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CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 6 décembre 2016

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 6 décembre 2016
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 2 ch. 5
Demande : 16/02405
Décision : 2016/392
Date : 6/12/2016
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 19/01/2016
Numéro de la décision : 392
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6645

CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 6 décembre 2016 : RG n° 16/02405 ; arrêt n° 2016/392 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Qu'il s'en évince que le sinistre garanti est notamment le vol par effraction, l'assureur énumérant ce qu'il qualifie de traces matérielles et donc les conditions matérielles auxquelles il soumet sa garantie ;

Considérant cependant, que sous couvert de définir l'effraction, l'assureur ne peut valablement limiter à des indices prédéterminés la preuve du sinistre alors d'une part, qu'en application de l'article 1315 du code civil, cette preuve est libre et que, d'autre part, le mode de preuve restrictif et qui ne correspond plus à la réalité des techniques modernes mises en œuvre pour le vol des véhicules, ainsi imposé aux consommateurs contrevient aux dispositions de l'article R. 132-2 du code de la consommation (devenu l'article R. 212-2) qui précisent que sont présumées abusives au sens des dispositions du premier et deuxième alinéa de l'article L. 132-1 (devenu l'article L. 212-1), sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de limiter indûment les moyens de preuve à la disposition du non-professionnel ou du consommateur ; Considérant qu'en limitant sa démonstration aux clauses visées à l'article précédent (qui répute certaines clauses abusives de manière irréfragable), l'assureur ne rapporte pas la preuve contraire exigée par l'article R. 132-2 sus visé alors que le caractère abusif de la clause résulte du fait qu'elle limite les moyens de preuve de l'effraction dont la cour indique qu'il s'agit d'une condition de la garantie ; que la clause litigieuse qui est abusive doit, en conséquence, être réputée non écrit ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 2 CHAMBRE 5

ARRÊT DU 6 DÉCEMBRE 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 16/02405. Arrêt n° 2016/392 (5 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 décembre 2015 - Tribunal de Grande Instance d'EVRY - R.G. n° 14/04662.

 

APPELANT :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], Représenté par Maître Thierry J. D. de la SELARL J.-L.-B.-AVOCATS, avocat au barreau de MELUN

 

INTIMÉES :

SA ASSURANCES DU CRÉDIT MUTUEL IARD (ACM IARD)

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés au siège, N° SIRET : XX,

CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE CORBEIL-ESSONNES

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés au siège, N° SIRET : YY,

Représentées par Maître Frédérique E., avocat au barreau de PARIS, toque : K0065, Assistées par Maître Françoise E., avocat au barreau de EVRY

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 octobre 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Catherine LE FRANÇOIS, Présidente de chambre, Monsieur Christian BYK, Conseiller, Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Catherine BAJAZET

ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile - signé par Madame Catherine LE FRANÇOIS, présidente et par Madame Catherine BAJAZET, greffier présent lors de la mise à disposition.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 19 juillet 2012, M. X a, sur le conseil de son agence bancaire du Crédit Mutuel, assuré auprès de la SA ASSURANCES DU CRÉDIT MUTUEL IARD un véhicule automobile de marque BMW immatriculé à son nom à compter du 8 août 2012 sous le numéro XX.

Le 15 janvier 2014, M. X a déclaré le vol de son véhicule auprès des services de police ; le véhicule a été retrouvé, incendié, quelques jours plus tard. Le 26 février 2014, l'assureur a refusé sa garantie au motif que l'expertise diligentée n'avait pas mis en évidence les effractions permettant la mise en œuvre de la garantie.

Saisi par actes des 21 mai et 3 juin 2014, le tribunal de grande instance d'Évry a, par jugement du 18 décembre 2015, débouté M. X de l'intégralité de ses prétentions et l'a condamné aux entiers dépens.

Par déclaration du 19 janvier 2016, M. X. a interjeté appel. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 12 août 2016, il demande à la cour, infirmant le jugement déféré, de déclarer non écrites les dispositions de l'article 4.1.1 des conditions générales et de condamner la société ASSURANCES DU CRÉDIT MUTUEL IARD et la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE CORBEIL-ESSONNES au paiement de la somme 18.000 euros au titre de l'indemnité d'assurance qui lui est due avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, intérêts qui seront capitalisés, outre la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 29 août 2016, la société CRÉDIT MUTUEL IARD et la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE CORBEIL-ESSONNES demandent à la cour de déclarer l'appel irrecevable et mal fondé et de dire que la clause de l'article 4.1.1 des conditions générales de la police d'assurance n'est pas abusive ; en conséquence, elles sollicitent la confirmation du jugement déféré notamment en ce qu'il a prononcé la mise hors de cause de l'établissement bancaire ainsi que la condamnation de M. X à leur payer, à chacune, une indemnité de procédure de 3.000 euros et aux entiers dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 29 septembre 2016.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, LA COUR,

Considérant, au préalable, que bien que demandant à la cour de déclarer l'appel de M. X irrecevable, les intimées ne développent aucune argumentation sur ce point, le dossier ne révélant aucune fin de non-recevoir présentant un caractère d'ordre public ;

Considérant que s'appuyant des articles de presse, M. X évoque l'évolution des méthodes d'effraction des automobiles, les voleurs ayant de plus en plus souvent recours à des moyens électroniques pour forcer l'ouverture du véhicule et son démarrage ; qu'il relève que l'expert amiable a constaté l'effraction (des portières) du véhicule et ajoute, répondant ainsi à l'injonction du conseiller de la mise en état de conclure sur la régularité de la clause litigieuse au regard des dispositions du code de la consommation, que celle-ci est abusive voire léonine dans la mesure où sa rédaction rend quasiment inapplicable le contrat d'assurance ;

Que les sociétés intimées rappellent les conditions de la garantie vol dont l'assuré doit rapporter la preuve : l'effraction de l'habitacle ou du coffre, la détérioration du faisceau de démarrage et le forcement de la colonne de direction et que ces dernières n'ont pas été objectivées lors de l'expertise technique du véhicule alors que M. X supporte la charge de la preuve et qu'il pouvait solliciter une contre-expertise, disant à toute fin que son indemnisation ne peut pas dépasser la somme de 19.200 euros ; qu'elles citent les dispositions du code de la consommation dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 disant qu'il n'apparaît pas que la clause litigieuse puisse figurer dans la liste des clauses abusives définies à l'article R. 212-1 du code de la consommation ;

 

Considérant que la relation contractuelle est régie par les conditions particulières PRIVILÈGE AUTO ELITE 50 en date du 19 juillet 2012 qui renvoient aux conditions générales modèle 43-04-88 07/2008, dont l'article 4 relatif au vol est ainsi rédigé :

« Au titre de la garantie vol, nous prenons en charge (...) les dommages suivants : les dommages matériels consécutifs à la disparition totale du véhicule :

- actes de violence à l'encontre du conducteur ou du gardien

- effraction du véhicule caractérisée par des traces matérielles, c'est à dire cumulativement :

. l'effraction de l'habitacle ou du coffre

et

. le forcement de la colonne de direction, la détérioration du faisceau de démarrage ou d'un système antivol en fonctionnement

- effraction d'un garage privatif, clos et verrouillé » ;

Qu'il s'en évince que le sinistre garanti est notamment le vol par effraction, l'assureur énumérant ce qu'il qualifie de traces matérielles et donc les conditions matérielles auxquelles il soumet sa garantie ;

Considérant cependant, que sous couvert de définir l'effraction, l'assureur ne peut valablement limiter à des indices prédéterminés la preuve du sinistre alors d'une part, qu'en application de l'article 1315 du code civil, cette preuve est libre et que, d'autre part, le mode de preuve restrictif et qui ne correspond plus à la réalité des techniques modernes mises en œuvre pour le vol des véhicules, ainsi imposé aux consommateurs contrevient aux dispositions de l'article R. 132-2 du code de la consommation (devenu l'article R. 212-2) qui précisent que sont présumées abusives au sens des dispositions du premier et deuxième alinéa de l'article L. 132-1 (devenu l'article L. 212-1), sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de limiter indûment les moyens de preuve à la disposition du non-professionnel ou du consommateur ;

Considérant qu'en limitant sa démonstration aux clauses visées à l'article précédent (qui répute certaines clauses abusives de manière irréfragable), l'assureur ne rapporte pas la preuve contraire exigée par l'article R. 132-2 sus visé alors que le caractère abusif de la clause résulte du fait qu'elle limite les moyens de preuve de l'effraction dont la cour indique qu'il s'agit d'une condition de la garantie ; que la clause litigieuse qui est abusive doit, en conséquence, être réputée non écrite ;

Considérant que le véhicule assuré a été déclaré volé le 15 janvier 2014 et a été retrouvé incendié quelques jours plus tard ; qu'il a été examiné par le cabinet EXAM commis par l'assureur, en février 2014, les photographies prises lors de l'examen du véhicule permettant de constater des déformations des portières, qui sont maintenues fermées par des tendeurs ; que M. X était en possession des deux clefs du véhicule ainsi qu'il l'indique dans sa déclaration de sinistre ; qu'il ressort également des constatations des services de police que les voleurs se sont introduits sur la propriété de M. X (démontant en partie les têtes du portail électrique afin de pouvoir le manœuvrer manuellement) et que le véhicule a été retrouvé dépourvu de roues ; que ces éléments suffisent à établir que M. X a été victime d'un vol par effraction (matérielle) et dès lors, la société ASSURANCES DU CRÉDIT MUTUEL IARD doit sa garantie, la décision déférée devant être infirmée uniquement en ce qu'elle déboute M. X de sa demande à l'encontre de l'assureur, l'établissement bancaire par l'intermédiaire duquel la police a été souscrite n'étant nullement tenu aux obligations nées de ce contrat ;

Qu'il sera alloué à M. X la somme qu'il réclame, l'assureur admettant d'ailleurs qu'il pouvait prétendre à une somme plus élevée ; que l'indemnité de 18.000 euros correspondant à l'évaluation à dire d'expert de la valeur vénale du véhicule portera intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 21 mai 2014, intérêts qui seront capitalisés en application de l'article 1154 du code civil ;

Considérant que la société ASSURANCES DU CRÉDIT MUTUEL IARD qui succombe doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à rembourser les frais irrépétibles exposés par M. X, aucune somme n'étant allouée ou mise à la charge de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE CORBEIL-ESSONNES inutilement maintenue dans la cause ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe,

Infirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Évry le 18 décembre 2015, sauf en ce qu'il a débouté M. X de ses demandes à l'encontre de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE CORBEIL-ESSONNES ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare abusives et, par conséquent, non écrites les stipulations de l'article 4.1.1 de la police d'assurance automobile des ASSURANCES DU CRÉDIT MUTUEL IARD modèle 43-04-88 07/2008 qui limitent la preuve de l'effraction matérielle à celle, cumulative « d'une effraction de l'habitacle ou du coffre et du forcement de la colonne de direction, de la détérioration du faisceau de démarrage ou d'un système antivol en fonctionnement » ;

Condamne la société ASSURANCES DU CRÉDIT MUTUEL IARD à payer à M. X la somme de 18.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 mai 2014 ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne la société ASSURANCES DU CRÉDIT MUTUEL IARD à payer à M. X la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                    LA PRÉSIDENTE