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CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 4 novembre 2016

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 4 novembre 2016
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 6
Demande : 14/25646
Date : 4/11/2016
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 18/12/2014
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2016-024167
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6514

CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 4 novembre 2016 : RG n° 14/25646

Publication : Jurica

 

Extrait : « Il est ainsi établi à suffisance que les emprunteurs ont fourni au CRÉDIT DU NORD des renseignements inexacts sur leur compte bancaire joint ouvert à la CAISSE D'ÉPARGNE alors qu'il est indubitable que la croyance légitime en l'authenticité de ces relevés était nécessaire à la prise de décision de l'appelant quant à l'octroi du prêt immobilier.

En conséquence, c'est à bon droit que le CRÉDIT DU NORD s'est prévalu de la clause de déchéance du terme rapportée ci-dessus pour fourniture de renseignements inexacts, laquelle, en ce qu'elle permet à l'une des parties au contrat d'en prononcer la résiliation à raison de l'inexactitude d'un renseignement fourni par l'emprunteur sur sa situation, lequel était déterminant de son consentement, n'est pas abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation au regard de l'obligation de bonne foi dans les relations contractuelles et alors que les établissements crédit sont tenus, en outre, à des obligations de déclaration de soupçon sur l'origine de certains fonds en vertu des articles L. 561-15 et suivants du code monétaire et financier. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 6

ARRÊT DU 4 NOVEMBRE 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/25646 (6 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 8 décembre 2014 -Tribunal de Grande Instance d'EVRY - R.G. n° 14/01619.

 

APPELANTE :

SA CRÉDIT DU NORD

RCS LILLE XXX, Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Ali EL A., avocat au barreau de PARIS, toque : D0289

 

INTIMÉS :

Monsieur X.

Né le [date] à [ville], Non constitué

Madame Y. épouse X.

Née le [date] à [ville], Non constituée

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 13 septembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Françoise CHANDELON, Présidente de chambre, Madame Muriel GONAND, Conseillère, M. Marc B., qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Josélita COQUIN

ARRÊT : - Par défaut, - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Françoise CHANDELON, président et par Madame Josélita COQUIN, greffier présent lors du prononcé.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

M. X. et à Mme Y. épouse X. ont sollicité en mars 2013 un prêt immobilier d'un montant de 266.327 euros afin de financer l'acquisition d'une maison individuelle à usage d'habitation principale sise [...].

A l'appui de cette demande de prêt, M. et Mme X. ont présenté au CRÉDIT DU NORD le compromis de vente, des bulletins de paie, leurs avis d'imposition 2011 et 2012, la taxe foncière 2012 et les relevés de leur compte dans les livres de la Caisse d'Epargne.

Par offre acceptée le 30 mars 2013, le CRÉDIT DU NORD a consenti à M. et Mme X. un prêt immobilier d'un montant de 266.327 euros au taux fixe de 4,25 % l'an remboursable en 300 mensualités de 1.507,15 euros.

Le 15 mai 2013, le CRÉDIT DU NORD s'est vu adresser une réquisition judiciaire émanant des services de police de l'Essonne lui demandant de communiquer aux services de police un certain nombre de documents concernant Mme X.

Le 27 mai 2013, le CRÉDIT DU NORD a sollicité la CAISSE D'ÉPARGNE afin de vérifier la conformité des relevés de compte fournis par les époux X. aux écritures comptables de cet établissement. La CAISSE D'ÉPARGNE lui a indiqué que les relevés qui lui ont été transmis ne sont pas conformes aux écritures inscrites dans ses livres.

Par lettres recommandées avec avis de réception du 16 septembre 2013 adressées à M. et Mme X., le CRÉDIT DU NORD a prononcé l'exigibilité anticipée du prêt immobilier de 266.327 euros, pour fourniture de renseignements inexacts, au visa des dispositions de l'article 9.1 des conditions générales du prêt et a mis en demeure les époux X. de lui rembourser la somme de 283.550 euros au titre du capital restant dû, des intérêts au taux contractuel de 4,25% et de l'indemnité contractuelle d'exigibilité anticipée.

Par acte d'huissier du 5 février 2014, le CRÉDIT DU NORD a fait assigner M. X. et à Mme Y. épouse X. devant le tribunal de grande instance d'Evry afin de faire « constater que le prêt consenti a été rendu exigible en conséquence des renseignements inexacts fournis par les époux X. sur leur situation » et afin de les voir condamner solidairement à lui payer la somme de 283.550 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,25% courus depuis le 16 septembre 2013 et capitalisation des intérêts.

 

Par jugement du 8 décembre 2015, le tribunal de grande instance d'Evry a :

- débouté le CRÉDIT DU NORD de sa demande de paiement,

- dit que la demande en capitalisation des intérêts devient donc sans objet,

- débouté le CRÉDIT DU NORD de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamné aux dépens.

Par déclaration du 18 décembre 2014, le CRÉDIT DU NORD a interjeté appel de ce jugement.

 

Aux termes de ses écritures signifiées le 9 février 2015, le CRÉDIT DU NORD demande à la cour de :

- le déclarer recevable et bien fondé en son appel,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a été débouté de ses demandes,

en conséquence,

- constater que le prêt consenti à M. et Mme X. a été rendu exigible en conséquence des renseignements inexacts fournis par ces derniers sur leur situation,

- condamné solidairement M. et Mme X. à lui payer la somme de 283.550 euros majorée des intérêts au taux contractuel de 4,25 % postérieurs au 16 septembre 2013, date de la déchéance du terme, jusqu'à parfait paiement,

- ordonné la capitalisation annuelle des intérêts,

- les condamner solidairement au paiement de la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

 

Par actes d'huissier du 23 février 2015, le CRÉDIT DU NORD a fait signifier sa déclaration d'appel et ses conclusions d'appelant à M. X. et à Mme Y. épouse X. (avec remise de la copie des actes en l'étude de l'huissier instrumentaire).

Les intimés n'ont pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 janvier 2016.

 

Par arrêt du 14 avril 2016, la cour a :

- ordonné la réouverture des débats,

- invité le CRÉDIT DU NORD à formuler des observations sur le caractère abusif de la clause figurant à l'article 9.1 des conditions générales du prêt,

- dit que l'arrêt serait signifié aux intimés et réservé les dépens aux motifs notamment que :

- que si les intimés sont défaillants, il ne peut être fait droit à la demande que dans la mesure où elle est régulière, recevable et bien fondée,

- que pour fonder sa demande à l'encontre de M. et Mme X., le CRÉDIT DU NORD, qui n'invoque pas de manquement suffisamment grave justifiant le prononcé d'une résolution judiciaire du prêt selon l'article 1184 du code civil, se prévaut uniquement de la clause d'exigibilité immédiate du prêt immobilier prévue par l'article 9.1 des conditions générales annexées au contrat de prêt selon laquelle :

« Le prêt en principal, intérêts, frais et accessoires, deviendra immédiatement et de plein droit exigible par anticipation, sans que le prêteur ait à remplir une formalité judiciaire quelconque, sauf accord écrit de sa part, dans l'un des cas suivants :

-'fournitures de renseignements inexacts sur la situation de l'emprunteur dès lors que ces renseignements étaient nécessaires à la prise de décision du prêteur »; ... /

Dans ces hypothèses, la défaillance de l'emprunteur aura pour conséquence la déchéance du terme et l'exigibilité immédiate des sommes dues ;

Que l'article L. 132-1 du code de la consommation édicte que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que les clauses abusives sont réputées non écrites ;

Que la clause susvisée, qui autorise la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues dès lors que les déclarations faites par l'emprunteur ont été reconnues fausses ou inexactes, est de nature à créer un déséquilibre significatif dans la mesure où elle tend à laisser penser que l'établissement dispose d'un pouvoir discrétionnaire et que l'emprunteur ne peut recourir au juge pour contester le bien-fondé de la déchéance du terme ;

Qu'ainsi il a été jugé que constitue une clause abusive celle qui prévoit la résiliation du contrat de prêt pour une défaillance de l'emprunteur extérieure à ce contrat, une telle clause, envisagée en termes généraux et afférente à l'exécution de conventions distinctes, créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur, ainsi exposé par une décision unilatérale de l'organisme prêteur, en dehors du mécanisme de la condition résolutoire, à une aggravation soudaine des conditions de remboursement et à une modification majeure de l'économie du contrat de prêt ;

Qu'il convient donc de mettre LE CRÉDIT DU NORD en mesure de s'expliquer sur le moyen tiré du caractère abusif de la clause, susceptible d'être relevé ;

Par ses dernières conclusions postérieures du 6 juin 2016, le CRÉDIT DU NORD forme les mêmes demandes que celles figurant dans ses précédentes écritures du 9 février 2015 rapportées ci-dessus et, à défaut qu'il y soit fait droit, sollicite de la cour :

- le prononcé de la nullité du contrat de prêt du 13 mars 2013, en application de l'article 1116 du code civil pour vice de son consentement et la condamnation des époux X. à lui restituer la somme de 266.327 euros, sous déduction des sommes payées au titre du prêt et des intérêts.

L'arrêt du 14 avril 2016 a été signifié aux intimés par acte du 27 juin 2016, lesquels n'ont pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 septembre 2016.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Le CRÉDIT DU NORD se prévaut des stipulations de l'article 9-1 des conditions générales du prêt immobilier rapporté ci-dessus.

Il conclut que c'est sur le fondement de cette disposition contractuelle qu'il a prononcé l'exigibilité anticipée du prêt, que le prêt a été accordé sur la base de documents falsifiés, que par un courriel reçu le 27 mai 2013 de la CAISSE D'EPARGNE, celle-ci a indiqué que les relevés de compte transmis ne correspondent pas à ses écritures comptables, que le montant des salaires apparaissant sur les fiches de paye ne se retrouvent pas sur les relevés du compte ouvert au CRÉDIT DU NORD sur lequel les revenus devaient être domiciliés, qu'il ne connaît pas les ressources réelles de M. et Mme X., qu'il était donc en droit de prononcer l'exigibilité anticipée du prêt le 16 septembre 2013 en application des dispositions de l'article 9-1 des conditions générales du contrat de prêt, précisant avoir déposé une plainte pénale pour escroquerie auprès du Parquet de l'Essonne.

Il ajoute qu'il justifie en cause d'appel que le prêt a été décaissé en deux versements, l'un de 1.327 euros sur le compte de M. X. le 4 avril 2013, le second de 265.000 euros par virement au compte de l'étude A. notaire à |ville E.], le 5 avril 2013 et qu'il a donc remis l'intégralité des fonds aux époux X. avant d'avoir eu connaissance de la réquisition judiciaire et du courriel de la CAISSE D'EPARGNE.

Il soutient que c'est à tort que le tribunal a considéré que la fausseté des documents n'était pas démontrée alors que la Caisse d'Epargne a souligné le défaut de véracité des relevés bancaires des intimés en ses livres et que des sommes correspondant à leurs prétendus salaires n'ont jamais été versées au crédit de leur compte ouvert dans les livres du CRÉDIT DU NORD où ils devaient être domiciliés puisqu'il n'a été alimenté que par des virements ponctuels de 1.000 euros.

Il fait valoir que la clause en exécution de laquelle la déchéance du terme a été légitimement prononcée n'est pas abusive dès lors que les consorts X. ont fait de fausses déclarations et ont produit de faux documents et que ces éléments n'ont pas porté abusivement sur une des informations non substantielles du contrat mais sur des éléments essentiels à l'appréciation de leur solvabilité sans qu'il ne puisse naître de son application un déséquilibre significatif au détriment de l'emprunteur qui est de mauvaise foi.

Si la clause devait être considérée comme abusive et donc non écrite, il y aurait lieu de prononcer la nullité du contrat de prêt en application de l'article 1116 du code civil pour vice de son consentement puisque la déloyauté des emprunteurs constitutive d'un dol a porté sur leur capacité financière, condition déterminante de l'octroi du prêt.

 

Ainsi que le fait valoir le CRÉDIT DU NORD, le relevé des sommes décaissées au titre du prêt issu de ses livres, l'une de 1.327 euros le 4 avril 2013 et la seconde de 265.000 euros dont la date de valeur est le 5 avril mais qui n'a été enregistrée que le 19 septembre 2013, auquel s'ajoutent, d'une part, le relevé du compte de Mme X. dans ses livres mentionnant le crédit de la première somme le 5 avril 2013 et, d'autre part, le relevé du compte X. de l'étude notariale mentionnant le crédit de la seconde somme le 5 avril 2013 également établissent avec certitude le décaissement de ces sommes, représentant un total de 266.327 euros, au titre du prêt au profit des époux X., et ce, antérieurement à la réception de la réquisition judiciaire reçue seulement le 15 mai 2013.

Le CRÉDIT DU NORD justifie avoir adressé à la CAISSE d'ÉPARGNE, le 27 mai 2013 deux relevés du compte joint des époux X. qu'il déclare avoir reçus de ces derniers dans le cadre de leurs demandes de prêt et sur lesquels figurent les virements devant correspondre à leurs salaires respectifs des sociétés S. pour Monsieur et C. pour Madame et s'être vu répondre, le même jour, par un préposé de cette banque « Les relevés joints à votre envoi NE SONT PAS CONFORMES aux écritures inscrites dans nos livres ».

Il est ainsi établi à suffisance que les emprunteurs ont fourni au CRÉDIT DU NORD des renseignements inexacts sur leur compte bancaire joint ouvert à la CAISSE D'ÉPARGNE alors qu'il est indubitable que la croyance légitime en l'authenticité de ces relevés était nécessaire à la prise de décision de l'appelant quant à l'octroi du prêt immobilier.

En conséquence, c'est à bon droit que le CRÉDIT DU NORD s'est prévalu de la clause de déchéance du terme rapportée ci-dessus pour fourniture de renseignements inexacts, laquelle, en ce qu'elle permet à l'une des parties au contrat d'en prononcer la résiliation à raison de l'inexactitude d'un renseignement fourni par l'emprunteur sur sa situation, lequel était déterminant de son consentement, n'est pas abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation au regard de l'obligation de bonne foi dans les relations contractuelles et alors que les établissements crédit sont tenus, en outre, à des obligations de déclaration de soupçon sur l'origine de certains fonds en vertu des articles L. 561-15 et suivants du code monétaire et financier.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner solidairement M. X. et Mme Y. épouse X. à payer au CRÉDIT DU NORD la somme sollicitée, en principal, de 265.000 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,25 % à compter des mises en demeure du 16 septembre 2013 mais à l'exclusion de l'indemnité de 7 % de 18.550 euros qui n'est due, aux termes de la clause 9.2 du contrat que dans l'hypothèse d'une exigibilité anticipée pour « défaillance » de l'emprunteur, que ne recouvre pas le manquement allégué.

La capitalisation des intérêts est de droit en vertu de l'article 1154 du code civil.

Il y a lieu de condamner, in solidum, M. et Mme X. à payer au CRÉDIT DU NORD la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,

Constate la déchéance du terme, à la date du 16 septembre 2013, du contrat de prêt immobilier du 30 mars 2013 consenti à M. et Mme X. ;

Condamne solidairement M. X. et Mme Y. épouse X. à payer au CRÉDIT DU NORD la somme de 265.000 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,25 % à compter du 16 septembre 2013 ;

Déboute le CRÉDIT DU NORD du surplus de sa demande en paiement ;

Condamne M. X. et Mme Y. épouse X. à payer au CRÉDIT DU NORD la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. X. et Mme Y. aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER                    LE PRÉSIDENT