CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 3 mai 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 6834
CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 3 mai 2017 : RG n° 15/05155
Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2017-009003
Extraits : 1/ « Attendu que la demande de Mme X. en paiement de dommages et intérêts est nouvelle en cause d’appel ; Attendu néanmoins que l’action engagée en première instance était une action en responsabilité sollicitant une réparation par la déchéance des intérêts stipulés au profit de la Caisse régionale de crédit agricole Alsace-Vosges ; que le fait d’y substituer une demande en paiement d’une somme à titre de dommages et intérêts ne fait que tirer une conséquence de l’action initiale ; Attendu que la demande en paiement de dommages et intérêts présentée par Mme X. est donc recevable ».
2/ « Attendu que cette disposition avait pour seul objet d’attirer l’attention de l’emprunteur sur le fait qu’il devrait intégralement supporter le risque en cas d’évolution défavorable du taux de change ; qu’en revanche elle ne créait en elle-même aucun déséquilibre significatif entre le prêteur et l’emprunteur ; que notamment elle ne mettait pas à la seule charge de celui-ci toute évolution du taux de change ».
3/ « Attendu que la Caisse régionale de crédit agricole Alsace-Vosges était tenue d’informer Mme X., emprunteur inexpérimentée, sur l’étendue de son engagement ; Attendu que du fait de la variabilité du taux d’intérêt, indexé sur le cours d’une devise, et du caractère « ajustable » de la durée du prêt, toutes les informations concernant la durée du prêt, le montant des échéances et le coût du crédit étaient données à titre purement indicatif ; que le tableau d’amortissement établi lors de l’émission de l’offre de prêt était lui-même purement indicatif ;
Attendu en outre que l’emprunteur n’était nullement informé des conséquences concrètes du risque de change ; Attendu en effet que la notice d’information à laquelle renvoie la disposition rappelée ci-dessus concernant le risque de change, se contente d’indiquer que l’emprunteur qui a recours à un prêt en devises bénéficie d’un taux d’intérêt qui n’est pas lié au marché financier français et qui peut paraître particulièrement favorable, mais qui n’est pas le seul élément intervenant dans le coût de ce type de prêt car selon que, au moment des paiements d’intérêts et du remboursement en capital, la devise a monté ou baissé sur le marché des changes par rapport à l’euro, la perte éventuelle est intégralement à la charge de l’emprunteur, de même que le gain éventuel est intégralement à son profit ; que cette notice ne fournit aucun élément permettant à l’emprunteur profane d’apprécier l’étendue de son engagement et l’importance du risque encouru en raison de l’évolution du cours de la devise étrangère ; Attendu que Mme X. n’était de ce fait pas en mesure d’apprécier les conséquences concrètes de l’évolution du taux de change sur le montant de son engagement, qu’il s’agisse des échéances de remboursement ou du capital restant dû ;
Attendu que la Caisse régionale de crédit agricole Alsace-Vosges a dès lors manifestement manqué à son obligation d’information ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION A
ARRÊT DU 3 MAI 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 1 A 15/05155. Décision déférée à la Cour : 28 août 2015 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MULHOUSE.
APPELANTE :
Madame X.
Représentée par Maître Martine R.-F., avocat à la Cour, Avocat plaidant : Maître D., avocat à VERSAILLES
INTIMÉE :
CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE ALSACE VOSGES
prise en la personne de son représentant légal, Représentée par Maître Laurence F., avocat à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l’article 786 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 6 mars 2017, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme DORSCH, Conseillère, et M. ROBIN, Conseiller, entendu en son rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme PANETTA, Présidente de chambre, Mme DORSCH, Conseillère, M. ROBIN, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme ARMSPACH-SENGLE
En présence de Mathilde MULOT, greffière stagiaire
ARRÊT : - Contradictoire - prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile. - signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Christiane MUNCH-SCHEBACHER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Par acte notarié en date du 25 novembre 2004, pour financer la construction d’une maison d’habitation, la Caisse régionale de crédit agricole Alsace-Vosges a consenti à M. X. et Mme X.. un prêt d’un montant correspondant à la contre-valeur en francs suisses de la somme de 260.000 euros, et remboursable en 80 échéances trimestrielles moyennant un taux d’intérêt annuel révisable fixé initialement à 1,67 %.
Le 18 février 2013, Mme X. a saisi le Tribunal de grande instance de Strasbourg d’une action en déchéance du droit aux intérêts et en remboursement des sommes versées sous déduction du montant emprunté calculé en euro. Elle invoquait notamment la disproportion entre le prêt et ses capacités de remboursement, un manquement de la Caisse régionale de crédit agricole Alsace-Vosges à ses obligations de mise en garde, d’information et de conseil, un défaut d’information concernant les risques encourus et notamment celui lié à l’évolution des devises, et l’absence de couverture de ce risque.
Suivant jugement en date du 28 août 2015, le Tribunal de grande instance de Mulhouse a rejeté la totalité des demandes de Mme X. et condamné celle-ci aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 600 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le 1er octobre 2015, Mme X. a interjeté appel de cette décision.
* * *
Par conclusions du 4 janvier 2017, Mme X. demande à la Cour d’infirmer le jugement entrepris, de déclarer abusive et réputée non écrite la clause du contrat afférente au risque de change et de condamner la Caisse régionale de crédit agricole Alsace-Vosges à appliquer le taux de change initial à toute la durée du prêt. Subsidiairement, elle demande à la Cour de constater que la Caisse régionale de crédit agricole Alsace-Vosges a manqué à son obligation de mise en garde et de la condamner au paiement de la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts, ou, à défaut, de la déchoir du droit aux intérêts. Mme X. sollicite également une indemnité de 8.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Mme X. invoque l’article L. 132-1 du code de la consommation, un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne en date du 30 avril 2014 et l’avis n° 13-01 de la Commission des clauses abusives, et soutient que la clause relative au montant des échéances et celle relative au risque de change sont abusives en ce qu’elles ne sont pas claires et compréhensibles et en ce que la seconde est rédigée de manière abstraite et générale. Elle ajoute que les emprunteurs étaient des profanes en matière de crédit et que la Caisse régionale de crédit agricole Alsace-Vosges ne les a pas éclairés sur le risque d’une augmentation du capital emprunté, ni sur les conséquences d’une perte de ressources en francs suisses. Or en 2005, M. X. aurait perdu l’emploi qu’il occupait en Suisse, les deux co-emprunteurs se seraient séparés au cours de l’année 2008, et Mme X. se serait trouvée contrainte de rembourser seule des échéances de remboursement dont le montant avait considérablement augmenté. Ainsi la clause relative au risque de change aurait créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Mme X. reproche également à la Caisse régionale de crédit agricole Alsace-Vosges un manquement à son devoir de mise en garde concernant les dangers d’une opération reposant sur la valeur d’une monnaie étrangère, en particulier en ce qui concerne le risque d’endettement excessif, faute notamment de simulation, alors qu’elle avait affaire à des emprunteurs inexpérimentés. L’évolution du taux de change aurait notamment conduit à ce que, malgré des remboursements durant plusieurs années, le capital restant dû soit supérieur au montant emprunté à l’origine et à la valeur du bien financé grâce au prêt.
Pour l’évaluation de son préjudice, Mme X. invoque une perte de chance de ne pas contracter et un endettement excessif. Elle ajoute que sa demande en paiement de dommages et intérêts est recevable en cause d’appel car elle est la conséquence ou le complément de celles déjà présentées en première instance, déjà fondées sur le manquement à l’obligation de mise en garde.
Mme X. soutient également ne pas avoir été alertée sur le risque d’endettement résultant d’un engagement disproportionné à ses revenus. La Caisse régionale de crédit agricole Alsace-Vosges n’aurait pas vérifié la réalité des ressources des emprunteurs au cours des derniers mois ayant précédé la conclusion du contrat, alors que la charge de remboursement se serait élevée à plus du tiers de ces revenus.
Par conclusions du 3 janvier 2017, la Caisse régionale de crédit agricole Alsace-Vosges demande à la Cour de déclarer irrecevable la demande de dommages et intérêts de Mme X., de confirmer le jugement entrepris, et de condamner l’appelante au paiement d’une indemnité de 5.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
La Caisse régionale de crédit agricole Alsace-Vosges soutient que le contrat ne contient pas de clause abusive et que la stipulation relative au risque de change ne crée pas de déséquilibre entre les deux parties qui restent toutes deux soumises au même aléa. Au surplus, quand bien même la clause relative au taux de change serait réputée non écrite, Mme X. resterait néanmoins tenue de rembourser les échéances en francs suisses et de payer les intérêts du prêt et pourrait seulement prétendre rembourser par anticipation le solde de ce prêt. La Caisse régionale de crédit agricole Alsace-Vosges ajoute qu’elle a satisfait à son obligation d’information quant aux risques inhérents à la souscription d’un prêt en francs suisses.
La Caisse régionale de crédit agricole Alsace-Vosges conteste la recevabilité de la demande de dommages et intérêts de Mme X., au motif que cette demande est nouvelle en cause d’appel. Elle conteste également être tenue d’une obligation de mise en garde en ce qui concerne le risque de fluctuation d’une monnaie étrangère au motif qu’il s’agit d’une circonstance connue de tous, en ajoutant que le contrat était de surcroît adapté à la situation des emprunteurs, dont l’un travaillait en Suisse et dont les revenus étaient plus de trois fois supérieurs au montant des remboursements. Aucune disproportion ne serait donc caractérisée. Les circonstances postérieures à la conclusion du contrat ne pourraient être invoquées pour caractériser un manquement à l’obligation de mise en garde. Au surplus, la Caisse régionale de crédit agricole Alsace-Vosges aurait avisé les emprunteurs des risques liés à la souscription d’un emprunt en devises, notamment par une notice d’information spécifique. Enfin, Mme X. ne justifierait pas de ce qu’elle n’aurait pas contracté si elle avait bénéficié d’une information plus développée, alors que le taux d’intérêt qui lui était consenti était particulièrement avantageux.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 11 janvier 2017.
Le 28 mars 2017, en cours de délibéré, la Caisse régionale de crédit agricole Alsace-Vosges a fait parvenir à la Cour une note exposant qu’elle avait été destinataire d’une lettre de la commission de surendettement mentionnant l’adoption d’un plan d’apurement des dettes de Mme X. et la réduction à 0 % du taux d’intérêt ; la Caisse régionale de crédit agricole Alsace-Vosges conteste en conséquence l’existence d’un préjudice subi par Mme X.
Par une note du 29 mars 2017, Mme X. a relevé que la Cour n’avait pas autorisé la communication d’une note en délibéré et a contesté l’absence de préjudice alléguée par la Caisse régionale de crédit agricole Alsace-Vosges ; elle soutient que la hausse du franc suisse a entraîné une augmentation considérable de sa dette, et notamment du capital emprunté, et évalue à 43.437,14 euros le préjudice subi de ce chef.
Le 18 avril 2017, Mme X. a fait parvenir une nouvelle note en délibéré mentionnant un arrêt de la Cour de cassation en date du 29 mars 2017.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI :
Sur la procédure :
Attendu que selon l’article 445 du code de procédure civile, après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l’appui de leurs observations, si ce n’est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444 ;
Attendu en l’espèce que le ministère public n’a développé aucun argument et que le président n’a pas sollicité le dépôt de notes en délibéré ;
Attendu qu’il convient en conséquence d’écarter les notes en délibéré déposées par les parties ;
Sur la recevabilité de la demande de dommages et intérêts :
Attendu que selon l’article 564 du code procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait ; que néanmoins, conformément à l’article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux même fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent, et que conformément à l’article 566, les parties peuvent aussi expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément ;
Attendu que la demande de Mme X. en paiement de dommages et intérêts est nouvelle en cause d’appel ;
Attendu néanmoins que l’action engagée en première instance était une action en responsabilité sollicitant une réparation par la déchéance des intérêts stipulés au profit de la Caisse régionale de crédit agricole Alsace-Vosges ; que le fait d’y substituer une demande en paiement d’une somme à titre de dommages et intérêts ne fait que tirer une conséquence de l’action initiale ;
Attendu que la demande en paiement de dommages et intérêts présentée par Mme X. est donc recevable ;
Sur l’existence d’une clause abusive :
Attendu que selon l’article L. 132-1 alinéa 1 du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur à la date du contrat, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que selon l’alinéa 5 du même article, sans préjudice des règles d’interprétation prévues aux articles 1156 à 1161, 1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat ;
Attendu en l’espèce que le prêt prévoyait le versement aux emprunteurs d’une somme de 260.000 francs représentant la contre-valeur de 400.010,03 francs suisses à la date de l’offre, et son remboursement en huit échéances trimestrielles correspondant à la contre-valeur en francs suisses de la somme de 1.085,50 euros, suivies de soixante-dix-neuf échéances correspondant à la contre-valeur en francs suisses de la somme de 3.829,62 euros, puis d’une échéance correspondant à la contre-valeur en francs suisses de la somme de 3.830,04 euros ;
Attendu que le taux d’intérêt du prêt, fixé initialement à 1,67 % l’an, était stipulé révisable pour correspondre au « taux du CHF à 3 mois », soit 0,67 % à la date de l’offre de prêt, majoré de un point correspondant à la marge du prêteur ;
Attendu enfin qu’il était « expressément convenu que le risque de change sera supporté en totalité par l’emprunteur, conformément aux dispositions de la réglementation des changes, et qu’en conséquence le présent prêt ne pourra faire l’objet d’une couverture du risque de change par achat à terme par l’emprunteur, que dans la mesure où la réglementation des changes l’autorise » et que l’emprunteur reconnaissait « avoir été informé par le prêteur l’avisant du risque particulier lié à ce type de prêt, notamment par la notice d’information sur le prêt en devises ci-annexée » ;
Attendu que cette disposition avait pour seul objet d’attirer l’attention de l’emprunteur sur le fait qu’il devrait intégralement supporter le risque en cas d’évolution défavorable du taux de change ; qu’en revanche elle ne créait en elle-même aucun déséquilibre significatif entre le prêteur et l’emprunteur ; que notamment elle ne mettait pas à la seule charge de celui-ci toute évolution du taux de change ;
Attendu que Mme X. est dès lors mal fondée à demander que cette clause soit réputée non écrite ;
Sur le devoir d’information et de mise en garde :
Attendu que la Caisse régionale de crédit agricole Alsace-Vosges était tenue d’informer Mme X., emprunteur inexpérimentée, sur l’étendue de son engagement ;
Attendu que du fait de la variabilité du taux d’intérêt, indexé sur le cours d’une devise, et du caractère « ajustable » de la durée du prêt, toutes les informations concernant la durée du prêt, le montant des échéances et le coût du crédit étaient données à titre purement indicatif ; que le tableau d’amortissement établi lors de l’émission de l’offre de prêt était lui-même purement indicatif ;
Attendu en outre que l’emprunteur n’était nullement informé des conséquences concrètes du risque de change ;
Attendu en effet que la notice d’information à laquelle renvoie la disposition rappelée ci-dessus concernant le risque de change, se contente d’indiquer que l’emprunteur qui a recours à un prêt en devises bénéficie d’un taux d’intérêt qui n’est pas lié au marché financier français et qui peut paraître particulièrement favorable, mais qui n’est pas le seul élément intervenant dans le coût de ce type de prêt car selon que, au moment des paiements d’intérêts et du remboursement en capital, la devise a monté ou baissé sur le marché des changes par rapport à l’euro, la perte éventuelle est intégralement à la charge de l’emprunteur, de même que le gain éventuel est intégralement à son profit ; que cette notice ne fournit aucun élément permettant à l’emprunteur profane d’apprécier l’étendue de son engagement et l’importance du risque encouru en raison de l’évolution du cours de la devise étrangère ;
Attendu que Mme X. n’était de ce fait pas en mesure d’apprécier les conséquences concrètes de l’évolution du taux de change sur le montant de son engagement, qu’il s’agisse des échéances de remboursement ou du capital restant dû ;
Attendu que la Caisse régionale de crédit agricole Alsace-Vosges a dès lors manifestement manqué à son obligation d’information ;
Attendu en outre que Mme X. percevait un revenu en euros et non en francs suisses, et que la situation professionnelle de son co-emprunteur ne permettait pas de garantir un revenu en francs suisses durant toute la durée du prêt ;
Attendu qu’à l’époque du prêt les revenus mensuels des emprunteurs s’élevaient à 1.400 euros pour Mme X. et à 5.000 francs suisses pour son co-emprunteur ; que la charge de remboursement représentait donc 30 % du revenu du couple ;
Attendu qu’il existait dès lors un risque manifeste de surendettement en cas d’appréciation du franc suisse par rapport à l’euro, d’autant que dans un tel cas la charge de remboursement augmenterait alors même que la valeur en devise étrangère du bien financé diminuerait ;
Attendu que la Caisse régionale de crédit agricole Alsace-Vosges ne justifie pas d’avoir satisfait à son obligation de mise en garde à l’égard de Mme X. ;
Attendu que celle-ci est dès lors fondée à rechercher la responsabilité de la banque ;
Attendu que Mme X. a manifestement perdu une chance de ne pas contracter un prêt en devise étrangère ;
Attendu que le préjudice subi de ce chef sera réparé par une indemnité de 30.000 euros ;
Sur les dépens et autres frais de procédure :
Attendu que la Caisse régionale de crédit agricole Alsace-Vosges, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel, conformément à l’article 696 du code de procédure civile ;
Attendu que selon l’article 700-1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée ;
Attendu que les circonstances de l’espèce justifient de condamner la Caisse régionale de crédit agricole Alsace-Vosges à payer à Mme X. une indemnité de 3.500 euros au titre des frais exclus des dépens exposés en cause d’appel ; qu’elle sera elle-même déboutée de sa demande à ce titre ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Écarte les notes en délibéré déposées par les parties,
Déclare recevable la demande de dommages et intérêts présentée par Mme X.,
Infirme le jugement entrepris,
Et, statuant à nouveau,
Déboute Mme X. de son action fondée sur l’existence d’une clause abusive,
Constate que la Caisse régionale de crédit agricole Alsace-Vosges a manqué à l’égard de Mme X. à son obligation d’information et à son devoir de mise en garde lors de la conclusion du contrat de prêt,
Condamne la Caisse régionale de crédit agricole Alsace-Vosges à payer à Mme X. la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts,
Condamne la Caisse régionale de crédit agricole Alsace-Vosges aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à payer à Mme X. une indemnité de 3.500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, et la déboute de sa demande à ce titre.
Le Greffier : la Présidente :