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TI DIJON, 27 septembre 1990

Nature : Décision
Titre : TI DIJON, 27 septembre 1990
Pays : France
Juridiction : Dijon (TI)
Demande : 11-90-00593
Date : 27/09/1990
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 9/03/1990
Décision antérieure : CASS. CIV. 1re, 16 février 1994
Décision antérieure :
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 622

TI DIJON, 27 septembre 1990 : RG n° 11-90-00593

(sur pourvoi : Cass. civ. 1re, 16 février 1994 : pourvoi n° 91-10313)

 

Extrait : « Attendu que dans la description manuscrite des travaux à effectuer, le devis établi par la Société LCP fait mention des    postes « reprise carrosserie » et « peinture complète » qu'au verso du document, figurent les conditions auxquelles la garantie est soumise et que « les détériorations de la peinture par l'effet de la rouille...» sont expressément exclues de celle-ci ; Qu'il est constant que la Société LCP est un professionnel et que le demandeur est un consommateur ; qu'en l'état actuel de son évolution, la jurisprudence prohibe le refus des juges du fond de faire application d'une clause contractuelle claire et précise, sauf à caractériser en quoi elle serait constitutive d'un abus de nature à la priver d'effet (Civ. 1ère, 6 décembre 1989, D.1990, J. 289) ; qu'en l'espèce, la clause excluant la garantie en cas de détérioration de la peinture par l'effet de la rouille est imposée au défendeur, non-professionnel ou consommateur, par un abus de la puissance économique de la Société LCP et confère à cette dernière un avantage excessif qui constitue une violation des articles 1134 et 1135 du Code civil ; Que cette clause doit donc être réputée non écrite dans la mesure où, en se voyant confier par Monsieur X. le soin de repeindre le véhicule litigieux, la Société LCP ne pouvait ignorer que le demandeur n'entendait pas voir recouvrir de peinture une carrosserie rouillée mais suffisamment préparée pour que la rouille ne réapparaisse pas dans un délai de cinq mois et après que le véhicule ait parcouru seulement 2.500 km. ».

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE  DIJON

JUGEMENT DU 27 SEPTEMBRE 1990

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11-90-00593. Jugement, saisine simplifiée, Expertise, rendu par la Tribunal d’instance de Dijon le 27 septembre 1990.

 

DEMANDEUR :

- Monsieur X.

demeurant [adresse], Déclaration en date du 9 mars 1990, Comparant par Maître J. E. PERRIN, avocat

 

DÉFENDEUR :

- SARL TAC [ou SARL LCP, cf. infra]

dont le siège est [adresse], Comparant par Maître FAYARD, avocat

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Madame Nicole GIRONA, Président Madame Jacqueline FLEURY, Greffier.

DÉBATS : à l'audience publique du 28 JUIN 1990.

JUGEMENT : prononcé publiquement à l'audience du 27 SEPTEMBRE 1990, ayant la qualification suivante : contradictoire et dernier ressort.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] Sur devis demandé et accepté par Monsieur X., la Société LCP, exerçant à [ville] sous l'enseigne TAC, a procédé à des travaux de peinture du véhicule PEUGEOT J9, immatriculé XX.

Peu satisfait de la qualité du travail effectué, Monsieur X. a fait constater l'état du véhicule par procès-verbal d'huissier du 1er février 1990 et, par déclaration au greffe de ce Tribunal en date du 9 mars 1990, il a introduit une instance à l'encontre de la SARL TAC en demandant au Tribunal de la condamner à 500 Francs, représentant la différence entre le montant du devis et celui de la facture, et 4.500 Francs à titre de dommages-intérêts.

* * *

A l'audience du 7 juin 1990, la défenderesse conclut à l'irrecevabilité de la demande de Monsieur X. au motif que ce dernier a introduit celle-ci à son nom d'enseigne (TAC) et non à celui de sa raison sociale (Société LCP). A titre subsidiaire, elle sollicite du Tribunal qu'il déboute purement et simplement Monsieur X. de l'intégralité de ses prétentions. Elle fait valoir, à cet effet, d'une part, que le montant de la facture s'élevant à 4.215,84 Francs HT, ce n'est que par suite d'une simple erreur d'impression que le TOTAL TTC est indiqué pour 4.500 Francs au lieu de 5.000 Francs et, d'autre part, qu'elle ignore l'usage fait par Monsieur X. du véhicule au cours des cinq mois séparant la date de sa remise en peinture de celle du constat d'huissier et qu'aussi bien le devis que la facture mentionnent de façon claire l'exclusion de garantie au cas où la peinture serait détériorée par la rouille.

* * *

L'affaire ayant été renvoyée à l'audience du 28 juin 1990, Monsieur X. précise, à cette date, dans ses conclusions en réponse, qu'il ne résultait d'aucun document émanant de la défenderesse que la raison sociale de celle-ci était LCP et, qu'en toute hypothèse, elle n'a subi aucun préjudice de cette erreur de dénomination. Au fond, il admet les explications de son adversaire relatives au montant de la facture. En revanche, il réfute l'argumentation de la Société LCP en ce qui concerne l'exclusion de garantie quant à la rouille et conclut à ce qu'elle soit condamnée à effectuer, sous contrôle d'expert, les travaux de remise en état du véhicule ou, qu'à défaut, ils soient exécutés à ses frais par une entreprise choisie par lui. Il sollicite, en outre, l'allocation de 1.500 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3] MOTIVATION :

SUR LA RECEVABILITÉ DE LA DEMANDE :

Attendu qu'il appartient au demandeur de vérifier l'existence et la raison sociale de la personne morale à l'encontre de laquelle il envisage d'introduire une action en justice ; qu'en l'espèce, Monsieur X. aurait dû se procurer à cette fin un extrait d'immatriculation au Registre du Commerce et des Sociétés ;

Attendu que bien que désignée sous son nom d'enseigne, la Société LCP a pu utilement présenter ses moyens de défense qu'au surplus, elle s'est elle-même dénommée « TAC » en tête de ses conclusions ; qu'il n'est pas établi que l'imprécision reprochée à son adversaire lui ait causé préjudice ; qu'il s'ensuit que la demande formée par Monsieur X. doit être déclarée recevable ;

 

SUR LE FOND DU LITIGE :

Sur le montant de la facture :

Attendu que Monsieur X. s'incline devant les explications fournies par la Société LCP et qu'il se désiste de ce chef de prétention ; qu'il y a lieu de lui en donner acte ;

 

Sur les désordres allégués :

Attendu que l'article 1134 du Code civil dispose notamment que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi que l'article 1135 du même Code ajoute qu'elles obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature ;

Attendu que dans la description manuscrite des travaux à effectuer, le devis établi par la Société LCP fait mention des            postes « reprise carrosserie » et « peinture complète » qu'au verso du document, figurent les conditions auxquelles la garantie est soumise et que « les détériorations de la peinture par l'effet de la rouille...» sont expressément exclues de celle-ci ;

Qu'il est constant que la Société LCP est un professionnel et que le demandeur est un consommateur ; qu'en l'état actuel de son évolution, la jurisprudence prohibe le refus des juges du fond de faire application d'une clause contractuelle claire et précise, sauf à caractériser en quoi elle serait constitutive d'un abus de nature à la priver d'effet (Civ. 1ère, 6 décembre 1989, [minute page 4] D.1990, J. 289) ; qu'en l'espèce, la clause excluant la garantie en cas de détérioration de la peinture par l'effet de la rouille est imposée au défendeur, non-professionnel ou consommateur, par un abus de la puissance économique de la Société LCP et confère à cette dernière un avantage excessif qui constitue une violation des articles 1134 et 1135 du Code civil ;

Que cette clause doit donc être réputée non écrite dans la mesure où, en se voyant confier par Monsieur X. le soin de repeindre le véhicule litigieux, la Société LCP ne pouvait ignorer que le demandeur n'entendait pas voir recouvrir de peinture une carrosserie rouillée mais suffisamment préparée pour que la rouille ne réapparaisse pas dans un délai de cinq mois et après que le véhicule ait parcouru seulement 2.500 km. ;

Attendu, en conséquence, qu'il a lieu de condamner la Société LCP à procéder à la remise en état du véhicule litigieux et de désigner, aux frais de la défenderesse, un expert qui aura pour mission de diriger et de surveiller lesdits travaux, étant précisé que ceux-ci seront limités à la préparation de la carrosserie et à la remise en peinture ;

Attendu qu'il paraît équitable d'allouer au demandeur 800 Francs en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;

Déclare recevable la demande formée par Monsieur X. par déclaration au greffe en date du 9 mars 1990 ;

Donne acte à Monsieur X. de ce qu'il se désiste de sa demande en remboursement de la somme de 500 Francs ;

Répute non écrite la clause d'exclusion de garantie en cas de détérioration de la peinture par l'effet de la rouille figurant sur le devis et la facture respectivement établis par la Société LCP les 21 et 25 août 1989 ;

Condamne la Société LCP à effectuer, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, les travaux de remise en état du véhicule litigieux, étant précisé que ceux-ci seront limités à la préparation de la carrosserie et à la remise en peinture ;

[minute page 5] Dit qu'en cas de refus opposé par la Société LCP, les travaux seront effectués, par une entreprise choisie par Monsieur X., aux frais de la défenderesse ;

Désigne Monsieur A. en qualité d'expert, lequel aura pour mission de diriger et de surveiller les travaux décrits ci-dessus ;

Fixe à 2.000 Francs le montant de la consignation à valoir sur la rémunération de l'expert ;

Ordonne le versement, par la Société LCP de ladite somme au greffe de ce Tribunal dans le délai de quinze jours à compter de la signification de la présente décision ;

Condamne la Société LCP à verser 800 Francs à Monsieur X. en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Condamne la Société LCP aux dépens.

Ainsi prononcé à l'audience publique du TRIBUNAL D'INSTANCE DE DIJON, tenue le VINGT SEPT SEPTEMBRE MIL NEUF CENT QUATRE VINGT DIX par Madame Nicole GIRONA, Juge au Tribunal d'Instance de DIJON, assistée de Madame Jacqueline FLEURY, Greffier.