TI SAINT-MALO, 9 septembre 2014
CERCLAB - DOCUMENT N° 6993
TI SAINT-MALO, 9 septembre 2014 : RG n° 13/000464
Publication : Site CCA
Extrait : « Aux termes de l'article L. 311-8 du code de la consommation, le prêteur doit fournir à l'emprunteur les explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière, et attirer son attention sur les caractéristiques essentielles du crédit proposé et sur les conséquences que ce crédit peut avoir sur sa situation financière. En application de l'article 1315 du code civil, celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information doit rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation.
En l'occurrence, la simple mention préimprimée du contrat selon laquelle « Je/Nous soussigné (e) (ées) reconnais (sons) avoir (...) obtenu les explications nécessaires sur les caractéristiques du crédit qui correspondent à mes/nos besoins et déclare/ons accepter les termes du présent contrat » est à cet égard insuffisante. Cette clause a en effet pour objet de permettre au professionnel de se préconstituer la preuve, en toutes circonstances, et même dans l'éventualité d'un manquement de sa part, de la bonne exécution du devoir d'explication qui lui incombe en vertu de l'article L 311-8 du Code de la consommation, et par sa rédaction abstraite et générale, ne permet pas d'apprécier le caractère personnel des explications fournies à l'emprunteur concernant les conséquences du crédit sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement. Elle crée donc au détriment de l'emprunteur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, et présente de ce fait un caractère abusif, ainsi que l'a considéré la Commission des Clauses Abusives dans son avis du 6 juin 2013. Elle doit dès lors être réputée non écrite, en application des dispositions de l'article L. 132-l du Code de la Consommation ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL D’INSTANCE DE SAINT-MALO
JUGEMENT DU 9 SEPTEMBRE 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 13-000464.
JUGEMENT rendu le NEUF SEPTEMBRE 2014 par Anne DESPORT, Juge au Tribunal d'Instance, assistée de Sylvie PULUHEN, Greffier.
DEMANDERESSE :
Madame X.
Représentée par la SCP SEVESTRE-SIZARET Virginie, avocat au barreau de RENNES
DÉFENDEUR :
SOCIÉTÉ Y.
représentée par Maître GAULTIER Amaury, avocat du barreau de SAINI-MALO DINAN
DATE DES DÉBATS : 10 juin 2014
JUGEMENT : Contradictoire et en Premier Ressort, Rendu ce jour dont la date avait été indiquée aux parties par le Juge, à l'issue des débats.
[minute page 2]
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par acte du 5 novembre 2013, Madame X a assigné la SOCIÉTÉ Y. devant ce tribunal.
Elle expose qu'elle a souscrit en septembre 2013 auprès de la SA SOCIÉTÉ Y. un contrat de crédit affecté n° XX et qu'elle s'est vu remettre par celle-ci, outre l'offre de crédit, une notice d'assurance, une fiche de dialogue et une fiche d'informations précontractuelles.
Elle indique que non seulement la fiche d'informations précontractuelles ne lui a pas été remise préalablement à la conclusion du contrat, contrairement à ce que prévoit l'article R. 311-3 du code de la consommation, mais que de plus, ce document ne comporte aucune mention informative.
Elle mentionne, par ailleurs, que l'offre comprend une clause ayant pour objet d'établir que le prêteur a satisfait à l'obligation d'information qui lui incombe en vertu de l'article L. 311-8 du code de la consommation, et que cette clause a été déclarée abusive par un avis rendu par la Commission des Clauses Abusives le 6 juin 2013.
Faisant valoir que sur ces deux fondements, le prêteur encourt la déchéance du droit aux intérêts, elle demande au tribunal de :
- constater que la fiche d'informations précontractuelles n'a pas été remise préalablement à la conclusion du contrat de crédit et qu'elle est vierge de toute mention informative ;
- dire et juger abusive la clause ainsi libellée « Je/Nous soussigné (e) (ées) reconnais(sons) avoir (...) obtenu les explications nécessaires sur les caractéristiques du crédit qui correspondent à mes/nos besoins et déclare/ons accepter les termes du présent contrat » ;
- dire et juger la SOCIÉTÉ Y. déchue du droit aux intérêts contractuels au titre du crédit affecté ;
- condamner la SOCIÉTÉ Y. à lui restituer les sommes perçues au titre des intérêts contractuels de ce crédit, outre les intérêts sur ceux-ci au taux légal à compter du jour de leur versement pour ceux déjà payés et à cesser leur prélèvement pour ceux encore non échus
- condamner la SOCIÉTÉ Y. à lui verser la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, le tout sous bénéfice de l'exécution provisoire et charge des dépens, qui comprendront l'intégralité des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement prévus à l'article L. 111-8 du Code des Procédures civiles d'exécution, conformément aux dispositions de l'article L. 141-6 du Code de la consommation.
La SA SOCIÉTÉ Y. s'oppose à ces demandes.
Elle souligne qu'elle a renseigné une fiche de dialogue sur la base des informations qui lui ont été données par Madame X, et que celle-ci ne peut lui reprocher un défaut de conseil sans justifier de la sincérité des informations qu'elle a fournies.
Or, elle indique que la demanderesse refuse de communiquer les pièces attestant de la sincérité de ses réponses aux questions posées dans le cadre de l'instruction précontractuelle.
Elle sollicite en conséquence que :
- [minute page 3] à titre principal :
- Madame X soit condamnée sous astreinte à faire communiquer aux débats les pièces suivantes : avis d'imposition 2012, pièces justificatives de ses revenus du 1er janvier au 1er septembre 2013, et pièces justificatives des crédits visés dans la fiche de dialogue du 5 septembre 2013.
- à défaut de communication dans les dix jours de la décision à intervenir, une astreinte de 50 euros par jour de retard courra à son encontre pendant un délai d'un mois à l'issue duquel ladite astreinte pourra être liquidée, pour y être le cas échéant à nouveau fait droit.
- à titre subsidiaire :
- constatant le refus de Madame X de justifier de la sincérité de ses déclarations au stade précontractuel, celle-ci soit condamnée à lui payer des dommages et intérêts équivalant au montant cumulé des intérêts du prêt litigieux, ainsi que la somme de l.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile, outre les dépens.
En réponse, Madame X précise qu'elle ne fait pas état et ne se prévaut pas des documents dont la SOCIÉTÉ Y. demande la communication, et qu'il ne peut donc lui être enjoint de produire ces pièces.
De plus, elle observe qu'elle invoque non pas un défaut de conseil mais une absence totale de conseil, et ajoute qu'il appartenait au prêteur de vérifier sa solvabilité.
Elle conclut dès lors au débouté des demandes présentées par la SA SOCIÉTÉ Y.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Aux termes de l'article L. 311-8 du code de la consommation, le prêteur doit fournir à l'emprunteur les explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière, et attirer son attention sur les caractéristiques essentielles du crédit proposé et sur les conséquences que ce crédit peut avoir sur sa situation financière.
En application de l'article 1315 du code civil, celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information doit rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation.
En l'occurrence, la simple mention préimprimée du contrat selon laquelle « Je/Nous soussigné (e) (ées) reconnais (sons) avoir (...) obtenu les explications nécessaires sur les caractéristiques du crédit qui correspondent à mes/nos besoins et déclare/ons accepter les termes du présent contrat » est à cet égard insuffisante. Cette clause a en effet pour objet de permettre au professionnel de se préconstituer la preuve, en toutes circonstances, et même dans l'éventualité d'un manquement de sa part, de la bonne exécution du devoir d'explication qui lui incombe en vertu de l'article L 311-8 du Code de la consommation, et par sa rédaction abstraite et générale, ne permet pas d'apprécier le caractère personnel des explications fournies à l'emprunteur concernant les conséquences du crédit sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement. Elle crée donc au détriment de l'emprunteur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, et présente de ce fait un caractère abusif, ainsi que l'a considéré la Commission des Clauses Abusives dans son avis du 6 juin 2013.
Elle doit dès lors être réputée non écrite, en application des dispositions de l'article L. 132-l du Code de la Consommation.
[minute page 4] Par ailleurs, doit figurer parmi les pièces du dossier du prêteur la fiche d'informations précontractuelles prévue par l'article L. 311-6 du code de la consommation (« Préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit donne à l'emprunteur, par écrit ou sur tout autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison des différentes offres, et permettant à l'emprunteur compte tenu de ses préférences, d'appréhender clairement l’étendue de son engagement »). Cette fiche doit mentionner l'ensemble des informations énumérées par l'article R 311-3 § l.
Le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l'emprunteur les informations précontractuelles dans les conditions fixées par l'article L. 311-6 est déchu du droit aux intérêts, en application des dispositions de l'article L. 311-48 alinéa l.
Pour échapper à la sanction prévue par le texte précité, le prêteur doit prouver l'existence d'une fiche dont la teneur répond aux exigences de l'article L. 311-6.
En l'espèce, si la SOCIÉTÉ Y. produit cette fiche, il apparaît toutefois que celle-ci est dépourvue de toute mention informative, aucune des rubriques y figurant n'étant renseignée.
En outre, le fait qu'elle ne comporte pas de date ne permet pas de s'assurer qu'elle ait été remise à l'emprunteuse préalablement à la signature de l'offre.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, la SA SOCIÉTÉ Y. ne peut qu'être déchue du droit aux intérêts.
Conformément à l'article L. 311-48 alinéa 3 du Code de la consommation, en cas de déchéance du droit aux intérêts, le débiteur n'est tenu au remboursement que du seul capital restant dû, après déduction des intérêts réglés à tort.
Il convient dès lors de condamner la société FRANFINANCE à restituer à Madame X les sommes perçues au titre des intérêts contractuels du contrat de crédit n° XX, outre les intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, et à cesser les prélèvements des intérêts contractuels pour ceux encore non échus.
Il ne saurait être fait droit, en revanche, à la demande de la SOCIÉTÉ Y. tendant à ce que Madame X soit condamnée sous astreinte à lui communiquer des pièces afférentes à ses revenus et à ses charges, alors même qu'à aucun moment, la demanderesse n'a fait état de ces documents, et que l'inobservation par le prêteur des obligations qui lui sont imposées par les articles L. 311-6 et L. 311- 8 du Code de la consommation rend sans objet toute discussion sur la situation financière de l'emprunteuse.
L'équité commande d'allouer à Madame X la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La SOCIÉTÉ Y, qui succombe, supportera la charge des dépens par application des dispositions de l'article 696 du même code.
L'exécution provisoire sera ordonnée, en raison de la nature de l'affaire.
[minute page 5]
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal,
Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort :
DÉCLARE abusive la clause stipulée aux termes du contrat de crédit n° XX conclu entre Madame X et la SA SOCIÉTÉ Y. rédigée comme suit « Je/Nous soussigné (e) (ées) reconnais(sons) avoir (...) obtenu les explications nécessaires sur les caractéristiques du crédit qui correspondent à mes/nos besoins et déclare/ons accepter les termes du présent contrat » ;
La DÉCLARE en conséquence non écrite ;
DIT que la SA SOCIÉTÉ Y. doit être déchue de son droit aux intérêts, en raison du non respect des dispositions des articles L. 311-6 et L. 311-8 du Code de la consommation ;
CONDAMNE la SA SOCIÉTÉ Y. à restituer à Madame X les sommes perçues au titre des intérêts contractuels du contrat de crédit n° XX, outre les intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, et à cesser les prélèvements des intérêts contractuels pour ceux encore non échus ;
DÉBOUTE la SA SOCIÉTÉ Y. de l'ensemble de ses demandes ;
CONDAMNE la SA SOCIÉTÉ Y. à payer à Madame X la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
CONDAMNE la SOCIÉTÉ Y. aux entiers dépens ;
ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision.
Ainsi rendu par mise à disposition au greffe les jours, mois et an susdits.
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