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CASS. COM., 11 mai 2017

Nature : Décision
Titre : CASS. COM., 11 mai 2017
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. commerciale
Demande : 16-13464
Décision : 17-677
Date : 11/05/2017
Numéro ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:CO00677
Nature de la décision : Rejet
Mode de publication : Legifrance
Décision antérieure : CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 13 janvier 2016
Numéro de la décision : 677
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6867

CASS. COM., 11 mai 2017 : pourvoi n° 16-13464 ; arrêt n° 677 

Publication : Legifrance

 

Extrait : « Mais attendu, d’une part, que sous le couvert du grief infondé de défaut de base légale, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion devant la Cour de cassation l’appréciation souveraine, par la cour d’appel, des éléments de fait qui lui étaient soumis et dont elle a déduit que la société X. ne justifiait pas que la clause litigieuse lui avait été imposée par la société AGCO ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 11 MAI 2017

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : 16-13464. Arrêt n° 677.

DEMANDEUR à la cassation : Société Etablissements X.

DÉFENDEUR à la cassation : Société Massey Ferguson - Société AGCO distribution

Mme Mouillard (président), président. SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s).

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 13 janvier 2016), que la société Etablissements Jean X. (la société X.) a conclu, en 1971, un contrat de concession avec la société Massey Ferguson puis, après le rachat de cette société par le groupe américain AGCO, plusieurs autres contrats de concession avec la société AGCO distribution, filiale française de ce groupe, distributeur en France des matériels de la marque ; que le dernier contrat, conclu le 30 novembre 2005 pour une durée indéterminée, prévoyait qu’en contrepartie d’un engagement de non-concurrence et d’exclusivité de marque, la société X. disposerait de l’exclusivité de la distribution des produits sur un territoire donné ; que, par lettre du 28 janvier 2010, la société AGCO a notifié à la société X. sa décision de mettre fin à leur relation commerciale au 31 janvier 2012 et de lever l’exclusivité territoriale au 1er août 2010 ; que la société X. a assigné la société AGCO en paiement de dommages-intérêts, sur le fondement de l’article L. 442-6-I-5° du code de commerce ;

 

Sur le premier moyen :

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que la société X. fait grief à l’arrêt du rejet de sa demande au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie alors, selon le moyen :

1°/ que le contrat de concession conclu le 1er novembre 1971 par la société X. avec la société Massey-Ferguson SA stipulait, dans son article 11, que « le contrat conclu avec M. Jean X. fils - [ville A.] le 1er novembre 1968, et reconduit tacitement par période annuelle depuis cette date, se poursuit avec les Etablissements Jean X. (…) » ; qu’en relevant que la société AGCO aurait manifesté sa volonté de poursuivre « les relations engagées en 1968 avec M. X. », là où ces disposition claires et précises faisaient état de la poursuite du « contrat » conclu en 1968, et n’excluaient nullement que les parties aient pu, ce faisant, poursuivre une relation commerciale préexistante, dont le point de départ demeurait à préciser et échappait à toute emprise de la volonté des parties, la cour d’appel en a dénaturé la portée et violé l’article 1134 du code civil ;

2°/ que la durée raisonnable du préavis s’appréciant au regard de l’ancienneté des relations commerciales, la reprise d’une relation antérieure avec un partenaire qui, initialement, n’y était pas partie, si elle exige que ce dernier ait exprimé son intention de poursuivre la relation commerciale initialement nouée, n’est pas subordonnée à la volonté du partenaire initial, avec lequel cette relation est poursuivie ; qu’en refusant de tenir compte des contrats de distribution conclus successivement, avant 1968, par M. Jean X. avec la SA Massey-Ferguson, pour apprécier la durée des relations poursuivies, à partir de 1971, avec la société X., sous prétexte que « lors de la signature du contrat du 1er novembre 1971 », la société AGCO (anciennement la SA Massey-Ferguson), tout en « substituant la société Etablissements X. » à M. Jean X., avait seulement manifesté « sa volonté de poursuivre les relations engagées en 1968 » avec ce dernier, la cour d’appel, qui s’est fondée sur des motifs inopérants, n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article L. 442-6-1-5° du code de commerce ;

 

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Mais attendu que c’est par une interprétation souveraine des termes du contrat conclu le 1er novembre 1971 entre la société X. et la société Massey-Ferguson que la cour d’appel, ayant constaté, par motifs propres et adoptés, qu’il contenait une clause précisant que le contrat conclu le 1er novembre 1968 avec M. X. se poursuivait avec la société X., a retenu, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation de la volonté commune des parties, que celles-ci avaient ainsi entendu poursuivre la relation commerciale nouée, en 1968, entre M. X. et la société Massey Ferguson et non celle qui avait pu exister, entre eux, antérieurement ; que le moyen n’est pas fondé ;

 

Sur le deuxième moyen :

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que la société X. fait le même grief à l’arrêt alors, selon le moyen :

1°/ que l’article L. 442-6-I-5° du code de commerce institue une responsabilité d’ordre public à laquelle les parties ne peuvent renoncer par anticipation ; qu’en l’espèce, pour retenir que la société X. n’était pas fondée à invoquer l’état de dépendance économique, par ailleurs non contesté, dans laquelle elle se trouvait à l’égard de la société AGCO au 28 janvier 2010, date de la notification de la rupture, la cour d’appel a relevé que les parties avaient entendu « aménager le préavis pour en tenir compte », par une clause prévoyant qu’» à l’expiration des six premiers mois de préavis, et en dérogation aux dispositions de l’article 2 du présent contrat, le concessionnaire ne sera plus tenu, vis-à-vis d’AGCO, à son obligation d’exclusivité de marque, et AGCO aura en contrepartie la faculté de nommer un ou plusieurs distributeurs ou autre futurs concessionnaires AGCO sur le territoire défini à l’annexe I du présent contrat pour tout ou partie de la durée du préavis restant à courir », ce qui constituait un « aménagement contractuel de l’exécution du préavis en cas de rupture du contrat » ; qu’en se déterminant par ces motifs, là où la société X. ne pouvait renoncer, par avance, aux dispositions de l’article L. 442-6-I-5° du code de commerce et au bénéfice d’un préavis apprécié en fonction de la durée de la relation et de sa situation de dépendance économique, la cour d’appel a violé les dispositions susvisées ;

2°/ qu’en relevant que les parties avaient entendu « aménager le préavis » par une clause prévoyant qu’» à l’expiration des six premiers mois de préavis, et en dérogation aux dispositions de l’article 2 du présent contrat, le concessionnaire ne sera plus tenu, vis-à-vis d’AGCO, à son obligation d’exclusivité de marque, et AGCO aura en contrepartie la faculté de nommer un ou plusieurs distributeurs ou autre futurs concessionnaires AGCO sur le territoire défini à l’annexe I du présent contrat pour tout ou partie de la durée du préavis restant à courir », ce qui constituait un « aménagement contractuel de l’exécution du préavis en cas de rupture du contrat », cependant que cette clause, si elle autorisait le concédant à lever l’exclusivité au bout de 6 mois, ne préjugeait nullement le caractère suffisant du préavis de rupture totale et ne dispensait pas la cour d’appel de rechercher si, eu égard à son état de dépendance économique, la société X. avait disposé d’un délai suffisant pour se réorganiser, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article L. 442-6-1-5° du code de commerce ;

3°/ que la durée du préavis à respecter pour rompre une relation commerciale établie s’apprécie en se plaçant à la date de notification de la rupture ; qu’en estimant suffisant le délai de 24 mois dont la société X. avait bénéficié, nonobstant les investissements immobiliers réalisés très peu de temps avant la rupture, motifs pris de ce que la société X. n’avait « pas perdu le bénéfice de ces investissements pour ses autres activités et ses éventuelles activités futures », la cour d’appel a violé l’article L. 442-6-1-5° du code de commerce ;

4°/ que, dans ses conclusions d’appel, la société X. faisait valoir, sans être d’ailleurs contredite sur ce point par la société AGCO, que la saison de vente des matériels agricoles ne débute qu’en fin d’été, et en déduisait que le préavis de 24 mois ouvert par le courrier du 24 janvier 2010 ne lui avait permis de ne bénéficier, pour se réorganiser, que d’une seule et unique saison complète, celle allant de l’été 2010 à l’été 2011 ; qu’en affirmant, sans apporter la moindre réponse à ce moyen péremptoire, que la société X. ne pouvait se « plaindre de ce que le cycle des ventes n’avait pas été pris en compte par le délai octroyé, bénéficiant de deux saisons pleines », la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

 

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Mais attendu, en premier lieu, qu’ayant constaté que la société AGCO avait, lors de la notification de la rupture par lettre du 28 janvier 2010, informé la société X. de sa volonté, conformément aux stipulations contractuelles, de lever les clauses d’exclusivité au 1er août 2010 afin de permettre aux parties de réorganiser leurs affaires avant la rupture qui interviendrait 18 mois plus tard, l’arrêt retient que l’état de dépendance économique de la société X., résultant des clauses d’exclusivité territoriale et d’approvisionnement stipulées au contrat, a ainsi été pris en compte ; qu’il relève que le bénéfice des investissements immobiliers réalisés par la société X., peu de temps avant la rupture, n’était pas perdu pour ses autres activités et ses éventuelles activités futures ; qu’en cet état, c’est souverainement que la cour d’appel, qui s’est placée à la date de la notification de la rupture pour apprécier la durée du préavis suffisant et qui a effectué la recherche invoquée à la deuxième branche, a retenu que, compte tenu de la durée de la relation commerciale et des circonstances entourant la rupture, le délai de préavis de 24 mois dont avait bénéficié la société X. était suffisant ;

Et attendu, en second lieu, que c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation que la cour d’appel a retenu que le préavis octroyé avait permis à la société X. de bénéficier de deux saisons de vente ;

D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

 

Et sur le troisième moyen :

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que la société X. fait encore le même grief à l’arrêt alors, selon le moyen :

1°/ que si elle n’est pas assimilable à une rupture partielle de la relation lorsqu’elle intervient conformément aux stipulations contractuelles qui la régissaient initialement, la cessation de l’exclusivité consentie à un distributeur le devient, nécessairement, dès lors qu’elle résulte de la mise en œuvre d’une clause imposée, unilatéralement, en cours de relation, à un partenaire placé en situation de dépendance économique ; qu’en se bornant à relever que la société X., faute de les avoir contestées avant de signer le contrat du 30 novembre 2005, ne justifiait pas que la société AGCO ait pu lui imposer les dispositions de l’article 10, alinéa 2, dudit contrat, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si la situation de dépendance économique de la société X. et l’injonction qui lui avait été faite de signer, sans pouvoir les négocier, « l’ensemble des articles et mentions » du contrat du 30 novembre 2005, sous peine de résiliation immédiate, n’établissaient pas que cette dernière avait été contrainte de les accepter, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision, au regard de l’article L. 442-6-1-5° du code de commerce ;

2°/ que s’il n’interdit pas aux parties de convenir des modalités de la rupture de leur relation commerciale, l’article L. 442-6-I-5° du code de commerce institue une responsabilité d’ordre public à laquelle les parties ne peuvent renoncer par anticipation ; qu’en retenant que la société X. n’était pas fondée à prétendre que la levée de l’exclusivité dont elle bénéficiait avec un préavis de 6 mois constituait une rupture partielle et brutale de la relation commerciale, aux motifs que l’article 10, alinéa 2, du contrat de concession, qui prévoyait « à l’expiration des six premiers mois du préavis (…) un abandon réciproque et concomitant par les parties de leurs obligations d’exclusivité territoriale et d’approvisionnement exclusif », constituait un « aménagement contractuel de l’exécution du préavis en cas de rupture du contrat », cependant que cette clause ne la dispensait pas de rechercher si la levée de l’exclusivité territoriale, 6 mois après la décision de rupture, n’avait pas placé la société X. dans l’impossibilité de mettre à profit le préavis pour se réorganiser, la cour d’appel a violé l’article L. 442-6-1-5° du code de commerce ;

 

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Mais attendu, d’une part, que sous le couvert du grief infondé de défaut de base légale, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion devant la Cour de cassation l’appréciation souveraine, par la cour d’appel, des éléments de fait qui lui étaient soumis et dont elle a déduit que la société X. ne justifiait pas que la clause litigieuse lui avait été imposée par la société AGCO ;

Et attendu, d’autre part, qu’ayant constaté que la société AGCO avait exprimé, lors de la notification de la rupture, sa volonté de faire application de l’article 10, alinéa 2, du contrat, afin de permettre aux parties de réorganiser leurs affaires avant la rupture, l’arrêt retient, par motifs adoptés, que cette disposition permet, d’un côté, au concédant de vendre ses produits par l’intermédiaire d’autres revendeurs et, de l’autre, au concessionnaire, de rompre le plus tôt possible l’interdiction de vendre d’autres marques et de se limiter à un territoire donné, afin de faciliter sa reconversion commerciale et, par motifs propres, que cette clause, qui prévoit un abandon réciproque et concomitant, par les parties, de leurs obligations d’exclusivité territoriale et d’approvisionnement exclusif et constitue l’aménagement contractuel de l’exécution du préavis, n’a pas pour effet de déroger aux dispositions impératives de l’article L. 442-6-I-5° du code de commerce ; qu’il retient encore que cet aménagement du préavis a permis de tenir compte de l’état de dépendance économique de la société X. et qu’eu égard à la durée de la relation commerciale et aux circonstances entourant la rupture, la société X. a bénéficié d’un délai de préavis qui apparaît suffisant ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir qu’elle a apprécié le caractère suffisant du préavis dont avait bénéficié la société X. en tenant compte du délai nécessaire à la reconversion ou à la réorientation commerciale de son activité, la cour d’appel, qui a effectué la recherche invoquée par la seconde branche, a pu statuer comme elle a fait ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Etablissements Jean X. aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société AGCO distribution la somme de 3.000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille dix-sept.

 

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Etablissements Jean X.

 

PREMIER MOYEN DE CASSATION

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté la société des Etablissements Jean X. de ses demandes indemnitaires fondées sur la rupture brutale de ses relations commerciales avec la société AGCO Distribution ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Aux motifs que « le courrier adressé le 28 janvier 2010 par AGCO aux Etablissements X. précisait : « Je suis au regret de vous informer de notre décision de mettre fin au contrat de concessionnaire qui nous lie et ce, conformément aux dispositions de l’article 10 dudit contrat. En conséquence, nos relations commerciales devraient prendre fin le 30 janvier 2011. Néanmoins, nous souhaitons porter ce délai au 31 janvier 2012, période se décomposant ainsi : 31 juillet 2010 pour ce qui concerne l’exclusivité, 31 janvier 2012 pour ce qui concerne la double distribution » ; que selon les pièces du débat, il apparaît encore que les parties entretiennent des relations commerciales depuis de très nombreuses années sans toutefois être d’accord sur le point de départ de leurs relations ; que la société Etablissements X. le fixe à l’année 1951 exposant qu’au cours de cette année-là, M. X. a commencé l’exécution d’un contrat d’agent pour le compte de Massey-Harris, puis à partir de l’année 1954 pour Massey-Ferguson à la suite de la fusion de Massey-Harris avec la société Ferguson, qu’en 1970, M. X. a apporté son fonds de commerce à la société Etablissements X., qu’en 1971, était signé un contrat de concessionnaire avec la société Massey-Ferguson, que les parties reconduisaient depuis cette époque leurs relations par la signature de contrats de distribution ; que la société AGCO fait remonter à l’année 1971 les relations qu’entretiennent les parties (…) ; que sur la durée des relations commerciales : qu’en cas de modification de l’identité du partenaire il convient de rechercher si les parties ont entendu poursuivre la relation commerciale initiale ; qu’en l’espèce, certes des contrats ont pu être signés avec M. X. jusqu’à ce qu’il fasse apport de son fonds à la société Etablissements X. mais il apparaît, selon les documents versés aux débats, que c’est lors de la signature du contrat du premier novembre 1971 que la société AGCO a manifesté sa volonté de poursuivre les relations engagées en 1968 avec M. X., substituant la société Etablissements X. à ce dernier ; que la durée de la relation commerciale à considérer est ainsi de quarante-trois ans (…) » ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Alors, d’une part, que le contrat de concession conclu le 1er novembre 1971 par la société Etablissements Jean X. avec la société Massey-Ferguson SA stipulait, dans son article 11, que « le contrat conclu avec M. Jean X. fils – Avranches le 1er novembre 1968, et reconduit tacitement par période annuelle depuis cette date, se poursuit avec les Etablissements Jean X. (…) » ; qu’en relevant que la société AGCO aurait manifesté sa volonté de poursuivre « les relations engagées en 1968 avec M. X. », là où ces disposition claires et précises faisaient état de la poursuite du « contrat » conclu en 1968, et n’excluaient nullement que les parties aient pu, ce faisant, poursuivre une relation commerciale préexistante, dont le point de départ demeurait à préciser et échappait à toute emprise de la volonté des parties, la cour d’appel en a dénaturé la portée et violé l’article 1134 du code civil ;

Alors, d’autre part, et en tout état de cause, que la durée raisonnable du préavis s’appréciant au regard de l’ancienneté des relations commerciales, la reprise d’une relation antérieure avec un partenaire qui, initialement, n’y était pas partie, si elle exige que ce dernier ait exprimé son intention de poursuivre la relation commerciale initialement nouée, n’est pas subordonnée à la volonté du partenaire initial, avec lequel cette relation est poursuivie ; qu’en refusant de tenir compte des contrats de distribution conclus successivement, avant 1968, par M. Jean X. avec la SA Massey-Ferguson, pour apprécier la durée des relations poursuivies, à partir de 1971, avec la société Etablissements Jean X., sous prétexte que « lors de la signature du contrat du 1er novembre 1971 », la société AGCO (anciennement la SA Massey-Ferguson), tout en « substituant la société Etablissements X. » à M. Jean X., avait seulement manifesté « sa volonté de poursuivre les relations engagées en 1968 » avec ce dernier, la cour d’appel, qui s’est fondée sur des motifs inopérants, n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article L. 442-6-1-5° du code de commerce.

 

DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté la société des Etablissements Jean X. de ses demandes indemnitaires fondées sur la rupture brutale de ses relations commerciales avec la société AGCO Distribution ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Aux motifs que « le courrier adressé le 28 janvier 2010 par AGCO aux Etablissements X. précisait : « Je suis au regret de vous informer de notre décision de mettre fin au contrat de concessionnaire qui nous lie et ce, conformément aux dispositions de l’article 10 dudit contrat. En conséquence, nos relations commerciales devraient prendre fin le 30 janvier 2011. Néanmoins, nous souhaitons porter ce délai au 31 janvier 2012, période se décomposant ainsi : 31 juillet 2010 pour ce qui concerne l’exclusivité, 31 janvier 2012 pour ce qui concerne la double distribution » ; que selon les pièces du débat, il apparaît encore que les parties entretiennent des relations commerciales depuis de très nombreuses années sans toutefois être d’accord sur le point de départ de leurs relations ; que la société Etablissements X. le fixe à l’année 1951 exposant qu’au cours de cette année-là, M. X. a commencé l’exécution d’un contrat d’agent pour le compte de Massey-Harris, puis à partir de l’année 1954 pour Massey-Ferguson à la suite de la fusion de Massey-Harris avec la société Ferguson, qu’en 1970, M. X. a apporté son fonds de commerce à la société Etablissements X., qu’en 1971, était signé un contrat de concessionnaire avec la société Massey-Ferguson, que les parties reconduisaient depuis cette époque leurs relations par la signature de contrats de distribution ; que la société AGCO fait remonter à l’année 1971 les relations qu’entretiennent les partie (…) ; que sur la durée du préavis : (…) que la durée des relations commerciales est fixée au regard de la durée des relations commerciales et des autres circonstances en cours au moment de la rupture ; que certes, la société Etablissements X. a pu invoquer un état de dépendance économique résultant des clauses d’exclusivité territoriale et d’approvisionnement se trouvant dans le contrat, que AGCO a sans cesse rappelées et pour la dernière fois en 2008, mais que la cour constate que les parties ont entendu aménager le préavis pour en tenir compte ; que par ailleurs, la société Etablissements X. ne peut se plaindre de ce que le cycle des ventes n’a pas été pris en compte par le délai octroyé, bénéficiant de deux saisons pleines, et enfin, que, si pour bénéficier d’aides financières de AGCO en vue d’un repositionnement concurrentiel, elle a dû procéder à des investissements immobiliers très peu avant la rupture (notamment, l’agrandissement du site du R. en 2009), elle n’a pas perdu le bénéfice de ces investissements pour ses autres activités et ses éventuelles activités futures ; que compte tenu des circonstances entourant la rupture, la société les Etablissements X. a bénéficié d’un délai de vingt-quatre mois qui apparaît suffisant ; que sur la rupture partielle des relations des parties : (…) que, tout d’abord, les manœuvres déloyales invoquées par la société Etablissements X. ne sont pas établies : qu’elle a été destinataire d’une proposition publicitaire MF (Massey-Ferguson) lui permettant de participer au dossier spécial « Tracteurs » dans le magazine du 21 octobre 2011 à laquelle elle n’a pas répondu ; qu’elle ne justifie pas que la société AGCO lui a refusé des commandes par le courrier du 12 juillet de la société AGCO qui rappelait seulement que les commandes en fin de préavis devaient être en proportion avec le potentiel de vente sur la période restant à courir ; qu’enfin, les comparaisons sur les prix ne sont étayées par aucune pièce comptable pour justifier les conditions préférentielles qui auraient été faites de façon déloyale ; qu’ensuite, l’article 10 alinéa 2 du contrat précisait : « A l’expiration des six premiers mois de préavis et en dérogation aux dispositions de l’article 2 du présent contrat, le concessionnaire ne sera plus tenu, vis-à-vis d’AGCO, à son obligation d’exclusivité de marque et AGCO aura en contrepartie la faculté de nommer un ou plusieurs distributeurs ou autre futurs concessionnaires AGCO sur le territoire défini à l’annexe I du présent contrat pour tout ou partie de la durée du préavis restant à courir » ; que cette clause prévoit un abandon réciproque et concomitant par les parties de leurs obligations d’exclusivité territoriale et d’approvisionnement exclusif et constitue l’aménagement contractuel de l’exécution du préavis en cas de rupture du contrat ; qu’elle n’a pas pour effet de déroger aux dispositions impératives de l’article L. 442-6-1-5° du code de commerce et ne s’analyse pas en rupture partielle des relations commerciales ; que cette clause ne crée pas un déséquilibre significatif entre les parties ; que la contestation de la société Etablissements X. lors de la signature du contrat de 2005 a porté non pas sur la disposition de l’article 10 alinéa 2 qu’elle critique actuellement mais sur la disposition qui concernait la possibilité pour le concédant de retirer de plein droit et à tout moment les cantons noirs, soit ceux dans lesquels le concessionnaire n’avait réalisé aucune vente de matériel sur une période de vingt-quatre mois ; qu’ainsi, la société Etablissements X. ne justifie pas que la société AGCO lui a imposé les dispositions de l’article 10 alinéa 2 ; qu’enfin, cette clause n’est pas dépourvue de réciprocité effective et le fait que la société Etablissements X. ait tiré ou non parti de cet abandon ou ait renoncé à s’en prévaloir ne saurait avoir d’effet sur sa validité ; que la société Etablissements X. ne peut faire état d’une rupture brutale partielle au cours du préavis » ;

Et aux motifs éventuellement adoptés que « la Société AGCO Distribution a notifié à la société Etablissements Jean X. par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 28 janvier 2010 sa décision dans les termes suivants : « Je suis au regret de vous informer de notre décision de mettre fin au contrat de concessionnaire qui nous lie, et ce, conformément aux dispositions de l’article 10 dudit contrat. En conséquence nos relations commerciales devraient prendre fin le 31 janvier 2011. Néanmoins nous souhaitons porter ce délai au 31 janvier 2012, période se décomposant ainsi : 31 juillet 2010 pour ce qui concerne l’exclusivité ; 31 janvier 2012 pour ce qui concerne la double distribution » ; qu’il ressort de cette lettre que la Société AGCO Distribution a prorogé d’un an la durée du préavis contractuel et qu’elle entendait bien non seulement respecter les modalités de rupture du contrat en distinguant une phase de terminaison de l’exclusivité puis une phase de terminaison de la double distribution, mais qu’elle annonçait clairement la rupture de la relation commerciale pour le 31 janvier 2012 ; qu’à partir du moment où la société AGCO Distribution a annoncé sa décision de mettre un ferme final aux relations commerciales, la fin de la période d’exclusivité ne saurait être interprétée comme un rupture partielle des relations commerciales mais comme une disposition permettant d’une part au concédant de vendre ses produits par l’intermédiaire d’autres revendeurs et d’autre part au concessionnaire de rompre le plus tôt possible l’interdiction de vendre d’autres marques et surtout de se limiter à un territoire donné afin de faciliter sa reconversion commerciale ; que la société AGCO Distribution n’est pas revenue sur sa décision et qu’elle a au contraire confirmé par lettre sa décision de rupture définitive des relations commerciales au bout du préavis de deux ans tout en respectant le formalisme contractuel de la rupture, le tribunal ne fera pas sienne la thèse selon laquelle la société AGCO Distribution aurait d’une part procédé à une rupture partielle des relations commerciales en mettant un ferme à l’exclusivité puis à une rupture définitive des relations commerciales ; que la fin de la période d’exclusivité et la fin de la période de double distribution sont les conséquences d’une seule et même décision notifiée dans la lettre recommandée avec accusé de réception du 28 janvier 2010 annonçant explicitement la fin des relations commerciales pour le 31 janvier 2012 ; qu’au visa de l’article L. 442-6-1-5° du code de commerce, le Tribunal doit apprécier la durée du préavis « en tenant compte de la durée de la relation commerciale » et en « respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels » ; qu’en l’espèce il n’existe pas d’accord interprofessionnel définissant la durée « normale » du préavis ; que s’il convient de tenir compte de la durée de la relation commerciale établie, ni la loi ni la jurisprudence ne font référence à un lien de proportionnalité entre la durée du préavis et la durée de la relation commerciale ; qu’il convient, conformément à la jurisprudence, de tenir compte du degré de dépendance économique du concessionnaire à l’égard du concédant et d’apprécier le délai nécessaire à la reconversion ou à la réorientation commerciale de l’activité du concessionnaire ; qu’en l’espèce la société Etablissements Jean X. effectue plus de 60 % de son chiffre d’affaires avec la vente de produits sous marque Massey Ferguson ; que dans cette activité de vente de matériel agricole les campagnes de ventes sont d’une saisonnalité annuelle, le point de départ d’une campagne étant la fin de l’hiver ; que dans les circonstances de l’espèce, il est justifié et suffisant de fixer à une durée de deux ans courant à compter de fin janvier 2010 la durée et le point de départ du préavis de rupture (…) » ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Alors, d’une part, que l’article L. 442-6-I-5° du code de commerce institue une responsabilité d’ordre public à laquelle les parties ne peuvent renoncer par anticipation ; qu’en l’espèce, pour retenir que la société Etablissements X. n’était pas fondée à invoquer l’état de dépendance économique, par ailleurs non contesté, dans laquelle elle se trouvait à l’égard de la société AGCO au 28 janvier 2010, date de la notification de la rupture, la cour d’appel a relevé que les parties avaient entendu « aménager le préavis pour en tenir compte », par une clause prévoyant qu’» à l’expiration des six premiers mois de préavis, et en dérogation aux dispositions de l’article 2 du présent contrat, le concessionnaire ne sera plus tenu, vis-à-vis d’AGCO, à son obligation d’exclusivité de marque, et AGCO aura en contrepartie la faculté de nommer un ou plusieurs distributeurs ou autre futurs concessionnaires AGCO sur le territoire défini à l’annexe I du présent contrat pour tout ou partie de la durée du préavis restant à courir », ce qui constituait un « aménagement contractuel de l’exécution du préavis en cas de rupture du contrat » ; qu’en se déterminant par ces motifs, là où la société Etablissements X. ne pouvait renoncer, par avance, aux dispositions de l’article L. 442-6-5-1° du code de commerce et au bénéfice d’un préavis apprécié en fonction de la durée de la relation et de sa situation de dépendance économique, la cour d’appel a violé les dispositions susvisées ;

Alors, d’autre part, en toute hypothèse, qu’en relevant que les parties avaient entendu « aménager le préavis » par une clause prévoyant qu’» à l’expiration des six premiers mois de préavis, et en dérogation aux dispositions de l’article 2 du présent contrat, le concessionnaire ne sera plus tenu, vis-à-vis d’AGCO, à son obligation d’exclusivité de marque, et AGCO aura en contrepartie la faculté de nommer un ou plusieurs distributeurs ou autre futurs concessionnaires AGCO sur le territoire défini à l’annexe I du présent contrat pour tout ou partie de la durée du préavis restant à courir », ce qui constituait un « aménagement contractuel de l’exécution du préavis en cas de rupture du contrat », cependant que cette clause, si elle autorisait le concédant à lever l’exclusivité au bout de 6 mois, ne préjugeait nullement le caractère suffisant du préavis de rupture totale et ne dispensait pas la cour d’appel de rechercher si, eu égard à son état de dépendance économique, la société Etablissement Jean X. avait disposé d’un délai suffisant pour se réorganiser, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article L. 442-6-1-5° du code de commerce ;

Alors, en outre, que la durée du préavis à respecter pour rompre une relation commerciale établie s’apprécie en se plaçant à la date de notification de la rupture ; qu’en estimant suffisant le délai de 24 mois dont la société Etablissements Jean X. avait bénéficié, nonobstant les investissements immobiliers réalisés très peu de temps avant la rupture, motifs pris de ce que la société Etablissements Jean X. n’avait « pas perdu le bénéfice de ces investissements pour ses autres activités et ses éventuelles activités futures », la cour d’appel a violé l’article L. 442-6-1-5° du code de commerce ;

Alors, enfin, que dans ses conclusions d’appel (concl. du 28 septembre 2015, p. 13, § 8-9, p. 14, § 1), la société Etablissements Jean X. faisait valoir, sans être d’ailleurs contredite sur ce point par la société AGCO, que la saison de vente des matériels agricoles ne débute qu’en fin d’été, et en déduisait que le préavis de 24 mois ouvert par le courrier du 24 janvier 2010 ne lui avait permis de ne bénéficier, pour se réorganiser, que d’une seule et unique saison complète, celle allant de l’été 2010 à l’été 2011 ; qu’en affirmant, sans apporter la moindre réponse à ce moyen péremptoire, que la société Etablissements X. ne pouvait se « plaindre de ce que le cycle des ventes n’avait pas été pris en compte par le délai octroyé, bénéficiant de deux saisons pleines », la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.

 

TROSIÈME MOYEN DE CASSATION

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté la société des Etablissements Jean X. de ses demandes indemnitaires fondées sur la rupture brutale de ses relations commerciales avec la société AGCO Distribution ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Aux motifs que « (…) l’article 10 alinéa 2 du contrat précisait : « A l’expiration des six premiers mois de préavis et en dérogation aux dispositions de l’article 2 du présent contrat, le concessionnaire ne sera plus tenu, vis-à-vis d’AGCO, à son obligation d’exclusivité de marque et AGCO aura en contrepartie la faculté de nommer un ou plusieurs distributeurs ou autre futurs concessionnaires AGCO sur le territoire défini à l’annexe I du présent contrat pour tout ou partie de la durée du préavis restant à courir » ; que cette clause prévoit un abandon réciproque et concomitant par les parties de leurs obligations d’exclusivité territoriale et d’approvisionnement exclusif et constitue l’aménagement contractuel de l’exécution du préavis en cas de rupture du contrat ; qu’elle n’a pas pour effet de déroger aux dispositions impératives de l’article L. 442-6-I-5° du code de commerce et ne s’analyse pas en rupture partielle des relations commerciales ; que cette clause ne crée pas un déséquilibre significatif entre les parties ; que la contestation de la société Etablissements X. lors de la signature du contrat de 2005 a porté non pas sur la disposition de l’article 10 alinéa 2 qu’elle critique actuellement mais sur la disposition qui concernait la possibilité pour le concédant de retirer de plein droit et à tout moment les cantons noirs, soit ceux dans lesquels le concessionnaire n’avait réalisé aucune vente de matériel sur une période de vingt-quatre mois ; qu’ainsi, la société Etablissements X. ne justifie pas que la société AGCO lui a imposé les dispositions de l’article 10 alinéa 2 ; qu’enfin, cette clause n’est pas dépourvue de réciprocité effective et le fait que la société Etablissements X. ait tiré ou non parti de cet abandon ou ait renoncé à s’en prévaloir ne saurait avoir d’effet sur sa validité ; que la société Etablissements X. ne peut faire état d’une rupture brutale partielle au cours du préavis » ;

Et aux motifs éventuellement adoptés que « la Société AGCO Distribution a notifié à la société Etablissements Jean X. par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 28 janvier 2010 sa décision dans les termes suivants : « Je suis au regret de vous informer de notre décision de mettre fin au contrat de concessionnaire qui nous lie, et ce, conformément aux dispositions de l’article 10 dudit contrat. En conséquence nos relations commerciales devraient prendre fin le 31 janvier 2011. Néanmoins nous souhaitons porter ce délai au 31 janvier 2012, période se décomposant ainsi : 31 juillet 2010 pour ce qui concerne l’exclusivité ; 31 janvier 2012 pour ce qui concerne la double distribution » ; qu’il ressort de cette lettre que la Société AGCO Distribution a prorogé d’un an la durée du préavis contractuel et qu’elle entendait bien non seulement respecter les modalités de rupture du contrat en distinguant une phase de terminaison de l’exclusivité puis une phase de terminaison de la double distribution, mais qu’elle annonçait clairement la rupture de la relation commerciale pour le 31 janvier 2012 ; qu’à partir du moment où la société AGCO Distribution a annoncé sa décision de mettre un ferme final aux relations commerciales, la fin de la période d’exclusivité ne saurait être interprétée comme un rupture partielle des relations commerciales mais comme une disposition permettant d’une part au concédant de vendre ses produits par l’intermédiaire d’autres revendeurs et d’autre part au concessionnaire de rompre le plus tôt possible l’interdiction de vendre d’autres marques et surtout de se limiter à un territoire donné afin de faciliter sa reconversion commerciale ; que la société AGCO Distribution n’est pas revenue sur sa décision et qu’elle a au contraire confirmé par lettre sa décision de rupture définitive des relations commerciales au bout du préavis de deux ans tout en respectant le formalisme contractuel de la rupture, le Tribunal ne fera pas sienne la thèse selon laquelle la société AGCO Distribution aurait d’une part procédé à une rupture partielle des relations commerciales en mettant un ferme à l’exclusivité puis à une rupture définitive des relations commerciales ; que la fin de la période d’exclusivité et la fin de la période de double distribution sont les conséquences d’une seule et même décision notifiée dans la lettre recommandée avec accusé de réception du 28 janvier 2010 annonçant explicitement la fin des relations commerciales pour le 31 janvier 2012 (…) » ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Alors, d’une part, que si elle n’est pas assimilable à une rupture partielle de la relation lorsqu’elle intervient conformément aux stipulations contractuelles qui la régissaient initialement, la cessation de l’exclusivité consentie à un distributeur le devient, nécessairement, dès lors qu’elle résulte de la mise en œuvre d’une clause imposée, unilatéralement, en cours de relation, à un partenaire placé en situation de dépendance économique ; qu’en se bornant à relever que la société Etablissements Jean X., faute de les avoir contestées avant de signer le contrat du 30 novembre 2005, ne justifiait pas que la société AGCO ait pu lui imposer les dispositions de l’article 10 alinéa 2 dudit contrat, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si la situation de dépendance économique de la société Etablissements Jean X. et l’injonction qui lui avait été faite de signer, sans pouvoir les négocier, « l’ensemble des articles et mentions » du contrat du 30 novembre 2005, sous peine de résiliation immédiate, n’établissaient pas que cette dernière avait été contrainte de les accepter, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision, au regard de l’article L. 442-6-1-5° du code de commerce.

Alors, d’autre part, que s’il n’interdit pas aux parties de convenir des modalités de la rupture de leur relation commerciale, l’article L. 442-6-I-5° du code de commerce institue une responsabilité d’ordre public à laquelle les parties ne peuvent renoncer par anticipation ; qu’en retenant que la société Etablissements Jean X. n’était pas fondée à prétendre que la levée de l’exclusivité dont elle bénéficiait avec un préavis de six mois constituait une rupture partielle et brutale de la relation commerciale, aux motifs que l’article 10, alinéa 2, du contrat de concession, qui prévoyait « à l’expiration des six premiers mois du préavis (…) un abandon réciproque et concomitant par les parties de leurs obligations d’exclusivité territoriale et d’approvisionnement exclusif », constituait un « aménagement contractuel de l’exécution du préavis en cas de rupture du contrat », cependant que cette clause ne la dispensait pas de rechercher si la levée de l’exclusivité territoriale 6 mois après la décision de rupture n’avait pas placé la société Etablissements Jean X. dans l’impossibilité de mettre à profit le préavis pour se réorganiser, la cour d’appel a violé l’article L. 442-6-1-5° du code de commerce.