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TGI NANTERRE, 26 juin 2015

Nature : Décision
Titre : TGI NANTERRE, 26 juin 2015
Pays : France
Juridiction : Nanterre (TGI)
Demande : 11/07236
Date : 26/06/2015
Nature de la décision : Rejet
Mode de publication : Juris Data
Décision antérieure : CA VERSAILLES (16e ch.), 21 septembre 2016, 6041 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Contraintes d’exécution - Professionnel - Contraintes de gestion
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6625

TGI NANTERRE, 26 juin 2015 : RG n° 11/07236

Publication : Jurica

 

Extrait : « C'est à juste titre que la commune prétend bénéficier des textes sur les clauses abusives, notamment l'article L. 132-1 du Code de la consommation. Ces dispositions s'appliquent exclusivement aux rapports entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs. Si, en tant que personnes morales, les communes ne peuvent être regardées comme des consommateurs, elles ne doivent pas nécessairement être exclues de la catégorie des non-professionnels si, de par le mode d'exercice de leur activité, elles peuvent être considérées comme étant dans une situation d'infériorité à l'égard du professionnel, en ce qui concerne tant leur pouvoir de négociation que leur niveau d'information. Or, en l'espèce, il a déjà été retenu que le caractère averti de la commune n'était pas établi et que ses échanges avec la banque étaient marqués par une asymétrie d'informations. Sa taille et son budget ne lui permettaient pas de disposer d'un service interne disposant des compétences nécessaires en matière financière. Il n'est donc pas établi que la commune puisse être regardée comme professionnelle.

C'est cependant en vain que la commune soutient que la clause portant sur l'indemnité de résiliation anticipée est une clause abusive. Sous réserve que l'indemnité de remboursement sollicitée en cas de remboursement anticipé soit fixée à un montant qui n'excède pas la réparation du préjudice causé au prêteur résultant de son impossibilité de reprêter les fonds remboursés au même taux ou des pertes financières éventuellement occasionnées, la clause a une cause légitime et ne peut être regardée comme nécessairement abusive. »

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NANTERRE

JUGEMENT DU 26 JUIN 2015

 

RÉSUMÉ DE LA DÉCISION JURIS-DATA                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

C'est en vain que la commune, qui a souscrit un crédit de 3.623.059 euros, demande l'annulation du contrat. Certes, le contrat de crédit est un prêt structuré, comprenant une première phase de remboursement à un taux fixe plus bas que les taux habituels et une deuxième phase prévoyant un taux variable dépendant du cours de l'euros par rapport au franc suisse, et qui comporte un effet de change et un effet de levier, ce qui rend le contrat particulièrement complexe à appréhender. Cependant, si la banque a manqué à son obligation d'information et de mise en garde, aucune preuve n'est apportée de manœuvres dolosives. Le contrat a été conclu en avril 2007 et présentait le franc suisse comme une valeur refuge, avec une stabilité du cours euros-franc suisse, ce qui n'était pas erroné à l'époque. La crise économique de 2008 n'a pas été anticipée par les acteurs des marchés financiers et la banque ne pouvait anticiper la forte dépréciation de l'euros. Elle n'a donc pas délibérément trompé l'emprunteuse.

La banque a manqué à son obligation de mise en garde envers la commune, qui doit être considérée comme un emprunteur profane. Il s'agit en effet d'une petite commune de 3.500 habitants dont les membres du conseil municipal n'ont aucune connaissance en matière de finance et qui ne disposait pas de conseillers financiers. Si les membres du conseil municipal ont compris que la commune contractait avec un taux variable, la complexité du contrat leur a échappé. Or, la banque n'a pas averti l'emprunteuse des risques d'augmentation très importante du taux d'intérêts en cas de dépréciation de l'euros, risque qui est survenu. La banque doit donc réparer le préjudice subi par la commune, qui a subi une perte de chance de ne pas contracter un tel prêt. Cette perte de chance est évaluée à 50 pour-cent. Le préjudice est donc égal à 50 pour-cent du surcoût d'intérêts, soit 826.260 euros.

C'est à juste titre que la commune prétend bénéficier des textes sur les clauses abusives, notamment l'article L. 132-1 du Code de la consommation. Ces dispositions s'appliquent exclusivement aux rapports entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs. Si, en tant que personnes morales, les communes ne peuvent être regardées comme des consommateurs, elles ne doivent pas nécessairement être exclues de la catégorie des non-professionnels si, de par le mode d'exercice de leur activité, elles peuvent être considérées comme étant dans une situation d'infériorité à l'égard du professionnel, en ce qui concerne tant leur pouvoir de négociation que leur niveau d'information. Or, en l'espèce, il a déjà été retenu que le caractère averti de la commune n'était pas établi et que ses échanges avec la banque étaient marqués par une asymétrie d'informations. Sa taille et son budget ne lui permettaient pas de disposer d'un service interne disposant des compétences nécessaires en matière financière. Il n'est donc pas établi que la commune puisse être regardée comme professionnelle. C'est cependant en vain que la commune soutient que la clause portant sur l'indemnité de résiliation anticipée est une clause abusive. Sous réserve que l'indemnité de remboursement sollicitée en cas de remboursement anticipé soit fixée à un montant qui n'excède pas la réparation du préjudice causé au prêteur résultant de son impossibilité de reprêter les fonds remboursés au même taux ou des pertes financières éventuellement occasionnées, la clause a une cause légitime et ne peut être regardée comme nécessairement abusive.