CA AIX-EN-PROVENCE (2e ch.), 20 février 2006
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 721
CA AIX-EN-PROVENCE (2e ch.), 20 février 2006 : RG n° 04/08123 ; arrêt n° 2006/132
Publication : Juris-Data n° 309689
Extrait : « Attendu que peu importe la qualification attribuée au contrat portant sur le transport de mobilier dans le cadre d'opérations de déménagement, dès lors que les « conditions générales de vente du contrat de déménagement » signées par Monsieur X. stipulent en leur article 15 « que les actions en justice pour avarie ou retard auxquelles peut donner lieu le contrat de déménagement doivent être intentées dans l'année qui suit la livraison du mobilier (article 108 du code de commerce) » - devenu l'article L. 133-6 du même code - ; que les parties en stipulant un délai limité pour intenter une action née du contrat de déménagement ou de transport ont entendu enfermer toute action dérivant de leurs relations contractuelles dans un certain délai ; qu'elles ont exprimé une volonté claire et non équivoque et pouvaient librement fixer un délai pour agir dès lors que le délai ainsi fixé n'était pas contraire à des dispositions d'ordre public susceptibles de s'appliquer ; que l'article L. 133-6 alinéa 1 du code de commerce relatif au délai de prescription dans le cadre d'un contrat de transport n'est pas au surplus d'ordre public ; qu'il n'est pas soutenu que la clause prévoyant un délai de prescription pour agir d'une année constitue une stipulation abusive ».
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 20 FÉVRIER 2006
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 04/08123. Arrêt n° 2006/132. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 19 janvier 2004 enregistré au répertoire général sous le n° 02/820.
APPELANTE :
SARL NICE DÉMÉNAGEMENTS
demeurant [adresse], représentée par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour, assistée par Maître Pierre-André PICON, avocat au barreau de NICE
INTIMÉ :
Monsieur X.
Demeurant [adresse], représenté par la SCP ERMENEUX - ERMENEUX - CHAMPLY - LEVAIQUE, avoués à la Cour
[minute page 2]
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 18 janvier 2006, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Robert SIMON, Président, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Robert SIMON, Président Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller Monsieur André JACQUOT, Conseiller.
Greffier lors des débats : Monsieur Maurice NGUYEN.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 20 février 2006.
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 février 2006. Signé par Monsieur Robert SIMON, Président et Madame Patricia BOUILLET, greffier présent lors de la mise à disposition au greffe de la décision.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Monsieur X., Huissier de Justice, a fait effectuer par la SARL NICE Déménagements le déménagement de mobilier de [ville] au sud de l'Espagne à [ville] après qu'il soit resté en garde-meubles du mois de septembre 1999 au mois de juin 2001.
Par jugement contradictoire en date du 19 janvier 2004, le Tribunal de commerce de NICE, écartant la prescription annale prévue à l'article L. 133-6 du Code de Commerce, a condamné la SARL NICE Déménagements à payer à Monsieur X. la somme de 12.120,26 € à titre de dommages et intérêts compensant la détérioration d'une paire de tapis chinois, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation en justice et celle de 1.500 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, le jugement étant assorti de l'exécution provisoire pour l'ensemble de ses dispositions.
Tant la SARL NICE Déménagements que Monsieur X. ont successivement et régulièrement fait appel de cette décision dans les formes et délai légaux.
Vu les dispositions des articles 455 et 954 du nouveau code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 98-1231 du 28 décembre 1998 ;
Vu les prétentions et moyens de la SARL NICE Déménagements dans ses conclusions en date du 26 août 2004 tendant à faire juger :
- que les avaries constatées trouvent leur origine dans l'exécution du contrat de déménagement et non dans celle du contrat de « gardiennage » ou entreposage du mobilier, ayant donné lieu à deux conventions et à deux facturations distinctes, successives dans le temps,
- que Monsieur X. n'a émis aucune réserve lors de l'exécution du contrat de gardiennage et lors de la reprise des meubles à son issue,
- que le délai de prescription de l'action résultant du contrat de transport est d'une année et court à compter de la remise des meubles, soit en l'espèce, le 14 juin 2001,
- que l'objet principal du contrat de déménagement en question est bien le transport du mobilier et que, par conséquent, un tel contrat est soumis aux dispositions légales régissant le contrat de transport,
- que, de plus, Monsieur X. est forclos pour agir comme n'ayant pas émis de réserves dans le délai de trois jours suivant la réception du mobilier, sa réclamation par lettre recommandée avec avis de réception datant du 13 juillet 2001,
- subsidiairement, que Monsieur X. ne rapporte pas la preuve des autres détériorations et pertes dont il se plaint et qui n'ont pas fait l'objet de réserves détaillées sur la lettre de voiture,
- [minute page 4] que l'endommagement de la paire de tapis chinois par moisissures n'est pas avéré et qu'aucune reconnaissance formelle de responsabilité pour ce dommage particulier ne peut être déduite de la correspondance échangée entre les parties ;
Vu les prétentions et moyens de Monsieur X. dans ses conclusions en date du 27 juillet 2004 tendant à faire juger :
- que les différentes avaries ou pertes qu'il a pu constater proviennent d'une mauvaise exécution du «contrat de dépôt» qu'il a conclu avec la SARL NICE Déménagements et qui est distinct du contrat de déménagement qu'il a également conclu par la suite avec la SARL NICE Déménagements,
- que la livraison du mobilier entreposé à l'issue d'une période de 22 mois est l'accessoire du contrat de dépôt en garde-meubles et que, par conséquent, l'action fondée sur le contrat de dépôt ou sur le contrat de déménagement considéré comme un contrat d'entreprise pour ne pas se limiter au déplacement des meubles mais comprendre leur démontage, emballage, manutention et remontage, échappe à la courte prescription,
- que la prescription et la forclusion résultant des textes régissant le contrat de transport ne peuvent être invoquées par la SARL NICE Déménagements,
- que l'altération du tapis chinois par moisissures ne peut résulter que d'une longue exposition à l'humidité et non de l'opération de déplacement qui est de courte durée,
- que l'indemnisation de la perte signalée d'un matelas doit être assurée par l'allocation d'une somme de 306,52 € et celle de la perte de valeur d'une paire de tapis chinois identiques par l'altération d'un seul tapis doit être compensée par la somme de 24.240,52 €, aucune reproduction à l'identique du tapis endommagé n'étant possible si bien que la perte subie porte sur la valeur d'ensemble des tapis dépareillés,
- que, enfin, divers manquants et avaries, bien que non mentionnés dans la lettre de voiture, par suite du départ précipité des déménageurs après le déchargement du mobilier, doivent être réparés par l'allocation d'une somme forfaitaire de 20.000 € ;
L'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire a été rendue le 2 janvier 2006.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS ET DÉCISION :
Attendu que peu importe la qualification attribuée au contrat portant sur le transport de mobilier dans le cadre d'opérations de déménagement, dès lors que les « conditions générales de vente du contrat de déménagement » signées par Monsieur X. stipulent en leur article 15 « que les actions en justice pour avarie ou retard auxquelles peut donner lieu le contrat de déménagement doivent être intentées dans l'année qui suit la livraison du mobilier (article 108 du code de commerce) » - devenu l'article L. 133-6 du même code - ; que les parties en stipulant un délai limité pour intenter une action née du contrat de déménagement ou de transport ont entendu enfermer toute action dérivant de leurs relations contractuelles dans un certain délai ; qu'elles ont exprimé une volonté claire et non équivoque et pouvaient librement fixer un délai pour [minute page 5] agir dès lors que le délai ainsi fixé n'était pas contraire à des dispositions d'ordre public susceptibles de s'appliquer ; que l'article L. 133-6 alinéa 1 du code de commerce relatif au délai de prescription dans le cadre d'un contrat de transport n'est pas au surplus d'ordre public ; qu'il n'est pas soutenu que la clause prévoyant un délai de prescription pour agir d'une année constitue une stipulation abusive ; qu'il s'ensuit qu'en ce qui concerne les dommages résultant des opérations de déménagement, l'action introduite par Monsieur X., le 5 septembre 2002, à la suite du déménagement ayant donné lieu à une remise du mobilier le jeudi 12 juin 2001, est prescrite ; que cette prescription concerne également la demande en indemnisation pour la perte d'un matelas mentionnée sur un seul exemplaire de « la lettre de voiture de déménagement » ;
Attendu que Monsieur X. et la SARL NICE Déménagements ont conclu un contrat oral et distinct de garde-meubles précédant le contrat de déménagement ; que Monsieur X. a confié à la SARL NICE Déménagements la conservation d'un important « lot » de divers mobiliers pendant 22 mois avant de le faire déplacer ; que Monsieur X. a acquitté mensuellement et au fur et à mesure du temps une redevance pour la prestation de gardiennage réalisée par la SARL NICE Déménagements ; qu'aucun délai pour agir en réparation pour le cas de manquements du prestataire de services n'a été stipulé entre les parties à la charge du client, (aucun délai de prescription ne figure d'ailleurs dans les conditions générales du contrat de garde-meubles, non régularisé entre les parties) ; que l'action de Monsieur X. est recevable en ce qu'elle concerne la réparation des dommages résultant de la mauvaise exécution du contrat de garde-meubles ;
Attendu que Monsieur X. ne démontre pas, à l'exception d'un objet, que les dommages et pertes qu'il dit avoir constatés à la livraison du mobilier sont survenus pendant les opérations de gardiennage ; qu'il ne propose aucun moyen de preuve à l'appui de son assertion ; qu'au contraire, il écrit lui-même ou fait écrire, les 13 juillet 2001 et 22 octobre 2001, que les dommages ont été occasionnés « lors de son déménagement ou au cours du transport » ; que, par contre, la nature des dommages subis par le tapis chinois affecté notamment de moisissures (fait non contesté par la SARL NICE Déménagements) permet de se convaincre que cette lente altération s'est produite pendant la période où il était déposé en garde dans les locaux de la SARL NICE Déménagements ; que celle-ci n'est pas fondée à opposer les conditions générales du contrat de garde-meubles qui excluent la réparation de ce type d'avaries, mais qui n'ont pas été signées par Monsieur X. ;
Attendu sur l'indemnisation du préjudice que la SARL NICE Déménagements n'a pas entendu donner suite aux demandes de Monsieur X. quant à ses modalités de chiffrage (réfection des bords abîmés du tapis ou son remplacement, organisation à l'amiable d'une estimation) ; que Monsieur X. produit un devis concernant le remplacement du tapis endommagé ; qu'il convient de constater au vu de la série de photographies de l'objet litigieux et en l'absence de toutes autres pièces concernant l'état du tapis, que celui-ci n'apparaît pas endommagé de telle manière qu'il ne puisse plus servir à son usage ; qu'au vu des éléments de preuve fournis, il sera alloué à Monsieur X., la somme de 9.000 €, réparant l'intégralité de son préjudice, y compris la moins-value apportée à la paire de tapis du fait de la dégradation limitée dans ses effets, d'un seul de ses éléments ;
Attendu que l'équité commande de faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; que la partie tenue aux dépens devra payer à l'autre la somme de 2.000 Euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, pour l'ensemble de la procédure ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 6] PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant par arrêt contradictoire,
Reçoit les appels de la SARL NICE Déménagements et de Monsieur X. comme réguliers en leur forme.
Au fond, confirme le jugement déféré ses dispositions de principe.
Toutefois le modifiant, condamne la SARL NICE Déménagements à porter et payer à Monsieur X. la somme de 9.000 € à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jugement attaqué et celle de 2.000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Condamne la SARL NICE Déménagements aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SCP d'Avoués associés Agnès ERMENEUX-CRAMPLY et Laurence LEVAIQUE, sur son affirmation de toit, en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
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- 6467 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Transport - Transport de déménagement (7) - Prescription et litiges