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CA DIJON (1re ch. civ.), 12 janvier 2016

Nature : Décision
Titre : CA DIJON (1re ch. civ.), 12 janvier 2016
Pays : France
Juridiction : Dijon (CA), 1re ch.
Demande : 15/00599
Date : 12/01/2016
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 7/04/2015
Décision antérieure : CASS. CIV. 1re, 25 janvier 2017
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7339

CA DIJON (1re ch. civ.), 12 janvier 2016 : RG n° 15/00599 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Si, à l'égard de M. X., désigné dans l'acte de prêt comme étant viticulteur, ce concours présente donc le caractère professionnel par lequel il est expressément qualifié, il n'en va pas de même pour son épouse, dont l'acte authentique précise qu'elle exerce la profession d'aide-soignante. Il sera en effet rappelé que c'est la qualité de la partie au contrat qui est susceptible de conférer à ce dernier un caractère professionnel, et non l'inverse, de telle sorte que la qualité de professionnel ne peut s'acquérir de manière conventionnelle, par l'extension de la qualification d'un contrat. Par ailleurs, la seule circonstance que le prénom de Mme X. apparaisse associé à celui de son mari sur le site internet du Domaine X., à une date au demeurant postérieure de près de 20 ans à celle du prêt, ne suffit pas à démontrer qu'elle était, à la date du concours litigieux, directement intéressée à l'activité professionnelle de son mari. Dans ces conditions, il doit être considéré que Mme X. est bien intervenue à l'acte comme simple consommateur, et elle doit dès lors bénéficier de la prescription de l'article L. 137-2 précité. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DIJON

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 12 JANVIER 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/00599. Décision déférée à la Cour : au fond du 25 mars 2015, rendue par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Dijon : RG n° 13/62.

 

APPELANTS :

Monsieur X.

né le [date] à [ville]

Madame Y. épouse X.

née le [date] à [ville]

Assisté de Maître Benoît F., avocat au barreau de Lyon, plaidant, et représentés par Maître Michel R., avocat au barreau de Dijon, postulant, vestiaire : 104

 

INTIMÉE :

CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE BOURGOGNE

société coopérative à capital variable, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié de droit au siège : Représentée par Maître Céline B., membre de la SCP B. ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 14

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 novembre 2015 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Wachter, Conseiller, ayant fonction de Président, chargé du rapport, et Madame Dumurgier, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de : Monsieur WACHTER, Conseiller, Président, Madame DUMURGIER, Conseiller, Madame LAVERGNE-PILLOT, Conseiller.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame VUILLEMOT,

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 12 janvier 2016.

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Monsieur Wachter, Conseiller, et par Madame Vuillemot, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Selon commandement délivré le 22 avril 2013 et publié le 19 juin 2013 au service de la publicité foncière de Beaune, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne a, pour obtenir paiement de la somme de 295.056,70 euros due en vertu d'un acte authentique de prêt du 28 janvier 1994, fait saisir à l'encontre de M. X. et de son épouse, née Y., les immeubles suivants :

- lot 1 : une parcelle de vigne d'appellation Côte de Beaune […], cadastrée commune de [...], section XX n° YY pour 38a 06ca ;

- lot 2 : * une parcelle en nature de friche cadastrée commune de [...], section XX n° YY pour 96a ;

* une parcelle en nature de friche cadastrée commune de [...], section XX n° YY pour 34a ;

- lot 3 : * une parcelle de vigne cadastrée commune de [...], section XX n° YY pour 22a 43ca ;

* une parcelle de vigne cadastrée commune de [...], section XX n° YY pour 61a 10ca ;

* une parcelle de vigne cadastrée commune de [...] section XX n° YY pour 45a 93ca ;

* une parcelle de vigne cadastrée commune de [...] section XX n° YY pour 20a 25ca.

Par exploit du 24 juillet 2013, le Crédit Agricole a fait assigner les époux X. à l'audience d'orientation du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Dijon du 16 octobre 2013.

Les époux X. ont contesté la mesure de saisie immobilière aux motifs que la banque ne détenait pas de titre exécutoire en l'absence de créance liquide et exigible, que la créance était prescrite, qu'en tout état de cause la banque avait renoncé à s'en prévaloir, et que la banque n'avait pas fait preuve de bonne foi dans l'exécution de ses obligations. Très subsidiairement, ils ont demandé une expertise aux fins de faire évaluer les biens.

Par jugement du 21 mai 2014, le juge de l'exécution :

- a rejeté l'ensemb1e des moyens soulevés par M. X. et son épouse Mme Y. dans leurs conclusions d'incidents, et les a déboutés de leurs prétentions ;

- a constaté que les conditions prévues par les articles L. 311-2, L. 311-4 et L. 311-6 du code des procédures civiles d'exécution sont en l'espèce réunies ;

- a constaté que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne dispose d'un titre exécutoire, constatant une créance liquide et exigible et la saisie porte sur un bien ou un droit immobilier ;

- a retenu la créance de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne à la somme totale de 295.056,70 euros selon un décompte arrêté au 15 mars 2013.

Se décomposant comme suit :

- Capital restant dû                             114.604,11 euros

- Intérêts                                             38.681,03 euros

- pénalités, intérêts de retards            141.771,56 euros

295.056,70 euros

- a ordonné la poursuite de la procédure sur vente forcée ;

- a dit que l'adjudication aura lieu conformément aux modalités prévues par le cahier des conditions de la vente à l'audience du mercredi 1er juillet 2015 à 10 heures 30, sur mise à prix de :

* 34.500 euros pour le lot n° 1 - parcelles de [ville Ch.]

* 13.000 euros pour le lot n° 2 - parcelles de [ville C.]

* 14.950 euros pour le lot n° 3 - parcelles de [ville M.]

- a renvoyé l'affaire à cette audience sans nouvelle convocation ;

- a taxé les frais de poursuite de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne, créancier poursuivant, à la somme de 2.411,17 euros ;

- a fixé les modalités de visite du ou des biens mis en vente.

Les époux X. ont relevé appel de cette décision le 7 avril 2015.

Par ordonnance du 10 avril 2015 ils ont été autorisés à faire assigner le Crédit Agricole pour l'audience du 9 juin 2015.

L'assignation a été délivrée le 17 avril 2015.

 

Par conclusions notifiées le 30 septembre 2015, les appelants demandent à la cour :

Vu l'article L. 137-2 du code de la consommation,

Vu l'article 3 de la loi du 9 juillet 1991 aujourd'hui codifié au code des procédures civiles d'exécution,

Vu l'article 2277 ancien et l'article 2224 du code civil,

Vu les articles 1134 et suivants du code civil,

- de déclarer recevable et fondé l'appel interjeté par M. et Mme X. ;

Avant dire droit

- d'ordonner au juge administratif la question préjudicielle de la légalité de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution ;

Y faisant droit,

- de condamner l'intimée sous astreinte de 50 euros par jour de retard commençant à courir 8 jours après signification de l'arrêt à intervenir, à justifier de la libération des fonds au titre du prêt notarié objet de la présente saisie ;

- d'infirmer la décision entreprise et, statuant à nouveau,

- de dire et juger que le Crédit Agricole ne justifie pas d'un titre permettant d'engager la présente procédure afin de saisie immobilière ;

- de dire et juger que le Crédit Agricole devra mieux se pourvoir devant le juge du fond afin de solliciter un titre exécutoire matérialisant cette fois une créance liquide et exigible ;

Subsidiairement,

- de dire et juger que la créance du Crédit Agricole est prescrite à l'égard des deux époux X. ;

Plus subsidiairement,

- de dire et juger que le Crédit Agricole a renoncé à faire valoir sa créance et de le débouter de sa demande afin d'adjudication des biens objets de la saisie ;

Plus subsidiairement encore,

- de dire et juger que le Crédit Agricole a manqué à son obligation de mise en garde ;

- de dire et juger qu'il n'a pas exécuté ses obligations de bonne foi en maintenant le crédit de manière abusive et sans faire le moindre prélèvement des échéances sur le compte de M. X. mais en ayant fait procéder à la vente amiable des biens objets du crédit sans en avertir les cautions et sans modifier l'échéancier initial et tout en refusant de restructurer la dette ;

- de dire et juger que les fautes commises génèrent un préjudice à hauteur de la créance alléguée devant venir en compensation et empêchant toute saisie ;

- de dire et juger n'y avoir lieu à saisie immobilière ;

- d'ordonner la caducité du commandement

Toujours plus subsidiairement encore,

- de dire et juger que la créance du Crédit Agricole est manifestement prescrite à l'égard de Mme X. qui n'est pas une professionnelle et dont le commandement afin de saisie-immobilière aurait dû lui être signifié dans les deux ans du terme du contrat de prêt ;

Par voie de conséquence,

- de dire et juger que le Crédit Agricole n'est pas fondé à poursuivre la procédure de saisie immobilière ;

Dans tous les cas,

- de débouter le Crédit Agricole de sa demande d'adjudication des biens hypothéqués et de le renvoyer au fond ;

A titre infiniment plus subsidiaire,

- de dire et juger que la créance privilégiée en principal du Crédit Agricole doit être limitée à hauteur de 114.604,11 euros tel que mentionné sur le décompte du 15 mars 2013 ;

- de débouter le Crédit Agricole de sa demande pour voir fixer sa créance privilégiée au titre des intérêts et accessoires ;

Subsidiairement et pour le cas où la cour fasse droit à l'adjudication,

- d'ordonner la désignation d'un technicien afin de chiffrer la valeur des parcelles et donc des lots ;

- de fixer les mises à prix à hauteur de 75 % de ces valeurs ;

- d'ordonner que l'adjudication cessera une fois que l'adjudication des premiers lots aura permis de couvrir la créance des créanciers objets de la présente procédure afin de saisie immobilière ayant régulièrement déclaré leur créance ;

- de condamner le Crédit Agricole au paiement d'une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner le même aux entiers dépens de l'instance.

 

Par conclusions notifiées le 2 octobre 2015, le Crédit Agricole demande à la cour :

- de dire et juger que les consorts X. sont irrecevables à invoquer la responsabilité de la banque pour quelque motif que ce soit (soutien abusif ou manquement au devoir de mise en garde), puisqu'il n'entre pas dans les pouvoirs ni dans la compétence du juge de l'exécution, et a fortiori la Cour, de se prononcer sur la responsabilité de la banque ;

- de dire et juger irrecevables les demandes nouvelles formées en cause par les consorts X. ;

- subsidiairement, de débouter les consorts X. de leurs demandes, y compris celle de condamnation sous astreinte formulée pour la première fois devant la cour ;

- de dire et juger que l'action de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne n'est nullement prescrite ;

- de dire et juger que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne justifie d'un titre exécutoire parfaitement régulier ;

- de dire et juger que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne justifie d'une créance liquide et exigible ;

- de dire et juger qu'il n'y a pas lieu à application de la prescription quinquennale des intérêts, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne n'ayant pas formé d'action en paiement des intérêts mais ayant seulement mis en œuvre le recouvrement des créances qu'elle détient sur les consorts X. en vertu d'un titre exécutoire ;

- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

- de condamner solidairement M. et Mme X. à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de les condamner sous la même solidarité aux entiers dépens.

 

Par conclusions séparées, les époux X. ont saisi la cour d'une demande tendant à la transmission à la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité, à laquelle il n'a pas été fait droit par arrêt distinct.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Sur ce, la cour,

Vu les dernières écritures des parties auxquelles la cour se réfère,

 

Sur la question préjudicielle :

Les époux X. sollicitent de la cour qu'elle soumette à la juridiction administrative la question de la légalité de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, selon lequel, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l'audience d'orientation prévue à l'article R 322-15 à moins qu'elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci. Ils contestent la légalité de cet article au motif que le pouvoir réglementaire a statué sur une matière qui touche aux libertés et qui ressort du domaine législatif et constitutionnel.

Leur demande s'analyse donc en une exception d'illégalité d'un texte réglementaire.

Il sera rappelé en premier lieu qu'il n'appartient pas au juge judiciaire de saisir directement le juge administratif, les parties ayant seules cette faculté. Or force est de constater qu'il n'est aucunement justifié par les époux X. de la saisine de la juridiction administrative, et qu'ils ne sollicitent d'ailleurs pas le sursis à statuer.

En second lieu, la juridiction de l'ordre judiciaire devant laquelle une exception d'illégalité est soulevée n'est tenue de surseoir à statuer que dans le cas où celle-ci présente un caractère sérieux et porte sur une question dont la solution est nécessaire au règlement du litige.

Or, en l'espèce, il doit être relevé que l'article concerné, qui s'inscrit dans un ensemble de dispositions réglementaires ayant pour seul objet de préciser les modalités du déroulement de la procédure applicable à la mesure de saisie immobilière, n'a aucun effet sur le fond du droit, et n'affecte dès lors pas en lui-même le régime de la liberté fondamentale que constitue la propriété. L'exception d'illégalité n'apparaît donc pas sérieuse.

Au demeurant, dans le cadre du présent litige, le recours aux dispositions de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution ne conditionne pas l'issue du litige. En effet, outre sur le fondement de l'article R. 311-5, l'irrecevabilité des demandes nouvelles des époux X. est encore soulevée par le Crédit Agricole sur celui de l'article 564 du code de procédure civile interdisant la formulation de telles demandes à hauteur d'appel, la banque critiquant en outre la recevabilité de la demande relative à sa responsabilité pour manquement à son devoir de mise en garde au regard de l'incompétence du juge de l'exécution pour statuer sur ce point.

La demande relative à la question préjudicielle ne pourra donc qu'être rejetée.

 

Sur la saisie immobilière :

Les époux X. se prévalent de la prescription du prêt litigieux au regard de l'article L. 137-2 du code de la consommation, selon lequel l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

Ils font valoir qu'en dépit des énonciations expresses de l'acte de prêt, il n'était pas justifié du caractère professionnel de celui-ci, les fonds n'ayant selon eux pu servir à l'acquisition par M. X. de locaux de stockage de vin dont il n'avait aucune nécessité. Force est cependant de constater que les appelants, auxquels il incombe de démontrer le caractère erroné des indications relatives à la nature et à l'objet du prêt, qu'ils ont approuvées de manière expresse en y apposant leurs signatures, ne proposent strictement aucun élément convaincant en ce sens.

Par ailleurs, leur demande tendant à voir la banque condamnée sous astreinte à justifier du déblocage des fonds est irrecevable comme étant présentée pour la première fois à hauteur d'appel en méconnaissance des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile.

Au demeurant, cette demande est mal fondée dès lors que le prêt a été remboursé pendant de longues années par les emprunteurs, ainsi qu'il en est justifié par les relevés de compte versés aux débats, ce qui suffit à établir que les fonds objets de l'acte authentique ont bien été libérés.

Si, à l'égard de M. X., désigné dans l'acte de prêt comme étant viticulteur, ce concours présente donc le caractère professionnel par lequel il est expressément qualifié, il n'en va pas de même pour son épouse, dont l'acte authentique précise qu'elle exerce la profession d'aide-soignante. Il sera en effet rappelé que c'est la qualité de la partie au contrat qui est susceptible de conférer à ce dernier un caractère professionnel, et non l'inverse, de telle sorte que la qualité de professionnel ne peut s'acquérir de manière conventionnelle, par l'extension de la qualification d'un contrat. Par ailleurs, la seule circonstance que le prénom de Mme X. apparaisse associé à celui de son mari sur le site internet du Domaine X., à une date au demeurant postérieure de près de 20 ans à celle du prêt, ne suffit pas à démontrer qu'elle était, à la date du concours litigieux, directement intéressée à l'activité professionnelle de son mari. Dans ces conditions, il doit être considéré que Mme X. est bien intervenue à l'acte comme simple consommateur, et elle doit dès lors bénéficier de la prescription de l'article L. 137-2 précité.

Dans la mesure où le prêt est arrivé à échéance le 9 février 2009, date de la dernière annuité, et que le premier acte exécuté postérieurement à cette date par le Crédit Agricole consiste en une mise en demeure du 19 mars 2013, force est de constater qu'à l'égard de Mme X., la créance est incontestablement prescrite, de telle sorte que la saisie immobilière ne pouvait être valablement poursuivie à son encontre.

La saisie immobilière aurait néanmoins pu continuer de produire ses effets, sous réserve de l'examen des autres moyens développés par M. X., à condition que les biens saisis aient appartenu à la communauté des époux, la signature par Mme X. du contrat de prêt devant être considérée comme valant consentement exprès à l'engagement des biens communs tel que prévu par l'article 1415 du code civil.

Or, il résulte des documents versés aux débats, en particulier de l'acte de prêt lui-même ainsi que des extraits de la matrice cadastrale, que les biens saisis suivants constituent des biens propres de Mme X. :

- une parcelle en nature de friche cadastrée commune de [...], section XX n° XX pour 96a ;

- une parcelle en nature de friche cadastrée commune de [...], section XX n° XX pour 34a ;

- une parcelle de vigne cadastrée commune de [...], section XX n° XX pour 22a 43ca ;

- une parcelle de vigne cadastrée commune de [...], section XX n° XX pour 61a 10ca ;

- une parcelle de vigne cadastrée commune de [...] section XX n° XX pour 45a 93ca.

En raison de leur caractère de biens propres, ces parcelles ne pouvaient en aucun cas faire l'objet du commandement de payer valant saisie délivré le 22 avril 2013, lequel n'est donc pas conforme à l'article R. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution, qui énonce notamment que le commandement comporte la désignation de chacun des biens sur lesquels porte la saisie immobilière, telle qu'exigée par les règles de la publicité foncière, et qui sanctionne les irrégularités du commandement valant saisie par sa nullité.

La nullité du commandement de payer emporte nullité de tous les actes subséquents pratiqués sur son fondement, de telle sorte qu'il doit en définitive être constaté que la procédure de saisie immobilière initiée par le Crédit Agricole est irrégulière.

Le jugement déféré sera donc infirmé en toutes ses dispositions, la banque étant déboutée de l'ensemble de ses demandes.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser aux époux X. la charge de leurs frais de défense irrépétibles.

Le Crédit Agricole sera condamné au entiers dépens de première instance et d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs :

Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,

Rejette la demande de M. X. et de son épouse, née Y., tendant à ce que soit posée au juge administratif la question préjudicielle de la légalité de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution ;

Déclare irrecevable la demande des époux X. tendant à voir la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne condamnée sous astreinte à justifier du déblocage des fonds ;

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 21 mai 2014 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Dijon ;

Statuant à nouveau :

Rejette l'ensemble des demandes formées par le Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne le Crédit Agricole Mutuel de Champagne Bourgogne aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le greffier,                            Le président,