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TI LAGNY-SUR-MARNE, 11 décembre 1995

Nature : Décision
Titre : TI LAGNY-SUR-MARNE, 11 décembre 1995
Pays : France
Juridiction : Lagny-sur-marne (TI)
Demande : 194/95
Date : 11/12/1995
Nature de la décision : Rejet
Date de la demande : 18/01/1995
Numéro de la décision : 2244
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CERCLAB/CRDP – DOCUMENT N° 66

TI LAGNY-SUR-MARNE, 11 décembre 1995 : RG n° 194/95 ; jugement n° 2244

 

Extrait : « Une telle formulation est générale et ne prévoit aucune disposition limitant l'exclusivité conférée à l'agence, le particulier est alors lié par cette première visite sans qu'il ne puisse se prévaloir d'une négociation plus avantageuse menée par un autre intermédiaire sur le prix, et ce pour une durée relativement longue. Une telle clause qui fait souscrire au particulier un engagement non négociable constitue un abus de puissance économique et confère au professionnel un avantage excessif. En effet reconnaître une validité quelconque à une telle clause reviendrait à permettre aux agences immobilières de se constituer une clientèle captive, la personne ayant visité un bien par l'intermédiaire de l'agence étant indéfiniment tenue quel que soit le prix qu'elle puisse obtenir par l'intermédiaire d'une autre agence. Accepter de telles pratiques reviendrait finalement à tuer la libre-concurrence entre agences et à bloquer le marché immobilier, à cet égard la négociation sur le prix, l'obtention de renseignements foncier et de prêt immobilier constituent des éléments essentiels de la prestation offerte par une agence et des critères déterminants dans le choix de l'agence par le consommateur qui ne saurait être indéfiniment tenu par le jeu d'une clause insérée dans le bon de visite avec la première agence qui l'a fait visiter. »

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE LAGNY-SUR-MARNE

JUGEMENT DU 11 DÉCEMBRE 1995

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 194/95. Jugement n° 2244.

A L'AUDIENCE DU TRIBUNAL D'INSTANCE DE LAGNY SUR MARNE, DÉPARTEMENT DE SEINE ET MARNE, DU LUNDI ONZE DÉCEMBRE MIL NEUF CENT QUATRE VINGT QUINZE. TENUE PUBLIQUEMENT,

Présidé par Madame Marie Luce CAVROIS, Juge d'Instance au Tribunal d'Instance de LAGNY sur MARNE, Assistée de Mademoiselle Béatrice BOEUF, Agent Assermenté au Secrétariat Greffe du dit Tribunal,

 

ENTRE :

NOM ET PRENOM OU RAISON SOCIALE :

SOCIETE ANONYME AGENCE CHANOT ROBQUIN

DOMICILE OU SIEGE SOCIAL : [adresse]

DEMANDERESSE, représentée par Maître COEURET, avocat au barreau de MEAUX.

 

ET :

NOM ET PRENOM OU RAISON SOCIALE :

Monsieur X. et Madame X.

DOMICILE OU SIEGE SOCIAL : [adresse],

DEFENDEURS, représentés par Maître RENARD de la S.C.P. BOUAZIZ CORNAIRE MAYNARD DERIEUX, avocats, [adresse].

 

APRES AVOIR ENTENDU EN SES EXPLICATIONS ET CONCLUSIONS à l'audience tenue le 2 octobre 1995, Maître COEURET, Maître RENARD.

ET APRES EN AVOIR DELIBERE, AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS, A ETE RENDU LE JUGEMENT SUIVANT :

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] Par acte du 18 janvier 1995, la SA CHANOT-ROBQUIN a assigné M. X. et son épouse X. afin de les entendre condamner à lui payer la somme de 20.000 Francs de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par elle du fait de son évincement de la vente d'un pavillon sis [adresse], alors que ceux-ci s'étaient engagés à traiter de cette affaire que par son intermédiaire.

La requérante réclame aussi la somme de 5.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et le prononcé de l'exécution provisoire.

Les défendeurs se sont opposés à ces demandes, et ont fait valoir que les textes interdisent à une agence immobilière de réclamer aucune autre somme qu'une commission sur transaction, que cette somme est due par le vendeur et qu'elle n'est due à l'agence que si c'est elle qui a contribué à réaliser la transaction.

L'agence a rétorqué qu'elle ne réclamait pas une commission mais des dommages et intérêts en raison du comportement fautif des époux X. qui avaient visité le bien une première fois par son intermédiaire et avaient conclu, une semaine après, la vente par l'intermédiaire d'une autre agence, en violation des engagements souscrits par eux sur le bon de visite. Elle a souligné qu'elle n'avait pu s'engager plus avant dans la négociation d'un plan de financement dans la mesure où elle ignorait l'intention véritable des époux X. quant à la réalisation effective de l'opération.

Les époux X. ont alors répondu que s'ils avaient conclu par le biais d'une autre agence c'est que celle-ci avait pris les renseignements fonciers nécessaires en particulier sur la taxe foncière et sur la question de l'alignement du fonds, avait obtenu une réduction du prix et avait fait le montage financier du dossier leur permettant ainsi de conclure la vente. Ils ont demandé au tribunal de constater que la clause portée sur le bon de visite devait être réputée non écrite comme contraire aux dispositions légales en vigueur. Les époux X. ont fait valoir que la liberté est la règle en matière de transaction immobilière et qu'un bon de visite contenant une clause d'exclusivité au bénéfice de l'agence était contraire aux dispositions réglementaires en vigueur. Ils ont conclu au débouté de l'ensemble des demandes de l'agence CHANOT-ROBQUIN et ont sollicité sa condamnation à leur payer la somme de 5.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3 (original : page 2)] MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'agence CHANOT-ROBQUIN fonde sa demande de dommages et intérêts sur une clause figurant sur le bon de visite signé par M. X. le 6 mai 1994 qui prévoit que les personnes signataires s'engagent « à ne traiter l'achat de l'une ou plusieurs de ces affaires que par votre seul intermédiaire même après expiration des mandats qui vous ont été remis. » Une telle formulation est générale et ne prévoit aucune disposition limitant l'exclusivité conférée à l'agence, le particulier est alors lié par cette première visite sans qu'il ne puisse se prévaloir d'une négociation plus avantageuse menée par un autre intermédiaire sur le prix, et ce pour une durée relativement longue. Une telle clause qui fait souscrire au particulier un engagement non négociable constitue un abus de puissance économique et confère au professionnel un avantage excessif.

En effet reconnaître une validité quelconque à une telle clause reviendrait à permettre aux agences immobilières de se constituer une clientèle captive, la personne ayant visité un bien par l'intermédiaire de l'agence étant indéfiniment tenue quel que soit le prix qu'elle puisse obtenir par l'intermédiaire d'une autre agence. Accepter de telles pratiques reviendrait finalement à tuer la libre-concurrence entre agences et à bloquer le marché immobilier, à cet égard la négociation sur le prix, l'obtention de renseignements foncier et de prêt immobilier constituent des éléments essentiels de la prestation offerte par une agence et des critères déterminants dans le choix de l'agence par le consommateur qui ne saurait être indéfiniment tenu par le jeu d'une clause insérée dans le bon de visite avec la première agence qui l'a fait visiter.

La clause figurant sur le bon de visite, dont se prévaut l'agence CHANOT-ROBQUIN, est abusive et doit être réputée non écrite.

En conséquence toutes les demandes de cette agence seront rejetées.

En revanche la demande pour frais irrépétibles formée par les défendeurs qui ont dû engager des frais pour se défendre en justice, doit être accueillie.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 4 (original : page 3)] PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Constate que la clause d'exclusivité inscrite sur le bon de visite n° 21 signé le 6 mai 1994 par M.

X. est abusive.

Rejette toutes les demandes de la SA CHANOT-ROBQUIN.

Condamne la SA CHANOT-ROBQUIN à payer à M. et Mme X. la somme de 5.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Rejette toute autre demande

Condamne la SA CHANOT-ROBQUIN aux entiers dépens.

Ainsi jugé et prononcé publiquement à Lagny-sur-Marne le 11 décembre 1995.