CA SAINT-DENIS DE LA RÉUNION (ch. civ.), 24 mars 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 6798
CA SAINT-DENIS DE LA RÉUNION (ch. civ.), 24 mars 2017 : RG n° 15/02011
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Il est de principe que le juge d'instance peut, malgré l'expiration du délai de forclusion de deux ans de l'ancien article L. 311-37 du code de la consommation dans sa rédaction applicable en l'espèce, relever d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans un contrat de crédit à la consommation, et ceci afin d'atteindre le résultat fixé à l'article 6 de la directive 93/13/CEE du Conseil concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, à savoir garantir que lesdites clauses ne lient pas le consommateur ».
2/ « S'il n'est pas interdit au prêteur de faire figurer sur son offre d'autres mentions ou clauses non prévues par le modèle type, ces clauses non prévues par le modèle type et insérées dans l'offre ne doivent toutefois pas aggraver la situation de l'emprunteur par rapport au minimum légal que constitue le modèle type complété par les dispositions légales obligatoires.
En l'espèce, l'offre préalable de crédit accessoire à une vente devait être conforme au modèle type n° 1. Sa lecture révèle qu'elle contient, en son article II.8 intitulé « résiliation », une clause prévoyant des causes de déchéance du terme supplémentaires et notamment des cas d'exigibilité immédiate du prêt en cas de saisie ou revente du véhicule ou de destruction ou disparition du bien financé. Or, le modèle type n° 1 ne prévoit la possibilité pour le prêteur d'exiger le remboursement immédiat des sommes dues uniquement en cas de « défaillance (...) dans les remboursements » de l'emprunteur.
Ainsi, cette clause résolutoire prévue au contrat aggrave la situation de l'emprunteur par rapport au contenu du modèle type et aux dispositions légales obligatoires et doit être considérée comme abusive et dès lors, réputée non écrite. La présence d'une clause abusive dans l'offre de crédit est en outre sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS DE LA RÉUNION
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 24 MARS 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/02011. Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE SAINT-PIERRE en date du 5 OCTOBRE 2015 suivant déclaration d'appel en date du 9 NOVEMBRE 2015 RG n° 11-15-000441.
APPELANTE :
SCA SOCIETE REUNIONNAISE DE FINANCEMENT (SOREFI)
Représentant : Maître Stéphane B. de la SELARL G. & ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
INTIMÉS :
Madame X.
Monsieur Y.
DATE DE CLÔTURE : 23 mai 2016.
DÉBATS : en application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 février 2017 devant Mme ESCRIVE Maïa, Vice-Présidente placée, qui en a fait un rapport, assistée de Mme Christine LOVAL, Greffier, les parties ne s'y étant pas opposées.
Ce magistrat a indiqué, à l'issue des débats, que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 24 mars 2017.
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Président : Mme Gilberte PONY, Présidente de Chambre
Conseiller : Madame Fabienne KARROUZ, Conseillère
Conseiller : Mme Maïa ESCRIVE, Vice-Présidente placée auprès de la première présidente par ordonnance n° 2016/156 du 16 décembre 2016
Qui en ont délibéré
Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 24 mars 2017.
GREFFIER LORS DE LA MISE A DISPOSITION : Mme Martine BAZOGE, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR :
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant offre préalable acceptée le 9 septembre 2009, la SCA Société Réunionnaise de financement (ci-après désignée sous la dénomination « SCA SOREFI ») a consenti à Madame X. et Monsieur Y. un prêt d'un montant de 38.000 euros destiné à financer l'acquisition d'un véhicule A3 de marque AUDI immatriculé XX, remboursable en 60 mensualités de 852,91 euros (assurance garantie emprunteur comprise), suivant un taux d'intérêt de 8,50 % l'an, assorti d'une clause de déchéance du terme en cas de défaut de remboursement et d'une clause de réserve de propriété avec subrogation au profit du prêteur.
Se prévalant d'échéances impayées, la SCA SOREFI a, par acte du 23 avril 2015, fait assigner Madame X. et Monsieur Y. devant le Tribunal d'instance de Saint-Pierre afin d'obtenir avec le bénéfice de l'exécution provisoire, leur condamnation solidaire au paiement des sommes suivantes :
- 4.649,63 euros pour solde du crédit, avec intérêts au taux contractuel de 8,50 % à compter de la mise en demeure du 3 septembre 2013,
- 850 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par jugement réputé contradictoire en date du 5 octobre 2015, le Tribunal d'instance de Saint-Pierre a :
- dit la SCA SOREFI recevable en ses demandes,
- débouté la SCA SOREFI de sa demande en paiement,
- débouté la SCA SOREFI du surplus des prétentions,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SCA SOREFI aux dépens.
Par déclaration enregistrée au greffe le 9 novembre 2015, la société SOREFI a interjeté appel de cette décision.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 9 février 2016, auxquelles il est expressément référé pour l'exposé détaillé de ses moyens et prétentions, la SCA SOREFI demande à la Cour d'appel :
- d'infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- de condamner solidairement Madame X. et Monsieur Y. au paiement de la somme de 4.649,63 euros au titre du solde restant dû, avec intérêts au taux contractuel de 8,50 % à compter du 3 septembre 2013,
- de condamner solidairement Madame X. et Monsieur Y. au paiement de la somme de 850 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,
- d'ordonner l'exécution provisoire.
A l'appui de ses prétentions, la SCA SOREFI fait valoir que :
- le premier juge ne pouvait relever d'office le moyen tiré du caractère aggravant de la clause de résiliation figurant sous l'article II.8 des conditions générales du prêt pour cause de prescription quinquennale,
- relever un moyen frappé de prescription caractérise une violation du principe du contradictoire,
- en tout état de cause, il n'y a pas de caractère aggravant affectant la clause de résiliation du contrat litigieux par rapport au modèle type,
- la réduction à néant de l'indemnité contractuelle de 8 % a été relevée d'office par le premier juge sans être soumise au contradictoire des parties et ce, en violation de l'article 16 du code de procédure civile,
- en tout état de cause, le motif retenu par le premier juge tiré du non-respect par le prêteur de ses obligations, pour écarter la clause pénale, n'est pas de nature à établir le caractère excessif de celle-ci.
Madame X. et Monsieur Y. auxquel l'acte d'appel et les conclusions ont été signifiés le 12 février 2016 par acte remis selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile ne se sont pas constitués devant la Cour.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 mai 2016.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Le tribunal, dans son jugement frappé d'appel, a prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la SCA SOREFI au motif que le contrat litigieux prévoyait des causes de déchéance supplémentaires par rapport à celles prévues dans le modèle type n° 1 applicable à la cause, aggravant la situation des emprunteurs.
La SCA SOREFI, pour critiquer ce jugement, indique que le premier juge ne pouvait soulever d'office l'irrégularité de l'offre de crédit à cause de la prescription quinquennale.
Il est de principe que le juge d'instance peut, malgré l'expiration du délai de forclusion de deux ans de l'ancien article L. 311-37 du code de la consommation dans sa rédaction applicable en l'espèce, relever d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans un contrat de crédit à la consommation, et ceci afin d'atteindre le résultat fixé à l'article 6 de la directive 93/13/CEE du Conseil concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, à savoir garantir que lesdites clauses ne lient pas le consommateur.
En l'espèce, le contrat conclu le 9 septembre 2009 entre les parties est un contrat de crédit à la consommation soumis aux dispositions d'ordre public du code de la consommation. Malgré l'expiration du délai biennal de forclusion en date du 9 septembre 2011, soit deux ans après la formation du contrat, le juge d'instance avait bien le pouvoir de relever d'office, par décision du 5 octobre 2015 et en application des articles 12 et 16 du code de procédure civile, le caractère abusif d'une clause insérée dans le contrat de crédit, dès lors que ce moyen avait été soumis au débat contradictoire, ce qui est le cas en l'espèce.
En application des dispositions des articles L. 311-13 et R. 311-6 du code de la consommation dans leur rédaction applicable à la cause, l'offre préalable de crédit à la consommation soumise par le professionnel à l'emprunteur doit être conforme au modèle type applicable à l'opération de crédit envisagée et comporter toutes les mentions obligatoires prévues par la loi et le décret. Dans le cas contraire, le juge peut prononcer la sanction de la déchéance du droit aux intérêts.
S'il n'est pas interdit au prêteur de faire figurer sur son offre d'autres mentions ou clauses non prévues par le modèle type, ces clauses non prévues par le modèle type et insérées dans l'offre ne doivent toutefois pas aggraver la situation de l'emprunteur par rapport au minimum légal que constitue le modèle type complété par les dispositions légales obligatoires.
En l'espèce, l'offre préalable de crédit accessoire à une vente devait être conforme au modèle type n° 1. Sa lecture révèle qu'elle contient, en son article II.8 intitulé « résiliation », une clause prévoyant des causes de déchéance du terme supplémentaires et notamment des cas d'exigibilité immédiate du prêt en cas de saisie ou revente du véhicule ou de destruction ou disparition du bien financé.
Or, le modèle type n° 1 ne prévoit la possibilité pour le prêteur d'exiger le remboursement immédiat des sommes dues uniquement en cas de « défaillance (...) dans les remboursements » de l'emprunteur.
Ainsi, cette clause résolutoire prévue au contrat aggrave la situation de l'emprunteur par rapport au contenu du modèle type et aux dispositions légales obligatoires et doit être considérée comme abusive et dès lors, réputée non écrite. La présence d'une clause abusive dans l'offre de crédit est en outre sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts.
Compte tenu de la déchéance du droit aux intérêts, des versements effectués par les emprunteurs jusqu'au 25 avril 2013, date du premier impayé non régularisé, et de la vente du véhicule financé par le prêt pour la somme de 11.000 euros, le premier juge a à bon droit constaté que les intimés avaient remboursé l'intégralité de la somme due au titre du solde du prêt et ce, même en retenant le montant de la clause pénale réclamé par la SCA SOREFI.
Sur les demandes accessoires :
Il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire.
L'équité ne justifie pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La SCA SOREFI qui succombe sera condamnée aux dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en matière civile et en dernier ressort, par mise à disposition au Greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du Code de procédure civile,
CONFIRME le jugement déféré dans toutes ses dispositions.
DEBOUTE la SCA Société Réunionnaise de financement de sa demande en paiement du solde du prêt et de sa demande en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire.
CONDAMNE la SCA SOREFI aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Mme Gilberte PONY, Présidente de Chambre, et par Mme Martine BAZOGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
Signé
- 5707 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Recevabilité - Délai pour agir - Forclusion - Crédit à la consommation
- 5749 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets de l’action - Autres effets - Déchéance des intérêts
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- 6623 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Régime général - Obligations de l’emprunteur - Déchéance et résiliation - Nature des manquements