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6185 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Indices - Déséquilibre injustifié - Contraintes d’exécution

Nature : Synthèse
Titre : 6185 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Indices - Déséquilibre injustifié - Contraintes d’exécution
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6185 (2 octobre 2022)

PROTECTION CONTRE LES DÉSÉQUILIBRES SIGNIFICATIFS DANS LE CODE DE COMMERCE (ART. L. 442-1-I-2° C. COM.)

NOTION DE DÉSÉQUILIBRE SIGNIFICATIF - INDICES DU DÉSÉQUILIBRE

DÉSÉQUILIBRE INJUSTIFIÉ : CONTRAINTES D’EXÉCUTION

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2022)

 

Présentation. L’appréciation d’un déséquilibre s’inscrit dans un cadre technique, économique et juridique imposant des contraintes tant au responsable (A) qu’à la victime (B). Cette approche existe aussi bien en droit de la consommation, que dans le cadre de l’anc. art. L. 442-6-I-2° [L. 442-1-I-2°] C. com.

V. pour le principe : compte tenu du rapport de force en présence, des clauses prévoyant des obligations ou des avantages injustifiés, sans contrepartie ou sans motif légitime, à la charge ou au bénéfice d'une partie peuvent être considérées en elles-mêmes, indépendamment de leurs effets, comme étant illicites. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 1er octobre 2014 : RG n° 13/16336 ; Cerclab n° 5030 ; Juris-Data n° 2014-023551, pourvoi rejeté par Cass. com., 4 octobre 2016 : pourvoi n° 14-28013 ; arrêt n° 833 ; Cerclab n° 6555.

A. CONTRAINTES D’EXÉCUTION DU RESPONSABLE

Contraintes économiques. Dans le cadre de l’art. L. 212-1 C. consom., anciennement l’art. L. 132-1 C. consom., le déséquilibre est apprécié en tenant compte des contraintes effectives d’exécution pouvant peser sur le professionnel (V. Cerclab n° 6041 s.) : respect de normes réglementaires, contraintes techniques d’exécution du contrat, contraintes financières, etc.

Un raisonnement similaire peut se rencontrer dans le cadre de l’anc. art. L. 442-6-I-2° [L. 442-1-I-2°] C. com. V. par exemple : absence de déséquilibre du fait que le distributeur d’énergie a imposé des tarifs au courtier ou qu’il les a modifiés unilatéralement, alors que ces tarifs sont liés aux conditions d'approvisionnement en énergie et que le distributeur ne peut laisser de liberté sur ce point à ses courtiers sauf à prendre le risque d'obérer son activité économique. CA Paris (pôle 5 ch. 5), 12 septembre 2013 : RG n° 11/22934 ; Juris-Data n° 2013-019543 ; Cerclab n° 4609 (courtage dans le secteur de l’énergie ; le fait d'opérer sur un marché de masse impose également un traitement uniforme des clients, notamment en matière de tarif et de facturation). § Pour d’autres illustrations : CA Paris (pôle 5 ch. 5), 12 décembre 2013 : RG n° 11/18274 ; Cerclab n° 4653 ; Juris-Data : 2013-029186 (sous-traitance dans le secteur de la surveillance et de la sécurité ; clauses imposées en vue de garantir la qualité de la prestation, ce qui est justifié par la nécessité de donner satisfaction à la clientèle du donneur d’ordre), sur appel de T. com. Paris (1re ch.), 27 septembre 2011 : RG n° 2008077340 ; Dnd - CA Paris (pôle 5 ch. 4), 13 septembre 2017 : RG n° 16/04443, Cerclab n° 7047 (contrat de distribution dans le secteur de la téléphonie mobile ; absence de preuve d’un déséquilibre dans la clause qui autorise l’opérateur à modifier la liste des services dont il confie la commercialisation au distributeur, dès lors qu’il est juste que celui-ci puisse adapter son offre pour répondre aux attentes des clients; N.B. solution posée à titre surabondant, la demande ayant été préalablement jugée sans objet faute de demande indemnitaire sur le fondement de l’anc. art. L. 442-6-I-2° [L. 442-1-I-2°] et 4° [abrogé] C. com.), sur appel de T. com. Paris, 26 janvier 2016 : RG n° 2015035843 ; Dnd - CA Paris (pôle 5 ch. 5), 7 décembre 2017 : RG n° 16/00113 ; Cerclab n° 7284 (convention de gérance de supérette ; différence de prix entre la supérette en gérance et celle en exploitation directe, fondée sur des éléments objectifs ; arg. évoqué notamment : le mandant a préféré installer des magasins à son enseigne plutôt que de laisser des concurrents s'installer dans un milieu urbain dense, ce qui participe de l'intérêt commun des deux parties), sur appel de T. com. Saint-Étienne, 19 juin 2014 : RG n° 2013F544 ; Dnd.

Contraintes matérielles et techniques. Pour une décision tenant compte des contraintes matérielles d’exécution pour estimer que la prestation de mise en avant des produits était fictive : CA Paris (pôle 5 ch. 5), 15 janvier 2015 : RG n° 13/03832 ; Cerclab n° 5019 (grossiste en fruits et légumes sur différents sites, notamment un Marché d’intérêt national ; imposition d’un service fictif, déduite notamment de l’impossibilité technique de réaliser la mise en avant promise, compte tenu de la configuration du marché et de la promesse d’un service continu, ne tenant pas compte de la saisonnalité de certains produits, la clause visant au surplus la mise en avant des « marques » des producteurs, alors que 80 % n’en avaient pas).

V. aussi : Cass. com., 4 octobre 2016 : pourvoi n° 14-28013 ; arrêt n° 833 ; Cerclab n° 6555 (distribution alimentaire ; absence de preuve que la clause sur le refus de livraison de produits frais peut désorganiser la gestion des stocks), rejetant le pourvoi contre CA Paris (pôle 5 ch. 4), 1er octobre 2014 : RG n° 13/16336 ; Cerclab n° 5030 ; Juris-Data n° 2014-023551 (N.B. l’arrêt retient implicitement une solution inverse pour ceux ayant une date antérieure), appel de T. com. Evry (3e ch.), 26 juin 2013 : RG n° 2009F00729 ; Dnd.

Pour le refus de l’argument : T. com. Paris (1re ch.), 2 septembre 2019 : RG n° 2017050625 ; Cerclab n° 8250 (Amazon ; caractère abusif de la clause permettant de modifier discrétionnairement n’importe quelle disposition du contrat, sans préavis et sans information du cocontractant, qui doit surveiller l’existence d’éventuelles modifications ; solution non justifiée par l’automatisation de la plateforme).

Contraintes juridiques. V. en droit de la consommation, Cerclab n° 6043. § L'accès universel, instantané et continu des services numériques sur Internet et la téléphonie mobile justifie que les opérateurs en subordonne l'offre à la condition contractuelle d'interrompre immédiatement ces services et leur contenu s'ils sont susceptibles de porter atteinte à l'ordre public, en particulier en cas de publicité trompeuse et de surcroît, lorsque les parties au contrat conviennent d'une délégation de paiement et lorsque la responsabilité du fournisseur d'accès est susceptible d'être recherchée ; il en résulte que les clauses instituant cette faculté de résiliation ne sont pas potestatives et ne créent pas non plus de déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au contrat. CA Paris (pôle 5 ch. 11), 17 septembre 2021 : RG n° 19/05740 ; Cerclab n° 9131 (contrat entre un opérateur de téléphonie mobile et une société spécialisée dans la mise à disposition du grand public de contenus numériques et leur monétisation à la durée de connexion, en l’espèce d’annuaire et de météo), sur appel de TGI Paris, 29 novembre 2018 : RG n° 17/03058 ; Dnd. § V. aussi : CA Paris (pôle 5 ch. 11), 17 septembre 2021 : RG n° 19/17158 ; Cerclab n° 9291 (référencement d’un site payant pour la modification des cartes grises ; point n° 14 ; absence de déséquilibre dans la clause permettant une résiliation immédiate en cas de non-respect des obligations légales, en l’espèce des pratiques trompeuses de la société déréférencée signalées à Google par une note de la DGCCRF), sur appel de T. com. Paris, 10 octobre 2018 : RG n° 2017069976 ; Dnd.

Absence de déséquilibre du fait d’une clause relative à la collecte d'informations nominatives, qui est justifiée par l'engagement du contractant du courtier vis à vis des consommateurs, qui ne l'ont pas autorisé à divulguer ou utiliser pour de la prospection commerciale les informations les concernant. CA Paris (pôle 5 ch. 5), 12 septembre 2013 : RG n° 11/22934 ; Juris-Data n° 2013-019543 ; Cerclab n° 4609 (courtage dans le secteur de l’énergie). § V. aussi : CA Paris (pôle 5 ch. 5), 12 décembre 2013 : RG n° 11/18274 ; Cerclab n° 4653 ; Juris-Data : 2013-029186 (sous-traitance dans le secteur de la surveillance et de la sécurité ; absence de déséquilibre pour la clause imposant des garanties de sérieux ou de professionnalisme du sous-traitant, alors que le donneur d’ordre assume les risques de l’opération), sur appel de T. com. Paris (1re ch.), 27 septembre 2011 : RG n° 2008077340 ; Dnd - CA Paris (pôle 5 ch. 5), 17 décembre 2015 : RG n° 14/09533 ; Cerclab n° 5446 (distributeur justifiant l’accroissement des délais de paiement par le fait, non contesté, que le fournisseur transmettait des factures récapitulatives par quinzaine, que celles-ci devaient faire l'objet d'un contrôle interne puis, en raison de leur montant conséquent, être revêtues de la signature du directeur général, de sorte que le paiement n'intervenait pas dans les 15 jours), sur appel de T. com. Lille, 17 décembre 2013 : RG n° 2012001456 ; Dnd, pourvoi rejeté par Cass. com., 5 juillet 2017 : pourvoi n°16-12836 ; arrêt n° 1018 ; Cerclab n° 6970 (problème non examiné) - CA Rouen (ch. civ. com.), 2 juin 2020 : RG n° 17/00607 ; Cerclab n° 8429 (absence de déséquilibre de la clause imposant un délai de contestation des factures, les relations réciproques entre les parties étant organisées pour garantir la célérité et la sécurité des transactions relatives aux prestations assurées par le distributeur auprès de sa pharmacie adhérente et sociétaire, les factures émises par celui-ci étant reprises sur les relevés de factures adressés aux échéances contractuelles ; N.B. juridiction incompétente), sur appel de T. com. Rouen, 21 novembre 2016 : RG n° 2016001994 ; Dnd.

Clauses de confidentialité. L'exécution par le prestataire de la mission de télémarketing qui lui a été confiée supposant nécessairement qu'il ait connaissance d'informations concernant son co-contractant, dont celui-ci peut légitimement vouloir conserver la confidentialité à l'égard de ses concurrents, n’est pas abusive, pas plus qu'elle n'introduit un déséquilibre dans les droits et obligations des parties, la stipulation qui prévoit une clause de confidentialité sanctionnée par une clause pénale de trois millions de francs. CA Paris (pôle 5 ch. 5), 2 avril 2015 : RG n° 13/17628 ; Cerclab n° 5125 (contrat de télémarketing ; N.B. 1 l’arrêt rejet implicitement et justement le grief d’absence de réciprocité, dès lors que l’obligation ne peut en l’espèce concerner que le prestataire ; N.B. 2 l’arrêt n’évoque pas, pas plus que le client semble-t-il, le fait que la clause prévoit le cumul de la clause pénale et d’autres dommages et intérêts, apparemment pour le même manquement), sur appel de T. com. Paris (1re ch. A), 24 septembre 2013 : RG n° 2011058615 ; Dnd.

B. CONTRAINTES D’EXÉCUTION DE LA VICTIME

Contraintes d’exécution de la victime. Les décisions recensées dans le cadre de l’art. L. 212-1 C. consom., anciennement l’art. L. 132-1 C. consom., montrent que les juridictions sont également très attentives aux contraintes d’exécution qui peuvent être imposées au consommateur, en se référant à une exécution effective mais réaliste du contrat (V. Cerclab n° 6045 s.). Un raisonnement similaire peut se rencontrer dans le cadre de l’art. L. 442-1-I-2° C. com. (anciennement L. 442-6-I-2° C. com.).

V. aussi pour la CEPC : CEPC (avis), 9 décembre 2009 : avis n° 09-13 ; Cepc 09120902 : Cerclab n° 4279 (clause d’un fournisseur imposant une réclamation dans les dix jours, faute de quoi celui-ci sera dégagé de toute obligation vis-à-vis de l’acheteur et les produits seront réputés avoir été livrés conformes à la commande, alors que la clause vise le cas d’une facturation sans réception de produit et que le point de départ du délai est fixé à la date d’émission de la facture ; CEPC estimant que la clause peut créer un déséquilibre, notamment si la transmission de la facture est tardive et diminue d’autant les 10 jours de délai de réclamation).

V. pour des des décisions des juges du fond prenant en compte les contraintes d’exécution pouvant peser sur la victime de la relation déséquilibrée : T. com. Lille 7 septembre 2011 : RG n° 2009/05105 ; Cerclab n° 4254 ; D. 2012. pan. p. 577, obs. D. Ferrier ; JCP E. 2011. 1701, note G. Chantepie ; Contr. conc. consom. 2011/11. Comm. n° 234, note N. Mathey (clause de taux de service fixée uniformément, pour tous les fournisseurs, sans tenir compte de leur spécificité, ni des fluctuations saisonnières, compte tenu d’une référence mensuelle, ou de la complexité d’une chaîne d’approvisionnement ; N.B. la possibilité d’un déséquilibre significatif en raison d’un traitement uniforme de situations différentes a été admise par un avis de la CEPC, n° 0902501, cité par le jugement, ainsi que par une recommandation de l'association ECR France), sur appel CA Paris, (pôle 5 ch. 4), 11 septembre 2013 : RG n° 11/17941 ; Cerclab n° 4630. § Rappr. aussi : si un objectif de taux de service égal à 100 % constitue une ambition louable, crée un déséquilibre significatif la clause extrêmement sévère qui sanctionne le fournisseur qui ne respecte pas ce taux et qui n’assortit pas la réalisation de l'objectif contractuel du taux de service d'une compensation financière d'un niveau suffisant. T. com. Paris (13e ch.), 13 mars 2017 : RG n° 2015036509 ; Cerclab n° 6971 ; Juris-Data n° 2017-013672 (contrat de fourniture conclu entre un distributeur et un importateur de bonneteries et sous-vêtements ; clause insérée au seul profit du distributeur, alors que le fournisseur a dû exposer des coûts ; clause fixée à 15 % HT pour un défaut de livraison et 50 % si le produit faisait l’objet d’une mise en avant) - CA Paris (pôle 5 ch. 4), 11 octobre 2017 : RG n° 15/03313 ; Cerclab n° 7094 (sous-traitance de la maintenance de photocopieur imposée aux concessionnaires revendeurs exclusifs du matériel ; existence du déséquilibre découlant du fait que le concédant applique des pénalités, sans permettre au concessionnaire de vérifier la réalité, la nature et l’origine des interruptions de connexion, sauf par une procédure lourde et fastidieuse qui conduit en pratique à une absence de contrôle de la mise en œuvre des frais), sur appel de T. com. Paris, 26 janvier 2015 : RG n° 2013036811 ; Dnd, moyen non admis par Cass. com., 30 septembre 2020 : pourvoi n° 18-11644 ; arrêt n° 476 ; Cerclab n° 8573 (« motifs vainement critiqués »).

Pour des décisions estimant la contrainte supportable : CA Paris (pôle 5 ch. 4), 22 mai 2019 : RG n° 17/05279 ; Cerclab n° 8133 ; Juris-Data n° 2019-008649 (franchise de distribution ; l'existence d'un stock suffisant, indispensable dans la distribution, ne saurait constituer une contrainte par nature) - CA Paris (pôle 5 ch. 5), 13 février 2020 : RG n° 16/15098 ; Cerclab n° 8355 (contrat de commercialisation des voyages aériens d’une compagnie chinoise par une agence française de compagnie ; absence de déséquilibre significatif de la clause ayant exclusivement vocation de permettre à la compagnie aérienne, mandante, de contrôler la bonne exécution du contrat par sa mandataire (possibilité pour le mandat de désigner un membre de son personnel à ses frais et possibilité de faire une vérification après un préavis raisonnable), sur appel de T. com. Lyon, 22 janvier 2015 : RG n° 2012J1217 ; Dnd - CA Paris (pôle 5 ch. 5), 27 février 2020 : RG n° 17/12775 ; Cerclab n° 8368 (contrat de redistribution entre une société et une des grandes enseignes de supermarché pour l’exportation de produits au Japon ; anc. art. L. 442-6-I, 2° et 4° C. com. ; ne présente aucun caractère manifestement abusif le fait pour le distributeur principal d'avoir exigé comme condition au renouvellement du contrat la mise en place d'un contrôle qualité destiné à améliorer la qualité de services chez les clients japonais et à supprimer les non-conformités), sur appel de T. com. Lille, 16 mai 2017 : RG n° 2016002022 ; Dnd.