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CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 8 novembre 2016

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 8 novembre 2016
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 2 ch. 5
Demande : 12/03356
Décision : 2016/332
Date : 8/11/2016
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 23/02/2012
Numéro de la décision : 332
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6557

CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 8 novembre 2016 : RG n° 12/03356 ; arrêt n° 2016/332

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Considérant que le contrat PROTECTANCE définit l'incapacité temporaire totale de travail comme suit : « l'assuré est considéré en état d'incapacité totale de travail s'il est totalement incapable par suite d'accident ou de maladie d'exercer une quelconque activité rémunérée. L'incapacité temporaire de travail doit être totale et reconnue par une autorité médicale compétente. L'assureur se réserve le droit de procéder, à ses frais, au contrôle de l'état d'incapacité de l'assuré » ;

Considérant, comme l'a relevé le premier juge, que l'EARL X., qui n'est pas une personne physique, ne saurait bénéficier de l'application de l'article L. 132-1 du code de la consommation ;

Qu'en revanche, les intimés ne démontrant pas que le prêt et l'assurance souscrits par Mme X. l'auraient été au titre de ses activités professionnelles, ces dispositions doivent lui être appliquées ;

Considérant toutefois que n'est pas abusive la clause donnant la définition du risque garanti lorsqu'elle est, comme en l'espèce, dépourvue d'ambiguïté et que l'assurée, au vu de la notice d'information reçue, a pu en évaluer la portée, l'existence d'une appréciation médicale des conditions de la garantie ne permettant pas de dire que cette clause aurait pour objet ou effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties aux dépens de cet assuré ».

2/ « Qu'en l'espèce, il doit être déduit du rapport médical que Mme X. ne pouvait pas poursuivre son activité de viticultrice, le fait qu'elle puisse cependant exercer son activité de gestion administrative étant sans conséquence sur cette déduction dès lors qu'il s'agit nécessairement d'une activité annexe au cœur de son métier, qui demande un fort engagement physique et en temps de travail, s'agissant d'une entreprise individuelle ;

Qu'en outre, l'appréciation concrète de la situation de Mme X., âgée de 50 ans au moment de la consolidation, justifie de considérer, notamment au regard du marché de l'emploi, qu'elle était hors d'état d'exercer une quelconque activité rémunérée, ne pouvant, vu sa condition physique, se déplacer vers un lieu de travail autre que la propriété viticole sur laquelle elle habite. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 2 CHAMBRE 5

ARRÊT DU 8 NOVEMBRE 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 12/03356. Arrêt n° 2016/332 (9 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 3 Janvier 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/09257.

 

APPELANTES :

Madame X.

née le [date] à [ville]

EARL X.

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège, N° SIRET : XXX

Représentées par Maître Bruno R. de la SCP R. - B. - M., avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

 

INTIMÉES :

SARL CABINET V.

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège, N° SIRET : YYY

SA COMPAGNIE QBE INSURANCE (EUROPE) LIMITED

Société anonyme de droit anglais pour les contrats souscrits ou exécutés en France par le biais de QBE France, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège, N° SIRET : YYY, Représentées et assistées par Maître Harold H., avocat au barreau de PARIS, toque : T03

Compagnie d'assurances AFI ESCA

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège, N° SIRET : ZZZ, Représentée par Maître Nicole J., avocat au barreau de PARIS, toque : P0169

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 septembre 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Christian BYK, Conseiller, chargé du rapport et Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Catherine LE FRANÇOIS, Présidente de chambre, Monsieur Christian BYK, Conseiller, Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Catherine BAJAZET

ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile - signé par Madame Catherine LE FRANÇOIS, présidente et par Madame Catherine BAJAZET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 16 octobre 2002, Madame X. a sollicité, par l'intermédiaire de son courtier, le Cabinet V., son adhésion à la convention d'assurance collective PROTECTANCE, proposée par AFI ESCA, afin de garantir un prêt de 45.335 euros souscrit auprès du Crédit Agricole d'Aquitaine.

Le même jour, elle sollicitait également, en qualité de représentant de l'EARL X., la souscription d'un autre contrat afin de garantir un second prêt d'un montant de 285.900 euros.

AFI ESCA a validé ces adhésions et a émis deux certificats précisant qu'elle garantissait le décès et la perte totale et irréversible d'autonomie pour le contrat de 285.900 euros jusqu'au 12 décembre 2014, et pour le contrat de 45.735 euros, jusqu'au 12 décembre 2017.

Le 29 août 2005, AFI ESCA a été informée de l'arrêt de travail de Madame X. et a débuté la prise en charge des crédits au titre de la garantie incapacité temporaire totale de travail à compter du 27 novembre 2005, compte tenu du délai de carence de 90 jours prévu au contrat. L'arrêt de travail se poursuivant, une première expertise, sollicitée par AFI ESCA, a été confiée le 5 avril 2006 au Docteur R., lequel a conclu que l'ITT était justifiée de sorte qu'AFI ESCA a continué sa prise en charge.

Le 22 novembre 2006, une nouvelle expertise pratiquée par le Docteur R. a démontré que l'état de Madame X. ne correspondait plus à la définition contractuelle de l'ITT, ce qui a amené AFI ESCA a cessé la prise en charge des crédits. A la demande de Mme X., une contre-expertise a été pratiquée par le Docteur A. qui a conclu à « l'impossibilité d'exercer une quelconque profession ».

Une procédure d'arbitrage ayant été mise en place, le rapport de l'expert arbitre en date 22 mai 2007 concluait que « Madame X. ne peut pas reprendre son activité professionnelle d'exploitante en viticulture (et qu'une) reprise de travail (autre que sa profession) est très aléatoire compte tenu de son âge (50 ans) et de l'absence de formation professionnelle (simple certificat d'études) ».

S'estimant en invalidité permanente et opposée à tout nouvel examen, par acte du 29 mai 2009, Madame X. a assigné AFI ESCA par devant le Tribunal de grande instance de Paris afin de faire déclarer abusives et, par conséquent, non-écrites les clauses du contrat PROTECTANCE relative à l'ITT et d'obtenir la condamnation solidaire d'AFI ESCA, du Cabinet V. et de la société QBE France, son assureur, au paiement d'une somme de 73.288,21 euros en principal. En cours de procédure l'EARL X. est intervenue pour obtenir la prise en charge du prêt souscrit au titre de l'exploitation agricole.

 

Par jugement du 3 janvier 2012, ce tribunal a :

- débouté Madame X. et l'EARL X. de leurs prétentions à l'encontre d'AFI ESCA,

- condamné in solidum le cabinet V. et la société QBE FRANCE à payer à Madame X. et l'EARL X. les sommes de 1.739,91 euros et de 1.948,88 euros à titre de dommages intérêts pour perte de chance ;

- condamné in solidum le cabinet V. et la société QBE FRANCE à payer à Madame X. et à l’EARL X. respectivement les sommes de 12.923,55 euros et de 11.380,92 euros à titre de dommages intérêts pour perte de chance ;

- condamné in solidum le cabinet V. et la société QBE FRANCE à payer à Madame X. et à l’EARL X. une somme de 2.100 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

 

Par déclaration du 23 février 2012, Mme X. et l'EARL X. ont interjeté appel et, par arrêt avant-dire droit du 6 mai 2014, la Cour a ordonné une expertise médicale confiée au Dr G., qui a déposé son rapport le 4 mai 2015.

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 8 août 2016, les appelantes sollicitent :

A titre principal :

- d'infirmer le jugement dans ses dispositions relatives :

* au remboursement des primes d'assurance indûment réglées à AFI ESCA depuis le 1er octobre 2009, des échéances bancaires à compter du 26 novembre 2005 jusqu'au 30 septembre, des échéances bancaires entre la date de début d'invalidité que retiendra la Cour et le 1er octobre 2009 et des échéances bancaires à compter du 1er octobre 2009,

* au quantum de la perte de chance en ce qui concerne les remboursements bancaires effectués pendant la période d'incapacité temporaire totale de travail et pendant celle de l'incapacité permanente totale (invalidité) passée et future de travail,

* au préjudice moral subi par Madame X.,

- d'écarter des débats le rapport d'expertise du Dr F. du 4 mai 2015 au profit du pré-rapport en date du 23 février 2015,

- de condamner solidairement la société AFI ESCA, le Cabinet V. et QBE INSURANCE à leur verser :

* respectivement les sommes de :

- 64.617,79 euros et 8.699,58 euros, à titre d'indemnisation de l'absence de prise en charge des échéances de remboursement de leurs emprunts pendant la période d'ITT allant du 22/11/06 au 26/11/08, avec intérêts au taux légal à compter de la date où chaque échéance de remboursement aurait du être prise en charge par l'assureur jusqu'à parfait paiement,

- 27.114,83 euros et 3.650,23 euros, à titre d'indemnisation de l'absence de prise en charge pendant la période d'IPT (du 27/11/08 au 30/09/09) des échéances de remboursement de leurs emprunts, avec intérêts au taux légal à compter de la date où chaque échéance de remboursement aurait du être prise en charge par l'assureur jusqu'à parfait paiement,

- de condamner solidairement la société AFI ESCA, le Cabinet V. et QBE INSURANCE à verser :

* 203.807,38 euros à l’EARL X. pour la période du 1/10/2009 au 4/02/2016, terme du contrat,

* 24.933,20 euros à Madame X. pour la période allant 1/10/2009 au 5/06/2015 et 360,48 euros chaque mois pour les échéances mensuelles ultérieures réglées, à titre d'indemnisation de l'absence de prise en charge, pendant la période d'IPT, des échéances de remboursement de leurs emprunts, avec intérêts de droit à compter de la date où chaque échéance de remboursement aurait du être prise en charge par l'assureur jusqu'à parfait paiement,

* au titre de l'IPT de Madame X. le remboursement du capital restant dû au 5 juin 2015, soit la somme de 11.535,17 euros pour le prêt 36407405601, le remboursement des primes versées au titre de la police 26842517 pour la période allant du 1er octobre 2009 au 5 février 2015, soit 1.460,49 euros et 230,50 euros pour toute prime annuelle réglée postérieurement à cette date, avec intérêts au taux légal à compter du paiement de chaque échéance,

* au titre de l'IPT de Madame X. le remboursement des primes d'assurances versées par l’EARL X. au titre de la police 26842518 pour la période allant du 1er octobre 2009 au 5 février 2015, soit 10.242,54 euros,

- condamner AFI ESCA à verser au titre de sa résistance abusive à Madame X. la somme de 10.000 euros et solidairement la société AFI ESCA, le Cabinet V. et QBE INSURANCE à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de son préjudice moral et une somme identique à Madame X. et à l’EARL X. en application de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, il est sollicité un complément d'expertise pour déterminer si :

- lors de la première expertise du Docteur R. les pathologies garanties et leurs conséquences médicales constatées portées sur le rapport établi impliquaient que l'état de Madame X. répondait à la condition contractuelle exigeant d'« être totalement incapable d'exercer une quelconque activité rémunérée »,

- lors de la seconde expertise du Docteur R., les pathologies garanties et leurs conséquences médicales constatées portées sur le second rapport impliquaient que Madame X. répondait à la condition contractuelle ci-dessus rappelée,

- l'état médical de Madame X. mentionné sur ce second rapport démontre une amélioration significative depuis le premier rapport,

- les arrêts de travail reçus par AFI ESCA pendant les trois mois de carence décrivent une pathologie rendant l'assurée « totalement incapable d'exercer une quelconque activité rémunérée »,

- les arrêts de travail reçus par AFI ESCA entre le dernier jour du délai de carence et la première visite de contrôle du Docteur R. font état d'une pathologie rendant l'assurée « totalement incapable d'exercer une quelconque activité rémunérée » ainsi qu'exigé par la police,

- les arrêts de travail reçus par AFI ESCA entre la première et la seconde visite de contrôle du Docteur R. font état d'une pathologie rendant l'assurée « totalement incapable d'exercer une quelconque activité rémunérée ».

Par dernières conclusions signifiées le 23 novembre 2015, la société AFI ESCA sollicite la confirmation et 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par dernières conclusions signifiées le 15 juin 2016, la société QBE et le cabinet V. sollicitent l'infirmation et le débouté des demandes des appelantes. A titre subsidiaire, ils concluent à la confirmation sauf quant au quantum de la perte de chance qu'ils demandent de ramener à de plus justes proportions. Il est, en outre, réclamé que la garantie de QBE se fasse dans les limites du contrat et la condamnation des appelantes à leur verser la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

CE SUR QUOI, LA COUR :

Sur la demande de rejet des débats du dire du Dr F. et du rapport du Dr G. :

Considérant que les appelantes font valoir que le dire du Dr F. a été adressé directement à l'expert judiciaire sans leur avoir été communiqué et demandent, en conséquence, de l'écarter des débats ainsi que les modifications apportées par l'expert judiciaire à son rapport suite à la communication de ce dire de sorte que seul le pré-rapport du Dr G. doit être pris en considération ;

Considérant que l'assureur estime que Mme X. ne justifie d'aucun grief dès lors qu'elle a pu discuter du dire et du rapport définitif ;

Considérant qu'étant un acte juridique, le rapport d'expertise judiciaire ne peut être attaqué que par voie de nullité, que celle-ci n'étant pas sollicitée, Mme X., sera déboutée de sa demande ;

 

Sur la garantie au titre de l'ITT :

- Acceptation tacite de sa garantie par l'assureur

Considérant que Mme X. fait valoir que l'ensemble des documents produits par elle établit qu'AFI ESCA savait qu'elle n'était pas en incapacité au sens du contrat quand elle a pris en charge les échéances du 27 novembre 2005 au 22 novembre 2006 consécutive à ses arrêts de travail ;

Qu'il s'en résulte que le fait pour un assureur de verser sans réserve une provision ou de régler une partie du dommage est une acceptation tacite de garantie, qui lui interdit d'exciper ensuite d'une exclusion de garantie ;

Considérant que l'AFI répond qu'il résulte du rapport du Dr G. que Madame X. n'était pas en ITT postérieurement au mois de novembre 2006 alors qu'en application de la notice PROTECTANCE, « l'assuré est considéré en ITT s'il est totalement incapable, par suite d'accident ou de maladie, d'exercer une quelconque activité rémunérée » ;

Considérant que les appelantes ne démontrent pas en quoi l'assureur aurait eu connaissance de ce que Mme X. ne rentrait pas dans les conditions de la garantie dès le 27 novembre 2005 alors que ce constat résulte de l'expertise du Dr R. du 22 novembre 2006 ;

Qu'en effet, on ne peut sérieusement déduire un tel état au vu des seules feuilles de sécurité sociale transmises ou du constat que Mme X. téléphonait, écrivait et se déplaçait pour consulter ;

Qu'un tel constat ne peut être fait sans avoir recours à une expertise médicale ;

 

- Caractère abusif de la clause

Considérant que le contrat PROTECTANCE définit l'incapacité temporaire totale de travail comme suit : « l'assuré est considéré en état d'incapacité totale de travail s'il est totalement incapable par suite d'accident ou de maladie d'exercer une quelconque activité rémunérée. L'incapacité temporaire de travail doit être totale et reconnue par une autorité médicale compétente. L'assureur se réserve le droit de procéder, à ses frais, au contrôle de l'état d'incapacité de l'assuré » ;

Considérant, comme l'a relevé le premier juge, que l'EARL X., qui n'est pas une personne physique, ne saurait bénéficier de l'application de l'article L. 132-1 du code de la consommation ;

Qu'en revanche, les intimés ne démontrant pas que le prêt et l'assurance souscrits par Mme X. l'auraient été au titre de ses activités professionnelles, ces dispositions doivent lui être appliquées ;

Considérant toutefois que n'est pas abusive la clause donnant la définition du risque garanti lorsqu'elle est, comme en l'espèce, dépourvue d'ambiguïté et que l'assurée, au vu de la notice d'information reçue, a pu en évaluer la portée, l'existence d'une appréciation médicale des conditions de la garantie ne permettant pas de dire que cette clause aurait pour objet ou effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties aux dépens de cet assuré ;

 

- Application de la garantie

Considérant que, dans son rapport du 4 mai 2015, l'expert judiciaire, reprenant les constatations faites par le Dr R. le 22 novembre 2006, conclut que Mme X. était alors atteinte d'« une pathologie de tendinite bilatérale d'épaule simple, non compliquée » et qu’« avec cette pathologie, Mme X. ne pouvait pas poursuivre son travail physique de viticultrice » mais « pouvait cependant poursuivre son activité de gestion administrative » ;

Considérant que l'expert judiciaire avait préalablement, relevé que Mme X. « marchait avec deux cannes et un déambulateur », que l'examen de ses deux épaules montrait « une limitation douloureuse lors de la mobilisation active », que « le rachis lombaire était douloureux aux mouvements » et qu'avec la « pathologie de tendinite bilatérale d'épaule simple, non compliquée », dont elle est atteinte, elle « ne pouvait poursuivre son travail physique de viticultrice » ;

Considérant qu'il revient au juge et non à l'expert médical de déduire des faits objectifs relatifs à la santé d'un assuré l'existence d'un lien de causalité entre ces constatations purement médicales et la réalisation des conditions contractuelles de la garantie ;

Qu'en l'espèce, il doit être déduit du rapport médical que Mme X. ne pouvait pas poursuivre son activité de viticultrice, le fait qu'elle puisse cependant exercer son activité de gestion administrative étant sans conséquence sur cette déduction dès lors qu'il s'agit nécessairement d'une activité annexe au cœur de son métier, qui demande un fort engagement physique et en temps de travail, s'agissant d'une entreprise individuelle ;

Qu'en outre, l'appréciation concrète de la situation de Mme X., âgée de 50 ans au moment de la consolidation, justifie de considérer, notamment au regard du marché de l'emploi, qu'elle était hors d'état d'exercer une quelconque activité rémunérée, ne pouvant, vu sa condition physique, se déplacer vers un lieu de travail autre que la propriété viticole sur laquelle elle habite ;

Qu’en conséquence, la garantie est due par AFI au titre de l'ITT (du 22 novembre 2006 au 22 mai 2007, date de la consolidation) pour la prise en charge des échéances de remboursement des emprunts de Mme X. et de l'EARL X. ;

 

Sur la garantie invalidité (IPT) :

Considérant que Mme X. fait valoir que la garantie Invalidité Permanente et Totale, était, à compter du 15 août 2008 (soit 1095 jours après le début de son ITT) et, a fortiori, le 1er octobre 2009 (date à laquelle le régime de base -la MSA- de Madame X. l'a reconnue « exploitant invalide à 100% », donc invalide 2 ème catégorie, comme le requiert le contrat AFI EUROPE), également mobilisable attendu que le libellé de la clause d'exclusion en IPT est le même qu'en ITT et que Madame X. était dans un état de santé encore plus dégradé que pendant les 360 jours durant lesquels AFI ESCA a réglé la prestation ITT ;

Considérant que l'AFI réplique qu'il résulte du rapport du Dr G. que celui-ci a exclu un état d'IPT au bénéfice de Madame X. ;

Considérant que le rapport du Dr G. énonce que postérieurement au 22 mai 2007, date retenue de la consolidation, Mme X. se trouvait en état d'invalidité permanente totale 'toutes les pathologies (épaules, lombaires, genoux, syndrome dépressif) étant intriquées' ;

Que le fait qu'il conviendrait, comme l'affirme l'assureur, de retirer de l'évaluation de l'IPT les douleurs liées à la pathologie lombaire et au retentissement psychologique, est indifférent à la déduction faite plus haut par la cour de l'existence d'un lien de causalité entre l'état de santé, qui affecte Mme X., à la date de la consolidation, et son incapacité totale d'exercer, à compter de cette date, une quelconque activité rémunérée et ce de façon permanente ;

Considérant, en conséquence, que la société AFI, seule tenue à garantir, sera condamnée à rembourser à Mme X. et à l'EARL les échéances dues pour la période courant à compter du 27 novembre 2008, date de la demande, au 30 septembre 2009, soit respectivement 3 650,23 euros et 27 114,83 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date où chaque échéance de remboursement aurait du être prise en charge par l'assureur ;

Considérant qu'AFI sera, en outre, tenu de verser à Mme X. les échéances dues pour la période du 1er octobre 2009 jusqu'au 5 juin 2015, soit 24.933,20 euros, outre 11.535,17 euros au titre du capital restant dû, et à l'EARL X. la somme de 203.807,38 euros au titre des échéances dues pour la période du 1er octobre 2009 jusqu'au 4 février 2016, terme du contrat, les intérêts étant calculés de la même manière que dit précédemment ;

Considérant qu'il sera également fait droit à la demande de remboursement des primes pour la période allant du 1er octobre 2009 au terme des contrats, soit à Mme X. la somme de 1 460,49 euros au 5 février 2015, outre 230,50 euros pour toute prime annuelle réglée après cette date et, pour l'EARL, la somme de 10.242,54 euros ;

Qu'en effet, le contrat stipule qu'en cas d'IPT, « l'assureur prend en charge le paiement du capital restant dû » et que « quel que soit l'âge de l'assuré... (en cas d'ITT de travail/IPT), le paiement du capital restant dû met fin à l'adhésion individuelle » ;

Sur l'obligation de conseil du cabinet V. :

Considérant que Mme X. estime que ce courtier a manqué à ses obligations d' :

a/ éclairer son choix et de l'inspirer au mieux de ses intérêts,

c/ lui éviter de tomber dans les chausse-trappes de l'assurance (au regard du caractère extrêmement restreint de la garantie : référence à «une activité rémunérée quelconque »),

d/ attirer son attention sur les cas de non garantie,

e/ lui proposer un contrat en adéquation avec ses besoins et sa situation,

f/ faire preuve du devoir général de loyauté ;

Considérant que le cabinet V. répond que la question de la responsabilité du courtier est nécessairement subsidiaire à celle de la mobilisation de l'assureur et ajoute n'avoir commis aucune faute causale ;

Considérant que la cour ayant retenu la mise en œuvre de la garantie de l'assureur, cette demande est sans objet, qu'il en est de même de l'appel en garantie du courtier contre son assureur, la société QBE ;

 

Sur le préjudice moral :

Considérant qu'en l'absence de préjudice moral distinct, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande ;

 

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive :

Considérant que les appelantes ne démontrant ni faute ni abus dans le droit des intimés à se défendre et ester en justice, elles seront déboutées de leur demande ;

 

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Considérant que l'équité commande de condamner la société AFI ESCA à payer la somme de 4.000 euros à Mme X. et à l'EARL X., qu'en revanche, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes de la société AFI ESCA, du cabinet V. et de la société QBE de ce chef ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré, statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute Mme X. de sa demande visant à voir écarter des débats le rapport d'expertise judiciaire et le dire du Dr F. ;

Condamne la société AFI ESCA à :

- rembourser à Mme X. et à l’EARL X. les échéances dues pour la période courant à compter du 22 novembre 2006 au 22 mai 2007, date de la consolidation, avec intérêts au taux légal à compter de la date où chaque échéance de remboursement aurait du être prise en charge par l'assureur,

- rembourser à Mme X. et à l’EARL X. les échéances dues pour la période courant à compter du 27 novembre 2008 au 30 septembre 2009, soit respectivement 3.650,23 euros et 27.114,83 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date où chaque échéance de remboursement aurait due être prise en charge par l'assureur,

- verser à Mme X. les échéances dues pour la période du 1er octobre 2009 jusqu'au 5 juin 2015, soit 24.933,20 euros, outre 11 535,17 euros au titre du capital restant dû, et à l’EARL X. la somme de 203.807,38 euros au titre des échéances dues pour la période du 1er octobre 2009 jusqu'au 4 février 2016, les intérêts étant calculés de la même manière que dit précédemment,

- rembourser les primes pour la période allant du 1er octobre 2009 au terme des contrats, soit à Mme X. la somme de 1.460,49 euros au 5 février 2015, outre 230,50 euros pour toute prime annuelle réglée après cette date et, pour l’EARL X. la somme de 10.242,54 euros ;

Déboute Mme X. et l’EARL X. de leurs demandes à l'encontre du cabinet V. et de la société QBE et le cabinet V. de ses demandes à l'encontre de la société QBE ;

Déboute Mme X. et l’EARL X. de leurs demandes au titre du préjudice moral et de la résistance abusive ;

Condamne la société AFI ESCA à payer la somme de 4.000 euros à Mme X. et à l’EARL X. sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les sociétés AFI ESCA, Cabinet V. et QBE FRANCE de leurs demandes à ce titre et condamne la société AFI ESCA aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                                LA PRÉSIDENTE