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CA RENNES (4e ch.), 3 novembre 2016

Nature : Décision
Titre : CA RENNES (4e ch.), 3 novembre 2016
Pays : France
Juridiction : Rennes (CA), 4e ch.
Demande : 13/02237
Décision : 16/427
Date : 3/11/2016
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 26/03/2013
Numéro de la décision : 427
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6498

CA RENNES (4e ch.), 3 novembre 2016 : RG n° 13/02237 ; arrêt n° 427

Publication : Jurica

 

Extrait : « Le mandat de l'espèce comprend une clause d'exclusivité et une clause pénale mentionnées toutes deux en caractère gras. Le mandat est en outre limité à une durée de trois mois au-delà de laquelle il peut être dénoncé à tout moment, et ceci dans la limite totale d'une année. A la suite de la résiliation du mandat le mandataire bénéficie d'une protection pendant laquelle le mandant s'engage à ne pas acquérir sans son intermédiaire l'un des biens figurant au mandat. Cette protection, qui a pour finalité d'éviter une résiliation destinée à contourner l'obligation de rémunération de l'agent immobilier, est enfermée dans un délai de 15 mois.

Dès lors que ces clauses sont enfermées dans un délai raisonnable. Elles ne confèrent au contrat aucun déséquilibre manifeste entre les droits et obligations de chaque partie et ne présente pas de caractère abusif. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE RENNES

QUATRIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 3 NOVEMBRE 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 13/02237. Arrêt n° 427.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Louis-Denis HUBERT, Président de chambre,

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseiller,

Assesseur : Madame Sylvie REBE, Conseiller,

GREFFIER : Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS : A l'audience publique du 28 juin 2016, devant Madame Christine GROS, magistrat rapporteur, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 3 novembre 2016 par mise à disposition au greffe, date indiquée à l'issue des débats : 20 Octobre 2016 prorogée au 3 novembre 2016

 

APPELANTE :

Société LORI STRIM SARL exerçant sous l'enseigne AGENCE LE BEC IMMOBILIER

prise en la personne de son gérant domicilié audit siège, Représentée par Maître Bertrand G. de la SCP G. -D., Postulant, avocat au barreau de RENNES, Représentée par Maître Emmanuelle LE J., Plaidant, avocat au barreau de LORIENT

 

INTIMÉS :

Madame X.

Représentée par Maître Bruno L. de la SELARL LQH, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LORIENT

Monsieur Y.

Représenté par Maître Bruno L. de la SELARL LQH, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LORIENT

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 19 janvier 2012, à [ville L.], Monsieur Y. et Madame X. ont régularisé avec la société LORI STRIM exerçant sous l'enseigne AGENCE LE BEC IMMOBILIER, un mandat de négociation exclusive pour l'achat d'un bien immobilier.

Ce mandat prévoit l'interdiction pour les mandants d'acquérir un immeuble visité avec l'agence LE BEC IMMOBILIER sans le concours de celle-ci pendant 15 mois après l'échéance du mandat.

Monsieur Y. et Madame X. ont visité avec l'agence LE BEC IMMOBILIER, le bien situé [adresse]. Ils ont finalement acquis ce bien par l'intermédiaire d'une autre agence.

Par acte en date du 21 juin 2012, la société LORI STRIM a assigné Monsieur Y. et Madame X. devant le tribunal d'instance de LORIENT.

Par jugement du 21 février 2013, le tribunal a :

- jugé nul le mandat du 19 janvier 2012, que l'AGENCE LE BEC IMMOBILIER a fait signer à M. Y. pour la négociation à titre exclusif de biens visités à [ville L.] ([...] pour 164.400 euros et [...] pour 143.400 euros) ;

- jugé abusive la clause d'exclusivité contenue audit mandat en faveur de l'agence immobilière et la clause pénale y contenue imposée au seul mandant ;

- débouté la société LORI STRIM à l'enseigne AGENCE LE BEC IMMOBILIER de ses demandes formées contre Mme X. et M. Y. ;

- condamné avec exécution provisoire la société LORI STRIM à l'enseigne AGENCE LE BEC IMMOBILIER à payer à Mme X. et M. Y. les sommes de :

* 2.000 euros, à titre de dommages et intérêts,

* 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société LORI STRIM à l'enseigne AGENCE LE BEC IMMOBILIER à payer une amende civile de 2.000 euros en faveur du Trésor public ;

- condamné la société LORI STRIM à l'enseigne AGENCE LE BEC IMMOBILIER aux dépens.

La SARL LORI STRIM a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 26 mars 2013.

 

Vu les conclusions du 22 juillet 2015 de la SARL LORI STRIM exerçant sous l'enseigne AGENCE LE BEC IMMOBILIER qui demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 21 février 2013 par le tribunal d'instance de LORIENT ;

- dire et juger que le mandat régularisé entre les parties le 19 janvier 2012 est pleinement valable et doit être exécuté ;

- condamner, par conséquent, Monsieur Y. et Madame X. à payer à la SARL LORI STRIM, AGENCE LE BEC IMMOBILIER, à titre d'indemnisation due à son éviction, une somme de 7.170 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 11 avril 2012 ;

- condamner également Monsieur Y. et Madame X. au règlement d'une somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de leur particulière mauvaise foi ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SARL LORI STRIM, AGENCE LE BEC IMMOBILIER, au règlement d'une somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts, outre 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SARL LORI STRIM, AGENCE LE BEC IMMOBILIER, au règlement d'une amende civile de 2.000 euros en faveur du Trésor Public ;

- débouter Monsieur Y. et Madame X. de toutes demandes de dommages et intérêts et d'article 700 ;

- condamner Monsieur Y. et Madame X. au règlement d'une somme de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société LORI STREAM soutient que :

* le mandat a été régularisé au nom de Monsieur Y. et Madame X., les deux acquéreurs ont visité le bien et ont signé la lettre d'intention d'achat ;

* rien ne s'oppose à ce qu'une agence immobilière détiennent pour le même bien un mandat de vente et un mandat d'acquérir ; et la clause d'exclusivité n'est pas abusive ;

* elle a effectué son obligation de négociation ;

* la clause pénale ne revêt pas de caractère excessif au regard de son préjudice.

 

Vu les conclusions du 21 août 2013 de Monsieur Y. et Madame X. qui demandent à la cour de :

- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel ;

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf à majorer le montant des dommages et intérêts ;

- dire que Madame X. ne peut être tenue par le mandat revendiqué par la société LORI STRIM, agence LE BEC ;

- dire le mandat nul pour défaut de cause ou encore pour contrevenir aux dispositions de l'article 73 du décret 72-678 du 20 juillet 1972, ou encore pour contenir des clauses abusives au sens des dispositions des articles L. 132-1 et R. 132-1 et suivants du Code de la Consommation ;

- en tout état de cause, constater que la société LORI STRIM n'a pas exécuté l'obligation de négocier souscrite au profit de Monsieur Y. et ne peut donc prétendre à quelque rémunération que ce soit ;

- plus subsidiairement encore, dire que la demande de l'agence LE BEC ne peut excéder 6.000 euros et réduire le montant de la clause pénale à sa plus juste expression par application des dispositions de l'article 1152 du Code Civil ;

- condamner la société LORI STRIM à verser à chacun des concluants 3.000 euros en réparation du préjudice qu'elle leur cause du fait de cette procédure abusive et ce, sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil ;

- condamner encore la société LORI STRIM à verser à Monsieur Y. et à madame X. 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- condamner la société LORI STRIM, exerçant sous l'enseigne agence LE BEC, en tous les frais et dépens de première instance et d'appel.

Monsieur Y. et Madame X. soutiennent que :

* Madame X. n'est pas signataire du mandat, les consorts Y./X. ne sont pas époux et Monsieur Y. n'a pas représenté Madame X. lors de la signature du mandat de négociation ;

* le mandat est nul. La société LORI STREAM détenait sur le bien un mandat de vente, dès lors, elle ne pouvait sans contradiction défendre les intérêts de l'acquéreur et du vendeur. Le deuxième mandat n'avait pour but que de lui permettre de s'arroger une exclusivité qu'elle ne détenait pas après le seul mandat de vente. Ce mandat est contraire aux dispositions de l'article 73 du décret du 20 juillet 1972 ;

* la clause d'exclusivité et la clause pénale sont abusives et donc nulles ;

* la demande n'est pas justifiée au regard des diligences effectuées par la société LORI STREAM.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément à la décision critiquée et aux dernières écritures des parties.

L'ordonnance de clôture était rendue le 19 avril 2016.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la nullité du mandat :

Les consorts LE M./L. soutiennent en premier lieu que le mandat est nul pour défaut de cause et ensuite pour être contraire à l'article 73 du décret du 20 juillet 1972.

Dans les contrats synallagmatiques, l'obligation de chaque contractant trouve sa cause dans l'obligation envisagée par lui comme devant être effectivement exécutée par l'autre contractant.

En l'espèce, le mandat du 19 janvier 2012 prévoit, contre une rémunération de 5 % du prix de vente en cas de réalisation de l'acquisition, la négociation lors d'une éventuelle transaction pour les deux biens mentionnés au mandat. Il en résulte que ce mandat n'est pas dénué de cause.

Aucune dispositions des article 6 de la loi 70-9 du 2 janvier 1970 et 73 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 ne fait obstacle à ce qu'un agent immobilier détienne, pour un même bien, un mandat d'un vendeur et un mandat, fut il exclusif, d'un acquéreur. La détention de deux mandats sur un même bien n'a pas pour effet de faire bénéficier le mandataire d'une rémunération hors de celle dont les conditions de détermination sont précisées à chacun des mandats.

Par voie de conséquence, le mandat de 19 janvier 2012 n'est pas entaché de nullité.

Le jugement dont appel sera infirmé sur ce point.

 

Sur la nullité de la clause d'exclusivité et de la clause pénale :

Le mandat de l'espèce comprend une clause d'exclusivité et une clause pénale mentionnées toutes deux en caractère gras. Le mandat est en outre limité à une durée de trois mois au-delà de laquelle il peut être dénoncé à tout moment, et ceci dans la limite totale d'une année.

A la suite de la résiliation du mandat le mandataire bénéficie d'une protection pendant laquelle le mandant s'engage à ne pas acquérir sans son intermédiaire l'un des biens figurant au mandat. Cette protection, qui a pour finalité d'éviter une résiliation destinée à contourner l'obligation de rémunération de l'agent immobilier, est enfermée dans un délai de 15 mois.

Dès lors que ces clauses sont enfermées dans un délai raisonnable. Elles ne confèrent au contrat aucun déséquilibre manifeste entre les droits et obligations de chaque partie et ne présente pas de caractère abusif.

Le jugement dont appel sera infirmé sur ce point.

 

Sur l'opposabilité du mandat à Madame X. :

Il résulte des dispositions de l'article 1985 du code civil, que le mandat peut être donné verbalement.

Le mandat de négociation du 19 janvier 2012 a été signé au nom de « Madame, Monsieur Y.-X. » sur les déclarations de Monsieur Y.

Madame X. ne conteste pas qu'elle ait été présente lors des visites du bien. Elle a signé, aux côtés de Monsieur Y., la lettre d'intention d'achat sur papier à entête de l'agence LE BEC étant précisé sur cette lettre que l'offre d'achat est faite « en présence et avec le concours de l'agence immobilière », et que dans l'hypothèse d'une acquisition, les acquéreurs verseront 7.300 euros de frais d'agence.

Madame X. a finalement acquis le bien conjointement avec Monsieur Y.

Il résulte de ces faits que, nonobstant l'absence de mandat écrit de représentation donnée à Monsieur Y. par Madame X., elle était représentée par Monsieur Y. lors de la signature du mandat de négociation, et qu'elle a eu connaissance des clauses du contrat par l'exemplaire remis aux mandants, sans que la société LORI STRIM ait eu l'obligation d'en faire pour elle un exemplaire supplémentaire.

 

Sur le montant de la clause pénale :

Il est prévu au mandat du 19 janvier 2012 que « le mandant, en cas de non-respect de ses obligations, s'engage à verser à l'agence LE BEC IMMOBILIER, en réparation de son préjudice relatif à son éviction, à titre de clause pénale, des dommages et intérêts d'un montant égal à celui de sa commission. »

La commission prévue au contrat est de 5 % du prix de vente.

Les consorts LE M.-L. ont acquis le bien que la société LORI STRIM leur avait fait visité par le biais d'un autre intermédiaire, au mépris de leur engagement exclusif.

Ils ont acquis le bien sis [adresse] le 21 février 2012, au prix de 120.000 euros. Ce prix est supérieur à l'offre de 112.500 euros qu'ils avaient faites par l'intermédiaire de la société LORI STRIM.

Monsieur T., qui a négocié la vente pour l'agence ERA IMMOBILIER, atteste que l'AGENCE LE BEC a refusé de donner suite à une proposition des acquéreurs au prix de 125.000 euros frais d'agence inclus. Toutefois, Monsieur T. n'a pas été le témoin direct des échanges entre les consorts Y.-X. et l'agence LE BEC et son attestation n'est pas suffisante pour établir la réalité d'un refus de négociation par l'agence LE BEC.

Il résulte de ces éléments que la clause pénale de 5 % du prix de vente n'est pas excessive au regard des diligences effectuées par la société LORI STREAM et du préjudice qu'elle a subi. Toutefois, cette clause doit être appréciée, non au regard de du prix de 143.400 euros initialement prévu, mais au prix effectif de la vente qui est de 120.000 euros.

Monsieur Y. et Madame X. seront condamné au paiement d'une somme de 6.000 euros. En application de l'article 1153 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, cette condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 11 avril 2012.

Par voie de conséquence, le jugement dont appel sera réformé en toutes ses dispositions.

 

Sur les demandes de dommages et intérêts :

Il résulte de la solution du litige que la procédure de la société LORI STREAM ne présente pas de caractère abusif. En revanche, la société LORI STREAM ne démontre pas le retard dans le paiement de l'indemnité lui ait causé un préjudice distinct de celui réparé par les intérêts moratoires.

Chacune des parties sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

 

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Il apparaît équitable de condamner Monsieur Y. et Madame X. à payer à la société LORI STREAM somme de 4 000 euros au titre de leur frais irrépétibles de première instance et d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt contradictoire ;

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

Dit que le mandat du 19 janvier 2012 n'est pas entaché de nullité ;

Dit que la clause d'exclusivité et la clause pénale de ce mandat ne sont pas abusives ;

Condamne Monsieur Y. et Madame X. à payer à la société LORI STREAM la somme de 6.000 euros au titre de la clause pénale, outre intérêts au taux légal à compter du 11 avril 2012 ;

Déboute Monsieur Monsieur Y. et Madame X. de leur demande de dommages et intérêts ;

Dit n'y avoir lieu à une condamnation à une amende civile ;

Déboute la SARL LORI STREAM de sa demande de dommages et intérêts supplémentaires ;

Condamne Monsieur Y. et Madame X. à payer à la société LORI STREAM la somme de 4.000 euros au titre de ses frais irrépétible de première instance et d'appel ;

Condamne Monsieur Y. et Madame X. aux dépens de première instance et d'appel avec application de dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier,               Le Président,