CASS. CIV. 1re, 15 mars 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 6784
CASS. CIV. 1re, 15 mars 2017 : pourvoi n° 15-28224 ; arrêt n° 369
Publication : Legifrance
Extraits : 1/ « Ayant relevé que le contrat avait été résilié par la société, la cour d’appel en a exactement déduit que, nul ne pouvant contraindre un tiers à contracter, la demande de rétablissement du compte d’utilisateur ne pouvait être accueillie ».
2/ « Vu l’article 455 du code de procédure civile ; […] ; Qu’en statuant ainsi, sans répondre au moyen tiré du caractère abusif de la clause au regard de l’absence de préavis, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 15 MARS 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 15-28224. Arrêt n° 369.
DEMANDEUR à la cassation : Monsieur X.
DÉFENDEUR à la cassation : Société Ebay Europe
Mme Batut (président), président. SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, courant juillet 2011, M. X. a créé un compte d’utilisateur sur le site de la société Ebay Europe (la société), sous le pseudonyme « XX » ; que, le 7 août 2011, la société a suspendu ce compte, puis l’a définitivement clôturé en mars 2012 ; que M. X., invoquant, notamment, le caractère abusif des clauses du contrat, a assigné la société aux fins d’obtenir l’octroi de dommages-intérêts, la publication du jugement et le rétablissement de son compte d’utilisateur sous astreinte ;
Sur le second moyen :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que M. X. fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande de rétablissement du compte d’utilisateur « XX », alors, selon le moyen, que M. X., qui ne demandait pas la résiliation judiciaire du contrat, et se plaignait de l’inexécution par la société de ses obligations, était en droit d’obtenir que cette société soit forcée à exécuter la convention en rétablissant le fonctionnement normal de son compte ; qu’en retenant que M. X. ne pouvait obtenir l’exécution forcée du contrat que la société avait résilié, la cour d’appel a violé les articles 1134, 1149 et 1184 du code civil ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu qu’ayant relevé que le contrat avait été résilié par la société, la cour d’appel en a exactement déduit que, nul ne pouvant contraindre un tiers à contracter, la demande de rétablissement du compte d’utilisateur ne pouvait être accueillie ; que le moyen n’est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l’article 455 du code de procédure civile ;
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que, pour rejeter la demande de nullité de la clause de résiliation figurant aux conditions générales d’utilisation du site, l’arrêt retient que celle-ci n’est soumise à aucune condition potestative au sens de l’article 1170 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, dès lors que la suspension du compte d’un utilisateur n’est pas soumise à la décision discrétionnaire du site mais est prononcée si les agissements de l’utilisateur portent atteinte à la sécurité du site ou sont en contradiction avec les règlements, éléments objectifs ne dépendant pas du seul pouvoir d’Ebay ;
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Qu’en statuant ainsi, sans répondre au moyen tiré du caractère abusif de la clause au regard de l’absence de préavis, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande de nullité de la clause des conditions générales d’utilisation du site permettant à la société Ebay Europe de suspendre et limiter le compte d’utilisateur sans mise en demeure, l’arrêt rendu le 8 octobre 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Nancy ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Nancy, autrement composée ;
Condamne la société Ebay Europe aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, déclare sa demande irrecevable et la condamne à payer à M. X. la somme de 3.000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille dix-sept.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyens produits par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour M. X.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir débouté M. X. de sa demande en nullité de la clause des conditions générales du site permettant à la société eBay Europe de suspendre et de limiter un compte sans mise en demeure ni préavis, et de sa demande en rétablissement du compte « XX » ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QU’à hauteur d’appel, M. X. sollicite « que soient déclarées nulles comme étant potestatives des clauses générales d’utilisation donnant prérogative à eBay de suspendre et limiter le compte sans mise en demeure pour des motifs non définis de façon licite auxdites conditions » ; que cette demande tend aux mêmes fins que la demande originaire puisqu’elle vise à faire reconnaître le caractère illicite de la clause des conditions générales du site eBay permettant à celui-ci de suspendre unilatéralement et sans préavis le compte d’un utilisateur, afin d’obtenir le versement de dommages-intérêts ; que cette demande n’est pas nouvelle au sens de l’article 564 du code de procédure civile et doit être déclarée recevable ; qu’il est constaté à la lecture des conclusions d’appel de M. X. que s’il ne reprend plus in extenso la clause dont il demande l’annulation, il limite sa demande de nullité à la clause donnant prérogative à eBay de suspendre et limiter le compte sans mise en demeure pour des motifs non définis auxdites conditions sans demander la nullité de la totalité des conditions générales d’utilisation du site ; que le site internet eBay est un support en ligne permettant à des professionnels ou des particuliers de vendre ou acheter en ligne des biens ou services, la société eBay n’étant ni vendeur ni acheteur mais un intermédiaire technique de la transaction dont l’intervention se limite à héberger les annonces ; que pour pouvoir accéder au site, M. X. a adhéré au service d’eBay en approuvant sans réserve les conditions d’utilisation en vigueur au moment de son adhésion soit juillet 2011 ; que s’agissant d’un contrat d’adhésion, les conditions sont édictées par celui qui offre le service gratuit pour l’utilisateur, lequel avait le choix d’adhérer en souscrivant ou de ne pas adhérer en refusant les conditions du site ; que la clause selon laquelle « sans exclure d’autres voies de recours eBay se réserve le droit de limiter, suspendre ou mettre fin à ses services et à des comptes d’utilisateur, d’interdire l’accès à son site web, de retarder la visibilité de contenu hébergé au sein des résultats de notre moteur de recherche ou de le supprimer et de prendre des mesures techniques et légales pour empêcher des utilisateurs d’accéder à ses sites, si elle estime que leurs agissements sont source de problèmes en portant atteinte à la sécurité de la plate-forme ou des autres utilisateurs, qu’ils peuvent engager la responsabilité d’une partie ou sont en contradiction avec nos règlements » doit s’analyser comme une clause de résiliation permettant au site de mettre fin à ses obligations ; que cette clause n’est soumise à aucune condition potestative au sens de l’article 1170 du code civil puisque la suspension du compte d’un utilisateur n’est pas soumise à la décision discrétionnaire du site mais est prononcée si les agissements de l’utilisateur portent atteinte à la sécurité du site ou sont en contradiction avec les règlements, éléments objectifs ne dépendant pas du seul pouvoir d’eBay ; qu’en outre, il n’est pas contesté que les conditions générales du site évoluent régulièrement et que la version modifiée en janvier 2012 de la clause litigieuse est ainsi rédigée : « en cas de contestation par eBay de la violation par un utilisateur des dispositions légales en vigueur, des droits des tiers, des présentes conditions et/ou des règlements ci-après mentionnés, eBay après notification infructueuse à l’utilisateur de se conformer aux présentes conditions se réserve le droit de prendre le cas échéant une ou plusieurs des sanctions suivantes » ; que M. X. étant toujours utilisateur du site avec deux comptes ouverts en août 2011, il reste soumis à cette version de la clause de résiliation dont il ne critique pas la validité ; qu’eu égard à l’ensemble de ces éléments, l’appelant doit être débouté de sa demande de nullité de la clause de résiliation figurant aux conditions générales d’utilisation du site ;
ET AUX MOTIFS QUE lors de la suspension du compte « XX » de M. X., la clause résolutoire en vigueur était la suivante : « sans exclure d’autres voies de recours eBay se réserve le droit de limiter, suspendre ou mettre fin à ses services et à des comptes d’utilisateur, d’interdire l’accès à son site web, de retarder la visibilité de contenu hébergé au sein des résultats du notre moteur de recherche ou de le supprimer et prendre des mesures techniques et légales pour empêcher des utilisateurs d’accéder à ses sites, si elle estime que leurs agissements sont source de problèmes en portant atteinte à la sécurité de la plate-forme ou des autres utilisateurs, qu’il peuvent engager le responsabilité d’une partie ou sont en contradiction avec nos règlements » ; que M. X. s’estime victime d’une suspension unilatérale de son compte d’utilisateur dès le 7 août 2011 sans motif valable ni préavis ; que la société eBay ne produit aucune pièce démontrant l’existence d’agissements de la part de M. X. qui porteraient atteinte à la sécurité du site ou qui seraient en contradiction avec les règlements qui ne sont pas versés aux débats ; qu’en conséquence, la résiliation du contrat par la société eBay Europe ne peut être considérée comme l’application de la clause résolutoire alors que le manquement à une des obligations définies par la clause n’est pas établi ; que pour le reste, si dans le cadre d’une convention à durée indéterminée, chaque partie peut résilier unilatéralement le contrat, cette résiliation doit intervenir après un préavis raisonnable ; qu’il n’est pas contesté que la société eBay Europe n’a pas avisé M. X. de son intention de suspendre son compte en lui laissant un délai même court pour préserver ses intérêts ou se conformer à la demande de renseignements d’eBay ; qu’en suspendant le compte de M. X. le 7 août 2011 sans l’en aviser, la SARL eBay Europe a commis un abus de son droit de résiliation ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS, D’UNE PART, QUE, dans ses conclusions d’appel (p. 15 et 21), M. X. faisait valoir que la clause de résiliation contenue dans les conditions générales, dans leur version applicable à la date de la suspension dont il fait l’objet, était abusive, au regard de l’article L. 132-1 du code de commerce, en ce qu’elle ne prévoyait pas l’observation d’un préavis d’une durée raisonnable ; qu’en se fondant, pour exclure la nullité de cette clause, sur la circonstance que, selon ses termes, la décision de résilier le contrat n’était pas, pour eBay, discrétionnaire mais supposait des agissements de l’utilisateur portant atteinte à la sécurité du site ou étant en contradiction avec les règlements, sans répondre au moyen tiré de l’absence de préavis, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, D’AUTRE PART QUE M. X. faisait également valoir (p. 21) que la clause était abusive en ce qu’elle laissait à eBay le droit de déterminer elle-même, sans en justifier au moment de la suspension, si l’utilisateur avait eu ou non un comportement conforme aux stipulations du contrat ; qu’en se bornant à retenir que la faculté de résiliation n’était pas discrétionnaire pour eBay puisqu’elle était subordonnée à l’existence d’agissements portant atteinte à la sécurité du site ou étant en contradiction avec les règlements, sans chercher si le seul fait que la clause laisse eBay libre d’estimer si de tels agissements étaient caractérisés sans avoir à motiver sur ce point sa décision de suspension, ne rendait pas la clause litigieuse contraire aux exigences de l’article R. 132-1 du code de la consommation, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de cet article ensemble l’article L. 132-1 du même code.
ALORS, ENFIN, QU’est abusive la clause qui permet au professionnel de suspendre ou de résilier unilatéralement le contrat sans préavis ni motivation ; que le juge est tenu d’examiner, au besoin d’office, le caractère abusif d’une clause contractuelle, dès lors qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet ; qu’en s’abstenant de déclarer abusive et non écrite la clause litigieuse après avoir pourtant énoncé que, en droit, la résiliation d’une convention à durée indéterminée doit intervenir après un préavis raisonnable et, en fait, que la société eBay Europe n’avait pas avisé M. X. de son intention de suspendre son compte, ce qui constituait un abus de son droit de résiliation, la cour d’appel a violé l’article L. 132-1 du code de la consommation.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir débouté M. X. de sa demande en rétablissement du compte « XX » ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QU’en suspendant le compte de M. X. le 7 août 2011 sans l’en aviser, la SARL eBay Europe a commis un abus de son droit de résiliation et M. X. est en droit d’obtenir des dommages et intérêts pour les préjudices subis ; que sur le préjudice matériel, il consiste en une perte de chance d’avoir pu réaliser un achat ; que M. X. justifiait avoir remporté une enchère de 350 € d’une table bouillotte juste avant la suspension de son compte ; que la perte de chance d’acquérir ce bien peut être évaluée à 300 € ; que sur le préjudice moral, les mails des vendeurs sont courtois et sans défiance vis-à-vis de M. X. qui ne démontre aucun préjudice moral ;
ET AUX MOTIFS QUE la demande de rétablissement de compte constitue une exécution forcée du contrat ; que cette demande doit être rejetée puisque le contrat a été résilié et que nul ne peut contraindre un tiers à contracter ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QUE M. X., qui ne demandait pas la résiliation judiciaire du contrat, et se plaignait de l’inexécution par la société eBay Europe de ses obligations, était en droit d’obtenir que cette société soit forcée à exécuter la convention en rétablissant le fonctionnement normal de son compte ; qu’en retenant que M. X. ne pouvait obtenir l’exécution forcée du contrat que la société eBay Europe avait résilié, la cour d’appel a violé les articles 1134, 1149 et 1184 du code civil.
- 6129 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Résolution ou résiliation pour manquement - Inexécution du consommateur
- 6275 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Internet - Réseau social
- 7143 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Vente en général (1) - Formation du contrat - Internet - Vente aux enchères