téléphone ou par courrier, pour refuser le bon d’achat, ne peut être considéré comme créant un déséquilibre significatif au préjudice du consommateur, compte tenu de la simplicité de la formalité) - CA Nîmes (1re ch. civ. B), 26 mars 2015 : RG n° 13/03366 ; Cerclab n° 5142 ; Juris-Data n° 2015-009191 (absence de caractère abusif d’une clause de déchéance d’assurance contre le vol, en cas d’absence d’installation des dispositifs contractuels de fermeture, dès lors que les exigences ne sont pas « impraticables »), sur appel de TGI Avignon, 17 juin 2013 : RG n° 12/00356 ; Dnd - CA Versailles (3e ch.), 23 janvier 2020 : RG n° 18/07518 ; Cerclab n° 8345 (assurance automobile ; la preuve de l’effraction n’est pas impossible dès lors que le véhicule est retrouvé), sur appel de TGI Nanterre (6e ch.), 7 septembre 2018 : RG n° 16/04325 ; Dnd.
Absence de caractère abusif de l’art. 55 A alinéa 1er du tarif général des voyageurs par lequel la SNCF s’exonère en cas de vol des bagages à mains, qui n’impose pas au voyageur l’obligation juridique de surveiller ses bagages, mais se contente de lui faire supporter, entre autres risques, celui du vol de ses bagages à main commis par un tiers, risque par ailleurs assurable ; si la disposition de la voiture facilite les vols commis par des tiers au contrat, elle ne rend pas impossible la surveillance des valises en offrant la possibilité de déambuler dans la voiture arrêtée. CA Paris (8e ch. A), 23 novembre 1993 : RG n° 92/21697 ; Cerclab n° 1298, infirmant TI Paris (9e arrdt), 23 avril 1992 : RG n° 1754/91 ; jugt n° 1134/92 ; Cerclab n° 435 (caractère abusif admis : la SNCF ne peut valablement se décharger de sa responsabilité que si elle permet au voyageur d’exercer normalement l’obligation de surveillance mise à sa charge, ce qui n’est pas le cas lorsque, compte tenu de la configuration même de la voiture, les sièges se trouvent dos au porte-bagages en bout de voiture).