CA METZ (1re ch. civ.), 15 novembre 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 6540
CA METZ (1re ch. civ.), 15 novembre 2016 : RG n° 15/01379 ; arrêt n° 16/00466
Publication : Jurica
Extrait : « Selon le contrat produit, il s'agit d'une assurance voyage conclue par la société Luxair, société luxembourgeoise, en tant que preneur d'assurance auprès de la société Axa Assurances Luxembourg, assureur luxembourgeois, désignant comme assuré la personne nommément désignée sur le document de voyage/confirmation délivré par le preneur d'assurance. Le contrat précise encore que le client ayant souscrit un voyage à forfait est assuré auprès de la compagnie Axa Assurances Luxembourg et stipule en son article 6 que toute contestation née à l'occasion du présent contrat entre le preneur d'assurance et/ou l'assuré d'une part et la compagnie Axa d'autre part sera de la compétence exclusive des tribunaux du Grand-Duché de Luxembourg. Il s'agit d'une clause attributive de compétence stipulée conformément à l'article 13.3) du Règlement CE n° 44/2001
Cependant, ainsi que le fait valoir Mme X. épouse Y., le contrat d'assurance a été conclu entre la société Luxair et la société Axa Assurances Luxembourg, l'appelante n'étant que l'assurée bénéficiaire a posteriori d'un contrat prédéterminé dont les clauses n'étaient plus négociables. Il suit de là que contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, Mme X. épouse Y. n'a pas expressément souscrit ou accepté ladite clause alors qu'elle a son domicile dans un État membre autre que celui du preneur d'assurance et de l'assureur. Dès lors, c'est à juste titre que Mme X. épouse Y. invoque que la clause attributive de compétence lui est inopposable. Du fait de cette inopposabilité, Mme X. épouse Y. a pu valablement, conformément à l'article 9.1 du Règlement n° 44/2001, [assigner] l'assureur devant le tribunal du lieu où elle a son domicile. L'exception d'incompétence soulevée par la société Axa Assurances Luxembourg doit donc être rejetée. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/01379. Arrêt n° 16/00466.
APPELANTE :
Madame X. épouse Y.
Représentant : Maître Véronique H., avocat à la Cour d'Appel de METZ
INTIMÉES :
SARL VOYAGES FRANZEN
représentée par son représentant légal, Non représentée
SA AXA ASSURANCES Luxembourg
prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège, Représentant : Maître Vincent B., avocat à la Cour d'Appel de METZ
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SARREGUEMINES
représentée par son représentant légal, Non représentée
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
PRÉSIDENT : M. HITTINGER, Président de Chambre
ASSESSEURS : Madame STAECHELE, Conseiller, Madame BOU, Conseiller qui a fait le rapport
GREFFIER : Madame SAHLI
DATE DES DÉBATS : Audience publique du 20 septembre 2016. L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 15 novembre 2016
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Indiquant avoir conclu avec la société Franzen un contrat portant sur l'organisation d'un voyage aux îles Canaries du 19 février 2011 au 26 février 2011 et s'être blessée lors de ce voyage en glissant sur le carrelage humides des marches entourant le jacuzzi de l'hôtel où elle séjournait, Mme X. épouse Y. a, par acte d'huissier du 29 novembre 2012, fait assigner la société Voyages Franzen devant le tribunal de grande instance de Metz aux fins de la voir déclarer responsable des dommages subis par elle à la suite de l'accident survenu le 20 février 2011, ordonner une expertise médicale et condamner la société Franzen à lui verser une provision de 4.000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice, outre une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par acte d'huissier signifié le 11 décembre 2012, Mme X. épouse Y. a fait assigner la société Axa Assurances Luxembourg devant ce même tribunal aux fins, comme indiqué dans les motifs de l'assignation, que l'expertise judiciaire soit organisée au contradictoire de cette société, assureur du voyagiste.
Par acte d'huissier du 14 février 2013, Mme X. épouse Y. a appelé la Caisse primaire d'assurance de Sarreguemines, ci-après la CPAM, en déclaration de jugement commun.
Le juge de la mise en état a prononcé la jonction de ces procédures.
Par requête du 13 octobre 2014, la société Axa Assurances Luxembourg a saisi le juge de la mise en état afin de voir :
à titre principal,
- constater que l'exploit introductif d'instance qui lui a été signifié est dénué de motivation en fait et en droit et le déclarer nul ;
à titre subsidiaire,
- constater l'incompétence des tribunaux français pour statuer sur tout litige relatif à la mise en œuvre de la garantie assurance voyage conclue entre la compagnie Axa Assurances Luxembourg et la compagnie Luxair au bénéfice de Mme X. épouse Y.,
- renvoyer celle-ci à mieux se pourvoir,
- constater que l'exploit introductif d'instance qui lui a été signifié est irrecevable,
- déclarer l'incompétence des tribunaux français pour statuer,
en toute hypothèse,
- condamner Mme X. épouse Y. à lui payer une somme de 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Mme X. épouse Y. a conclu au rejet de l'exception de nullité et de l'exception d'incompétence. Elle a sollicité la condamnation de la société Axa assurances Luxembourg au paiement de la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Bien que régulièrement assignée, la CPAM n'a pas constitué avocat.
Par ordonnance du 26 février 2015, le juge de la mise en état a statué comme suit :
« Accueillons l'exception d'incompétence territoriale présentée par la SA AXA ASSURANCES LUXEMBOURG ;
En conséquence,
Renvoyons Mme Y. née X. à mieux se pourvoir s'agissant de la mise en cause de la SA AXA ASSURANCES LUXEMBOURG comme il est dit à l'article 96 du Code de procédure civile ;
Condamnons Mme Y. née X. à régler à la SA AXA ASSURANCES LUXEMBOURG prise en la personne de son représentant légal une somme de 750 euros au titre de l'application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamnons Mme Y. née X. aux dépens de l'incident ;
Rejetons la demande présentée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile par Mme Y. née X. ».
Pour le surplus, s'agissant de l'affaire opposant Mme X. épouse Y. à la société Voyages Franzen et à la CPAM, le juge de la mise en état a renvoyé l'affaire à la mise en état.
Le juge de la mise en état a estimé qu'il devait d'abord procéder à l'examen de l'exception d'incompétence car à défaut de pouvoir retenir sa compétence, il ne pouvait analyser la question de la validité de l'acte introductif d'instance.
Il a relevé au vu des conditions particulières de la police d'assurance conclue entre la société Luxair et la société Axa Assurances Luxembourg qu'il s'agissait d'une assurance pour le compte d'autrui souscrite par la société Luxair qui profitait à Mme X. épouse Y.
Il a repris les termes de l'article 6 des conditions générales de ladite police selon lesquels toute contestation née à l'occasion du contrat entre le preneur d'assurance et/ou l'assuré d'une part et la compagnie Axa sera de la compétence exclusive des tribunaux du Grand-Duché du Luxembourg, ajoutant que l'assuré défini contractuellement comme la personne nommément désignée sur le document de voyage/ confirmation délivré par le preneur d'assurance était en l'espèce Mme X. épouse Y.
Il a retenu que le règlement CE n° 593/2008 du 17 juin 2008 du Parlement européen et du Conseil, spécialement l'article 7.3 relatif à la loi applicable, invoqué par la demanderesse n'était pas de nature à répondre à la question de la compétence et que la jurisprudence fondée sur l'article 145 du code de procédure civile citée par elle ne pouvait trouver application en l'espèce dès lors que le juge de la mise en état, émanation du juge du fond, statuait sur un autre fondement, à savoir l'article 146 du code de procédure civile.
Il a considéré que la question de la compétence relevait du règlement CE n° 44/2001. Il a relevé que le principe fondamental dudit règlement était que la juridiction compétente était celle de l'État membre où le défendeur avait son domicile, que l'article 9.1 b permettait cependant à l'assureur domicilié sur le territoire d'un Etat membre d'être attrait dans un autre État membre en cas d'actions intentées par le preneur d'assurance, l'assuré ou un bénéficiaire, devant le tribunal du lieu de domicile du demandeur mais qu'il résultait de l'article 13.3 une dérogation possible en cas de conventions qui, passées entre un preneur d'assurance et un assureur ayant, au moment de la conclusion du contrat, leur domicile ou leur résidence habituelle dans un même Etat membre, ont pour effet, alors même que le fait dommageable se produirait à l'étranger, d'attribuer compétence aux tribunaux de cet Etat sauf si la loi de celui-ci interdit de telles conventions. Il a noté que les dispositions des articles 9 et 13 s'entendaient dans un souci de l'autonomie de la volonté justifiant que le litige soit porté devant une juridiction en dérogation des règles de compétence pour autant que la volonté de soumettre le différend à cette juridiction fut bien présente tant dans le chef du requérant que dans celui du défendeur.
Or, en l'espèce, relevant que, selon les conditions particulières de la police d'assurance, s'agissant des risques assurés, « le client ayant souscrit un voyage à forfait est assuré auprès de la compagnie AXA ASSURANCES LUXEMBOURG (...) », il en a déduit que, par le fait même de la souscription du voyage, Mme X. épouse Y. avait entendu expressément adhérer aux conditions du contrat d'assurance dénommé « assurance voyage » y compris en ce qui concernait la clause attributive de juridiction. Ainsi, il a considéré que celle-ci était opposable à la demanderesse et a accueilli pour ce motif l'exception d'incompétence.
Par déclaration de [son] avocat faite au greffe de la cour d'appel de Metz le 23 avril 2015, Mme X. épouse Y. a relevé appel de ce jugement.
Par conclusions de son avocat du 7 juillet 2015, elle demande à la Cour de :
« - Faire droit à l'appel de Madame Y. née X.
- Réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a renvoyé Madame Y. à mieux se pourvoir s'agissant de la mise en cause de la SA AXA ASSURANCES LUXEMBOURG et en ce qu'elle l'a condamnée à verser la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux dépens de l'incident
- Statuant à nouveau, dire et juger abusive la clause attributive de compétence
- Dans tous les cas, rejeter l'exception d'incompétence présentée par la SA AXA ASSURANCES LUXEMBOURG et infirmer la décision en ce qu'elle a condamné Madame Y. née X. à verser à la SA AXA ASSURANCES LUXEMBOURG la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux dépens de l'incident
- Confirmer l'ordonnance pour le surplus
- Eu égard aux circonstances de la cause, condamner la SA AXA ASSURANCES LUXEMBOURG aux entiers dépens d'Instance et d'appel et à verser à Madame Y. née X. la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du CPC ».
Faisant valoir que le contrat « assurance voyages » a été conclu entre la société Luxair Tours et la compagnie Axa Assurances Luxembourg, Mme X. épouse Y. soutient que la clause attributive de compétence lui est inopposable dès lors qu'elle s'est vue imposer, lors de la réservation du voyage, le contrat groupe de la société Luxair Tours. Elle prétend que cette clause, si elle a été acceptée par cette société, ne peut lui être imposée et déroger aux principes de la loi française et particulièrement du code civil.
Elle invoque l'article L. 141-5 du Code de la consommation créé par la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 qui dispose que « le consommateur peut saisir à son choix, outre l'une des juridictions territorialement compétentes en vertu du code de procédure civile, la juridiction du lieu où il demeurait au moment de la conclusion du contrat ou de la survenance du fait dommageable ». Elle se prévaut aussi de la jurisprudence, rendue notamment en ce qui concerne les clauses relatives au contrat d'un voyagiste, selon laquelle le juge national doit pouvoir soulever d'office le caractère abusif d'une clause, telle une clause attributive de juridiction, sur le fondement de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs.
Elle se prévaut aussi de l'article 14 du code civil et de l'article 42 alinéa 2 du code de procédure civile pour en déduire que les juridictions françaises sont seules compétentes pour statuer sur l'ensemble des demandes.
Elle rappelle les dispositions de l'article 9 du règlement CE n° 44/2001 et fait valoir que ledit règlement n'exclut pas expressément les dispositions de l'article 14 du code civil.
Elle invoque également que l'indemnisation d'un préjudice est un droit purement personnel et que le paiement doit, en vertu de l'article 1247 alinéa 3 du code civil et sauf convention contraire, être fait au domicile du débiteur, ce qui justifie selon elle l'application de l'article 46 du code de procédure civile.
Elle se prévaut aussi de l'article 31 du règlement CE n°44/2001 relatif aux mesures provisoires ou conservatoires, arguant que l'expertise sollicitée par elle s'analyse en une mesure provisoire.
Par conclusions de son avocat du 7 septembre 2015, la société Axa Assurances Luxembourg demande à la Cour de :
« A titre principal,
CONFIRMER l'ordonnance n° 2015/168 rendue en date du 26 février 2015, en ce qu'elle renvoie Madame Y.-X. à mieux se pourvoir s'agissant de la mise en cause de la société Axa Assurances Luxembourg SA, ainsi qu'en ce qu'elle condamne Madame Y.-X. au titre de l'article 700 CPC et aux frais et dépens de première instance,
A titre subsidiaire,
CONSTATER que l'exploit introductif d'instance signifié à la compagnie Axa Assurances Luxembourg SA en date du 11 décembre 2012 par l'Huissier de Justice M. S. est dénué de motivation en fait et en droit,
LE DECLARER nul à l'égard de la compagnie Axa Assurances Luxembourg SA,
En toute hypothèse,
CONDAMNER Madame Y.-X. à payer à la compagnie Axa Assurances Luxembourg SA une somme de 1.500,00.-EUR au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile concernant l'instance d'appel,
CONDAMNER Madame Y.-X. aux entiers dépens de l'instance d'appel ».
Au soutien de sa demande de nullité, la société Axa Assurances Luxembourg fait valoir que l'assignation délivrée à son encontre est dénuée de motivation en fait et en droit, ce en violation de l'article 56 du code de procédure civile. Elle ajoute que si, dans ses conclusions du 21 avril 2014, Mme X. épouse Y. a fini par demander que les opérations d'expertise lui soient déclarées opposables, elle ne pouvait, encours d'instance, introduire une demande à l'encontre d'Axa Assurances Luxembourg alors qu'aucune prétention n'était formalisée dans l'acte introductif d'instance.
S'agissant de l'exception d'incompétence, elle fait valoir qu'elle n'est pas l'assureur responsabilité civile de la société Franzen et que l'assurance en cause permet une indemnisation forfaitaire du voyageur pour certains types de risques.
Elle soutient que la clause attributive de compétence est valable au regard de l'article 13 3 du règlement CE n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000.
Elle conteste que Mme X. épouse Y. ait été contrainte de souscrire au contrat d'assurance et que la clause soit abusive, la société Axa Assurances Luxembourg reprenant à son compte la motivation du jugement selon laquelle l'intéressée a expressément adhérer aux conditions du contrat d'assurance.
Elle relève que l'appelante, qui se fonde sur la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, ne prouve pas l'existence d'un déséquilibre significatif entre les parties.
Elle dénie l'application des articles 42 et 46 du code de procédure civile, seul le règlement CE n° 44/2001 étant applicable selon elle.
Elle considère que l'article 31 dudit règlement ne saurait donner non plus compétence aux juridictions françaises. Elle invoque à cet égard un arrêt CJCE du 28 avril 2005. Elle ajoute que dans l'ordre juridique communautaire, la clause attributive de juridiction prévaut toujours sur toutes les autres règles de compétence.
Enfin, elle souligne qu'au regard des modalités de calcul de l'indemnité à laquelle peut prétendre le voyageur assuré, toute expertise effectuée sur la base de critères français serait inutile pour déterminer le montant dû par elle au regard des stipulations contractuelles.
Bien que Mme X. épouse Y. leur ait fait signifier la déclaration d'appel, ses conclusions et son bordereau de pièces par actes d'huissier des 20 et 21 juillet 2015 remis tous les deux à personne habilitée, la CPAM et la Société Voyages Franzen n'ont pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 janvier 2016.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE L'ARRÊT :
Sur l'exception d'incompétence :
S'agissant d'une action judiciaire engagée en 2012 par Mme X. épouse Y., qui a son domicile en France, à l'encontre de la société Axa Assurances Luxembourg, société de droit luxembourgeois ayant son siège au Grand-Duché de Luxembourg, la question de la compétence est déterminée par le Règlement (CE) du Conseil n° 44/2001 du 22 décembre 2000 applicable aux actions intentées après sa date d'entrée en vigueur, le 1er mars 2002, le nouveau Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 n'étant applicable qu'aux actions judiciaires intentées à compter du 10 janvier 2015.
Selon l'article 9.1 du Règlement n° 44/2001, l'assureur domicilié sur le territoire d'un État membre peut être attrait devant les tribunaux de l'État membre où il a son domicile ou, dans un autre État membre, en cas d'actions intentées par le preneur d'assurance, l'assuré ou un bénéficiaire, devant le tribunal du lieu où le demandeur a son domicile.
L'article 13.3) du même Règlement prévoit qu'il ne peut être dérogé aux dispositions de la présente section que par des conventions qui, passées entre un preneur d'assurance et un assureur ayant, au moment de la conclusion du contrat, leur domicile ou leur résidence habituelle dans un même Etat membre, ont pour effet, alors même que le fait dommageable se produirait à l'étranger, d'attribuer compétence aux tribunaux de cet Etat sauf si la loi de celui-ci interdit de telles conventions.
Aux termes de l'arrêt du 12 mai 2005, affaire C-112/03, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit qu'une clause attributive de juridiction, stipulée conformément à l'article 12 point 3 de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 n'est pas opposable à l'assuré bénéficiaire de ce contrat qui n'a pas expressément souscrit à ladite clause et a son domicile dans un Etat contractant autre que celui du preneur d'assurance et de l'assureur.
Le Règlement CE n° 44/2001 ayant remplacé la convention de Bruxelles, l'interprétation fournie par la Cour concernant les dispositions de ladite convention vaut pour celles du règlement, lorsque les dispositions de ces instruments peuvent être qualifiées d'équivalentes.
Or, le Règlement CE n° 44/2001 reprend pour l'essentiel l'ensemble du dispositif de la convention de Bruxelles concernant la compétence en matière d'assurance et l'article 13.3° dudit règlement est identique à l'article 12 point 3 de la convention de Bruxelles. Par voie de conséquence, il convient d'appliquer la règle résultant de l'arrêt précité, fondée sur le principe que l'opposabilité d'une clause de prorogation de compétence ne peut être admise que si elle ne porte pas atteinte à l'objectif de protection de la personne économiquement la plus faible.
En l'espèce, un contrat a été souscrit le 12 février 2011 auprès de la société Voyages Franzen prévoyant la participation de Mme X. épouse Y. à un voyage organisé par Luxairtours et l'inclusion dans le forfait d'une assurance souscrite auprès de la société Axa.
Selon le contrat produit, il s'agit d'une assurance voyage conclue par la société Luxair, société luxembourgeoise, en tant que preneur d'assurance auprès de la société Axa Assurances Luxembourg, assureur luxembourgeois, désignant comme assuré la personne nommément désignée sur le document de voyage/confirmation délivré par le preneur d'assurance. Le contrat précise encore que le client ayant souscrit un voyage à forfait est assuré auprès de la compagnie Axa Assurances Luxembourg et stipule en son article 6 que toute contestation née à l'occasion du présent contrat entre le preneur d'assurance et/ou l'assuré d'une part et la compagnie Axa d'autre part sera de la compétence exclusive des tribunaux du Grand-Duché de Luxembourg.
Il s'agit d'une clause attributive de compétence stipulée conformément à l'article 13.3) du Règlement CE n° 44/2001
Cependant, ainsi que le fait valoir Mme X. épouse Y., le contrat d'assurance a été conclu entre la société Luxair et la société Axa Assurances Luxembourg, l'appelante n'étant que l'assurée bénéficiaire a posteriori d'un contrat prédéterminé dont les clauses n'étaient plus négociables. Il suit de là que contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, Mme X. épouse Y. n'a pas expressément souscrit ou accepté ladite clause alors qu'elle a son domicile dans un État membre autre que celui du preneur d'assurance et de l'assureur. Dès lors, c'est à juste titre que Mme X. épouse Y. invoque que la clause attributive de compétence lui est inopposable.
Du fait de cette inopposabilité, Mme X. épouse Y. a pu valablement, conformément à l'article 9.1 du Règlement n° 44/2001, [assigner] l'assureur devant le tribunal du lieu où elle a son domicile. L'exception d'incompétence soulevée par la société Axa Assurances Luxembourg doit donc être rejetée.
Sur l'exception de nullité :
L'article 56-2° du code de procédure civile dispose que l'assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice, l'objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit.
Aux termes de l'article 114, alinéa 2, du code de procédure civile applicable en matière de nullité pour vice de forme, la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
L'article 115 du même code prévoit que la nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l'acte si aucune forclusion n'est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief.
En l'espèce, l'assignation délivrée à la requête de Mme X. épouse Y. à la société Axa Assurances Luxembourg ne contient dans son dispositif aucune demande expressément dirigée contre cette société mais précise dans ses motifs que la demanderesse s'est rapprochée d'Axa, assureur du voyagiste, qui a admis sa prise en sa charge mais de façon limitée et qu'une expertise doit être organisée au contradictoire d'Axa. Ainsi, l'assignation contient bien l'objet de la demande, la demande d'expertise visant y compris la société Axa Assurances Luxembourg, et un exposé des moyens au moins en fait.
En tout état de cause, la société Axa Assurances Luxembourg ne démontre pas en quoi l'irrégularité dont elle se prévaut lui aurait causé un quelconque grief, alors qu'il apparaît qu'elle a pu organiser sa défense en faisant notamment valoir qu'elle n'était pas l'assureur responsabilité civile de la société Voyages Franzen. En outre, la société Axa Assurances Luxembourg reconnaît que dans des conclusions ultérieures, Mme X. épouse Y. a précisé dans le dispositif de celles-ci que les opérations d'expertise devaient lui être déclarées opposables. Ces conclusions ont donc clairement énoncé l'objet de la demande à son encontre alors qu'une régularisation est toujours possible, à défaut de forclusion.
En conséquence, il convient de rejeter l'exception de nullité.
Sur les frais et dépens :
La société Axa Assurances Luxembourg qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, déboutée de toute demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à Mme X. épouse Y. la somme de 800 euros sur ce même fondement.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant par mise à disposition publique et par arrêt réputé contradictoire :
Infirme l'ordonnance en ce qu'elle a :
- accueilli l'exception d'incompétence ;
- renvoyé Mme X. épouse Y. à mieux se pourvoir ;
- condamné Mme X. épouse Y. à régler à la société Axa Assurances Luxembourg la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'incident ;
- rejeté la demande de Mme X. épouse Y. au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
La confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau dans cette limite et ajoutant :
Rejette l'exception d'incompétence et l'exception de nullité soulevées par la société Axa Assurances Luxembourg ;
Condamne la société Axa Assurances Luxembourg à payer à Mme X. épouse Y. la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la société Axa Assurances Luxembourg de toute demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Axa Assurances Luxembourg aux dépens de première instance et d'appel.
Le présent arrêt a été prononcé par sa mise à disposition publique le 15 Novembre 2016, par M. HITTINGER, Président de Chambre, assisté de Madame SAHLI, Greffier, et signé par eux.
- 5810 - Code de la consommation - Clauses abusives - Application dans l’espace - Conflits de lois
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- 6353 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Assurance - Assurances de dommages - Voyages (annulation, assistance)