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TGI PARIS (5e ch. 2e sect.), 5 janvier 2017

Nature : Décision
Titre : TGI PARIS (5e ch. 2e sect.), 5 janvier 2017
Pays : France
Juridiction : TGI Paris. 5e ch. sect. 2
Demande : 15/06093
Décision : 17/8
Date : 5/01/2017
Nature de la décision : Rejet
Mode de publication : Site Com. cl. abusives (CCA)
Date de la demande : 30/03/2015
Numéro de la décision : 8
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7029

TGI PARIS (5e ch. 2e sect.), 5 janvier 2017 : RG n° 15/06093 ; jugt n° 8

Publication : Site CCA

 

Extraits : 1/ « Au motif de définir l'effraction (forcement de la direction, détérioration des contacts électriques permettant la mise en route ou de tout système de protection antivol en phase de fonctionnement), l'assureur limite à des indices prédéterminés la preuve du sinistre alors qu'en application de l'article 1315 du code civil (dans sa codification antérieure au 1er octobre 2016, applicable au litige et codifié depuis sous le n° 1353) cette preuve est libre et outre son caractère restrictif, ce mode de preuve qui ne correspond plus à la réalité des techniques modernes mises en œuvre pour le vol des véhicules, contrevient aux dispositions de l'article R. 132-2 du code de la consommation qui précisent que sont présumées abusives au sens des dispositions du premier et deuxième alinéa de l'article L 132-1, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de limiter indûment les moyens de preuve à disposition au non professionnel ou du consommateur ».

2/ « En l'absence de rupture des faisceaux électroniques en l'absence de toute pièce de l'assureur susceptible de contredire le constat de l'huissier et de son expert qu'il a mandaté et dès lors que les clefs du véhicule ont été remis par M X. à l'assureur, seule une effraction électronique a permis le vol du véhicule de M. X. ; cette effraction électronique constitue une effraction au sens commun du terme. En conséquence la garantie de l'assureur est due à M. X. »

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS

CINQUIÈME CHAMBRE DEUXIÈME SECTION

JUGEMENT DU 5 JANVIER 2007

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/06093. Jugement n° 8. Assignation du 30 mars 2015.

 

DEMANDERESSE :

Société X. [MACIF V. ci-dessous]

représentée par Maître Y., avocats au barreau de PARIS, avocats postulant, vestiaire #L089

 

DÉFENDEUR :

Monsieur X.

Représenté par Maître W., avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #G0576

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Edmée BONGRAND, Vice-Président, Michel REVEL, Vice-Président, Stéphanie VACHER, Juge,

assistée de Laure POUPET, greffière.

DÉBATS : A l'audience du 9 novembre 2016 tenue en audience publique devant Edmée BONGRAND, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 786 du Code de Procédure Civile,

JUGEMENT : Prononcé par mise à disposition, Contradictoire, en premier ressort.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Monsieur X. a souscrit auprès de la [X.], une assurance formule « Protectrice » comprenant notamment une garantie vol avec une franchise de 350 euros pour son véhicule Jeep Cherokee.

Le 17 juin 2013, Monsieur X. a fait une déclaration de vol de ce véhicule survenu entre le 16 juin à 19 h. [et le 17 juin] à 9 heures à Paris rue de [G.], son lieu régulier de stationnement.

Le 18 juin 2013, une déclaration de sinistre a été adressée à l'assureur lequel a mandaté un expert qui a estimé valeur de remplacement à la somme de 7.295,60 euros. La Macif a proposé à son assuré une indemnisation à hauteur de 6.945 euros, franchise déduite. Monsieur X. a accepté cette indemnisation moyennant la cession de son véhicule et a signé la quittance subrogative au profit de l'assureur le 11 octobre 2013.

Le 20 décembre 2013, le véhicule a été retrouvé sur la commune [de ville A.] et a fait l'objet d’une expertise qui a révélé l'absence d'effraction. L'assureur en a informé Monsieur X., lui a demandé de reprendre son véhicule et de rembourser l'indemnité versée soit la somme de 6.945,60 euros.

Monsieur X. a contesté l'application du contrat faite par l'assureur.

Par acte du 30 mars 2015, Monsieur X. a fait assigner devant ce tribunal [la société X.] afin d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 6.945,60 euros avec intérêts légaux à compter du 16 janvier 2014, la somme de 869,44 euros au titre des frais de remorquage et de gardiennage, afin qu'il soit fait injonction à la [société X.] de reprendre son véhicule et à défaut d'être autorisée à faire détruire le véhicule et afin d'obtenir paiement des frais d'huissier, de la somme de 2.000 euros à titre de dommages intérêts pour résistance abusive et la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions signifiées le, 13 janvier 2016, la Macif demande au tribunal de dire que la clause litigieuse ne peut être considérée comme abusive et en conséquence de condamner Monsieur X. à remboursement [de] l'indemnité reçue avec intérêts, à payer les frais de remorquage, de gardiennage, les frais d'expertise et d'huissier, de faire injonction à Monsieur X. de reprendre ce véhicule et à défaut d'être autorisée à le détruire, lui payer la somme de 2.000 euros à titre de dommages intérêts pour résistance abusive et la somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

[minute page 3] A l'appui de ses demandes, la [MACIF]fait valoir que :

- les clauses du contrat conditionnent l'acquisition de la garantie à la présence sur le véhicule des traces d'effractions contractuellement définies ;

- cette exigence constitue une condition de la garantie et non pas une clause d'exclusion. L'assuré doit alors faire la preuve qu'il remplit bien les conditions pour prétendre à une indemnité ;

- cette clause n'est pas abusive car elle ne crée pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat puisque la plupart des vols restent des vols commis par effraction de sorte que les assureurs sont amenés à indemniser leurs assurés pour de nombreux sinistres.

 

Aux termes de ses conclusions récapitulatives signifiées le 11 février 2016, M. X. sollicite, au visa des articles L. 132-1 et R. 534-4 du code de la consommation, L. 113-1 du code des assurances, de l'article 9 du code de procédure civile et de l'article 1147 du code civil, de voir :

- à titre principal, juger la clause alléguée abusive et partant réputée non-écrite,

- à titre subsidiaire, saisir la commission des clauses abusives afin qu'elle donne son avis sur le fondement des dispositions de l'article R. 534-4 du code de la consommation,

- à titre plus subsidiaire, juger que cette clause constitue une exclusion de garantie,

- et à titre reconventionnel, condamner à lui verser la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- puis la condamner au paiement de la somme de 3.000 euros au titre l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens avec distraction au profil de Maître C.

A l'appui de ses prétentions, M. X. soutient que :

- la clause litigieuse crée un déséquilibre significatif entre l'assuré et l'assureur et constitue donc une clause abusive puisque l'indemnisation est conditionnée par la présence de traces d'effraction alors qu'il est démontré que des vols sans traces d'effractions sont matériellement possibles ; cette cause vide le contrat de sa substance et le prive de son efficacité au détriment de l'assuré ;

- le médiateur de la FFSA a, dès 2012, attiré l'attention des assureurs sur cette clause et les a invités à la modifier dès lors que des vols sans effraction sont matériellement possibles, ce que savent les assureurs qui doivent tenir compte des nouvelles technologies dans leur police d'assurance ; en n'adaptant pas leur contrat aux évolutions technologiques, les assureurs maintiennent les assurés dans des liens contractuels déséquilibrés ; en conséquence cette clause est abusive, elle doit en conséquence être réputée non écrite ;

- la clause par ailleurs constitue une clause d'exclusion, elle doit donc être formelle et limitée [minute page 4] aux termes de la définition issue de l'article 132-73 du code pénal, l'effraction peut être caractérisée même en l'absence de traces d'effraction constatées dès lors que les techniques nouvelles rendent possible le vol d'un véhicule sans effraction ;

- l'assureur ne peut imposer à l'assuré des modes de preuve particuliers pour démontrer le vol en ce sens que s'agissant d'un fait juridique, la preuve est libre au sens de l'article 1315 du code civil et que M. X. rapporte la preuve de la réalité du vol et de sa bonne foi ;

- le fait de discuter et de présenter des arguments que chaque partie estime fondés ne saurait être assimilé à de la résistance abusive.

 

L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 mars 2016.

Il y a lieu, pour un exposé détaillé des moyens des parties, de se reporter à leurs écritures signifiées aux dates ci-dessus visées, en application de l'article 455 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DU JUGEMENT :

Le contrat d'assurance liant les parties prévoit en son article 5 la garantie contre le vol du véhicule.

L'article 5-1 dispose que « la disparition du véhicule assuré et de ses accessoires par soustraction frauduleuse (article 311-1 du Code pénal) est garanti ». Si le véhicule est retrouvé, il est précisé que « les détériorations du véhicule et de ses accessoires sont garantis s'il est prouvé qu'il y a eu forcement de la direction, détérioration des contacts électriques permettant la mise en route ou de tout système de protection antivol en phase de fonctionnement ».

En cas de découverte du véhicule après paiement par l'assureur de l'indemnité, le contrat prévoit en son article 5-C « si votre véhicule est retrouvé après le paiement de l'indemnité, nous devenons propriétaire du véhicule récupéré (...) Toutefois, si votre véhicule était retrouvé sans effraction de nature à permettre sa mise en route et sa circulation (forcement de la direction, détérioration des contacts électriques ou de tout système antivol en phase de fonctionnement), la garantie Vol ne serait pas acquise. Vous devriez alors nous rembourser l'indemnité versée moyennant mise à disposition du véhicule retrouvé ».

La stipulation selon laquelle le vol avec effraction est garanti délimite le périmètre de l'assurance et fixe l'étendue du contrat et ne constitue pas une clause d'exclusion. Il appartient donc à Monsieur X. de rapporter la preuve qu'il remplit les conditions nécessaires à l'obtention de sa garantie à savoir l'existence d'un vol par effraction.

Au motif de définir l'effraction (forcement de la direction, détérioration des contacts électriques permettant la mise en route ou de tout système de protection antivol en phase de fonctionnement), l'assureur limite à des indices prédéterminés la preuve du sinistre alors qu'en application de l'article 1315 du code civil (dans sa codification antérieure au 1er octobre 2016, applicable au litige et codifié depuis sous le n° 1353) cette preuve est libre et outre son caractère restrictif, ce mode de preuve qui ne correspond plus à la réalité des techniques modernes mises en œuvre pour le vol des véhicules, contrevient aux dispositions de l'article R. 132-2 du code de la consommation qui précisent que sont présumées abusives au sens des dispositions du premier et deuxième alinéa de l'article L. 132-1, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de limiter indûment les moyens de preuve à disposition au non professionnel ou du consommateur.

[minute page 5] La clause de l'article 5 du contrat d'assurances automobiles souscrit par M. X. est abusive et doit être en conséquence réputée non écrite.

Même si la réalité du vol n'est pas contestée par l'assureur, il incombe à M. X. de rapporter la preuve que ce vol a été commis par effraction, condition de sa garantie.

Il résulte du constat dressé par Maître T., huissier de justice, mandaté par la [MACIF] « qu’il n'existe aucune trace d'effraction sur les barillets de porte, sur les panneaux de porte et aucune trace sur les caoutchoucs des joints de portière, que le dispositif de contacteur de démarrage ne présente aucune trace de forçage ou de morsure sur le métal et sur les parties en plastique, que l'introduction de la clef de contact permet le déblocage du volant, que le retrait de la clef permet le blocage de la direction et qu'en position antivol bloqué, il n’y a pas de jeu dans le volant la planche de bord et l'habillage de la colonne de direction ne présentent aucune trace d'effraction ou de forçage que l’examen du moteur fait apparaître qu'il n'y a plus d'huile dans le carter et que la jauge ressort sèche, que les tentatives de mise en route du moteur sont vaines malgré la présence d'une batterie d’appoint ».

Lors de sa déclaration de vol, M X. a déclaré qu'il disposait deux « clés à bip » et l'assureur ne conteste pas cette déclaration. Il est constant que lors du constat dressé par l'huissier, celui-ci a débloqué le volant avec l'introduction de la clef de contact, que les deux clefs dont M. X. restait en possession ont été remises par celui-ci à l'assureur ainsi qu'il ressort du courrier de son conseil adressé à la [MACIF] le 17 mars 2014, ce que ne conteste pas l'assureur.

En l'absence de rupture des faisceaux électroniques en l'absence de toute pièce de l'assureur susceptible de contredire le constat de l'huissier et de son expert qu'il a mandaté et dès lors que les clefs du véhicule ont été remis par M X. à l'assureur, seule une effraction électronique a permis le vol du véhicule de M. X. ; cette effraction électronique constitue une effraction au sens commun du terme. En conséquence la garantie de l'assureur est due à M. X.

La société X. est en conséquence déboutée de sa demande en remboursement de l'indemnité versée à M. X.et de ses demandes subséquentes.

Faute pour M.X. de justifier d'un préjudice autre que celui d'avoir eu à se défendre et qui est réparé par l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, M. X. sera débouté de sa demande indemnitaire.

Succombant, la société X. supportera la charge des dépens ainsi que celle d'une indemnité, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, qu'il apparaît équitable de fixer à la somme de 3.000 euros.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe,

dit abusive la clause insérée à l’article 5-C rédigée comme suit « de nature à permettre sa mise en route et sa circulation forcement de la direction, détérioration des contacts électriques ou de tout système antivole en phase de fonctionnement » et la déclare réputée non écrite,

déboute la société [MACIF] de l'ensemble de ses demandes,

condamne la société [MACIF] à payer Monsieur X. la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

déboute Monsieur X. du surplus de ses demandes,

condamne la sociétés aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par Maître […] qui en a fait la demande.

Fait et jugé à Paris le 5 janvier 2017.

Le Greffier                            Le Président

Laure POUPET                    Edmée BONGRAND