CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 28 juin 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 6978
CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 28 juin 2017 : RG n° 17/02015 ; arrêt n° 513/2017
Publication : Jurica
Extrait : « Il convient de préciser que les conditions posées par les articles 808 et 809 du code de procédure civile constituent des conditions qui portent sur les pouvoirs mêmes du juge des référés en tant que juridiction et non sur sa compétence. En conséquence, la Cour doit apprécier si le juge des référés a le pouvoir de statuer sur les demandes formulées par la société MIB et la Cour doit se placer au jour où elle rend sa décision.
Le litige qui oppose les parties porte sur un contrat de partenariat signé le 17 juillet 2013.L'interprétation d'un contrat suppose l'appréciation d'un ensemble d'éléments intrinsèques mais aussi extrinsèques factuels susceptibles de révéler l'intention des parties, ce qui s'apparente à l'appréciation de l'ensemble du litige et donc du fond de celui-ci.
Par ailleurs, la nullité de ce contrat a été sollicitée dans le cadre d'une action, dont le juge des référés n'a pas le pouvoir d'apprécier ni pertinence, ni le bien fondé, portée devant le Tribunal de Grande Instance de Nancy, par la société SARPLAST. Cette action retire toute notion d'évidence, à la demande en paiement présentée par l'EURL MIB et les contestations présentées par la société SARPLAST contre la demande en paiement de l'EURL MIB, constituent des contestations sérieuses, compte tenu des éléments précités. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRÊT DU 28 JUIN 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 1 A 17/02015. Arrêt n° 513/2017. Décision déférée à la Cour : 25 avril 2017 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE A COMPÉTENCE COMMERCIALE DE MULHOUSE.
APPELANTE :
SAS SARPLAST INDUSTRIE
prise en la personne de son représentant légal [adresse], Représentée par Maître Patricia C.-G., Avocat à la Cour, Avocat plaidant : Maître G., Avocat à STRASBOURG
INTIMÉE :
EURL MIB - M. INTERNATIONAL BUSINESS
prise en la personne de son représentant légal, Représentée par Maître Thierry C. de la SCP C. G./C. T./B., Avocats à la Cour, Avocat plaidant : Maître M., Avocat à PARIS
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 29 mai 2017, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme PANETTA, Présidente de chambre, entendue en son rapport, Mme DORSCH, Conseillère, M. ROBIN, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme ARMSPACH-SENGLE, En présence de Lise CATHIARD, greffière stagiaire
ARRÊT :- Contradictoire - rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile. - signé par Mme Corinne PANETTA, Présidente et Mme Corinne ARMSPACH-SENGLE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La Société SARPLAST est spécialisée dans la fabrication et le moulage par injection de pièces plastiques destinées principalement au secteur automobile.
Elle emploie à ce jour plus d'une centaine de personnes sur son site de production à SARREGUEMINES.
Le 5 juin 2012, cette société a été reprise par la Société MAGELLAN en la personne de son dirigeant actuel, Monsieur X.
A l'occasion de cette reprise, la société acceptait le transfert d'un contrat d'agence commerciale, signé le 1er Juin 2008 avec la Société MIB, relatif à la fabrication des pièces intitulées M133.
Monsieur Y., gérant de MIB, proposait dès lors une nouvelle formule de partenariat pour l'industrialisation et la commercialisation de nouvelles pièces (M177 - M178).
C'est dans ce contexte que, le 17 juillet 2013, un « contrat de partenariat industriel et commercial » était conclu entre la société SARPLAST, la société MIB ainsi que la société M. INTERNATIONAL ENGINEERING (MIE).
Cette convention portait sur la fabrication par la société SARPLAST des nouvelles pièces M177 et M178 livrées au groupe AMG-MERCEDES constitutives notamment de collecteurs, déshuileur et siège soupape.
Ce contrat prévoyait que la conception et le développement des pièces étaient assurés par MIE alors que la commercialisation revenait à MIB.
Le contrat prévoyait également que la société SARPLAST réalisait les pièces suivant ses « offres » de prix et s'engageait à les vendre au groupe AMG MERCEDES aux prix négociés par MIB. La SARL SARPLAST s'interdisait ainsi de négocier elle-même avec quiconque les prix de vente des pièces, la négociation des prix des composants et des matières premières incombant uniquement à MIB ainsi que la fixation des prix des nouvelles pièces auprès d'AMG.
La Société SARPLAST considérait dès lors que ces négociations entre MIB et AMG étaient opérées dans l'intérêt exclusif de MIB suite à l'interdiction expresse faite à SARPLAST de se rapprocher de la société AMG. Elle estimait que cette clause conférait à MIB et MIE un avantage manifestement disproportionné et créait un déséquilibre significatif au seul profit de MIB.
Elle ajoutait qu'elle avait signalé à la Société MIB l'importance des pertes enregistrées dans le cadre de la fabrication et la vente des nouvelles pièces ; sans réaction de la société MIB.
La société SARPLAST souhaitait dès lors revoir ses « offres » de prix et adressait une nouvelle version ne pouvant continuer de produire et vendre à perte.
Elle a adressé, le 5 Août 2015, une version actualisée de ses « offres » mais se voyait opposé un refus de révision de la part de MIB.
La Société MIB a cependant accepté l'organisation d'une réunion devant se tenir le 15 décembre 2016.
Cependant, le 21 décembre 2016, la société MIB a fait assigner en référé la SAS SARPLAST aux fins d'obtenir sa condamnation, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- au paiement d'une provision de 754.978,67 € TTC au titre de différentes factures non honorées en date du 18 avril 2016 outre intérêts à compter de la mise en demeure du 20 juillet 2016 ;
- au paiement des dépens et de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La Société SARPLAST a, quant à elle, saisi, début janvier 2017, le Tribunal de Commerce de NANCY, procédure actuellement pendante devant ce Tribunal, sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de Commerce, au motif notamment que les commissions réclamées par la Société MIB constituaient un avantage manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu et créant un déséquilibre significatif entre les sociétés.
Il est également sollicité devant cette juridiction la nullité du contrat de partenariat industriel et commercial.
Au soutien de ses demandes, la Société MIB élevait ses prétentions au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à la somme de 10.000 euros et faisait valoir que les sommes sollicitées résultaient de l'exécution du contrat. Elle s'opposait à l'existence d'un déséquilibre dans les relations contractuelles et faisait valoir que le prix de vente SARPLAST incluait la marge de cette entreprise et ne représentait pas le simple prix de revient. Elle contestait ainsi absorber l'intégralité de la marge bénéficiaire constituée par la différence entre le prix de revient SARPLAST et le prix de vente finale à AMG MERCEDES. Elle ajoutait que les clauses contractuelles permettaient la révision des prix SARPLAST.
Outre l'invocation d'un avantage manifestement disproportionné, la défenderesse prétendait à ce que les prix de vente SARPLAST n'étaient ni révisables ni négociables et précisait avoir signé le contrat alors qu'elle se trouvait en état de dépendance et n'avait eu connaissance, à ce stade, du prix de vente final à AMG, ni de certaines exigences techniques nécessaires à la détermination de ses offres de prix. Elle ajoutait qu'elle assumait seule les coûts de fabrication et les risques de garantie et de responsabilité à l'égard d'AMG. Elle concluait enfin à l'existence de contestations sérieuses, à l'incompétence de la juridiction des référés et à la condamnation de MIB au règlement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ordonnance du 25 avril 2017, la section des référés du Tribunal de Grande Instance de MULHOUSE a condamné la société SARPLAST à payer à la Société MIB, outre les dépens de l'instance, une provision de 754.978,67 euros au titre des factures impayées ainsi qu'à une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Les parties sont déboutées pour le surplus de leurs demandes.
L'ordonnance est assortie exécutoire de plein droit.
Par déclaration faite au greffe le 4 mai 2017, la Société SARPLAST a interjeté appel de la décision.
Une requête aux fins d'autorisation d'assignation à jour fixe et conclusions au fond a été déposée, le 10 mai 2017, par la SAS SARPLAST et, par ordonnance du 15 mai 2017, la partie a été autorisée à comparaître devant la Première chambre civile le 29 mai 2017.
Le 17 mai 2017, l'EURL MIB s'est constituée intimée.
Par conclusions datées du 10 mai 2017, la Société appelante demande de juger son appel recevable et bien fondé. Elle prétend à l'existence de contestations sérieuses et constate l'existence d'une procédure devant le Tribunal de Commerce de NANCY. Elle soutient que les commissions réclamées par la Société MIB créent un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties et constituent un avantage disproportionné. Elle sollicite ainsi l'infirmation de l'ordonnance du 25 avril 2017, la constatation de l'existence de contestations sérieuses et l'incompétence de la juridiction. Elle prétend que l'intimée est irrecevable en toutes ses demandes et sollicite sa condamnation à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par conclusions datées du 26 mai 2017, l'EURL MIB sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande de communication de pièces ;
La Cour se référera à ces dernières écritures pour plus ample exposés des faits de la procédure et des prétentions de la partie.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
En vertu des dispositions de l'article 808 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de grande instance peut ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
Et par application du deuxième alinéa de l'article 809 du code de procédure civile, dans tous les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Il convient de préciser que les conditions posées par les articles 808 et 809 du code de procédure civile constituent des conditions qui portent sur les pouvoirs mêmes du juge des référés en tant que juridiction et non sur sa compétence.
En conséquence, la Cour doit apprécier si le juge des référés a le pouvoir de statuer sur les demandes formulées par la société MIB et la Cour doit se placer au jour où elle rend sa décision.
Le litige qui oppose les parties porte sur un contrat de partenariat signé le 17 juillet 2013.
L'interprétation d'un contrat suppose l'appréciation d'un ensemble d'éléments intrinsèques mais aussi extrinsèques factuels susceptibles de révéler l'intention des parties, ce qui s'apparente à l'appréciation de l'ensemble du litige et donc du fond de celui-ci.
Par ailleurs, la nullité de ce contrat a été sollicitée dans le cadre d'une action, dont le juge des référés n'a pas le pouvoir d'apprécier ni pertinence, ni le bien fondé, portée devant le Tribunal de Grande Instance de Nancy, par la société SARPLAST.
Cette action retire toute notion d'évidence, à la demande en paiement présentée par l'EURL MIB et les contestations présentées par la société SARPLAST contre la demande en paiement de l'EURL MIB, constituent des contestations sérieuses, compte tenu des éléments précités.
Dans ces conditions, le juge des référés n'a pas le pouvoir de statuer sur les demandes de l'EURL MIB et il convient de juger qu'il n'y a pas lieu à référé sur la demande en paiement de différentes factures à hauteur de 754.978,67 euros.
C'est par des motifs propres et pertinents que la Cour adopte que le juge de référés a débouté la société MIB de sa demande de communication de pièces, contenue dans la mention du dispositif :
« Déboutons les parties pour le surplus de leurs demandes ».
L'EURL MIB sera condamnée aux entiers dépens de la première instance et de l'appel l'équité n'appelle pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tant à l'égard de la société SARPLAST INDUSTRIE qu'elle égard de la société MIB.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme l'ordonnance rendue le 25 avril 2017, par le juge des référés commercial, du tribunal de Grande instance de Mulhouse, en ce qu'elle a débouté la société MIB de sa demande en communication de pièces, contenue dans la mention du dispositif « Déboutons les parties pour le surplus de leurs demandes »,
Infirme l'ordonnance entreprise pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande en paiement de différentes factures à hauteur de 754.978,67 euros, présentée par la société MIB,
Condamne la société MIB aux dépens de la première instance et de l'appel,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société SARPLAST INDUSTRIE et de la société MIB.
La Greffière : la Présidente :
- 6219 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par contrat - Sous-traitance
- 6241 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Régime de l’action - Compétence d’attribution
- 6242 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Régime de l’action - Compétence territoriale