CA BASTIA (ch. civ. A), 9 novembre 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 6506
CA BASTIA (ch. civ. A), 9 novembre 2016 : RG n° 15/00202
Publication : Jurica : Legifrance
Extrait : « Le syndicat des copropriétaires n'est pas une personne physique et ne peut donc être considéré comme un consommateur au sens du code de la consommation. En conséquence c'est à tort que le premier juge a déclaré l'action irrecevable comme prescrite en application de l'article L. 137-2 du code de la consommation. Le jugement déféré devra être infirmé. »
2/ « Le syndicat des copropriétaires n'étant pas une personne physique et donc pas un consommateur au sens du code de la consommation, l'article L. 136-1 du code de la consommation ne trouve pas application. Le syndicat des copropriétaires sera débouté de sa demande reconventionnelle sur ce fondement ».
COUR D’APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVIL A
ARRÊT DU 9 NOVEMBRE 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/00202. Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal d'Instance d'Ajaccio, décision attaquée en date du 17 décembre 2014, enregistrée sous le R.G. n° 13/000692.
APPELANTE :
SCS OTIS
agissant poursuite et diligence de son représentant légal en cette qualité domicilié audit siège social, assistée de Maître Marie France S.-P. de la SCP M. M. ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AJACCIO, Maître Jean-François J., avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES IMMEUBLE X.
pris en la personne de son syndic en exercice la SARL ORGANIGRAM représentée par son gérant en exercice domicilié en cette qualité siège social, assistée de Maître Marie Pierre M. P., avocat au barreau d'AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 septembre 2016, devant la Cour composée de : M. François RACHOU, Premier président, Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller, Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller, qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme Cécile BORCKHOLZ.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2016.
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. Signé par M. François RACHOU, Premier président, et par Mme Cécile BORCKHOLZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par acte d'huissier en date du 19 novembre 2013 la société en commandite simple Otis a assigné devant le tribunal d'instance d'Ajaccio le syndicat des copropriétaires de la résidence X. à Ajaccio pour obtenir, avec exécution provisoire, la condamnation de ce dernier à lui payer la somme principale de 6.835 euros correspondant à plusieurs factures d'entretien des deux ascenseurs de la copropriété, outre les intérêts au taux légal à compter du 1er août 2013, date de la mise en demeure, avec capitalisation, la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts et 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire en date du 17 décembre 2014 le tribunal d'instance d'Ajaccio a :
- déclaré la société Otis irrecevable en ses demandes par application de l'article L. 137-2 du code de la consommation,
- débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Otis aux dépens.
La société Otis a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 20 mars 2015.
Selon ses écritures communiquées par voie électronique le 14 décembre 2015 et auxquelles il convient de se reporter pour un exposé complet de ses moyens et prétentions la société Otis demande à la cour :
- d'infirmer le jugement du 17 décembre 2014,
- de dire que l'article L. 137-2 du code de la consommation est inapplicable à l'espèce,
- de dire que la demande de la société Otis est recevable,
Vu l'article 1134 du code civil,
- de condamner le syndicat des copropriétaires de la résidence X. à Ajaccio à lui payer la somme de 7.137,13 euros en principal arrêtée au 10 décembre 2015, avec intérêts au taux légal à compter du premier août 2013 jusqu'à parfait paiement,
- d'ordonner la capitalisation des intérêts échus par année entière en application de l'article 1154 du code civil,
- de condamner le syndicat des copropriétaires de la résidence X. à Ajaccio à lui payer la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- de rejeter l'ensemble des demandes du syndicat,
- de le condamner aux dépens.
La société Otis fait valoir que si elle n'est pas en mesure de produire le contrat entre les parties signé le 1er octobre 1993 elle établit l'engagement réciproque des parties par divers virements en règlement de diverses factures et deux avenants au contrat à effet au 1er octobre 2008 valable jusqu'au 1er octobre 2011 et à effet du 1er janvier 2011 pour trois ans.
Sur la prétendue prescription elle fait valoir qu'aux termes de la directive européenne 93/13/CEE transposée pour partie en droit interne par la loi 95-96 du 1er février 1995, ainsi que de la directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011, un syndicat de copropriétaires n'est pas un consommateur au sens du code de la consommation car il n'est pas une personne physique mais une personne morale.
Sur l'existence et le montant de sa créance elle verse aux débats des historiques d'entretien et des appels, des rapports d'interventions, ainsi que des justificatifs des virements effectués par le syndic en règlement des factures qu'elle a émises. Elle explique que les paiements que le syndicat affirme avoir effectués ont bien été portés à son crédit et ont été imputés sur diverses factures.
Selon ses écritures communiquées par voie électronique le 24 novembre 2015, et auxquelles il convient de se reporter pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, le syndicat des copropriétaires de la résidence X. demande à la cour :
Vu les articles L. 137-2, L. 136-1 du code de la consommation, le décret 2004-964 du 9 septembre 2004 relatif à la sécurité des ascenseurs, l'avis de la commission européenne en date du 21 février 2007,
- de confirmer le jugement déféré,
- de débouter la société Otis de sa demande de paiement des factures,
- de condamner la société Otis à lui payer la somme de 5.006,4 euros au titre des surfacturations injustifiées,
- de condamner la société Otis à lui payer la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.
Il fait d'abord valoir qu'une copropriété est assimilée à un simple consommateur et peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 137-2 du code de la consommation ; que la loi Hamon du 17 mars 2014, à laquelle fait allusion la société Otis, a été adoptée alors que les factures étaient déjà prescrites et ne peut s'appliquer à titre rétroactif.
Il soutient qu'il ne doit aucune somme à la société Otis parce qu'il a effectué un certain nombre de règlements dont il donne la liste pour un total de 8 881,06 euros ; qu'il n'est même pas établi que les factures qui ne sont que des duplicata aient été envoyées ; que les interventions ne sont pas justifiées.
Enfin il souligne que l'article 136-1 du code de la consommation est applicable à un syndicat de copropriétaires et qu’à aucun moment la société Otis n'a informé le syndicat conformément à cet article ; que la société Otis a ainsi pu pratiquer des surfacturations de ses prestations ; que la cour devra octroyer au syndicat une indemnité au minimum équivalente à la réduction appliquée par Otis en 2011.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 janvier 2016 et l'affaire renvoyée pour être plaidée au 12 septembre 2016
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI LA COUR :
Sur la prescription :
La société Otis demande le règlement de dix factures impayées émises entre le 1er septembre 2010 et le 1er décembre 2015 pour un total de 7.137,13 euros.
L’acte introductif de première instance est en date du 19 novembre 2013.
L'article L. 137-2 dispose que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.
Le terme de consommateur trouve sa définition dans l'article 2 de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs : « On entend par consommateur (...) toute personne physique qui dans les contrats relevant de la présente directive, agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle. » Cette définition a été reprise par la directive 2011/83 relative aux droits des consommateurs en son article 2-1° et consacrée par la jurisprudence européenne et française, avant d'être inscrite dans l'article préliminaire du code de la consommation dans sa version actuelle.
Le syndicat des copropriétaires n'est pas une personne physique et ne peut donc être considéré comme un consommateur au sens du code de la consommation.
En conséquence c'est à tort que le premier juge a déclaré l'action irrecevable comme prescrite en application de l'article L. 137-2 du code de la consommation. Le jugement déféré devra être infirmé.
Sur l'existence de la créance de la société Otis et son montant :
Aux termes de l'article 1134 du code civil les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise ; elles doivent être exécutées de bonne foi.
L'article 1315 du même code dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
En l'espèce l'existence d'un contrat de service n'est pas contestable ni sérieusement contestée, ne serait-ce qu'en raison des paiements divers au bénéfice de la société Otis que le syndicat lui-même revendique, sans d'ailleurs produire la moindre pièce comptable alors qu'il emploie pourtant un syndic professionnel pour tenir sa comptabilité : versements de 420,83 euros le 11 septembre 2012, 1.172,53 euros le 17 avril 2013, 4.690,12 euros le 17 avril 2013, 1.334,10 euros le 31 juillet 2013, ainsi que les deux avenants signés le 23 août 2008 et le 10 septembre 2010 pour une période de trois ans chacun.
La société Otis soutient que les versements ci-dessus revendiqués par le syndicat ont été imputés de la façon suivante :
* versement de 4.690,12 euros le 17 avril 2013 sur les factures des 1/12/2008, 1/03/2009, 01/06/2009, 01/09/2009,
* versement de 1.334,10 euros le 31/07/2013 sur deux factures de 667,05 chacune des 01/03/2003 et 01/06/2013,
* et pour le reste, à savoir les deux versements de 420,83 euros du 11/09/2012 et de 1.172,53 euros du 17 avril 2016, soit un total de 1.593,36 euros sur trois factures des 01/06/2012, 01/09/2012, 01/12/2012 pour un total différent de 1.955,01 euros.
Il apparait donc que la comptabilité du syndic est inexistante, et que celle de la société Otis pour le moins défectueuse.
Cependant la société Otis produit les avenants, ainsi que des factures qui correspondent approximativement aux prix des services inscrits dans les avenants, ainsi que des devis de travaux acceptés par le syndic. Force est de constater que le syndicat des copropriétaires, qui ne produit aucune pièce comptable, ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe en application de l'article 1315 du code civil, qu'il a réglé les factures. Il sera donc fait droit à la demande de la société Otis. Le syndicat sera condamné à lui payer la somme de 7.137,13 euros qui portera intérêts aux taux légal à compter 1er août 2013, date de la mise en demeure, les intérêts seront capitalisés par année entière conformément à l'article 1154 du code civil.
Sur la demande reconventionnelle :
Le syndicat des copropriétaires n'étant pas une personne physique et donc pas un consommateur au sens du code de la consommation, l'article L. 136-1 du code de la consommation ne trouve pas application. Le syndicat des copropriétaires sera débouté de sa demande reconventionnelle sur ce fondement.
Sur les frais irrépétibles :
Aucune considération d'équité ne commande qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur les dépens :
Le syndicat qui succombe en appel sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Infirme le jugement du tribunal d'instance d'Ajaccio en date du 17 décembre 2014,
Statuant à nouveau,
Reçoit la société en commandite simple Otis en son action,
Condamne le syndicat des copropriétaires de la résidence X. à Ajaccio à payer à la société en commandite simple Otis la somme de sept mille cent trente-sept euros et treize centimes (7.137,13 euros) qui portera intérêts aux taux légal à compter 1er août 2013, date de la mise en demeure,
Ordonne la capitalisation des intérêts par année entière conformément à l'article 1154 du code civil,
Déboute le syndicat des copropriétaires de la résidence X. à Ajaccio de sa demande reconventionnelle,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne le syndicat des copropriétaires de la résidence X. à Ajaccio aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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