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CJUE (4e ch.), 6 juillet 2017

Nature : Décision
Titre : CJUE (4e ch.), 6 juillet 2017
Pays : UE
Juridiction : Cour de Justice de l'UE (4e ch.)
Demande : C 290/16
Date : 6/07/2017
Nature de la décision : Question préjudicielle (CJUE)
Mode de publication : Site Curia (CJUE)
Date de la demande : 24/05/2016
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6984

CJUE (4e ch.), 6 juillet 2017 : Affaire C‑290/16

Publication : Rec.

 

Extrait : « 1) L’article 23, paragraphe 1, troisième phrase, du règlement (CE) n° 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 24 septembre 2008, établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté, doit être interprété en ce sens que, lors de la publication de leurs tarifs des passagers, les transporteurs aériens doivent préciser, de manière séparée, les montants dus par les clients au titre des taxes, des redevances aéroportuaires ainsi que des autres redevances, suppléments et droits, visés à l’article 23, paragraphe 1, troisième phrase, sous b) à d), de ce règlement, et ne peuvent, en conséquence, inclure, même pour partie, ces éléments dans le tarif des passagers, visé à l’article 23, paragraphe 1, troisième phrase, sous a), dudit règlement.

2) L’article 22, paragraphe 1, du règlement n° 1008/2008 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que l’application d’une réglementation nationale transposant la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, puisse conduire à déclarer nulle une clause figurant dans des conditions générales de vente, permettant de facturer des frais de traitement forfaitaires distincts aux clients qui ne se sont pas présentés à un vol ou qui ont annulé leur réservation. ».

 

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPÉENNE

QUATRIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 6 JUILLET 2017

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Dans l’affaire C‑290/16, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), par décision du 21 avril 2016, parvenue à la Cour le 24 mai 2016, dans la procédure

Air Berlin plc & Co. Luftverkehrs KG

contre

Bundesverband der Verbraucherzentralen und Verbraucherverbände – Verbraucherzentrale Bundesverband eV,

 

LA COUR (quatrième chambre), composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. E. Juhász, C. Vajda, Mme K. Jürimäe et M. C. Lycourgos (rapporteur), juges,

avocat général : M. M. Wathelet,

greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 mars 2017,

considérant les observations présentées :

- pour Air Berlin plc & Co. Luftverkehrs KG, par Me M. Knospe, Rechtsanwalt,

- pour le Bundesverband der Verbraucherzentralen und Verbraucherverbände – Verbraucherzentrale Bundesverband eV, par Me P. Wassermann, Rechtsanwalt,

- pour le gouvernement allemand, par Mme K. Stranz et M. T. Henze, en qualité d’agents,

- pour la Commission européenne, par MM. W. Mölls, K.-P. Wojcik et F. Wilman, en qualité d’agents,

Vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Arrêt

1. - La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 22, paragraphe 1, et de l’article 23, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 24 septembre 2008, établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté (JO 2008, L 293, p. 3).

2. - Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Air Berlin plc & Co. Luftverkehrs KG (ci-après « Air Berlin ») au Bundesverband der Verbraucherzentralen und Verbraucherverbände – Verbraucherzentrale Bundesverband eV (Union fédérale des centrales et associations de consommateurs, ci-après le « Bundesverband »), au sujet d’une action en cessation introduite par le Bundesverband contre des pratiques d’Air Berlin relatives à l’affichage des prix et aux conditions générales de vente figurant sur son site Internet.

 

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 93/13/CEE

3. - L’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29), dispose :

« 1. Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

2. Une clause est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsqu’elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n’a, de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son contenu, notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion.

[...] »

4. - Conformément à l’article 6, paragraphe 1, de cette directive, « [l]es États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives ».

 

Le règlement n° 1008/2008

5. - Aux termes du considérant 16 du règlement n° 1008/2008 :

« Les clients devraient pouvoir comparer effectivement le prix des services aériens pratiqués par différentes compagnies aériennes. Par conséquent, le prix définitif à payer par le client pour des services aériens au départ de la Communauté devrait toujours être indiqué toutes taxes, redevances et charges comprises. [...] »

6. - L’article 2 de ce règlement dispose :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

18) « tarifs des passagers » : les prix exprimés en euro ou en monnaie nationale à payer aux transporteurs aériens, à leurs agents ou à d’autres vendeurs de billets pour le transport des passagers sur des services aériens, ainsi que les conditions d’application de ces prix, y compris la rémunération et les conditions offertes à l’agence et autres services auxiliaires ;

[...] »

7. - L’article 22 dudit règlement, intitulé « Liberté de tarification », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Sans préjudice de l’article 16, paragraphe 1, les transporteurs aériens communautaires et, sur la base de la réciprocité, les transporteurs aériens des pays tiers fixent librement les tarifs des passagers et les tarifs de fret pour les services aériens intracommunautaires. »

8. - L’article 23 de ce même règlement, intitulé « Information et non-discrimination », énonce, à son paragraphe 1 :

« Les tarifs des passagers et les tarifs de fret offerts au public mentionnent les conditions applicables lorsqu’ils sont proposés ou publiés sous quelque forme que ce soit, y compris sur internet, pour les services aériens au départ d’un aéroport situé sur le territoire d’un État membre auquel le traité s’applique. Le prix définitif à payer est précisé à tout moment et inclut le tarif des passagers ou le tarif de fret applicable ainsi que l’ensemble des taxes, des redevances, des suppléments et des droits applicables inévitables et prévisibles à la date de publication. Outre l’indication du prix définitif, les éléments suivants au moins sont précisés :

a) tarif des passagers ou tarif de fret ;

b) taxes ;

c) redevances aéroportuaires ; et

d) autres redevances, suppléments ou droits, tels que ceux liés à la sûreté ou au carburant ;

lorsque les éléments énumérés [à l’article 23, paragraphe 1, troisième phrase, sous b), c) et d)] ont été ajoutés au tarif des passagers ou au tarif de fret. Les suppléments de prix optionnels sont communiqués de façon claire, transparente et non équivoque au début de toute procédure de réservation et leur acceptation par le client résulte d’une démarche explicite. »

 

Le droit allemand

9. - L’article 307, paragraphes 1 et 2, du Bürgerliches Gesetzbuch √ (code civil), dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après le « BGB »), dispose :

« (1) Les dispositions figurant dans des conditions générales de vente sont de nul effet lorsqu’elles désavantagent de façon indue et contraire aux principes de la bonne foi le cocontractant de la personne qui les utilise. [...]

(2) En cas de doute, il convient d’admettre qu’un désavantage indu existe lorsqu’une disposition

1. n’est pas compatible avec les idées fondamentales de la réglementation légale dont elle s’écarte, ou

2. limite des droits ou obligations essentiels résultant de la nature du contrat de telle sorte que la réalisation de l’objectif contractuel est menacée. »

 

Le litige au principal et les questions préjudicielles

10. - Le 26 avril 2010, le Bundesverband a simulé une réservation sur le site Internet d’Air Berlin pour un vol simple au départ de l’aéroport de Berlin-Tegel (Allemagne) et à destination de Cologne (Allemagne). Lors de la première étape de la réservation, une liste présentant, sous forme de tableau, des possibilités de liaisons aériennes à différents prix s’est affichée. Après la sélection de l’une des liaisons aériennes, un tableau contenant différents éléments et leur prix présentait, notamment, un montant de 3 euros au titre des « Taxes et redevances ». Lors d’une autre simulation de réservation effectuée par le Bundesverband sur ce même site Internet, le 20 juin 2010, pour un vol aller-retour au départ de Berlin-Tegel et à destination de Francfort-sur-le-Main (Allemagne), un montant de 1 euro apparaissait au titre des « Taxes et redevances ».

11. - Selon le Bundesverband, les montants des taxes et des redevances tels qu’indiqués sur le site Internet d’Air Berlin étaient très inférieurs à ceux effectivement dus par la compagnie aérienne, en vertu des barèmes des redevances aéroportuaires des aéroports concernés, et étaient, en conséquence, de nature à induire le consommateur en erreur. Le Bundesverband, estimant que cet affichage était contraire à l’article 23, paragraphe 1, troisième phrase, du règlement n° 1008/2008 a saisi le Landgericht Berlin (tribunal régional de Berlin, Allemagne) d’une action en cessation de cette pratique.

12. - Dans le cadre de cette même action, le Bundesverband a également contesté la légalité de la clause figurant au point 5.2 des conditions générales de vente d’Air Berlin, consultables sur le site Internet de celle-ci (ci-après les « conditions générales de vente »), qui prévoit qu’Air Berlin prélève, à titre de frais de traitement, un montant de 25 euros par réservation et par passager sur la somme devant être remboursée à ce dernier lorsque celui-ci ne s’est pas présenté à un vol ou lorsqu’il a annulé sa réservation. Le Bundesverband a expliqué que cette clause méconnaissait l’article 307 du BGB, dans la mesure où elle désavantageait de façon indue les cocontractants de la compagnie aérienne. Il a ajouté qu’Air Berlin ne saurait exiger le paiement de frais distincts pour l’exécution d’une obligation légale.

13. - Le Landgericht Berlin (tribunal régional de Berlin) a fait droit à la requête du Bundesverband et a ordonné à Air Berlin, sous peine de sanctions, d’une part, de cesser de faire figurer, sous le titre « Taxes et redevances », lors de l’affichage des prix pour des vols sur son site Internet, des montants ne correspondant pas à ceux que cette compagnie aérienne doit effectivement verser et, d’autre part, de supprimer le point 5.2 de ses conditions générales de vente.

14. - L’appel qu’Air Berlin a interjeté devant le Kammergericht Berlin (tribunal régional supérieur de Berlin, Allemagne) ayant été rejeté, cette compagnie aérienne a introduit un pourvoi en Révision devant le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne).

15. - Le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) s’interroge, en premier lieu, sur l’interprétation qu’il convient de donner de l’article 23, paragraphe 1, troisième phrase, du règlement n° 1008/2008. En effet, eu égard à la jurisprudence de la Cour, cette juridiction nourrit des doutes quant à la conformité de l’affichage des prix sur le site Internet d’Air Berlin avec les exigences imposées par cette disposition.

16. - En second lieu, ladite juridiction souhaite obtenir des éclaircissements quant à l’interprétation de l’article 22, paragraphe 1, de ce règlement afin de déterminer si la règle prévue à cette disposition, selon laquelle les transporteurs aériens fixent librement les tarifs des passagers et les tarifs de fret pour les services aériens à l’intérieur de l’Union, est susceptible de justifier l’imposition, au travers des conditions générales de vente d’Air Berlin, de frais distincts aux passagers qui ne se sont pas présentés à un vol ou qui ont annulé leur réservation.

17. - Dans ces conditions, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 23, paragraphe 1, troisième phrase, du règlement n° 1008/2008 doit–il être interprété en ce sens que, lors de la publication de leurs tarifs des passagers, les transporteurs aériens doivent préciser le montant effectif des taxes, redevances aéroportuaires et autres redevances, suppléments et droits mentionnés sous b) à d) et ne peuvent donc pas inclure pour partie ces derniers dans leurs tarifs des passagers, visés au point a) de cette disposition ?

2) L’article 22, paragraphe 1, du règlement n° 1008/2008 doit–il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’application d’une réglementation nationale relative au droit des conditions générales de vente, fondée sur le droit de l’Union, qui prévoit qu’il n’est pas possible de facturer des frais de traitement distincts aux clients qui ne se sont pas présentés à un vol ou qui ont annulé leur réservation ? »

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

18. - Par sa première question, la juridiction de renvoi demande si l’article 23, paragraphe 1, troisième phrase, du règlement n° 1008/2008 doit être interprété en ce sens que, lors de la publication de leurs tarifs des passagers, les transporteurs aériens doivent préciser le montant effectif des taxes, des redevances aéroportuaires ainsi que des autres redevances, suppléments et droits, visés à l’article 23, paragraphe 1, troisième phrase, sous b) à d), de ce règlement, et ne peuvent, en conséquence, inclure pour partie ces éléments dans le tarif des passagers, visé à l’article 23, paragraphe 1, troisième phrase, sous a), dudit règlement.

19. - L’article 23, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement n° 1008/2008 prévoit que, lors de la publication, y compris sur Internet, des tarifs des passagers et des tarifs de fret offerts au public, « [l]e prix définitif à payer est précisé à tout moment et inclut le tarif des passagers ou le tarif de fret applicable ainsi que l’ensemble des taxes, des redevances, des suppléments et des droits applicables inévitables et prévisibles à la date de publication ». L’article 23, paragraphe 1, troisième phrase, de ce règlement dispose que, outre l’indication du prix définitif, le tarif des passagers ou le tarif de fret doit être précisé, de même que les taxes, les redevances aéroportuaires et autres redevances, suppléments ou droits, tels que ceux liés à la sûreté ou au carburant, lorsque ces éléments ont été ajoutés aux tarifs des passagers ou de fret.

20. - Selon Air Berlin, les transporteurs aériens ne sont pas tenus d’afficher séparément le montant des taxes, des redevances aéroportuaires ainsi que des autres redevances, suppléments ou droits, énumérés à l’article 23, paragraphe 1, troisième phrase, sous b) à d), du règlement no 1008/2008, dans le cas où ces éléments sont inclus dans le tarif des passagers, mentionné à l’article 23, paragraphe 1, troisième phrase, sous a), de ce règlement. Air Berlin considère en effet que seul le prix définitif est déterminant aux fins de permettre au client de comparer les différents prix proposés par les transporteurs aériens.

21. - Le Bundesverband, le gouvernement allemand et la Commission européenne soutiennent, quant à eux, que l’article 23, paragraphe 1, troisième phrase, du règlement n° 1008/2008 fait obligation aux transporteurs aériens de préciser le montant des différentes composantes du prix définitif.

22. - Il convient de rappeler que, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêt du 19 juillet 2012, ebookers.com Deutschland, C‑112/11, EU:C:2012:487, point 12 et jurisprudence citée).

23. - Il ressort des termes de l’article 23, paragraphe 1, troisième phrase, du règlement n° 1008/2008 que l’obligation de préciser au moins le tarif des passagers ainsi que les taxes, les redevances aéroportuaires et les autres redevances, les suppléments ou les droits, lorsque ces éléments ont été ajoutés au tarif des passagers, complète l’obligation résultant de l’article 23, paragraphe 1, deuxième phrase, de ce règlement d’indiquer le prix définitif (voir, en ce sens, arrêt du 15 janvier 2015, Air Berlin, C‑573/13, EU:C:2015:11, point 44).

24. - Dès lors, contrairement à ce que soutient Air Berlin, notamment en invoquant le considérant 16 du règlement n° 1008/2008, un transporteur aérien qui se bornerait à mentionner le prix définitif ne satisferait pas aux prescriptions de l’article 23, paragraphe 1, troisième phrase, de ce règlement, dès lors que celles-ci imposent d’indiquer les montants des différents éléments composant ce prix.

25. - Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument avancé par Air Berlin, selon lequel le libellé même de l’article 23, paragraphe 1, troisième phrase, du règlement n° 1008/2008 ne ferait obligation aux transporteurs aériens de préciser les éléments énumérés à l’article 23, paragraphe 1, troisième phrase, sous b) à d), de ce règlement que « lorsque [ces] éléments [...] ont été ajoutés au tarif des passagers », et non lorsqu’ils ont été inclus dans ledit tarif.

26. - En effet, l’article 2, point 18, du règlement n° 1008/2008, qui définit la notion de « tarif des passagers », ne mentionne pas les taxes, les redevances aéroportuaires, les autres redevances, les suppléments et les droits comme étant des éléments inclus dans ledit tarif. Il s’ensuit que les transporteurs aériens ne sont pas autorisés à inclure ces éléments dans le tarif des passagers qu’ils ont l’obligation de préciser en vertu de l’article 23, paragraphe 1, troisième phrase, sous a), de ce règlement.

27. - Contrairement à ce que soutient également Air Berlin, une telle interprétation de l’article 23, paragraphe 1, troisième phrase, du règlement n° 1008/2008 ne saurait avoir pour effet de vider cette disposition de son sens. En effet, le membre de phrase « lorsque les éléments énumérés [à l’article 23, paragraphe 1, troisième phrase, sous b), c) et d)] ont été ajoutés au tarif des passagers » vise manifestement à distinguer le cas où les transporteurs aériens choisissent de mettre ces éléments à la charge de leurs clients de celui où ils choisissent de les supporter eux-mêmes, l’obligation de préciser lesdits éléments n’existant que dans le premier cas.

28. - Il découle de ce qui précède que les différents éléments composant le prix définitif à payer, visés à l’article 23, paragraphe 1, troisième phrase, du règlement n° 1008/2008, doivent toujours être portés à la connaissance du client à hauteur des montants qu’ils représentent dans ce prix définitif.

29. - Cette interprétation est corroborée par l’examen tant des objectifs poursuivis par la réglementation dont la disposition en cause au principal fait partie que de son contexte.

30. - L’article 23, paragraphe 1, du règlement n° 1008/2008 vise à garantir, notamment, l’information et la transparence des prix des services aériens au départ d’un aéroport situé sur le territoire d’un État membre et contribue, partant, à assurer la protection du client recourant à ces services. À cet égard, il prévoit des obligations d’information et de transparence en ce qui concerne, notamment, les conditions applicables aux tarifs des passagers, le prix définitif à payer, le tarif des passagers et les éléments de prix inévitables et prévisibles s’ajoutant à celui–ci, ainsi que les suppléments optionnels de prix afférents à des services qui complètent le service aérien lui–même (arrêt du 18 septembre 2014, Vueling Airlines, C‑487/12, EU:C:2014:2232, point 32).

31. - Or, l’objectif d’information et de transparence des prix ne serait pas atteint si l’article 23, paragraphe 1, troisième phrase, du règlement n° 1008/2008 devait être interprété comme offrant le choix aux transporteurs aériens ou bien d’inclure les taxes, les redevances aéroportuaires, les autres redevances, suppléments et droits dans le tarif des passagers, ou bien d’indiquer ces différents éléments de manière séparée.

32. - Au demeurant, une interprétation différente de l’article 23, paragraphe 1, troisième phrase, du règlement n° 1008/2008 serait de nature à priver cette disposition de tout effet utile. En effet, d’une part, une inclusion partielle, dans le tarif des passagers, des éléments énoncés à l’article 23, paragraphe 1, troisième phrase, sous b) à d), du règlement n° 1008/2008 conduirait à ne préciser que des montants sans rapport avec la réalité. D’autre part, une inclusion complète de ces éléments dans le tarif des passagers aurait pour effet que le montant indiqué au titre du tarif des passagers pourrait être égal au prix définitif à payer. Or, l’obligation de préciser le prix définitif à payer est déjà prévue à l’article 23, paragraphe 1, deuxième phrase, de ce règlement.

33. - Enfin, il convient d’examiner l’argument d’Air Berlin selon lequel l’indication des montants réels des éléments visés à l’article 23, paragraphe 1, troisième phrase, sous c) et d), du règlement n° 1008/2008 serait impossible, dans la mesure où ces montants seraient inconnus au moment de la réservation du vol.

34. - À cet égard, il convient de relever que, lors de l’achat d’un billet, le client doit payer un prix définitif et non provisoire. Par conséquent, si le montant de certaines redevances ou de certains suppléments ou droits, tel que ceux liés au carburant, ne peut, comme le soutient Air Berlin, être connu avec exactitude qu’une fois le vol effectué, et parfois même plusieurs mois après ce vol, les montants des taxes, des redevances aéroportuaires et des autres redevances, suppléments et droits, mentionnés à l’article 23, paragraphe 1, troisième phrase, sous b) à d), du règlement n° 1008/2008, devant être acquittés par le client correspondent à l’estimation faite par le transporteur aérien au moment de la réservation du vol.

35. - En ce sens, l’article 23, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement n° 1008/2008 prévoit d’ailleurs que les composantes du prix définitif à payer par le client sont, outre le tarif des passagers ou le tarif de fret, l’ensemble des taxes, des redevances, des suppléments et des droits applicables « prévisibles à la date de publication ».

36. - Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 23, paragraphe 1, troisième phrase, du règlement n° 1008/2008 doit être interprété en ce sens que, lors de la publication de leurs tarifs des passagers, les transporteurs aériens doivent préciser, de manière séparée, les montants dus par les clients au titre des taxes, des redevances aéroportuaires ainsi que des autres redevances, suppléments et droits, visés à l’article 23, paragraphe 1, troisième phrase, sous b à d), de ce règlement, et ne peuvent, en conséquence, inclure, même pour partie, ces éléments dans le tarif des passagers, visé à l’article 23, paragraphe 1, troisième phrase, sous a), dudit règlement.

 

Sur la seconde question

37. - Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande en substance si l’article 22, paragraphe 1, du règlement n° 1008/2008 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que l’application d’une réglementation nationale transposant la directive 93/13 puisse conduire à déclarer nulle une clause figurant dans des conditions générales de vente, permettant de facturer des frais de traitement forfaitaires distincts aux clients qui ne se sont pas présentés à un vol ou qui ont annulé leur réservation.

38. - La juridiction de renvoi considère que le point 5.2 des conditions générales de vente, qui prévoit le prélèvement de 25 euros par passager et par réservation à titre de frais de traitement en cas d’annulation d’une réservation d’un vol au tarif économique ou de non-présentation à l’embarquement d’un tel vol, désavantage de façon indue les clients d’Air Berlin et est, conformément à l’article 307, paragraphe 1, du BGB, de nul effet.

39. - La juridiction de renvoi précise également que l’article 307, paragraphe 1, première phrase, et l’article 307, paragraphe 2, point 1, du BGB transpose, dans le droit allemand, l’article 3, paragraphe 1, et l’article 6, paragraphe 1, premier membre de la première phrase, de la directive 93/13.

40. - À cet égard, Air Berlin fait valoir, dans ses observations écrites, que, pour considérer comme abusive la clause figurant au point 5.2 des conditions générales de vente, les juridictions allemandes de première instance et d’appel se sont fondées exclusivement sur le droit national, et non sur le droit de l’Union.

41. - Il convient de rappeler que, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, la Cour est uniquement habilitée à se prononcer sur l’interprétation ou la validité du droit de l’Union au regard de la situation factuelle et juridique telle que décrite par la juridiction de renvoi, afin de donner à cette dernière les éléments utiles à la solution du litige dont elle est saisie (voir, en ce sens, arrêt du 27 avril 2017, A-Rosa Flussschiff, C‑620/15, EU:C:2017:309, point 35).

42. - Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la seconde question préjudicielle en partant de la prémisse, qui est celle de la juridiction de renvoi, selon laquelle la réglementation nationale visant à protéger les consommateurs contre les pratiques abusives, à savoir l’article 307 du BGB, sur la base de laquelle la clause figurant au point 5.2 des conditions générales de vente est considérée par la juridiction de renvoi comme abusive, est fondée sur le droit de l’Union en ce que cette réglementation transpose la directive 93/13.

43. - La juridiction de renvoi se demande si, au regard de l’arrêt du 18 septembre 2014, Vueling Airlines (C‑487/12, EU:C:2014:2232), il y a lieu de considérer que la liberté reconnue aux transporteurs aériens de fixer les tarifs des passagers en vertu de l’article 22, paragraphe 1, du règlement n° 1008/2008 s’oppose à ce qu’une réglementation nationale, qui transpose le droit de l’Union en matière de protection des consommateurs, trouve à s’appliquer à une telle clause.

44. - Sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la question de savoir si les frais de traitement forfaitaires prévus par la clause figurant au point 5.2 des conditions générales de vente relèvent de la notion de « tarif des passagers », au sens du règlement n° 1008/2008, et, par suite, si cette clause peut bénéficier de la liberté de tarification énoncée à l’article 22, paragraphe 1, de ce règlement, il y a lieu de relever que la directive 93/13, conformément à son article 1er, paragraphe 1, a pour objet de rapprocher les dispositions des États membres relatives aux clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur. Il s’agit, ainsi, d’une directive générale de protection des consommateurs, qui a vocation à s’appliquer dans tous les secteurs d’activité économique. Cette directive a pour objectif non pas de restreindre la liberté de tarification des transporteurs aériens, mais vise à obliger les États membres à prévoir un mécanisme qui assure que le caractère éventuellement abusif de toute clause contractuelle n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle puisse être contrôlé aux fins de la protection qui doit être accordée au consommateur en raison du fait qu’il se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2015, Matei, C‑143/13, EU:C:2015:127, point 51 et jurisprudence citée).

45. - Dans ce contexte, la non-applicabilité de ladite directive dans le domaine des services aériens régi par le règlement n° 1008/2008 ne pourrait être admise qu’à la condition qu’elle soit clairement prévue par les dispositions de ce règlement. Or, ni le libellé de l’article 22 dudit règlement n° 1008/2008, relatif à la liberté de tarification, ni celui des autres dispositions dudit règlement ne permettent de tirer une telle conclusion, alors même que la directive 93/13 était déjà en vigueur à la date d’adoption de ce même règlement.

46. - Il ne saurait non plus être déduit de l’objectif poursuivi par l’article 22, paragraphe 1, du règlement n° 1008/2008 que les contrats de transport aérien ne seraient pas soumis au respect des règles générales protégeant les consommateurs contre les clauses abusives.

47. - À cet égard, la Commission relève à juste titre que la liberté de tarification prévue à l’article 22 du règlement n° 1008/2008 est l’aboutissement d’une élimination progressive du contrôle des prix exercé par les États membres afin d’ouvrir le secteur à la concurrence. Comme l’a relevé √l’avocat général Bot au point 27 de ses conclusions dans l’affaire Vueling Airlines (C‑487/12, EU:C:2014:27), la libéralisation du marché aérien avait pour objectif de parvenir à une plus grande diversification de l’offre ainsi qu’à une tarification plus basse au bénéfice des consommateurs. Ainsi, le règlement (CEE) n° 2409/92 du Conseil, du 23 juillet 1992, sur les tarifs des passagers et de fret des services aériens (JO 1992, L 240, p. 15), abrogé par le règlement n° 1008/2008, indiquait dans son cinquième considérant qu’il convenait « de compléter la libre fixation des tarifs par des dispositions appropriées visant à sauvegarder les intérêts des consommateurs et de l’industrie ».

48. - L’arrêt du 18 septembre 2014, Vueling Airlines (C‑487/12, EU:C:2014:2232), ne saurait conduire à une conclusion différente. Dans cet arrêt, la Cour a considéré que l’article 22, paragraphe 1, du règlement n° 1008/2008 s’oppose à une réglementation, telle que celle en cause dans cette affaire, ayant pour but d’obliger, en toutes circonstances, les transporteurs aériens à transporter les bagages enregistrés de leurs passagers sans pouvoir exiger de supplément de prix pour ce transport. En revanche, la Cour n’a aucunement énoncé que la liberté de tarification s’oppose, de façon générale, à l’application de toute règle de protection des consommateurs. Bien au contraire, la Cour a indiqué que, sans préjudice de l’application, notamment, des règles édictées en matière de protection des consommateurs, le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce que les États membres réglementent des aspects relatifs au contrat de transport aérien, en particulier aux fins de protéger les consommateurs contre des pratiques abusives, sous réserve de ne pas remettre en cause les dispositions tarifaires du règlement n° 1008/2008 (voir, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2014, Vueling Airlines, C‑487/12, EU:C:2014:2232, point 44).

49. - Il n’est donc pas possible de déduire dudit arrêt que l’article 22, paragraphe 1, du règlement n° 1008/2008 s’oppose à l’application d’une réglementation nationale qui transpose les dispositions du droit de l’Union en matière de protection des consommateurs, telles que celles de la directive 93/13.

50. - Il résulte des considérations qui précèdent que la liberté de tarification des services aériens à l’intérieur de l’Union, consacrée à l’article 22, paragraphe 1, du règlement n° 1008/2008, ne saurait faire obstacle à l’application d’une telle réglementation nationale aux clauses des contrats de transport aérien.

51. - Une réponse contraire aboutirait à priver les consommateurs des droits qu’ils tirent de la directive 93/13 dans le domaine de la tarification des services aériens et à permettre que les transporteurs aériens puissent, en l’absence de tout contrôle, inclure dans les contrats conclus avec les passagers des clauses abusives concernant la tarification.

52. - Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la seconde question que l’article 22, paragraphe 1, du règlement n° 1008/2008 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que l’application d’une réglementation nationale transposant la directive 93/13 puisse conduire à déclarer nulle une clause figurant dans des conditions générales de vente, permettant de facturer des frais de traitement forfaitaires distincts aux clients qui ne se sont pas présentés à un vol ou qui ont annulé leur réservation.

 

Sur les dépens

53. - La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

1) L’article 23, paragraphe 1, troisième phrase, du règlement (CE) n° 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 24 septembre 2008, établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté, doit être interprété en ce sens que, lors de la publication de leurs tarifs des passagers, les transporteurs aériens doivent préciser, de manière séparée, les montants dus par les clients au titre des taxes, des redevances aéroportuaires ainsi que des autres redevances, suppléments et droits, visés à l’article 23, paragraphe 1, troisième phrase, sous b) à d), de ce règlement, et ne peuvent, en conséquence, inclure, même pour partie, ces éléments dans le tarif des passagers, visé à l’article 23, paragraphe 1, troisième phrase, sous a), dudit règlement.

2) L’article 22, paragraphe 1, du règlement n° 1008/2008 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que l’application d’une réglementation nationale transposant la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, puisse conduire à déclarer nulle une clause figurant dans des conditions générales de vente, permettant de facturer des frais de traitement forfaitaires distincts aux clients qui ne se sont pas présentés à un vol ou qui ont annulé leur réservation.

Signatures