CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 9 décembre 2016

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 9 décembre 2016
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 6
Demande : 16/13848
Date : 9/12/2016
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2016-027095
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 6647

CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 9 décembre 2016 : RG n° 16/13848 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Il ressort avec constance notamment des directives n° 93/13/CE relative aux clauses abusives, n° 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales déloyales et 2011/83/UE relative aux droits des consommateurs - cette dernière ayant fait l'objet d'une transposition en droit français par la loi du 17 mars 2014 - qu’« est considérée comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ». La CJCE, interprétant la notion de consommateur sous l'empire du précédent Règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000, a estimé, d'une part, qu'elle devait être entendue strictement dès lors qu'elle permet de déroger au principe de la compétence de la juridiction du lieu du domicile du défendeur et, d'autre part, que pour sa détermination, il y avait lieu de se référer à la position de la personne dans un contrat déterminé, en rapport avec la nature et la finalité de celui-ci.

C'est à juste titre que la BIL fait valoir que c'est aux appelants qu'il revient de démontrer que les conditions de la dérogation à la règle de compétence de principe prévue à la section 4 du Règlement au profit des consommateurs sont remplies. Ainsi, si les besoins de la gestion d'un patrimoine immobilier même important comme celui des appelants, qui en l'espèce provient essentiellement des biens hérités par Mme X. épouse Y., pourraient constituer des actes de consommation destinés à les mettre en valeur de manière usuelle et indépendamment de l'exercice de toute activité professionnelle, il ne peut qu'être constaté en l'espèce : […]

Or, le projet de construction de Riads au Maroc en vue de leur revente ou d'un établissement d'accueil de personne âgées de cent lits en vue de sa revente ou de son exploitation ne peuvent faire regarder son initiateur contractant un prêt à cet effet, agirait-il en dehors de son activité professionnelle principale, comme un consommateur devant bénéficier de la dérogation aux règles de compétence réservée à ce dernier par le Règlement. A défaut pour les époux Y. de contredire utilement ces éléments, qui ne leur permettent pas de sa prévaloir de cette qualité de consommateur, notamment en démontrant leur intention d'affectation ou l'utilisation effective des fonds obtenus à l'aide des crédits, la cour ne peut que retenir ces éléments montrant qu'ils avaient la qualité d'investisseurs projetant notamment des opérations excédant des actes de consommation et ne ressortissant pas de l'application de la section 4 du Règlement.

Il doit être ajouté que, également taisant sur la manière dont ils sont entrés en contact avec la BIL puisqu'ils se contentent de reprocher à celle-ci de ne pas prouver que c'est par une sollicitation de leur mandataire, le société Equatis Finance - qui est un Conseil en Investissement Financier enregistré auprès de l'AMF -, ils n'étayent pas plus la circonstance que la banque a dirigé son activité vers la France, la seule réitération des prêts par des actes notariés, exigée pour la prise des sûretés immobilières, étant insuffisante à cet effet. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 6

ARRÊT DU 9 DÉCEMBRE 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 16/13848 (7 pages). Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 6 juin 2016 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX - R.G. n° 15/01889.

 

APPELANTS :

Madame X.

Née le [date] à [ville], Représentée par Maître Florence G. de la SELARL P. - DE M. - G., avocat au barreau de PARIS, toque : L0018, Ayant pour avocat plaidant Maître Charles-Emmanuel P., avocat au barreau de PARIS, toque : P261

Monsieur Y.

Né le [date] à [ville], Représentée par Maître Florence G. de la SELARL P. - DE M. - G., avocat au barreau de PARIS, toque : L0018, Ayant pour avocat plaidant Maître Charles-Emmanuel P., avocat au barreau de PARIS, toque : P261

 

INTIMÉE :

SA BANQUE INTERNATIONALE A LUXEMBOURG (BIL)

REGISTRE DES SOCIÉTÉS LUXEMBOURG XX, Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Jean-Michel H. de la SCP H. ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0087, Ayant pour avocat plaidant Maître Vincent P., avocat au barreau de PARIS, toque : P87

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 15 novembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Françoise CHANDELON, Présidente de chambre, Monsieur Marc BAILLY, Conseiller, Madame Muriel GONAND, Conseillère, qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Josélita COQUIN

ARRÊT : - Contradictoire, - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Françoise CHANDELON, président et par Madame Josélita COQUIN, greffier présent lors du prononcé.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est interjeté appel d'une ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Meaux le 6 juin 2016, par laquelle cette juridiction s'est déclarée incompétente pour connaître du litige opposant les époux Y. à la Banque Internationale à Luxembourg (BIL).

Par acte sous seing privé du 13 mars 2007, la BIL, alors dénommée Dexia BIL, a consenti aux époux Y. une ouverture de crédit en compte courant d'un montant maximal de 6 millions d'euros, utilisables en euros ou en francs suisses et remboursable au 1er avril 2012, afin, premièrement, de refinancer l'acquisition d'une villa sise à [ville C. A.] à hauteur de la somme de 3 millions d'euros, deuxièmement, de constituer un portefeuille de valeurs mobilières en produit structuré Dexia à hauteur de la somme de 2 millions d'euros et troisièmement, de couvrir pour 1 million d'euros des besoins de trésorerie en vue d'investissements immobiliers.

L'emprunt a été formalisé le 19 avril 2007 par acte authentique reçu par Maître A., notaire à Paris, et garanti par une sûreté hypothécaire prise sur le bien de [ville C. A.]appartenant à Mme Y. et par le nantissement du portefeuille souscrit de 2 millions d'euros.

Par avenant du 25 février 2008, l'encours a été porté à 7,6 millions d'euros, 1,1 millions d'euros étant destinés au financement de travaux immobiliers et 500.000 euros pour la constitution d'un portefeuille financier auprès de la société Dexia BIL.

L'avenant a été formalisé le 7 mars 2008 par acte authentique reçu par Maître A., notaire à Paris, et garanti par une sûreté hypothécaire supplémentaire prise sur le bien sis à [ville C.] la Chapelle constituant la résidence principale du couple Y. appartenant à Mme Y., qui en a hérité de sa grand-mère, et par le nantissement du portefeuille constitué de 500.000 euros.

Après des mises en demeure de payer les intérêts au cours de l'année 2008, la BIL a invité les époux Y., par courrier du 15 février 2011, à réduire leur encours débité en francs suisses au motif d'un taux de change euros/francs suisses dégradé.

Par courriers du 9 février 2012, la BIL a dénoncé les contrats de crédit et sollicité le paiement des soldes restant dus, soit selon elle respectivement 3.110.295,91 euros et 7.019.951,80 francs suisses, ramenées par courrier du 23 avril 2012 à 2.481.428,25 euros et 7.227.913,95 francs suisses.

Deux commandements de payer valant saisie immobilière ont été délivrés, le 18 juin 2013, aux époux Y. à la demande de la banque, avant qu'ils ne soient déclarés nuls par jugement d'orientation du juge de l'exécution du 19 mars 2015, faute pour Mme Y. d'avoir reçu une information complète et conforme aux dispositions de l'article R. 321-3-3° du code des procédures civiles d'exécution.

Ce jugement a été infirmé par un arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 14 janvier 2016 qui a notamment :

- déclaré réguliers les commandements de payer,

- débouté Mme Y. de sa demande en annulation de ces actes,

- dit nulle la stipulation d'intérêts et y a substitué l'intérêt légal,

- ordonné la réouverture des débats pour un nouveau calcul des intérêts.

Sur renvoi et par un arrêt du 27 octobre 2016, la cour d'appel de Paris a arrêté le montant des créances de la société Dexia Bil aux sommes, arrêtées au 19 mai 2016 de 8.079.201,96 francs suisses et de 1.261.275,80 euros et cantonné provisoirement les effets de la saisie au bien du [ville C. A.] en ordonnant sa vente forcée pour une mise à prix de 4 millions d'euros.

Parallèlement à cette procédure d'exécution intentée par la BIL, les époux Y. ont assigné, le 11 février 2015, la banque en annulation des contrats litigieux et en nullité de la clause d'intérêts conventionnels devant le tribunal du lieu de leur domicile, le tribunal de grande instance de Meaux.

 

Par conclusions du 29 octobre 2015, la BIL a saisi le juge de la mise en état d'une exception d'incompétence du tribunal de grande instance de Meaux, demande qui a été accueillie par ordonnance précitée du 6 juin 2016 et dont il est demandé l'infirmation par les époux Y. au moyen de leur déclaration d'appel du 22 juin 2016.

Par leurs uniques conclusions en date du 3 novembre 2016, les appelants font valoir :

- que c'est à bon droit que le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Meaux a jugé que le litige était soumis au Règlement CE n° 1215/2012 dit Bruxelles 2,

- mais que c'est à tort que leur qualité de « consommateur » au sens de ce texte leur a été déniée alors qu'elle leur a été reconnue par l’arrêt de la cour d'appel de Paris du 14 septembre 2016 - sur le fondement de la Convention dite Rome I donnant une définition identique du « consommateur » - et dont l'autorité de la chose jugée s'impose, laquelle conduit à reconnaître la compétence du tribunal du lieu de leur domicile,

- qu'en effet, c'est de manière inappropriée que le juge n'a analysé le contrat et l'avenant qu'à la lumière du mémorandum qui est un document interne à la banque et leur est inopposable alors qu'ils ont emprunté les sommes pour refinancer le bien du [ville C. A.], hérité par Mme Y., et nullement donné en location de manière habituelle, qu'ils tirent l'essentiel de leurs revenus de leur activités professionnelles respectives d'acteur/producteur et de chef d'entreprise dans la communication, étrangères au domaine de l'immobilier alors qu'aucune construction au Maroc n'est envisagée, de sorte que c'est pour un usage étranger à leur activité professionnelle qu'ils ont souscrit ces crédits,

- qu'il ressort bien du déroulement des relations contractuelles, comme l'exige l'article 17 du Règlement pour attribuer compétence à la juridiction du lieu du domicile des consommateurs, que la société BIL a dirigé vers la France ses activités dès lors qu'après la lettre d'intention du 13 mars 2007, le contrat et l'avenant ont été reçus en France en l'étude de Maître A., représentant la société Dexia BIL, et pas seulement pour les besoins des prises d'hypothèques alors que l'intimée n'apporte pas la preuve de sa sollicitation par un apporteur d'affaire à leur propre requête,

- que les clauses d'attribution de compétence aux juridictions luxembourgeoises dont la banque ne s'est pas prévalue en première instance sont inapplicables et inefficaces selon le Règlement comme contrevenant à la protection exigée du consommateur,

- qu'en tout état de cause, le tribunal de grande instance de Meaux est compétent par application de l'article 14 du code de procédure civile compte tenu de leur nationalité française, de sorte qu'ils sollicitent de la cour :

- qu'elle juge qu'en application de l'article 18§1 du Règlement Bruxelles 2, le tribunal de grande instance de Meaux est compétent pour statuer sur le présent litige,

- de juger que le tribunal de grande instance de Meaux est compétent en application des dispositions de l'article 14 du Code civil,

- d'infirmer l'ordonnance rendu par le JME du tribunal de grande instance de Meaux le 6 juin 2016,

- de renvoyer l'affaire au fond devant le tribunal de grande instance de Meaux ;

- condamner la BIL à leur payer la somme de 5.000 euros en application de l'article 700CPC ainsi qu'aux entiers dépens ;

 

Par ses dernières conclusions en date du 14 novembre 2016, la Banque Internationale à Luxembourg sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise et la condamnation des appelants à lui payer la somme de 4.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en exposant :

- que c'est par l'intermédiaire d'une société Equatis Finance, mandatée par eux, que les époux Y. l'ont contactée notamment aux fins d'investir des sommes dans un important projet immobilier au Maroc dans des conditions permettant de les regarder comme des « investisseurs agressifs » comme ils le revendiquaient, que c'est aux fins de prises de garanties par hypothèques que les contrats ont été reçus par un notaire en France, que les fonds pouvaient être tirés en euros ou en francs suisses et que ce n'est qu'après l'apparition de la dégradation du risque de change en 2011 et de la mise en œuvre de la faculté du prêteur à obliger l'emprunteur à réduire son encours lorsque les limites contractuelles en euros étaient dépassées (appel de marge) que les époux Y. ont contesté leurs obligations non sans atermoiements alors que ne restent en litige, compte tenu de la substitution du taux légal du prêt au taux conventionnel par l'effet de l'arrêt du 14 janvier 2016, que la problématique du supposé manquement de la banque à son devoir de mise en garde,

- que les époux Y. n'ont pas la qualité de consommateurs au sens de l'article 17 §1 du Règlement compte tenu de l'affectation des sommes prêtées au financement d'un immeuble locatif au [ville C. A.]et de la rénovation d'autres immeubles du couple à usage locatif, ce qui permet de qualifier de professionnelles les opérations de crédit, fût-ce de manière accessoire, au point que les actes notariés les ont expressément exclues de l'application des articles L. 312-1 à L. 312-26 code de la consommation, l'arrêt du 14 janvier 2016 n'ayant qu'une autorité relative puisqu'il a statué sur le fondement de la Convention de Rome et non sur celui du Règlement,

- que les opérations de crédit ne relèvent pas de l'article 17 § 1 c) du Règlement dès lors que les actes notariés, auxquels n'était partie que Mme Y., qui peut donc seule s'en prévaloir, ne sont intervenues que de manière accessoire pour la prise de garanties hypothécaires, de sorte qu'il ne peut être soutenu que la BIL ait dirigé ses activités vers la France au sens de ce texte, l'opération ayant été apportée au Luxembourg par le biais de la société Equatis France, l'arrêt du 14 janvier 2016 ayant renversé la charge de la preuve à cet égard, qui incombe à celui qui invoque sa qualité de consommateur,

- que l'article 14 du code de procédure civile est inopérant compte tenu de l'application du Règlement en vertu du principe de hiérarchie des normes.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Ainsi que le font valoir les parties et dès lors que l'assignation introductive d'instance a été délivrée le 11 février 2015, soit postérieurement à son entrée en vigueur le 10 janvier précédent, c'est le Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale qui gouverne le conflit de compétence juridictionnelle européenne.

Son article 4 § 1 prévoit le principe selon lequel « Sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d'un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre ».

Il est dérogé à cette règle par la section 4 relative à la « compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs » en ce sens que, au § 1, qu’« en matière de contrat conclu par une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle » ... c) « lorsque... le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l'État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités », l'action peut être portée, selon l'article 18 §1 « soit devant les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel est domiciliée cette partie, soit, quel que soit le domicile de l'autre partie, devant la juridiction du lieu où le consommateur est domicilié ».

L'article 19 dispose qu'il ne peut être dérogé à ces règles que par des conventions, notamment, postérieures à la naissance d'un différend, qui permettent au consommateur de saisir une autre juridiction que celle dans le ressort de laquelle les deux parties avaient initialement leur domicile, de sorte que les clauses attributives de compétence aux juridictions luxembourgeoises figurant dans les actes sous seing privé des 13 mars 2007 et 25 février 2008 et dans les actes notariés des 19 avril 2007 et 7 mars 2008, au demeurant non invoquées par la BIL, seraient inopposables aux époux Y. s'il était jugé qu'il devraient bénéficier de la compétence spécialement prévue à la section 4 du Règlement, ce qui est subordonné, d'une part, à la démonstration de leur qualité de consommateur et, d'autre part, au fait que la BIL soit considérée comme ayant dirigé son activité de dispensatrice de crédit vers d'autres pays dont, à tout le moins, la France au sens de l'article 17 § 1 c).

La détermination, d'une part, de la loi applicable en vertu de la Convention de Rome relativement à la procédure de saisie immobilière et, d'autre part, de la juridiction compétente en vertu du Règlement dit Bruxelles 2 pour juger une action en nullité d'un contrat n'ont pas le même objet au sens des articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile, et l'autorité attachée à ce qui a été tranché dans le dispositif des arrêts de la cour d'appel de Paris des 14 janvier et 17 octobre 2016, soit la régularité des commandements de payer, la validité de la stipulation d'intérêts, la fixation du montant de la créance et les modalités des procédures d'exécution immobilière, est sans conséquence sur le litige aujourd'hui soumis à la cour.

Il ressort avec constance notamment des directives n° 93/13/CE relative aux clauses abusives, n° 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales déloyales et 2011/83/UE relative aux droits des consommateurs - cette dernière ayant fait l'objet d'une transposition en droit français par la loi du 17 mars 2014 - qu’« est considérée comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ».

La CJCE, interprétant la notion de consommateur sous l'empire du précédent Règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000, a estimé, d'une part, qu'elle devait être entendue strictement dès lors qu'elle permet de déroger au principe de la compétence de la juridiction du lieu du domicile du défendeur et, d'autre part, que pour sa détermination, il y avait lieu de se référer à la position de la personne dans un contrat déterminé, en rapport avec la nature et la finalité de celui-ci.

C'est à juste titre que la BIL fait valoir que c'est aux appelants qu'il revient de démontrer que les conditions de la dérogation à la règle de compétence de principe prévue à la section 4 du Règlement au profit des consommateurs sont remplies.

Ainsi, si les besoins de la gestion d'un patrimoine immobilier même important comme celui des appelants, qui en l'espèce provient essentiellement des biens hérités par Mme X. épouse Y., pourraient constituer des actes de consommation destinés à les mettre en valeur de manière usuelle et indépendamment de l'exercice de toute activité professionnelle, il ne peut qu'être constaté en l'espèce :

- que l'affectation des sommes obtenues au moyen du contrat et de l'avenant sont récapitulées comme suit dans ce dernier : 3 millions pour « refinancement d'un précédent emprunt de 3 millions sur une propriété située [...] », 2 millions pour la « constitution d'un portefeuille de valeurs mobilières auprès de Dexia BIL », 1 million pour un « besoin de trésorerie en vue d'investissements immobiliers », supplémentairement par l'avenant, 1,1 millions pour le « financement de travaux immobiliers » et 500.000 euros pour la « constitution d'un portefeuille financier auprès de Dexia BIL »,

- qu'hormis l'investissement en valeurs mobilières, l'intitulé, trop général, de la finalité des sommes obtenues peut correspondre à un acte de consommation ou d'investissement, étant observé que l'acte authentique du 19 avril 2007 exclut expressément le crédit du champ d'application des articles L. 312-1 à L. 312-36 code de la consommation,

- que, les appelants ne justifient en rien, en dehors des investissements financiers réalisés à hauteur de la somme totale de 2,5 millions d'euros, de la destination effective qu'ils entendaient donner et ont donné aux fonds issus de l'exécution des contrats qui ont représenté plus de 8 millions d'euros,

- que s'ils affirment que le projet immobilier au Maroc de M. Y. n'a pas connu de suite, ils se contentent d'en critiquer les modalités telles que décrites dans un mémorandum précontractuel de la banque (faisant état d'un terrain appartenant en propre à M. Y., des études d'un architecte en possession de la banque qui « a terminé les plans », d'un coût total de 15 millions d'euros pour une commercialisation espérée rapportant 38,4 millions d'euros) sans formellement en contester le projet existant au moment de la souscription du contrat, ce qui est au demeurant objectivé par le courriel de leur mandataire, la société Equatis Finance, du 22 juillet 2011, qui a écrit à la banque, en mettant M. Y. en copie, que « En attendant, au Maroc, une normalisation de la situation politique, et donc économique, qui permettra la relance du projet initial, il a été décidé de commercialiser la production d'olives de la propriété »,

- qu'il ressort d'un autre courrier de M. Y. du 21 juillet 2011 que la propriété du [ville C. A.] était mise en location puisque l'organisation de sa visite était « impossible compte tenu de la personnalité des locataires »,

- qu'à un courrier de la banque à M. Y. du 15 février 2011 l'interrogeant sur la bonne fin d'un projet de développement résidentiel à [ville C.] « pour lequel vous entamez des démarches préliminaires », a correspondu un courriel de ce dernier du 7 avril 2011 énonçant relativement à son « projet de construction d'immeuble en Seine et Marne, je vois avec mon architecte, de façon à ce qu'il puisse vous l'envoyer directement » et l'évocation ultérieure par son mandataire, au moyen du même courrier que celui évoqué ci-dessus du 22 juillet 2011 de « l'implantation d'un EPHAD de bon standing doté d'une capacité minimale de cent lits » pour « optimiser le foncier » constituant la propriété de [ville C.].

Or, le projet de construction de Riads au Maroc en vue de leur revente ou d'un établissement d'accueil de personne âgées de cent lits en vue de sa revente ou de son exploitation ne peuvent faire regarder son initiateur contractant un prêt à cet effet, agirait-il en dehors de son activité professionnelle principale, comme un consommateur devant bénéficier de la dérogation aux règles de compétence réservée à ce dernier par le Règlement.

A défaut pour les époux Y. de contredire utilement ces éléments, qui ne leur permettent pas de sa prévaloir de cette qualité de consommateur, notamment en démontrant leur intention d'affectation ou l'utilisation effective des fonds obtenus à l'aide des crédits, la cour ne peut que retenir ces éléments montrant qu'ils avaient la qualité d'investisseurs projetant notamment des opérations excédant des actes de consommation et ne ressortissant pas de l'application de la section 4 du Règlement.

Il doit être ajouté que, également taisant sur la manière dont ils sont entrés en contact avec la BIL puisqu'ils se contentent de reprocher à celle-ci de ne pas prouver que c'est par une sollicitation de leur mandataire, le société Equatis Finance - qui est un Conseil en Investissement Financier enregistré auprès de l'AMF -, ils n'étayent pas plus la circonstance que la banque a dirigé son activité vers la France, la seule réitération des prêts par des actes notariés, exigée pour la prise des sûretés immobilières, étant insuffisante à cet effet.

Enfin, le privilège de juridiction de l'article 14 du code civil, fondé sur la nationalité française des appelants et donnant compétence aux juridictions française, est certes général mais subsidiaire et exclu par l'application du Règlement.

En conséquence, il y a lieu, par ces motifs et ceux non contraires du premier juge, de confirmer l'ordonnance entreprise de mise en état du 6 juin 2016 en toutes ses dispositions, de condamner les époux Y. aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la BIL la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Confirme en toutes ses dispositions, l'ordonnance entreprise du juge de la mise en état du 6 juin 2016,

Y ajoutant,

Condamne M. Y. et Mme X. épouse Y. à payer à la Banque Internationale à Luxembourg la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. Olivier Y. et Mme Anne X. épouse Y. aux dépens d'appel.

LE GREFFIER                    LE PRÉSIDENT