TI BOULAY, 9 mars 2006
CERCLAB - DOCUMENT N° 734
TI BOULAY, 9 mars 2006 : RG n° 11-04-000290 ; jugt n° 06/88
(sur appel CA Metz (3e ch. civ.), 27 novembre 2008 : RG n° 06/01392 ; arrêt n° 08/0103)
Extrait : « Attendu, sur le problème de la variation du taux d'intérêts, que la clause de variation du taux figurant au contrat a été déclarée abusive sans que le jugement ait été frappé d'appel sur ce point ;
Que cependant les conséquences du caractère abusif d'une clause de variation du taux d'intérêts, ne sont pas de priver le crédit de toute stipulation d'intérêts, mais d'empêcher la variation du taux initialement convenu, qui reste maintenu pour toute la durée du crédit ; Attendu qu'en l'espèce la défenderesse soutient que le taux pratiqué n'aurait pas varié, le demandeur soutenant l'inverse ; […]
Attendu que sur la base de ce décompte, les diverses vérifications opérées par le Tribunal, consistant à calculer, à partir d'un solde mensuel pris dans le décompte, le montant des intérêts et frais d'assurance qui auraient dû théoriquement être débités sur la base d'un TEG de 12,40 %, ne font nullement apparaître de dépassement du TEG susceptible de donner lieu à un remboursement d'intérêts au profit de M. X. ; […] ;
Attendu qu'il n'est produit aucun autre extrait de compte faisant état d'un taux d'intérêts supérieur à celui convenu ; Qu'en l'état des vérifications opérées par le Tribunal, qui sont ponctuelles mais nombreuses, même si elles ne remplacent évidemment pas une expertise, il n'apparaît pas que le taux d'intérêts conventionnel non plus que le TEG aient été dépassés ; Qu'à supposer même que tel ait été le cas, et au vu du calcul qui précède, il est vraisemblable que le montant de ce dépassement resterait minime, et en tout cas sans commune mesure avec les frais qu'il faudrait exposer pour réaliser une expertise comptable ».
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL D’INSTANCE DE BOULAY
JUGEMENT DU 9 MARS 2006
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11-04-000290. Jugement n° 06/88.
PARTIE DEMANDERESSE :
Monsieur X.
[adresse], comparant en personne
PARTIE DÉFENDERESSE :
CRÉDIT MUTUEL
[adresse], représenté par Maîtres GENIN HOFFMANN, avocats du barreau de SARREGUEMINES
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Juge : Mme FOURNEL
Greffier : Mme BUCHMANN
DÉBATS : Audience publique du 19 janvier 2006, date à laquelle l'affaire a été mise en délibéré au 9 mars 2006,
DÉCISION : contradictoire, en premier ressort, mise à disposition au greffe le 9 mars 2006 par Madame FOURNEL, Président, assistée de Mme BUCHMANN, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] FAITS ET PROCÉDURE :
Par déclaration introductive d'instance du 13 septembre 2004, M. X. a fait citer devant le Tribunal d'Instance de BOULAY la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE CREUTZWALD, en exposant avoir souscrit auprès de cette banque, en avril 1997, un crédit revolving contenant une clause de variation du taux d'intérêts dont il considère qu'elle est abusive et doit être réputée non écrite.
De plus il fait valoir que le découvert qui lui avait été autorisé ne devait pas dépasser 40.000 F, alors qu'en trois déblocages successifs, il a disposé d'un capital total de 92.000 €.
Par ailleurs il indique que suite à sa maladie, ce prêt a fait l'objet d'une prise en charge par les ACM, mais que malgré cela la banque n'a pas arrêté de le harceler, lui envoyant des lettres de relance facturées à 9,28 €.
Dans des conclusions ultérieures, il s'étonne de l'attitude de la défenderesse, qui dans un premier temps avait décidé de se désister de la demande, et ajoute que celle-ci, malgré le fait que le crédit revolving n° 16XX52 est entièrement remboursé, n'a toujours pas levé son inscription au fichier de la Banque de France.
Il fait valoir en outre que ses problèmes de remboursement relatifs à l'un de ses prêts proviennent de la négligence, volontaire ou non, de la défenderesse, dès lors que la prise en charge par les assurances des échéances de 6 mois sur une période de 1999 à 2000 ne lui ont été remboursées qu'en octobre 2004.
Il maintient que le découvert autorisé a bien été dépassé, puisqu'en mars 2001 il atteignait la somme de 50.677,37 F., et indique qu'il lui est impossible à lui seul de chiffrer le montant des intérêts qui lui auraient été débités indûment en fonction du caractère abusif de la clause.
Il maintient que l'offre de crédit signée le 28 janvier 1997 stipule clairement que le taux effectif global est révisable, et a atteint un moment 13,20 %.
Il demande donc :
- Que soit appliqué l'article L. 132-1 du Code de la consommation et particulièrement l'avis de la commission des clauses abusives suite au jugement du Tribunal d'Instance de BOURGANEUF,
- Que la CMDP soit déchue des intérêts du prêt depuis son origine,
- Que les intérêts versés lui soient entièrement remboursés majorés des frais subis et intérêts,
- Que soit nommé un cabinet de comptables indépendant aux fins de vérification des écritures aux entiers frais de la C.C.M.,
- Que la défenderesse soit condamnée à lui verser les sommes de :
* 3.000 € à titre de dommages et intérêts,
* 3.500 € à titre de harcèlement caractérisé en connaissance de cause,
* [minute page 3] 1.000 € dans le cadre de l'article 700 du NCPC, outre les entiers dépens de l'instance.
La défenderesse réplique que nulle part l'article L. 132-1 du Code de la Consommation ne dispose qu'est abusif un contrat qui accorde une autorisation de découvert d'un montant variable associé à une carte de crédit.
Elle indique que le montant du découvert autorisé n'a jamais dépassé 50.000 F, et indique que l'extrait auquel fait référence le demandeur démontre qu'après un incident de paiement régularisé, M. X. a effectué un retrait de 40.000 F., mais qu'à sa dette en capital s'additionnent les intérêts.
Quant aux recommandations de la commission des clauses abusives la défenderesse soutient que le contrat ne prévoyait pas de taux variable, et que le taux est resté à 12,40 % du début à la fin du prêt.
Elle ne voit donc aucun intérêt à organiser une expertise comptable, dont l'avance des frais incomberait en tout état de cause au demandeur.
Concluant au débouté, elle réclame 1.000 € au titre de l'article 700 du NCPC.
Par jugement du 20 octobre 2005, le tribunal de céans a déclaré abusive et non écrite la clause du contrat souscrit le 28 janvier 1997, prévoyant que le taux d'intérêts est révisable et que le taux effectif global suivra les variations en plus ou en moins du taux de base que le prêteur applique aux opérations de même nature, et qui figure dans les barèmes qu'il diffuse auprès du public.
Pour le surplus le Tribunal a invité la défenderesse à verser aux débats l'entier historique de fonctionnement du compte du demandeur, à indiquer quelles ont été les variations de taux d'intérêts pratiquées, et à produire un récapitulatif de toutes les sommes personnellement payées par le demandeur.
La défenderesse a également été invitée à verser aux débats une reconstitution du compte du demandeur sans variation du taux d'intérêts, afin de pouvoir le cas échéant déterminer le montant des intérêts trop payés.
Par mémoire du 29 novembre 2005, la défenderesse déclare verser aux débats l'historique demandé, et indique que le taux d'intérêts pratiqué n'a pas varié pendant toute la durée du crédit, intégralement remboursé en octobre 2004, seule la présentation des opérations ayant changé.
Elle indique qu'un calcul effectué pour chaque année confirme que le taux d'intérêts n'a pas varié.
M. X. réplique que les documents produits ne répondent en rien à la demande du Tribunal, la défenderesse s'étant dispensée de produire les pièces distinguant ses remboursements en principal, intérêts et assurances au seul motif que le taux d'intérêts n'aurait pas varié, ce qui est inexact.
[minute page 4] Il se prévaut à cet égard d'un relevé de compte qui lui a été envoyé sur lequel il est fait état d'un TEG de 13,30 % et non plus de 12,40 %.
Il fait valoir que si le taux d'intérêts avait effectivement été linéaire, les montants remboursés mensuellement auraient dû être identiques tout au long du crédit, ce qui n'a pas été le cas.
Il considère que les documents produits ne sont pas probants et que le CRÉDIT MUTUEL fait preuve en l'espèce de mauvaise volonté et d'un comportement désobligeant et répétitif, au vu duquel il augmente ses conclusions aux sommes de :
* 6.000 € à titre de dommages et intérêts,
* 8.500 € au titre du harcèlement caractérisé en connaissance de cause.
Il maintient sa demande en remboursement des intérêts trop versés, et demande à titre complémentaire la possibilité d'utiliser dans ses mémoires ou toute autre utilisation qu'il jugera utile, la présente affaire à des fins commerciales ou d'utilité publique, par lui même ou ses descendants.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI :
Attendu qu'il est constant que selon offre préalable de crédit acceptée le 28 janvier 1997, M. X. a souscrit auprès de la CCM de CREUTZWALD un crédit utilisable par fraction assorti d'une carte EUROCARD, lui permettant de bénéficier d'un découvert en compte d'un montant maximum de 50.000 F., et prévoyant des intérêts au taux nominal de 10,90 % et au TEG de 12,40 % ;
Attendu que dans ses premières conclusions M. X. s'était prévalu, outre de l'argument tiré de la nullité de la clause de variation d'intérêts, du fait que le montant maximum du découvert autorisé aurait été dépassé, le total des utilisations ayant été de 92.000 F ;
Attendu cependant que le demandeur confond en l'espèce le montant des utilisations effectuées au cours de la vie de l'ouverture de crédit, et le montant maximum de découvert susceptible d'être atteint par cette ouverture de crédit ;
Qu'en l'espèce au vu de l'historique de compte produit, la réserve en capital du demandeur s'étant reconstituée au fur et à mesure de ses remboursement, rien ne s'opposait à ce que de nouvelles utilisations en capital soient effectuées, tant que le découvert en résultant ne dépassait pas 50.000 F. ;
Attendu que les diverses opérations effectuées en mars 2001 lors du déblocage d'une somme de 40.000 F. ne font nullement apparaître de manière flagrante qu'à cette occasion le montant du découvert maximum autorisé aurait été dépassé, puisque ce déblocage, s'il est intervenu en même temps qu'un impayé d'échéance ayant augmenté d'autant la dette de M. X. a été au vu des relevés suivi d'un remboursement de l'échéance précitée, dont le débit se retrouve effectivement au compte bancaire du demandeur ;
[minute page 5] Qu'en conséquence le grief fait à la défenderesse d'un dépassement du montant maximum du découvert autorisé n'apparaît pas fondé ;
Qu'en tout état de cause et à supposer que ce montant maximum ait été ponctuellement dépassé, il reste que ce type de dépassement est actuellement considéré comme un incident de paiement susceptible de faire courir le délai de forclusion de deux ans s'il n'est pas régularisé ;
Qu'en l'espèce l'analyse des opérations ultérieures démontre que le montant maximum du découvert autorisé n'a plus été dépassé, et que la situation a donc été régularisée ;
Qu'il n'apparaît pas qu'un grief quelconque en soit résulté pour le demandeur, qui ne prouve pas en quoi il aurait été abusé, ainsi qu'il l'indique, dans le cadre de cette opération ;
Attendu, sur le problème de la variation du taux d'intérêts, que la clause de variation du taux figurant au contrat a été déclarée abusive sans que le jugement ait été frappé d'appel sur ce point ;
Que cependant les conséquences du caractère abusif d'une clause de variation du taux d'intérêts, ne sont pas de priver le crédit de toute stipulation d'intérêts, mais d'empêcher la variation du taux initialement convenu, qui reste maintenu pour toute la durée du crédit ;
Attendu qu'en l'espèce la défenderesse soutient que le taux pratiqué n'aurait pas varié, le demandeur soutenant l'inverse ;
Que le document communiqué par la défenderesse, s'il ne correspond effectivement pas à l'intégralité des demandes du Tribunal, contient néanmoins, mois par mois, un récapitulatif des intérêts calculés sur le solde restant dû, de même qu'un récapitulatif des paiements effectués et des éventuels impayés ;
Que ce document, lisible et compréhensible, pouvait le cas échéant être contesté par le demandeur s'il l'estimait inexact dans le récapitulatif qu'il fait des opérations effectuées, ce qui n'a pas été le cas ;
Qu'il y a lieu de tenir pour exact et conforme à la réalité des opérations effectuées l'historique de compte fourni, sauf à vérifier quel est le taux d'intérêts qui en ressort ;
Attendu que sur la base de ce décompte, les diverses vérifications opérées par le Tribunal, consistant à calculer, à partir d'un solde mensuel pris dans le décompte, le montant des intérêts et frais d'assurance qui auraient dû théoriquement être débités sur la base d'un TEG de 12,40 %, ne font nullement apparaître de dépassement du TEG susceptible de donner lieu à un remboursement d'intérêts au profit de M. X. ;
Qu'il convient de faire observer au demandeur qu'il lui était loisible également de verser aux débats tous éléments permettant de penser que le taux d'intérêts contractuel aurait été effectivement dépassé ;
Qu'à cet égard M. X. a versé aux débats un extrait de son compte « préférence » faisant état d'un TEG de 13,20 % pour le mois de février 2004 ;
[minute page 6] Que sur cet extrait de compte figurent effectivement 19,99 € d'intérêts et 2,74 € d'assurance, correspondant effectivement à un calcul à 13,20 % l'an sur la somme de 2.158,13 € pour 29 jours, alors qu'un calcul sur la base d'un TEG de 12,40 € aurait abouti à un montant total, en intérêts et assurances, de 21,26 € soit une différence de 1,37 € ;
Attendu qu'il n'est produit aucun autre extrait de compte faisant état d'un taux d'intérêts supérieur à celui convenu ;
Qu'en l'état des vérifications opérées par le Tribunal, qui sont ponctuelles mais nombreuses, même si elles ne remplacent évidemment pas une expertise, il n'apparaît pas que le taux d'intérêts conventionnel non plus que le TEG aient été dépassés ;
Qu'à supposer même que tel ait été le cas, et au vu du calcul qui précède, il est vraisemblable que le montant de ce dépassement resterait minime, et en tout cas sans commune mesure avec les frais qu'il faudrait exposer pour réaliser une expertise comptable ;
Attendu que les éléments de preuve dont dispose le Tribunal n'accréditent pas la thèse du demandeur, et ne permettent pas raisonnablement de mettre les frais d'une expertise à la charge de la défenderesse ;
Que s'agissant du demandeur, sur qui pèse également la charge de la preuve, il apparaît déraisonnable de mettre à sa charge l'avance de frais d'expertise compte tenu du bénéfice très hypothétique et minime qu'il pourrait en tirer ;
Qu'une mesure d'instruction supplémentaire apparaissant dès lors inopportune, il convient de constater qu'en l'état la preuve d'un dépassement du taux d'intérêts n'est pas établie, non plus que celle d'un montant éventuellement trop payé par le demandeur, à l'exception de la somme de 1,37 € précitée ;
Qu'en conséquence et sous réserve de la restitution de cette somme, il y a lieu de débouter M. X. de ses demandes ;
Attendu pour le surplus que la preuve d'un harcèlement manifeste de la part de la défenderesse à l'égard du demandeur n'est pas établie par les documents produits ;
Qu'outre le fait que certains des courriers produits ne semble pas concerner le crédit objet de la présente procédure, il semble surtout résulter de ces documents que les échanges épistolaires et les négociations ou tentatives de négociations ont été intenses, ce qui en soi ne prouve pas la mauvaise foi ou l'acharnement abusif de la défenderesse ;
Qu'il y a lieu dès lors de rejeter les diverses demandes de dommages et intérêts ;
Attendu enfin qu'il n'appartient nullement au Tribunal de céans de donner une quelconque autorisation relative à ce que M. X. pourrait ultérieurement vouloir dire ou écrire à propos de ce litige, cette demande étant irrecevable et plus encore sans objet, les propos à venir du demandeur n'étant évidemment pas connus ;
Attendu que l'équité n'impose pas de faire application de l'article 700 du NCPC ;
[minute page 7] Que compte tenu du fait que, s'agissant de la demande visant à constater le caractère abusif de la clause de variation des intérêts, la demande de M. X. était en partie fondée, les dépens seront partagés par moitié entre chacune des parties ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort,
- CONSTATE qu'est établi un dépassement du taux d'intérêts pour le mois de février 2004 devant donner lieu à restitution d'une somme de 1,37 € au profit du demandeur,
- En tant que de besoin, CONDAMNE la CCM DE CREUTZWALD à payer cette somme au demandeur,
- DÉBOUTE M. X. du surplus de ses demandes,
- DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du NCPC,
- FAIT MASSE des dépens et condamne chacune des parties à en acquitter la moitié,
En foi de quoi le présent jugement a été signé par Nous, Président et Greffier, aux jour, mois et an susdits.
LE PRÉSIDENT LE GREFFIER.
- 5740 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Changement des règles applicables
- 6630 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 1 - Présentation générale