CA BORDEAUX (2e ch. civ.), 1er juin 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 6892
CA BORDEAUX (2e ch. civ.), 1er juin 2017 : RG n° 11/05199
Publication : Jurica
Extrait : « Par ailleurs, l'article 4.3 in fine des conditions générales du contrat de construction énonce que « le délai de construction sera prorogé d'un mois pour tous travaux supplémentaires prévus par avenant établi après la date de signature du contrat ». Cependant l'article L. 231-3 du code de la construction et de l'habitation répute non écrite toute clause d'un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture du plan ayant pour objet, notamment, « d) de décharger le constructeur de son obligation d'exécuter les travaux dans les délais prévus par le contrat en prévoyant notamment des causes légitimes de retard autres que les intempéries, les cas de force majeure et les cas fortuits ». Il s'ensuit que, comme le font justement valoir les époux X., l'article 4.3 in fine du contrat de construction doit être réputé non écrit. Enfin, les cinq avenants litigieux, dont les trois premiers ont été signés avant le début des travaux, n'ont apporté que des modifications banales aux prestations convenues, n'ayant entraîné qu'une augmentation du prix de 4.044,00 euros TTC, de sorte qu'ils n'ont pas constitué un bouleversement de l'économie du contrat, susceptible de rendre les maîtres de l'ouvrage responsables de tout ou partie du retard de livraison ».
2/ « L'article 3.1 des conditions générales du contrat de construction énonce que « le maître d'ouvrage devra régler le montant des travaux au fur et à mesure de leur avancement et sous réserve de justification de l'état des travaux, dans les huit jours de la demande qui en sera faite par le constructeur ». L'article 7.6 alinéa 1 ajoute que « le maître d'ouvrage s'il ne respecte pas le délai de paiement fixé à l'article 3.1 des conditions générales devra payer au constructeur une indemnité calculée au taux de 1 % par mois sur les sommes non réglées ». Cette dernière clause étant conforme aux dispositions de l'article R. 231-14 alinéa 2 du code de la construction et de l'habitation, les époux X. ne peuvent prétendre qu'elle constituerait une clause abusive. »
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 1er JUIN 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11/05199 (Rédacteur : Monsieur François BOUYX, Conseiller). Nature de la décision : AU FOND. Décision déférée à la cour : jugement rendu le 12 juillet 2011 (R.G. n° 09/01111) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclarations d'appel des 4 et 29 août 2011.
APPELANTE :
LA SA CAISSE DE GARANTIE IMMOBILIERE DU BÂTIMENT (SA CGI BAT)
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [adresse], Représentée par Maître Michel P. de la SCP MICHEL P., avocat au barreau de BORDEAUX et assistée de Maître Claude V., avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
M. X.
demeurant [adresse]
Mme Y. épouse X.
demeurant [adresse]
Représentés par Maître Luc B. de la SCP LUC B., avocat au barreau de BORDEAUX et assistés de Maître Charlotte DE L. de la SCP G. - L. - DE L. - R., avocat au barreau de BORDEAUX
LA SARL LES CONSTRUCTIONS D'AQUITAINE
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [adresse], et appelante selon déclaration d'appel du 29 août 2017
Représentée par Maître Laurène D'A. de la SCP CLAIRE LE B. & LAURÈNE D'A., avocat au barreau de BORDEAUX et assistée de Maître Hélène T.-C., avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 mars 2017 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Roland POTEE, Président et Monsieur François BOUYX, Conseiller chargé du rapport,
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Monsieur Roland POTEE, Président, Madame Michèle SERRES-HUMBERT, Conseiller, Monsieur François BOUYX, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Nathalie BELINGHERI
ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Selon contrat de construction de maison individuelle du 2 novembre 2004, conclu selon les termes des articles L. 231-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation, c'est-à-dire avec fourniture du plan, les époux X. - Y. ont confié à la société à responsabilité limitée Les Constructions d'Aquitaine (LCA) la construction d'une maison sur un terrain situé commune de [ville C.], moyennant un prix total de 155.567,00 euros TTC, dont 6.000,00 euros de travaux réservés par eux et 149.567,00 euros de travaux à la charge du constructeur, ce dernier montant ayant ultérieurement été porté à la somme de 153.611,00 euros à la suite de la signature de cinq avenants. Par acte sous seing privé du 17 mai 2005, la société anonyme Caisse de garantie immobilière du bâtiment (CGI BAT) s'est portée caution solidaire, en faveur des maîtres de l'ouvrage, de l'exécution par le constructeur de son obligation de livrer les ouvrages dans les conditions convenues. La déclaration d'ouverture de chantier a été signée le 24 août 2005.
La réception des travaux a été prononcée selon procès-verbal du 12 décembre 2006, avec de nombreuses réserves consignées dans un procès-verbal de constat d'huissier dressé le même jour. Par lettres recommandées avec demande d'avis de réception du 14 décembre 2006, les époux X. ont adressé à la société LCA et à la société CGI BAT une liste de 61 réserves, dont ils ont sollicité la levée.
Le 30 mai 2008, se plaignant de ce que, malgré diverses relances, la totalité des réserves n'avait pas été levée et de ce que, par ailleurs, l'immeuble avait été livré avec retard, les maîtres de l'ouvrage ont fait assigner la société CGI BAT en référé, devant le président du tribunal de grande instance de Bordeaux, pour la faire condamner à exécuter les travaux de levée des réserves et à leur payer une provision au titre des pénalités de retard. La société CGI BAT a appelé la société LCA à la cause. Par ordonnance du 22 septembre 2008, le juge des référés a débouté les parties de leurs prétentions, au motif que celles-ci se heurtaient à des contestations sérieuses.
Le 14 janvier 2009, les époux X. ont fait assigner la société CGI BAT au fond devant le tribunal de grande instance de Bordeaux, pour la faire condamner à effectuer les travaux de levée de réserves et à leur payer diverses sommes d'argent au titre des pénalités de retard, du coût de réserves levées par eux-mêmes et de dommages et intérêts. La société CGI BAT, tout en concluant à l'irrecevabilité et, subsidiairement, au mal fondé de ces demandes, a appelé la société LCA en garantie le 23 décembre 2009. La société LCA a conclu au rejet de l'action, mais a sollicité la condamnation des maîtres de l'ouvrage à lui payer le solde du prix des travaux, avec pénalités et intérêts de retard.
Par jugement du 12 juillet 2001, le tribunal, après avoir ordonné la jonction des deux instances, a condamné la société CGI BAT, d'une part à faire exécuter les travaux de levée de réserves, sous astreinte de 300,00 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision, d'autre part à payer aux époux X. les sommes de 5.533,42 euros au titre des pénalités de retard et de 562,92 euros au titre des travaux de levée de réserves financés par eux. Il a débouté les parties du surplus de leurs demandes, ordonné l'exécution provisoire et condamné la société CGI BAT à payer aux maîtres de l'ouvrage une somme de 2.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.
Le 4 août 2011, la société CGI BAT a relevé appel de cette décision. Ce recours a été enrôlée sous le numéro RG 11/5199. Le 29 août 2011, la société LCA a elle-même interjeté appel. Cette procédure a été enrôlée sous le numéro RG 11/55568. Les deux instances ont été jointes, sous le numéro RG 11/5199, par mention au dossier du 8 septembre 2011.
Par ordonnance du 7 novembre 2012, le président de la présente chambre, chargé de la mise en état, a débouté les époux X. d'une demande de radiation de l'affaire, fondée sur l'article 526 alinéa 1 du code de procédure civile et dirigée contre la société CGI BAT, et, faisant droit à une demande reconventionnelle de celle-ci, a ordonné une expertise, confiée à M. C., avec pour mission d'examiner les réserves faites par les époux X. à la réception, de préciser celles qui avaient été levées, en indiquant si la levée avait été le fait du constructeur, du garant ou des maîtres de l'ouvrage, de donner un avis technique sur la contestation par la société CGI BAT ou par la société LCA de certaines des réserves faites par les maîtres de l'ouvrage, d'indiquer, pour les réserves non levées, la nature, la durée et le coût des travaux nécessaires à cette levée, y compris pour les réserve contestées, et, en cas de contestation sur la nature des travaux nécessaires, de procéder à deux évaluations distinctes. Le technicien a déposé un rapport daté du 7 novembre 2015.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La société CGI BAT sollicite, à titre principal, l'infirmation du jugement et sa mise hors de cause, au motif que la défaillance du constructeur, au sens de l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation, s'entend d'une défaillance financière et qu'en l'espèce, la société CGI BAT, qui ne fait l'objet d'aucune procédure collective, est en mesure de lever elle-même les réserves et de régler toute condamnation qui serait prononcée contre elle. A titre subsidiaire, l'appelante prie la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à faire lever des réserves, alors qu'elle conteste l'existence de réserves restant à lever qui ne reposent que sur des allégations des maîtres de l'ouvrage, et de débouter ceux-ci de leur demande de reprise complète des enduits et de réfection complète du carrelage du rez-de-chaussée. Elle réclame également la réformation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer une somme de 5.533,42 euros à titre de pénalités de retard, alors que les avenants au contrat de construction avaient repoussé la date de livraison, de sorte qu'aucune pénalité de retard ne devait être décomptée. Elle conclut encore à la réformation en ce qu'elle a été condamnée à payer une somme de 562,92 euros au titre du coût des travaux de levée de réserves financés par les époux X., en soutenant qu'aucune somme n'avait à être remboursée à ceux-ci, en raison d'appels de fonds non réglés, d'une retenue de garantie opérée par eux et d'une franchise contractuelle de 5 %. Elle prie enfin la cour, sur le fondement des dispositions de l'article 26 de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, de réformer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de garantie dirigée contre la société la société LCA et de condamner celle-ci à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre, en principal, frais et accessoires. Elle conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté les maîtres de l'ouvrage d'une demande de dommages et intérêts pour préjudice moral. En toute hypothèse, elle sollicite la condamnation de toute partie succombante à lui payer une somme de 4.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.
Les époux X. soutiennent, d'une part que la défaillance du constructeur est caractérisée par le fait que celui-ci n'a pas exécuté ses obligations, d'autre part que l'existence de réserves non levées est établie par le rapport de l'expert judiciaire. Ils concluent en conséquence à la confirmation du jugement en ce qui concerne la levée des réserves, demandant à titre principal à la cour de condamner la société CGI BAT à faire exécuter les travaux nécessaires sous astreinte de 300,00 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement. A titre subsidiaire, ils sollicitent sa condamnation à leur payer une somme de 93.085,34 euros, avec intérêts à compter du jugement, correspondant aux travaux nécessaires et se décomposant ainsi :
- 56.806,73 euros TTC au titre des travaux retenus par l'expert
- 20.298,30 euros TTC au titre de la reprise des enduits
- 15.931,11 euros TTC au titre de la réfection du carrelage du rez-de-chaussée.
A titre très subsidiaire, ils réclament la somme de 56.806,73 euros TTC retenue par l'expert, avec intérêts à compter du jugement. Dans tous les cas, ils sollicitent en outre les sommes de 5.576,00 euros au titre des pénalités de retard et de 562,92 euros au titre des travaux de levée de réserves financés par eux. Relevant appel incident de la disposition du jugement ayant rejeté leur demande de dommages et intérêts, ils prient la cour de condamner la société CGI BAT à leur payer une somme de 35.000,00 euros en indemnisation du préjudice subi du fait du refus d'exécution des prévisions contractuelles et du défaut de levée des réserves. En tout état de cause, ils concluent à la confirmation du rejet des demandes reconventionnelles de la société LCA et réclament la condamnation de la société CGI BAT à leur payer une somme de 10.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens.
La société LCA demande à la cour de déclarer les époux X. irrecevables et mal fondés en leurs demandes dirigées contre la société CGI BAT et, partant, cette société irrecevable et mal fondée en son action en garantie à son encontre. Plus précisément, elle sollicite le rejet de la demande de levée de réserves sous astreinte et des demandes en paiement de pénalités de retard et de dommages et intérêts. A titre subsidiaire, en cas de confirmation du jugement, elle prie la cour de dire que la société CGI BAT n'a pas de recours à son encontre, et de la débouter de son action en garantie. Elle représente sa demande reconventionnelle, en priant la cour de constater, au visa des articles 954 et 910 du code de procédure civile, que les époux X. ne se sont pas opposés à cette demande en première instance ni dans un délai de deux mois en cause d'appel, de les déclarer par suite irrecevables en leur moyens, et de les condamner in solidum à lui payer, d'une part une somme de 5.961,07 euros, avec intérêts de droit à compter de l'appel de fonds, correspondant au solde restant dû sur l'avant-dernier appel de fonds et les avenants, d'autre part une somme de 7.470,35 euros, avec intérêts de droit compte tenu de la levée des réserves, enfin une somme de 15.589,12 euros au titre de pénalités de retard sur ces sommes, sauf à parfaire, ceci avec intérêts de droit. En toute hypothèse, elle réclame la condamnation des maîtres de l'ouvrage à lui payer une somme de 10.000,00 euros sur la base de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DISCUSSION :
1°/ Sur l'action principale des époux X. :
a) Sur la recevabilité :
1. La société CGI BAT conclut à l'irrecevabilité de l'action des époux X. en faisant valoir que l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation énonce que la garantie de livraison est due « en cas de défaillance du constructeur ». Elle soutient que cette défaillance est nécessairement financière et qu'elle n'est caractérisée que dans l'hypothèse de l'ouverture d'une procédure collective, mettant le constructeur dans l'impossibilité de reprendre ou d'achever les travaux ou de régler le montant des pénalités de retard. Elle en conclut que dans la mesure où, en l'espèce, la société LCA est toujours « in bonis », elle-même n'a pas lieu d'intervenir. Au soutien de sa thèse, elle produit de nombreuses décisions de juges des référés, de tribunaux de grande instance et de cours d'appel ayant mis un garant hors de cause, faute de preuve de l'ouverture d'une procédure collective à l'égard du constructeur.
S'il est exact que l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation ne définit pas la notion de « défaillance du constructeur » énoncée dans son paragraphe I alinéa 2, qui conditionne l'intervention du garant, il prévoit cependant, dans son paragraphe II alinéa 3, des règles particulières dans l'hypothèse où le constructeur fait l'objet d'une procédure collective : « Au cas où, en cours d'exécution des travaux, le constructeur fait l'objet des procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire prévues par le code de commerce, le garant peut mettre en demeure l'administrateur de se prononcer sur l'exécution du contrat conformément à l'article L. 621-28 dudit code. A défaut de réponse dans le délai d'un mois et sans que ce délai puisse être prorogé pour quelque raison que ce soit, le garant procède à l'exécution de ses obligations. Il y procède également dans le cas où, malgré sa réponse positive, l'administrateur ne poursuit pas l'exécution du contrat dans les quinze jours qui suivent sa réponse ».
Le fait que l'article L. 231-6 ait prévu des règles particulières dans l'hypothèse de l'ouverture d'une procédure collective démontre que celle-ci n'est pas une condition nécessaire de la « défaillance » du constructeur, mais seulement un cas particulier de défaillance. Ceci se trouve confirmé par le paragraphe III alinéa 1, aux termes duquel « dans les cas prévus au paragraphe II ci-dessus et faute pour le constructeur ou l'administrateur de procéder à l'achèvement de la construction, le garant doit désigner sous sa responsabilité la personne qui terminera les travaux ». Cette disposition énonce clairement que le garant doit intervenir « faute pour le constructeur ou l'administrateur » d'achever l'immeuble, c'est-à-dire même si une procédure collective n'a pas été ouverte, dès lors que le constructeur ne termine pas la construction. Il s'en déduit que la « défaillance », au sens du texte, s'entend d'un défaut d'exécution de ses obligations contractuelles par le constructeur, pour quelque cause que ce soit. Il apparaît ainsi que les décisions de justice dont se prévaut la société CGI BAT ajoutent une condition non prévue par l'article L. 231-6 et même exclue par l'ensemble de sa rédaction. Il résulte de ce qui précède, que, comme l'a justement estimé le tribunal, les époux X. étaient recevables à agir contre le garant et que la fin de non-recevoir opposé par celui-ci n'est pas fondée.
2. La société LCA conclut également à l'irrecevabilité de l'action des époux X. contre la société CGI BAT, au motif que les intéressés n'ont engagé aucune action contre elle-même sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, garantie pour laquelle ils sont désormais forclos.
Cependant, l'exercice d'une action contre le constructeur, sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, ne constitue pas un préalable obligatoire à une action contre le garant de livraison. En cas d'inexécution des obligations du constructeur, le maître de l'ouvrage a le choix d'agir contre celui-ci ou contre le garant. Par ailleurs, l'expiration du délai annal de mise en œuvre de la garantie de parfait achèvement laisse subsister la responsabilité contractuelle des constructeurs pour les désordres réservés durant ce délai et non réparés par la suite (Cour de cassation, 3e chambre civile, du 13 décembre 1995, pourvoi n° 92-11637). Il s'ensuit que les fins de non-recevoir opposées par la société LCA ne sont pas fondées.
b) Sur le fond :
1 - Sur la levée des réserves :
1. L'expert judiciaire a décrit et examiné les 61 réserves dénoncées par les époux X. Il a indiqué que deux d'entre elles, les n° 25 et 61, faisaient double emploi, ce qui ramenait le total à 60 réserves utiles. Il a constaté que sur ce nombre, 32 avaient été levées par la société LCA et 7 par les maîtres de l'ouvrage, de sorte que 21 demeuraient en débat. Il a noté que la réserve n° 4 (réglage de tous les volets roulants) avait été partiellement levée, sauf pour la cuisine, mais que la société LCA avait déclaré que cette réserve était « facile à lever » (page 11 du rapport d'expertise). Il a précisé que les 20 dernières réserves étaient toutes contestées par le constructeur. Il a donné son avis sur chacune, en refusant d'en retenir certaines pour diverses raisons et en expliquant que pour les autres, la levée était soit techniquement possible au moyen de travaux, soit impossible et qu'alors il pouvait seulement y avoir lieu à une compensation financière qu'il a évaluée. Au terme de son examen, il a retenu un montant total de levée des réserves s'élevant à la somme de 54.866,85 euros TTC se décomposant comme suit :
- 49.597,03 euros TTC : réserves à lever (travaux + dédommagements + un mois de loyer)
- 4.707,70 euros TTC : honoraires de maîtrise d'œuvre sur montant des travaux
- 562,12 euros TTC : réserves levées par les maîtres de l'ouvrage.
Dans la mesure où il avait reçu pour mission de procéder à des évaluations distinctes en cas de contestation sur la nature des travaux, le technicien a en outre évalué le coût de travaux réclamés par les maîtres de l'ouvrage, mais qu'il n'estimait pas nécessaires, à savoir deux solutions pour les enduits extérieurs, soit une réfection complète pour un montant de 21.128,80 euros TTC, soit une reprise seulement esthétique pour un montant de 11.211,20 euros TTC, et le coût de la réfection complète du carrelage du rez-de-chaussée pour un prix de 15.931,11 euros TTC.
Dans le dispositif de ses dernières écritures, la société CGI BAT indique qu'elle « conteste l'existence même de réserves restant à lever ». Toutefois, dans les motifs de ces mêmes conclusions, elle précise qu'elle « n'entend formuler d'observations sur l'état de levée des réserves, ni sur le montant proposé par l'expert judiciaire » (page 13, paragraphe 1), mais qu'elle s'oppose seulement aux travaux de reprises demandés par les époux X. et non retenus par le technicien, ainsi qu'aux réserves levées par les intéressés. De son côté, la société LCA expose qu'elle a levé les réserves lorsqu'elles étaient justifiées et qu'il était possible de le faire. Elle soutient que les demandes actuelles ne sont pas fondées.
2. Il ressort clairement des constatations de l'expert judiciaire que chacune des réserves dénoncées par les époux X. correspondait à un problème réel, même si le technicien ne les a pas toutes retenues. Dans la mesure où, à ce stade des débats, la société CGI BAT ne fait plus porter sa contestation que sur deux points et où la société LCA se borne à de simples dénégations de principe, contredites par le rapport d'expertise, il n'y a pas lieu d'examiner chacune des réserves initialement contestées, mais seulement celles pour lesquelles les époux X. sollicitent des travaux non retenus par l'expert.
La première de ces réserves concerne l'enduit extérieur qui présente des taches claires, et des griffures multiples. Ces défauts ont été constatés lors de la réception du 12 décembre 2006 et consignés à la page 6 du constat d'huissier établi le même jour. Ils ont été dénoncés comme réserve n° 57 dans la lettre adressée le 14 décembre 2008 au constructeur et au garant. L'expert a indiqué qu'ils n'étaient pas une réserve à retenir, car ils ne constituaient qu'un problème esthétique (page 25 de son rapport). Il a ajouté qu'une réfection complète ne lui paraissait pas nécessaire, dans la mesure où l'enduit était opérationnel et adhérant et où il conservait son rôle d'étanchéité de la façade (idem, page 29). La cour fera sien ce dernier avis. Pour autant, s'agissant d'un immeuble neuf, la société LCA avait l'obligation de réaliser un enduit extérieur sans défaut esthétique. La réserve formée par les maîtres de l'ouvrage était donc justifiée en son principe. En conséquence, il convient de retenir, pour sa levée, les travaux de reprise esthétique préconisés par le technicien et consistant « à conserver l'enduit actuel et à y rapporter une couche de finition grattée en 2 passes pour 11.211,20 euros TTC, compris protection, nettoyage, et repli du matériel » (page 30 de son rapport).
La deuxième réserve est relative au carrelage du rez-de-chaussée, dont un carreau présente un éclat et quatre sonnent creux. Ces défauts ont été constatés lors de la réception du 12 décembre 2006 et le premier d'entre eux a été consigné à la page 5 du constat d'huissier établi le même jour. Ils ont été dénoncés comme réserves n° 12 (carreau endommagé) et 13 (carreaux sonnant creux) dans la lettre adressée le 14 décembre 2008 au constructeur et au garant. La société LCA a indiqué qu'elle ne pouvait lever ces réserves, car le type de carreaux employés n'était plus disponible. L'expert a admis la première réserve, au motif que l'éclat affectant un carreau entraînait un préjudice esthétique, mais non la seconde, car il n'a constaté ni fissuration, ni désaffleurement pouvant blesser (page 13 de son rapport). Il a ajouté que le même carrelage ayant été posé dans tout le rez-de-chaussée de l'immeuble, la reprise intégrale, sollicitée par les époux X., ne se justifiait pas, et il a proposé d'indemniser le dommage esthétique par l'allocation du coût de remplacement d'un carreau du même type que celui endommagé, soit une somme de 50,00 euros TTC, qu'il a incluse dans le total de 49.597,03 euros TTC (idem, pages 13 et 26). La cour fera sienne son analyse et déboutera les maîtres de l'ouvrage de leur demande de réfection de la totalité du carrelage pour un coût de 15.931,11 euros TTC, qui excède leur préjudice.
Les époux X. sollicitent à titre principal la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société CGI BAT à faire exécuter, sous astreinte, les travaux de levée des réserves, et ne réclament des dommages et intérêts qu'à titre subsidiaire. S'agissant, pour la garant, d'une obligation de faire, consistant, selon l'article L. 231-6 III du code de la construction et de l'habitation, à désigner une personne chargée d'achever les travaux, les maîtres de l'ouvrage sont en droit d'exiger à titre principal une exécution en nature, qui est la règle pour ce type d'obligation. Il y a donc lieu de confirmer le jugement sur ce point, sauf à préciser, pour éviter toute difficulté d'exécution, que les travaux de levées des réserves restant à accomplir sont ceux décrits aux pages 26 à 28 du rapport de l'expert judiciaire (paragraphes 6.1, 6.2 et 6.4 à 6.11), outre la reprise esthétique des enduits décrite à la page 30 (paragraphe 6.14.2).
3. Le technicien a par ailleurs indiqué que les époux X. avaient levé eux-mêmes les réserves n° 38, 43 et 51, et qu'ils avaient exposé à cette occasion des frais pour un montant total de 562,12 euros TTC, correspondant à la fourniture et à la pose, respectivement, d'une trappe de visite du vide sanitaire dans le garage (232,02 euros TTC), de clefs pour la porte du cellier (90,90 euros TTC) et d'un fourreau d'eau en attente à l'extérieur (239,20 euros TTC). Le tribunal a condamné le garant à leur payer une somme de 562,92 euros, légèrement supérieure à celle retenue par le technicien, car il a admis que sur une facture du 14 décembre 2006, les maîtres de l'ouvrage avaient réglé une somme de 240,00 euros TTC pour la fourniture et la pose du fourreau d'eau (pièce 16 des intimés).
La société CGI BAT sollicite la réformation du chef de cette condamnation, en faisant valoir que les époux X., qui n'ont pas réglé le dernier appel de fonds, d'un montant de 27.996,33 euros TTC, et qui ont consigné le jour de la réception une retenue de garantie de 5 %, s'élevant à 7.478,35 euros TTC, demeurent débiteurs envers le constructeur et disposent de fonds leur permettant de financer la levée des réserves. Elle ajoute que l'acte de cautionnement du 17 mai 2005 prévoit une franchise de 5 % avant toute intervention financière du garant et qu'en l'espèce, cette franchise, d'un montant de 7.478,35 euros, est supérieure aux frais de levée de réserves exposés par les maîtres de l'ouvrage.
Cependant, les époux X. justifient avoir réglé l'appel de fonds de 27.996,33 euros, par remise d'un chèque du même montant au représentant de la société LCA le jour de la réception, ainsi que l'huissier de justice l'a noté dans son procès-verbal du 12 décembre 2006 (pages 6 et 7 de ce document), étant précisé que cette somme a été débitée de leur compte bancaire le 18 décembre 2006 (leur pièce 23). Par ailleurs, le montant de la retenue de garantie a été consigné par eux le 8 janvier 2007 à la Caisse des dépôt et consignations, de sorte que ces fonds ne sont pas disponibles. Enfin, s'il est exact que l'article 1er des conditions générales de l'acte de cautionnement du 17 mai 2005 énonce que « l'engagement de la Caisse de garantie est limité : - d'une part, aux dépassement de prix excédant 5 % du prix garanti de la construction », il n'en demeure pas moins qu'en l'espèce, les maîtres de l'ouvrage ne demandent pas au garant de prendre en charge un dépassement du prix convenu, mais seulement de leur rembourser les frais qu'ils ont exposés pour la levée de trois réserves. La franchise contractuelle n'est pas applicable à une telle réclamation, étant d'ailleurs souligné que la société CGI BAT ne la leur oppose pas dans le cadre de leur demande de levée des autres réserves. Il s'ensuit que les moyens de l'appelante ne sont pas fondés. Il y a donc lieu de confirmer le jugement en sa disposition critiquée.
2 - Sur les pénalités de retard :
Les époux X. exposent que l'immeuble devait être livré dans les douze mois de la déclaration d'ouverture de chantier, que celle-ci est datée du 24 août 2005, mais que la réception a été prononcée le 12 décembre 2006, soit avec un retard de 111 jours. Ils sollicitent en conséquence la condamnation du garant à leur payer des pénalités de retard d'un montant de 5.576,00 euros. La société CGI BAT conclut à la réformation du jugement en ce qu'il a fait droit à cette demande, en faisant valoir que le contrat de construction prévoyait une prorogation du délai d'un mois pour tous travaux supplémentaires convenus par avenant et qu'en l'espèce, cinq avenants ont été signés, ce qui a reporté la date de livraison au 24 janvier 2007, de sorte qu'aucune pénalité de retard n'est due. La société LCA conclut dans le même sens, en ajoutant que la jurisprudence met le retard à la charge du maître de l'ouvrage lorsque celui-ci est à l'origine d'une modification importante des prestations contractuelles.
Il est stipulé dans les conditions particulières du contrat de construction que la durée d'exécution des travaux sera de douze mois « à compter du paiement du 1er appel de fonds ». Les parties ne font pas connaître la date à laquelle ce paiement a eu lieu en l'espèce, mais elles sont toutes d'accord pour admettre que l'immeuble devait contractuellement être livré le 24 août 2006 au plus tard, date qui sera en conséquence retenue par la cour. Par ailleurs, l'article 4.3 in fine des conditions générales du contrat de construction énonce que « le délai de construction sera prorogé d'un mois pour tous travaux supplémentaires prévus par avenant établi après la date de signature du contrat ». Cependant l'article L. 231-3 du code de la construction et de l'habitation répute non écrite toute clause d'un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture du plan ayant pour objet, notamment, « d) de décharger le constructeur de son obligation d'exécuter les travaux dans les délais prévus par le contrat en prévoyant notamment des causes légitimes de retard autres que les intempéries, les cas de force majeure et les cas fortuits ». Il s'ensuit que, comme le font justement valoir les époux X., l'article 4.3 in fine du contrat de construction doit être réputé non écrit. Enfin, les cinq avenants litigieux, dont les trois premiers ont été signés avant le début des travaux, n'ont apporté que des modifications banales aux prestations convenues, n'ayant entraîné qu'une augmentation du prix de 4.044,00 euros TTC, de sorte qu'ils n'ont pas constitué un bouleversement de l'économie du contrat, susceptible de rendre les maîtres de l'ouvrage responsables de tout ou partie du retard de livraison.
Il résulte de ce qui précède que l'immeuble devait être livré le 24 août 2006 au plus tard. Dans la mesure où il l'a été le 12 décembre 2006, la preuve d'un retard de 110 jours se trouve rapportée. L'article 7.5 des conditions générales du contrat de construction édicte que « le constructeur devra une indemnité en cas de retard dans la livraison, pour d'autres raisons que celle prévues à l'article 3, égale au prix convenu de la construction multiplié par le nombre de jours calendaires de retard et divisé par 3.000 ». En application de cette clause, le montant de l'indemnité de retard doit être fixé à la somme de 5.632,40 euros (153.611,00 euros x 110 : 3.000).
L'article L. 231-6 I alinéa 2 du code de la construction et de l'habitation dispose qu’« en cas de défaillance du constructeur, la garant prend à sa charge : (...) c) les pénalités forfaitaires prévues au contrat en cas de retard de livraison excédant trente jours ». En l'espèce, le retard de livraison excédant trente jours, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société CGI BAT à payer aux époux X. une somme de 5.533,42 euros au titre des pénalités de retard, et de condamner cette société au paiement d'une somme complémentaire de 98,98 euros (5.632,40 euros – 5.533,42 euros).
3 - Sur les dommages et intérêts :
Il résulte de l'article L. 231-6 I et II du code de la construction et de l'habitation que lorsque le garant constate que les travaux nécessaires à la levée des réserves formulées à la réception ne sont pas réalisés, il met en demeure sans délai le constructeur d'exécuter les travaux et que faute par celui-ci de procéder à l'achèvement de la construction, il désigne la personne qui achèvera les travaux. En l'espèce, bien que la société CGI BAT ait été avisée par lettre du 14 décembre 2006 des réserves formulées à la réception, puis, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 13 mars 2007, de l'absence de levée de certaines d'entre elles, elle n'a pas exécuté ses obligations. Il s'ensuit qu'à ce jour, plus de dix ans après la réception et malgré l'exécution provisoire dont le jugement était assortie, près de vingt réserves ne sont toujours pas levées, dont certaines importantes pour la vie quotidienne ou la sécurité des maîtres de l'ouvrage, telles que l'escalier, inadapté et affecté de nombreuses malfaçons, qui doit faire l'objet d'une réfection totale (réserve n° 11), la douche du rez-de-chaussée dont l'eau s'écoule mal et qui doit être refaite à l'identique (réserve n° 33), ou l'absence de chevêtre de charpente autour du conduit de la cheminée qui ne respecte pas totalement la protection au feu (réserve n° 50).
Les époux X. soutiennent avec raison que l'inexécution prolongée des obligations du garant ne leur a pas permis de profiter de leur habitation « en bon père de famille » et leur a occasionné de nombreux soucis, leur causant ainsi un préjudice distinct du retard dans la livraison, indemnisé par les pénalités de retard, et des frais irrépétibles qu'ils ont dû exposer, qui seront réparés par l'allocation d'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La cour dispose des éléments suffisants pour évaluer leur dommage à la somme de 10.000,00 euros. Il convient en conséquence de réformer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts et de leur accorder une indemnité du montant précité.
2° / Sur l'action en garantie de la société CGI BAT :
La société CGI BAT prie la cour de condamner la société LCA à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre elle. Elle se fonde sur une convention de garantie qu'elle a conclue avec cette société le 22 janvier 2003 et sur les dispositions de l'article 26 de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010. La société LCA fait valoir que la loi précitée n'est pas applicable aux contrats antérieurs à sa promulgation et que, pour le surplus, le garant de livraison, qui remplit une obligation personnelle et s'acquitte d'une dette qui lui est propre, ne dispose, contre le constructeur, ni des actions récursoires prévues par les articles 2305 et 2306 du code civil, ni du recours subrogatoire de l'article 1251-3° du même code. Elle conclut en conséquence à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la société CGI BAT de sa demande de garantie.
L'article 1251 du code civil dispose que « la subrogation a lieu de plein droit : (...) 3° au profit de celui qui, étant tenu avec d'autres ou pour d'autres au paiement de la dette, avait intérêt de l'acquitter ». L'article 26 de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, portant réforme du crédit à la consommation, a créé l'article L. 443-1 du code des assurances, texte selon lequel « les entreprises d'assurance habilitées à pratiquer les opérations de caution ayant fourni un cautionnement, un aval ou une garantie, que ces derniers soient d'origine légale, réglementaire ou conventionnelle, disposent de plein droit et dans tous les cas d'un recours contre le client donneur d'ordre de l'engagement, ses coobligés et les personnes qui se sont portées caution et, pour les paiements effectués au titre de leur engagement, de la subrogation dans les droits du créancier prévue au 3° de l'article 1251 du code civil ». La Cour de cassation a dit que l'article L. 443-1 avait un caractère interprétatif (Cour de cassation, 3e chambre civile, du 12 septembre 2012, pourvoi n° 11-13309). En effet, cet article a mis fin à la jurisprudence antérieure qui refusait tout recours subrogatoire au garant de livraison, au motif qu'il n'avait fait qu'exécuter une obligation personnelle.
Par dérogation au principe de non-rétroactivité des lois énoncé à l'article 2 du code civil, une loi interprétative s'applique immédiatement aux situations en cours, notamment aux situations contentieuses non encore résolues par une décision ayant acquis force de chose jugée. Tel étant le cas en l'espèce et l'article L. 443-1 du code des assurances étant venu mettre un terme à la jurisprudence antérieure à laquelle se réfère la société LCA, il convient de constater que la société CGI BAT bénéficie de plein droit contre cette société du recours subrogatoire prévu par l'article 1251-3° du code civil. En conséquence, et sans qu'il y ait lieu d'examiner la convention de garantie du 22 janvier 2003, qui n'est d'ailleurs pas versée aux débats, il convient de réformer le jugement en ce qu'il a débouté le garant de son action en garantie et d'y faire droit, sauf cependant en ce qui concerne la condamnation au paiement de dommages et intérêts, laquelle sanctionne une faute personnelle du garant de livraison dans l'exécution de ses obligations et ne saurait lui ouvrir une action contre le constructeur.
3°/ Sur les demandes reconventionnelles de la société LCA :
1. A titre liminaire, la société LCA soutient que les époux X. sont irrecevables en leur contestation de ses demandes reconventionnelles, au motif qu'ils ne se sont pas opposés à ces demandes en première instance et que devant la cour, ils n'ont pas répliqué à ces prétentions dans le délai de deux mois prévu à l'article 910 du code de procédure civile et, en méconnaissance des dispositions de l'article 954 du même code, n'ont pas conclu au rejet desdites prétentions dans le dispositif de leurs conclusions.
S'il est exact qu'en première instance, les époux X. n'ont pas conclu en réponse aux demandes reconventionnelles présentées à leur encontre par la société LCA dans ses conclusions signifiées et déposées le 23 juin 2010, ils n'en sont pas moins recevables à conclure au rejet de ces demandes devant la cour, un tel moyen de défense constituant une défense au fond et les défenses au fond pouvant être proposées « en tout état de cause », ainsi qu'il est dit à l'article 72 du code de procédure civile. Par ailleurs, devant la cour, les époux X. ont conclu pour la première fois au rejet des demandes reconventionnelles de la société LCA dans des conclusions signifiées et déposées le 10 octobre 2011, soit dans les deux mois des premières conclusions du constructeur, qui avaient été signifiées à leur avoué le 31 août 2011, de sorte qu'ils ont respecté le délai prévu à l'article 909 (et non pas 910) du code de procédure civile. Enfin, s'il est vrai qu'ils n'ont pas expressément récapitulé, dans le dispositif de ces premières conclusions, la demande de rejet qu'ils avaient développée dans les motifs, ils ont néanmoins conclu, dans ce dispositif, à la confirmation du jugement qui avait rejeté les demandes adverses, ce qui revenait au même. En toute hypothèse, dans leurs conclusions ultérieures, et en particulier dans leurs dernières écritures, notifiées et remises par voie électronique le 2 mars 2017, ils ont expressément conclu, dans le dispositif, au rejet des demandes reconventionnelles de la société LCA. Il s'ensuit que les fins de non-recevoir opposées par celle-ci ne sont pas fondées.
2. Sur le fond, la société LCA sollicite d'abord la condamnation in solidum des époux X. à lui payer une somme de 5.961,07 euros, correspondant au solde restant dû sur l'avant-dernier appel de fonds et sur les avenants, ce montant ayant été indûment retenu par les maîtres de l'ouvrage, au-delà de la retenue égale à 5 % du prix convenu, autorisée par l'article R. 231-7 II alinéa 2 du code de la construction et de l'habitation, ceci avec intérêts de droit, c'est-à-dire avec des intérêts au taux contractuel de 1 % par mois de retard.
Les époux X. ne contestent pas avoir retenu la somme précitée, en sus de la retenue de garantie légale de 5 %, mais expliquent avoir agi ainsi pour opérer « une compensation entre les pénalités de retard contractuellement dues et le solde de l'avant-dernier appel de fonds, les sommes étant similaires » (pages 31, dernier paragraphe, de leurs dernières écritures). Dans l'hypothèse où la cour condamnerait le garant à leur régler les pénalités de retard, ils s'engagent à verser à la société LCA le montant ainsi retenu. En revanche, ils s'opposent au paiement des intérêts sollicités par le constructeur, qui constituent des pénalités de retard prévues au contrat de construction, en faisant valoir que la somme qu'ils ont retenue a fait l'objet d'une compensation avec les pénalités de retard à la livraison dues par leur adversaire et que la clause prévoyant des pénalités de retard à la charge du maître de l'ouvrage doit être considérée comme abusive.
Les époux X. ne contestent, ni être débiteurs de la somme de 5.961,07 euros, ni avoir retenu cette somme en sus de la garantie légale de 5 % prévue par le code de la construction et de l'habitation. Dans la mesure où ils n'ont pas réclamé le paiement des pénalités de retard au constructeur mais au garant de livraison, ils ne peuvent se prévaloir de l'extinction de leur obligation par l'effet d'une compensation entre le montant retenu et celui des pénalités pour retard dans la livraison. Leur dette est donc exigible et la demande en paiement de la société LCA apparaît fondée en ce qui concerne le principal. Il y a donc lieu réformer le jugement en ce qu'il a débouté le constructeur de ses demandes reconventionnelles et de condamner les époux X. à lui payer la somme de 5.961,07 euros.
L'article 3.1 des conditions générales du contrat de construction énonce que « le maître d'ouvrage devra régler le montant des travaux au fur et à mesure de leur avancement et sous réserve de justification de l'état des travaux, dans les huit jours de la demande qui en sera faite par le constructeur ». L'article 7.6 alinéa 1 ajoute que « le maître d'ouvrage s'il ne respecte pas le délai de paiement fixé à l'article 3.1 des conditions générales devra payer au constructeur une indemnité calculée au taux de 1 % par mois sur les sommes non réglées ». Cette dernière clause étant conforme aux dispositions de l'article R. 231-14 alinéa 2 du code de la construction et de l'habitation, les époux X. ne peuvent prétendre qu'elle constituerait une clause abusive. Par ailleurs, ils ne sont pas fondés à soutenir que leur dette en principal aurait été éteinte par l'effet de la compensation, ainsi qu'il vient d'être dit. En conséquence, la demande en paiement de l'indemnité contractuelle de retard est fondée. Cette indemnité sera accordée à compter de la réception, date de la retenue indue.
3. La société LCA prie ensuite la cour de condamner in solidum les maîtres de l'ouvrage à lui payer la somme de 7.470,35 euros, correspondant à la retenue de garantie de 5 %, avec intérêts de droit. Les époux X. concluent au rejet de cette prétention.
L'article R. 231-7 II 2 alinéa 2 du code de la construction et de l'habitation autorise le maître de l'ouvrage, dans le cas où des réserves sont formulées, à consigner une somme au plus égale à 5 % du prix convenu, « jusqu'à la levée des réserves ». En l'espèce, les époux X., qui ont formulé de nombreuses réserves lors de la réception, étaient en droit de retenir une somme de 7.680,55 euros au plus (153.611,00 euros x 5 %). Ils justifient avoir consigné une somme de 7.189,65 euros le 8 janvier 2007 à la Caisse des dépôts et consignations (leur pièce 22). Cette retenue, conforme aux dispositions précitées, peut rester consignée jusqu'à la levée des réserves. Celle-ci n'étant pas intervenue à la date du présent arrêt, la retenue de garantie n'est pas actuellement exigible. Il s'ensuit que la société LCA ne peut en réclamer le paiement, pas plus que celui d'intérêts contractuels sur son montant. Il convient de le constater.
4 - La société LCA demande enfin à la cour de condamner in solidum les époux X. à lui payer une somme de 15.589,12 euros, représentant le montant des pénalités contractuelles de retard arrêté au 31 mars 2016, sauf à parfaire, en indiquant que les intéressés ont toujours réglés les appels de fonds avec retard. Les intimés concluent au rejet de cette prétention, au motif qu'il n'est pas démontré que la date des appels de fonds ait correspondu à l'avancement des travaux et que certains de ces appels ont été faits de manière anticipée.
A l'appui de sa demande, la société LCA produit des décomptes établis par elle-même qui, comme tels, sont dépourvus de toute valeur probante. Par ailleurs, elle ne justifie pas de la date de la réception des appels de fonds par les maîtres de l'ouvrage. Enfin, il résulte des documents versés aux débats que le 21 juillet 2006, elle a adressé aux intéressés un appel de fonds intitulé « 95 % Travaux Equipements » qui ne correspondait manifestement pas à l'état d'avancement du chantier, puisque l'immeuble n'a été livré que le 12 décembre 2006, soit près de cinq mois plus tard. Dans ces conditions, la demande de pénalités de retard n'est justifiée ni dans son principe, ni dans son montant. Il y a lieu de la rejeter.
4° / Sur les dépens et les frais irrépétibles :
La société CGI BAT et la société LCA succombant en l'essentiel de leurs prétentions, elles seront condamnées aux dépens de leurs appels respectifs.
Il serait inéquitable que les époux X. conservent à leur charge la totalité des frais irrépétibles exposés par eux devant la cour. Il convient de faire droit à leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et dirigée contre le seul garant de livraison. En revanche, aucune considération tirée de l'équité ne commande de faire droit aux autres demandes formées en application du texte précité. Elles seront rejetées.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour ;
Reçoit la société CGI BAT et la société LCA en leurs appels, ainsi que les époux X. en leur appel incident ;
Déclare la société CGI BAT et la société LCA non fondées en leurs fins de non-recevoir opposées aux époux X. ; les en déboute ;
Déclare les époux X. recevables en leur action à l'encontre de la société CGI BAT ;
Confirme le jugement rendu le 12 juillet 2011 par le tribunal de grande instance de Bordeaux, sauf en ce qu'il a débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
Réforme sur ce point et, statuant à nouveau :
Condamne la société CGI BAT à payer aux époux X. une somme de 10.000,00 euros à titre de dommages et intérêts ;
Déclare la société CGI BAT recevable en son action en garantie dirigée contre la société LCA ;
Condamne la société LCA à relever indemne la société CGI BAT de toutes les condamnations en principal, intérêts, frais irrépétibles et dépens prononcées contre elle tant dans le jugement confirmé que dans le présent arrêt, à l'exception de la condamnation au paiement de la somme de 10.000,00 euros à titre de dommages et intérêts ;
Condamne in solidum les époux X. à payer à la société LCA la somme de 5.961,07 euros, solde restant dû sur l'avant-dernier appel de fonds et sur les avenants, cette somme avec intérêts au taux contractuel de 1 % par mois à compter du 12 décembre 2006 ;
Constate que la somme de 7.189,65 euros retenue par les époux X. au titre de la retenue légale de garantie n'est pas exigible et que la société LCA ne peut en solliciter actuellement le paiement, ni celui de pénalités de retard sur son montant ;
Déboute la société LCA du surplus de sa demande de pénalités de retard ;
Ajoutant au jugement :
Dit que les travaux de levées de réserves restant à accomplir sont ceux décrits par l'expert judiciaire François C. aux pages 26 à 28 de son rapport du 7 novembre 2015 (paragraphes 6.1, 6.2 et 6.4 à 6.11), outre la reprise esthétique des enduits décrite à la page 30 du même rapport (paragraphe 6.14.2) ;
Condamne la société CGI BAT à payer aux époux X. une somme de 98,98 euros, à titre de complément des pénalités de retard ;
Déboute les époux X. du surplus de leurs demandes ;
Condamne la société CGI BAT à payer aux époux X. une somme de 10.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette les autres demandes formées en application du texte précité ;
Condamne la société CGI BAT et la société LCA aux dépens de leurs appels respectifs, et dit qu'ils pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Signé par Monsieur Roland Potée, président, et par Madame Nathalie Belingheri, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président
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