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CA TOULOUSE (ch. 2 sect. 1), 8 avril 2015

Nature : Décision
Titre : CA TOULOUSE (ch. 2 sect. 1), 8 avril 2015
Pays : France
Juridiction : Toulouse (CA), 2e ch. sect. 1
Demande : 13/06073
Décision : 15/234
Date : 8/04/2015
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 28/11/2013
Décision antérieure : CASS. CIV. 1re, 25 janvier 2017
Numéro de la décision : 234
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7326

CA TOULOUSE (ch. 2 sect. 1), 8 avril 2015 : RG n° 13/06073 ; arrêt n° 234

Pourvoi rejeté par Cass. civ. 1re, 25 janvier 2017 : pourvoi n° 15-24216 ; arrêt n° 124

Publication : Jurica

 

Extrait : « Attendu que les conditions cumulatives d'obtention de la garantie « IPA » ne sont dès lors pas remplies à ce jour ; Attendu que d'une part il existe bien des pathologies dont les conséquences répondent aux exigences de la clause critiquée, d'autre part il n'est nullement démontré que l'affection dont souffre Monsieur X. ne pourrait jamais se voir reconnu un caractère définitif ; que la demande aux fins de voir la clause réputée non écrite sera donc pareillement rejetée ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

DEUXIÈME CHAMBRE SECTION 1

ARRÊT DU 8 AVRIL 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 13/06073. Arrêt n° 234. Décision déférée du 22 octobre 2013 - Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE (R.G. n° 13/02372).

 

APPELANTS :

Monsieur X.

agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure, M. Y. Y. née le 23 mai 2006 à [adresse] de nationalité française,

Madame Y. épouse X.

agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de sa fille mineure, M. Y. Y. née le 23 mai 2006 à [adresse] de nationalité française,

Représentés par de la SCP M. Franck et Elisabeth, avocat au barreau de Toulouse assistés de Maître Simon C., avocat au barreau de Toulouse

 

INTIMÉE :

SA CNP ASSURANCES

Représentée par Maître Martine E.-C. de la SCP C. E. T., avocat au barreau de Toulouse

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 janvier 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant G. MAGUIN, président, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : G. MAGUIN, président, G. COUSTEAUX, président de chambre, M.P. PELLARIN, conseiller

Greffier, lors des débats : C. ESPITALIER

ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par G. MAGUIN, président, et par C. ESPITALIER, greffier de chambre

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ :

Les 21 juin 2003 et 24 avril 2004, Monsieur X. a contracté auprès de la Caisse d'épargne Midi-Pyrénées deux prêts immobiliers de respectivement 65.700 euros et 137.300 euros pour lesquels il a adhéré au contrat d'assurance groupe de CNP Assurances couvrant, pour le premier d'entre eux, les garanties « décès/invalidité permanente et absolue (IPA) » et « incapacité totale de travail (ITT) », et pour le second la seule garantie « décès/IPA ».

Suite à un « burn-out » Monsieur X. « par ailleurs lui-même employé par la société CNP Assurances » a cessé toute activité professionnelle depuis le 4 janvier 2005, et à compter d'octobre 2006 son épouse s'est mise en disponibilité pour l'aider dans les actes de la vie courante dans le cadre des graves symptômes anxio-dépressifs dont il est atteint, qui ont donné lieu à des placements en invalidité croissante suivant décisions des 31 juillet 2007, 17 novembre 2009 et 6 mars 2012.

Si CNP Assurances a pris en charge les mensualités du prêt de 65.700 euros au titre de la garantie « ITT » elle a en revanche opposé un refus à la demande de Monsieur X., en juillet 2012, de faire jouer la garantie « IPA » pour assurer le remboursement de la totalité du capital restant dû au titre des deux prêts.

Une procédure de conciliation a été engagée mais, faute d'accord entre eux, le médecin conseil de l'assureur et celui de l'assuré sont convenus de désigner un tiers-expert en la personne du Pr A., lequel a rendu son rapport le 27 mars 2013.

La SA CNP Assurances ayant estimé au vu des conclusions de celui-ci que Monsieur X. ne remplissait toujours pas les conditions contractuelles de la garantie « IPA » et lui ayant à nouveau refusé toute prise en charge, ce dernier ainsi que son épouse Madame Y., agissant tant en leur nom personnel qu'en tant que représentants légaux de leur fille mineure M., l'ont faite assigner le 24 juin 2013.

Par jugement rendu le 22 octobre 2013 le tribunal de grande instance de Toulouse a :

- débouté Monsieur et Madame X. agissant tant en leur nom personnel qu'ès qualités de toutes leurs demandes (qui comprenaient également des prétentions à dommages et intérêts)

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire

- condamné Monsieur et Madame X., personnellement et ès qualités, aux dépens.

Ces derniers ont interjeté appel le 28 novembre 2013.

Après échange des écritures dans leur dernier état « auquel les parties sont expressément renvoyées pour le détail de leurs argumentations respectives » la procédure a été clôturée par ordonnance du 4 novembre 2014.

 

Dans leurs dernières conclusions transmises par RPVA le 20 octobre 2014, Monsieur X. et Madame Y. épouse X., agissant tant en leur nom que pour le compte de leur enfant mineure M., demandent à la cour, au visa des articles 1134 et suivants, 1157, 1159, 1162 et 1382 et suivants du code civil, L. 113-1 du code des assurances et L. 133-2 du code de la consommation, de :

- réformer le jugement du 22 octobre 2013

- dire que l'affection dont souffre Monsieur X. est définitive

- dire à défaut que cette affection est actuelle et susceptible d'être définitive

- à titre principal, faisant application de l'interprétation la plus favorable de la clause litigieuse, dire que la garantie dite « IPA » s'applique aux affections susceptibles d'être définitives

- à titre subsidiaire, constatant l'inapplicabilité de la clause, dire que l'alinéa 2 de ladite clause est réputé non écrit

En toute hypothèse :

- condamner la CNP Assurances à procéder au règlement des capitaux restant dûs à la Caisse d'épargne Midi-Pyrénées au titre des prêts n° 54YY32 et 31ZZ19 souscrits les 21 juin 2003 et 24 avril 2004 et assurés par la police n° 7WW2 X, soit la somme de 140.102,45 euros (sauf mémoire)

- condamner la même à payer :

* à Monsieur X. la somme de 20.000 euros au titre de son préjudice matériel et de 30.000 euros au titre de son préjudice moral

* à Madame Y. la somme de 15.000 euros au titre de son préjudice moral

* à leur fille M. la somme de 15.000 euros au titre de son préjudice moral

- condamner la CNP Assurances à payer à Monsieur et Madame X. en leur nom personnel comme ès qualités la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

 

Suivant ses dernières écritures adressées par RPVA le 28 mars 2014 la CNP Assurances demande quant à elle, au visa de l'article 1134 du code civil, de :

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Toulouse

- débouter Monsieur X. de l'ensemble de ses demandes

- dire et juger que l'assuré ne remplit pas les conditions de la garantie « IPA »

- à titre subsidiaire, dire et juger que la CNP Assurances n'a commis aucun manquement à un devoir de conseil

- à titre infiniment subsidiaire, dire et juger que toute condamnation à une prise en charge du prêt ne pourrait être prononcée que dans les termes et limites contractuels et au profit de l'organisme prêteur, bénéficiaire du contrat d'assurance

- condamner Monsieur X. à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en sus des condamnations de première instance, outre les entiers dépens avec distraction au profit de la SCP d'avocats C. T.

 

Les appelants font essentiellement valoir que :

- dès lors que les professionnels s'accordent pour considérer que les pathologies mentales anxio-dépressives ne peuvent être fixées dans la durée et que depuis 10 ans Monsieur X. est considéré comme invalide pour la même pathologie, il faut admettre que les conditions posées à l'article 2 du contrat d'assurance « IPA » sont soit remplies depuis fin 2004, soit impossibles à remplir

- c'est injustement que le tribunal a retenu que l'état de Monsieur X. n'était qu'actuel, cette « actualité » étant régulièrement constatée à chacun des examens médicaux mais les médecins ne pouvant, déontologiquement et par prudence, affirmer de façon péremptoire qu'une affection psychologique est définitive

- il appartenait dès lors à la juridiction d'une part d'apprécier si l'affection ne revêtait pas juridiquement un caractère « suffisamment définitif » pour permettre l'application de la garantie et si l'appréciation littérale du terme « définitif » par CNP Assurances n'aboutissait pas à exclure l'assuré souffrant d'une telle pathologie, pourtant stabilisée, de toute possibilité de garantie, d'autre part d'interpréter la convention des parties selon les règles établies par le code civil, le code des assurances et le code de la consommation

- en l'absence de précision de la clause contractuelle il faut considérer que s'il n'est pas possible d'affirmer que l'affection est définitive il n'est pas non plus possible d'affirmer qu'elle ne l'est pas, étant rappelé que dans le doute les dispositions doivent être interprétées en faveur de l'assuré, et que par ailleurs toute exclusion de garantie doit être exprimée en des termes évidents et lisibles faute de quoi elle est inopposable à l'assuré

- si, alors que Monsieur X. est malade depuis 2004, le caractère définitif de son affection ne devait jamais être reconnu selon les termes de la police d'assurance souscrite, l'alinéa 2 de la clause litigieuse devrait alors être écarté comme léonin en ce qu'il tend à priver l'assurance de tout objet

- en ce qui concerne les préjudices, il convient pour leur indemnisation de prendre en compte les conditions vexatoires et irrégulières dans lesquelles se sont déroulées les procédures de « conciliation » et de tierce-expertise, et le comportement dilatoire de l'assureur.

 

L'intimée expose essentiellement que :

- Monsieur X. ne remplit pas les conditions de la garantie « IPA » puisque deux rapports ont conclu que l'assuré ne se trouvait pas dans l'obligation de recourir pendant toute son existence à l'assistance permanente d'une tierce personne pour accomplir les actes ordinaires de la vie, et que le tiers expert a par ailleurs relevé l'absence de caractère définitif de l'affection

- l'obligation d'éclairer l'assuré n'incombe qu'au seul organisme prêteur et non à l'assureur

- l'absence de prise en charge n'est dûe qu'à l'absence de conformité entre l'état de santé de Monsieur X. et les conditions contractuelles et non à une inadéquation des garanties proposées

- très subsidiairement, toutes éventuelles condamnations ne pourraient être prononcées que dans les termes et limites contractuels et au profit de l'organisme prêteur, bénéficiaire du contrat d'assurance

- aucun comportement fautif ne peut être lui être reproché, et la preuve d'un lien de causalité entre les préjudices allégués et la position qu'elle a adoptée n'est pas rapportée.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATION :

Attendu qu'aux termes de l'article 1134 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ;

Attendu que l'article 2 des conditions générales contractuelles prévoit que « l'état d'invalidité permanente et absolue (IPA) est réalisé lorsque les trois conditions suivantes sont remplies simultanément :

- survenir en cours d'assurance et avant le 65e anniversaire

- mettre l'assuré dans l'impossibilité totale et définitive de se livrer au moindre travail pouvant lui procurer gain ou profit

- l'obliger, en outre, à recourir, pendant toute son existence à l'assistance permanente d'une tierce personne pour accomplir les actes ordinaires de la vie (se déplacer, se laver, s'habiller, s'alimenter) » ;

Attendu qu'il n'y a pas à interpréter des dispositions claires ;

Attendu que suivant accord intervenu entre « le Dr Z., médecin désigné par l'assuré et le Dr W., médecin missionné par CNP Assurances » et constaté par procès-verbal de conciliation, le Dr Louis A. a été désigné comme médecin tiers expert ; que dans son rapport établi le 27 mars 2013 « qui mentionne que l'examen a eu lieu en présence du Dr W. et du Dr B., médecin-conseil de Monsieur X. » le Pr A. ne met pas en cause l'impossibilité totale pour Monsieur X. de se livrer à un travail pouvant lui procurer gain ou profit mais :

- assortit son analyse d'une limite temporelle d'une durée qui ne pourra excéder 2 ans, délai à l'issue duquel le sujet devra être réexaminé par un psychiatre au terme d'une observation prolongée en milieu psychiatrique

- relève que Monsieur X. peut manger seul et se laver ;

Attendu que cet avis est explicité, le tiers expert soulignant qu’» il y a trop d'inconnues dans ce dossier pour que l'on puisse l'accepter tel qu'il est » et contestant l'acceptation de son état par l'intéressé alors qu'il dispose de toutes ses qualités intellectuelles et cognitives, ce « sans avoir obtenu une étiologie plus précise et (avoir mis) en place une prise en charge efficace »; que les conclusions quant au caractère non définitif de l'affection sont indirectement confirmées tant par le Dr B. qui, en dépit d'un « pronostic sombre » admet dans un courrier du 17 avril 2013 que dire que la maladie de Monsieur X. peut être considérée comme définitive « (lui) paraît difficile à exprimer », que par le Dr Z. qui dans son rapport du 3 mai 2013 souligne que « les capacités intellectuelles et cognitives non émoussées laissent malgré tout un espoir quant aux possibilités d'une reconstruction » sur laquelle elle « miserait », et se dit « persuadée que (Monsieur X.) est capable (d'une) remise en question (de son) comportement excessif » ;

Attendu que les conditions cumulatives d'obtention de la garantie « IPA » ne sont dès lors pas remplies à ce jour ;

Attendu que d'une part il existe bien des pathologies dont les conséquences répondent aux exigences de la clause critiquée, d'autre part il n'est nullement démontré que l'affection dont souffre Monsieur X. ne pourrait jamais se voir reconnu un caractère définitif ; que la demande aux fins de voir la clause réputée non écrite sera donc pareillement rejetée ;

Attendu que le moyen tiré d'un manquement par l'assureur à un devoir de conseil n'a pas été à nouveau invoqué dans le cadre de la procédure d'appel ;

Attendu que le jugement critiqué doit donc être confirmé ;

Attendu que la partie qui succombe est tenue de supporter les dépens ; que toutefois il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la CNP Assurances la charge des frais qui en exclus ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

- confirme le jugement rendu le 22 octobre 2013 par le tribunal de grande instance de Toulouse,

- condamne Monsieur X. et Madame Y. épouse X., agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de leur fille mineure M., aux dépens, dont distraction dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile,

- déboute la société CNP Assurances de sa demande au titre de l'article 700 du même code.

Le greffier,                            Le président,