TI BOULAY, 20 octobre 2005
CERCLAB - DOCUMENT N° 717
TI BOULAY, 20 octobre 2005 : RG n° 11-04-000290 ; jugt n° 367/05
(suivi au fond de TI Boulay, 20 octobre 2005 : RG n° 11-04-000290 ; jugt n° 367/05 et sur appel CA Metz (3e ch. civ.), 27 novembre 2008 : RG n° 06/01392 ; arrêt n° 08/0103)
Extrait : « Que cependant les conditions générales du crédit mentionnent clairement que le taux d'intérêt est révisable et que le taux effectif global suivra les variations en plus ou en moins du taux de base que le prêteur applique aux opérations de même nature et qui figure dans les opérations qu'il diffuse auprès du public ;
Attendu que dans deux avis rendus par la commission des clauses abusives en sa séance plénière du 27 mai 2004, la commission, […] ; Attendu qu'aux termes de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, sont abusives, […] ;
Attendu que le caractère non écrit de la clause litigieuse n'a pas pour effet de supprimer purement et simplement toute convention d'intérêts, mais de la rendre sans effet et de maintenir par conséquent en vigueur le taux initialement prévu, soit un taux nominal de 10,90 % l'an et un taux effectif global de 12,40 % ;
Qu'en l'état le Tribunal n'a pas les moyens de savoir quelles ont été, au cours du crédit aujourd'hui entièrement remboursé, les variations du taux d'intérêt qui ont pu amener un dépassement du taux initialement convenu, étant observé que la défenderesse soutient que ce taux n'aurait jamais varié ; Que d'autre part, M. X. ne peut réclamer que le remboursement de la part d'intérêts excessive qu'il a effectivement lui même payée ; […] ; Qu'il serait donc nécessaire que la défenderesse produise un récapitulatif de toutes les sommes effectivement payées par le demandeur pendant toute la durée du crédit, en distinguant les remboursements en capital, intérêts, assurances et frais éventuels, et mentionnant les éventuelles variations de taux d'intérêt qui ont pu avoir lieu ; Qu'il lui sera demandé également de produire une reconstitution de l'évolution des intérêts en partant de l'hypothèse d'une absence de variation du taux durant toute la durée du prêt, et d'indiquer dans cette hypothèse quel aurait dû être le montant des intérêts payés ;
Qu'il appartiendra alors au demandeur de chiffrer sa demande, s'il devait s'avérer qu'il a effectivement payé des intérêts à un taux supérieur à celui prévu au contrat ».
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL D’INSTANCE DE BOULAY
JUGEMENT DU 20 OCTOBRE 2005
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11-04-000290. Jugement n° 367/05.
PARTIE DEMANDERESSE :
Monsieur X.
[adresse], comparant en personne
PARTIE DÉFENDERESSE :
CRÉDIT MUTUEL
[adresse], représenté par Maîtres GENIN HOFFMANN PIETERS-FIMBEL METZGER, avocate du barreau de SARREGUEMINES
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Juge : Mme FOURNEL Laurence
Greffier des débats : Mlle GREDER
Greffier du prononcé : Mlle BUCHMANN
DÉBATS : Audience publique du 9 juin 2005, date à laquelle l'affaire a été mise en délibéré au 7 juillet 2005, prorogée aux 20 et 21 juillet, 8 et 22 septembre, 6 et 20 octobre 2005.
DÉCISION : contradictoire, en premier ressort, partiellement avant dire droit ; mise à disposition au greffe le 20 octobre 2005 par Madame FOURNEL, Président, assistée de Mlle BUCHMANN, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] FAITS ET PROCÉDURE :
Par déclaration introductive d'instance du 13 septembre 2004, M. X. a fait citer devant le Tribunal d'Instance de BOULAY la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE CREUTZWALD, en exposant avoir souscrit auprès de cette banque, en avril 1997, un crédit revolving contenant une clause de variation du taux d'intérêts dont il considère qu'elle est abusive et doit être réputée non écrite.
De plus il fait valoir que le découvert qui lui avait été autorisé ne devait pas dépasser 40.000 F., alors qu'en trois déblocages successifs, il a disposé d'un capital total de 92.000 €.
Par ailleurs il indique que suite à sa maladie, ce prêt a fait l'objet d'une prise en charge par les ACM, mais que malgré cela la banque n'a pas arrêté de le harceler, lui envoyant des lettres de relance facturées à 9,28 €.
Dans des conclusions ultérieures, il s'étonne de l'attitude de la défenderesse, qui dans un premier temps avait décidé de se désister de la demande, et ajoute que celle-ci, malgré le fait que le crédit revolving n° 16XX52 est entièrement remboursé, n'a toujours pas levé son inscription au fichier de la Banque de France.
Il fait valoir en outre que ses problèmes de remboursement relatifs à l'un de ses prêts proviennent de la négligence, volontaire ou non, de la défenderesse, dès lors que la prise en charge par les assurances des échéances de 6 mois sur une période de 1999 à 2000 ne lui ont été remboursées qu'en octobre 2004.
Il maintient que le découvert autorisé a bien été dépassé, puisqu'en mars 2001 il atteignait la somme de 50.677,37 F., et indique qu'il lui est impossible à lui seul de chiffrer le montant des intérêts qui lui auraient été débités indûment en fonction du caractère abusif de la clause.
Il maintient que l'offre de crédit signée le 28 janvier 1997 stipule clairement que le taux effectif global est révisable, et a atteint un moment 13,20 %.
Il demande donc :
- Que soit appliqué l'article L. 132-1 du Code de la consommation et particulièrement l'avis de la commission des clauses abusives suite au jugement du Tribunal d'Instance de BOURGANEUF,
- Que la CMDP soit déchue des intérêts du prêt depuis son origine,
- Que les intérêts versés lui soient entièrement remboursés majorés des frais subis et intérêts,
- Que soit nommé un cabinet de comptables indépendant aux fins de vérification des écritures aux entiers frais de la C.C.M.,
- Que la défenderesse soit condamnée à lui verser les sommes de :
* 3.000 € à titre de dommages et intérêts,
* 3.500 € à titre de harcèlement caractérisé en connaissance de cause,
* [minute page 3] 1.000 € dans le cadre de l'article 700 du NCPC, outre les entiers dépens de l'instance.
La défenderesse réplique que nulle part l'article L. 132-1 du Code de la Consommation ne dispose qu'est abusif un contrat qui accorde une autorisation de découvert d'un montant variable associé à une carte de crédit.
Elle indique que le montant du découvert autorisé n'a jamais dépassé 50.000 F., et indique que l'extrait auquel fait référence le demandeur démontre qu'après un incident de paiement régularisé, M. X. a effectué un retrait de 40.000 F., mais qu'à sa dette en capital s'additionnent les intérêts.
Quant aux recommandations de la commission des clauses abusives la défenderesse soutient que le contrat ne prévoyait pas de taux variable, et que le taux est resté à 12,40 % du début à la fin du prêt.
Elle ne voit donc aucun intérêt à organiser une expertise comptable, dont l'avance des frais incomberait en tout état de cause au demandeur.
Concluant au débouté, elle réclame 1.000 € au titre de l'article 700 du NCPC.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI :
Attendu qu'il est constant que selon offre préalable de crédit du 28 janvier 1997 acceptée le 28 janvier, M. X. a souscrit auprès de la CCM DE CREUTZWALD un crédit utilisable par fraction et assortie d'une carte Eurocard ;
Que le montant du découvert autorisé était de 50.000 F., le taux d'intérêt débiteur actuel, indiqué en première page, de 10,90 % l'an, et le TEG de 12,40 % ;
Que cependant les conditions générales du crédit mentionnent clairement que le taux d'intérêt est révisable et que le taux effectif global suivra les variations en plus ou en moins du taux de base que le prêteur applique aux opérations de même nature et qui figure dans les opérations qu'il diffuse auprès du public ;
Attendu que dans deux avis rendus par la commission des clauses abusives en sa séance plénière du 27 mai 2004, la commission, à laquelle avait notamment été soumise une convention de variation du taux d'intérêts rédigée dans les mêmes termes que la convention précitée, a été d'avis « que les clauses précitées de variation du taux d'intérêt sont abusives en ce qu'elles ne soumettent pas cette variation à des critères préalablement convenus » ;
Que la commission remarque ainsi « que s'il n'est pas contestable que le prêteur est libre de fixer le taux conventionnel auquel il accorde les crédits, force est de constater qu'une fois que le taux initial a été accepté par l'emprunteur, devenant ainsi la loi des parties, la clause litigieuse (« le taux est révisable et suivra les variations en plus ou en moins du taux de base que le prêteur applique aux opérations de même nature.. »), remet à la discrétion du prêteur la faculté de faire varier le taux et donc de modifier unilatéralement sa rémunération, ce qui apparaît de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur » ;
[minute page 4] Attendu qu'aux termes de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, sont abusives, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;
Qu'aux termes de ce même article, les clauses abusives sont réputées non écrites ;
Attendu que le caractère non écrit de la clause litigieuse n'a pas pour effet de supprimer purement et simplement toute convention d'intérêts, mais de la rendre sans effet et de maintenir par conséquent en vigueur le taux initialement prévu, soit un taux nominal de 10,90 % l'an et un taux effectif global de 12,40 % ;
Qu'en l'état le Tribunal n'a pas les moyens de savoir quelles ont été, au cours du crédit aujourd'hui entièrement remboursé, les variations du taux d'intérêt qui ont pu amener un dépassement du taux initialement convenu, étant observé que la défenderesse soutient que ce taux n'aurait jamais varié ;
Que d'autre part, M. X. ne peut réclamer que le remboursement de la part d'intérêts excessive qu'il a effectivement lui même payée ;
Qu'il résulte de ses propres explications qu'au moins pendant un temps, les échéances de remboursement ont été prises en charge par les ACM ;
Qu'il ne peut donc solliciter aucun remboursement concernant ces intérêts, ce droit n'appartenant qu'aux ACM ;
Qu'il serait donc nécessaire que la défenderesse produise un récapitulatif de toutes les sommes effectivement payées par le demandeur pendant toute la durée du crédit, en distinguant les remboursements en capital, intérêts, assurances et frais éventuels, et mentionnant les éventuelles variations de taux d'intérêt qui ont pu avoir lieu ;
Qu'il lui sera demandé également de produire une reconstitution de l'évolution des intérêts en partant de l'hypothèse d'une absence de variation du taux durant toute la durée du prêt, et d'indiquer dans cette hypothèse quel aurait dû être le montant des intérêts payés ;
Qu'il appartiendra alors au demandeur de chiffrer sa demande, s'il devait s'avérer qu'il a effectivement payé des intérêts à un taux supérieur à celui prévu au contrat,
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et partiellement avant dire droit,
- DÉCLARE abusive et non écrite la clause du contrat souscrit le 28 janvier 1997, prévoyant que le taux d'intérêts est révisable et que le taux effectif global suivra les variations en plus ou en moins du taux de base que le prêteur applique aux opérations de même nature qui figure dans les barèmes qu'il diffuse auprès du public,
[minute page 5] Pour le surplus :
- ORDONNE la réouverture des débats,
- INVITE la défenderesse à verser aux débats l'entier historique de fonctionnement du compte du demandeur,
- L'INVITE à indiquer quelles ont été les variations de taux d'intérêt pratiquées, et à produire un récapitulatif de toutes les sommes personnellement payées par le demandeur, en distinguant les remboursements en capital, en intérêts, en assurance et en frais ;
- L'INVITE à verser aux débats une reconstitution du compte du débiteur sans variation du taux d'intérêts, et à indiquer dans cette hypothèse quel aurait dû être le montant total des intérêts payés par le demandeur,
- INVITE le demandeur, en fonction de ces éléments à chiffrer sa demande en remboursement,
- RENVOIE l'affaire à l'audience du 1er décembre 2005 à 9 H 30.
En foi de quoi le présent jugement a été signé par Nous, Président et Greffier, aux jour, mois et an susdits.
LE PRÉSIDENT LE GREFFIER.
- 5740 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Changement des règles applicables
- 5999 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Avis de la Commission des clauses abusives
- 6630 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 1 - Présentation générale