CA MONTPELLIER (2e ch.), 23 janvier 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7401
CA MONTPELLIER (2e ch.), 23 janvier 2018 : RG n° 15/09762
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « La clause attributive de juridiction est entièrement reprise en gros caractères à l'article 6 des conditions générales. Elle est conforme aux dispositions de l'article 48 du code de procédure civile. »
2/ « Le contrat de location ayant été conclu entre deux professionnelles, la société R. n'est pas fondée à invoquer les dispositions relatives aux clauses abusives.
En tout état de cause, la stipulation d'une durée irrévocable de 24 mois avec faculté de résiliation du contrat par la société 20-20 Technologies avec un préavis de 30 jours en cas de non-paiement des loyers ou de non-respect des obligations du locataire est valable et la limitation de responsabilité de l'éditeur (société 20-20 Technologies) n'est pas en cause, en l'espèce. »
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 23 JANVIER 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/09762. Décision déférée à la Cour : Jugement du 9 NOVEMBRE 2015 - TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER : RG n° 2015003479.
APPELANTE :
SARL R. SARL
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège social, représentée par Maître Hugo L. de la SELARL L. AVOCAT, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉE :
SAS 20-20 TECHNOLOGIES
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualités de droit audit siège, représentée par Maître Célia M., avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Maître Hervé P. de la SELARL PVB SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER,
ORDONNANCE DE CLÔTURE du 21 novembre 2017
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 DÉCEMBRE 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Brigitte OLIVE, conseiller, chargé du rapport et devant Madame Laure BOURREL, président de chambre.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Laure BOURREL, Président de chambre, Madame Brigitte OLIVE, conseiller, Monsieur Bruno BERTRAND, conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Hélène ALBESA
ARRÊT : - contradictoire - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile ; - signé par Madame Laure BOURREL, Président de chambre, et par Madame Hélène ALBESA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS et PROCÉDURE - MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La SARL R., établie à [ville 63], exerce une activité de menuiserie et la SAS 20-20 Technologies, dont le siège social est à [ville 06] a pour activité le développement et la vente aux professionnels de logiciels de conception assistée par ordinateur.
Le 4 juillet 2013, la société R. a passé commande de la location d'un logiciel de dessin et de chiffrage de type « Fusion », avec mise à disposition des catalogues électroniques de meubles des marque Chabert-Duval et Schroeder, pour une durée irrévocable de 24 mois, moyennant un loyer mensuel de 190 HT.
Le 11 juillet 2013, les parties ont conclu le contrat de location des licences d'utilisation comportant la remise de deux clés électroniques et d'un CD-Rom.
Postérieurement à la livraison intervenue en juillet 2013, par lettre du 27 septembre 2013, la société R. a notifié à la société 20-20 Technologies sa volonté de résilier de manière anticipée le contrat à compter du 1er octobre 2013, en faisant valoir que le produit ne remplissait pas ses attentes en raison de sa complexité, des difficultés d'accès à la « hot line » et d'un « CD incomplet ». Elle a joint à son courrier les deux clés électroniques et le CD-Rom.
En réponse du 30 septembre 2013, la société 20-20 Technologies a rappelé que la location avait été contractée pour une durée irrévocable de 2 ans et que les loyers étaient dus jusqu'à son terme, le 31 juillet 2015. Elle a renvoyé le CD et les deux clés de licence, en précisant que les deux jours de formation préconisés lors de la conclusion du contrat auraient pu résoudre les problèmes rencontrés au titre de l'utilisation du logiciel.
Par courrier du 7 octobre 2013, le conseil de la société R. a confirmé la résiliation du contrat.
Par courrier du 11 février 2014, l'avocat de la société 20-20 Technologies a vainement mis en demeure la société R. de régler le solde des loyers s'élevant à 4.999,28 euros.
Par acte d'huissier du 17 février 2015, la société 20-20 Technologies a assigné la société R. devant le Tribunal de commerce de Montpellier, qui, par jugement contradictoire du 9 novembre 2015, après avoir rejeté dans ses motifs l'exception d'incompétence soulevée par cette dernière, a dans le dispositif :
- condamné la société R. à payer à la société 20-20 Technologies la somme de 4.999,28 euros, outre les intérêts de retard au taux légal à compter du 30 septembre 2013 ainsi qu'une somme de 900 euros, à titre d'indemnité, en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens ;
- débouté la société R. de ses demandes reconventionnelles.
* * *
La SARL R. a relevé appel du jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour d'appel de Montpellier, le 28 décembre 2015.
Dans ses dernières conclusions transmises au greffe le 12 février 2016, la société R. conclut à l'incompétence du tribunal de commerce de Montpellier au profit de celui de Clermont-Ferrand et au renvoi de l'affaire devant cette juridiction. Subsidiairement au fond, elle demande à la cour de rejeter les prétentions adverses, de prononcer la résolution judiciaire du contrat de location du 11 juillet 2013 et de condamner la société 20-20 Technologies à lui rembourser les loyers perçus et à lui payer la somme de 500 euros, à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre celle de 1.500 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient pour l'essentiel que :
- ni le contrat de location ni la facture du 11 juillet 2013, ne contiennent une clause attributive de compétence, de sorte que la juridiction compétente est celle où se situe son siège social, lieu d'exécution de la prestation de service ;
- le devis du 4 juillet 2013 est un document précontractuel antérieur au contrat de location ; la clause attributive de compétence insérée dans ce devis n'est donc pas applicable ;
- le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand est compétent territorialement pour connaître du litige ;
- les logiciels n'ont jamais été en état de fonctionner conformément aux prescriptions techniques du distributeur et à ses propres besoins ;
- les dysfonctionnements ne sont pas dus à l'utilisation qu'elle en a faite mais aux défauts intrinsèques des logiciels ;
- elle a embauché une salariée diplômée pour l'utilisation de logiciels de conception et de chiffrage de cuisine qui a attesté qu'elle s'est trouvée dans l'incapacité d'être opérationnelle immédiatement, qu'il a été difficile de joindre le service d'assistance technique et que le logiciel était incomplet ;
- les articles 4 et 6 du contrat qui exonèrent de toute responsabilité la société 20-20 Technologies et empêchent toute révocation du client pendant 24 mois doivent être déclarées abusives, en l'état d'un déséquilibre des relations contractuelles ;
- la résolution pour inexécution entraîne la remise en l'état antérieur et fonde la demande de remboursement des loyers réglés.
* * *
Dans ses dernières conclusions transmises au greffe le 11 avril 2016, la SAS 20-20 Technologies a conclu à la confirmation du jugement et à l'allocation de la somme de 3.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir en substance que :
- le devis accepté par la société R. contient une clause attributive de compétence qui est applicable nonobstant la conclusion postérieure du contrat de location qui n'emporte pas renonciation aux conditions générales figurant au devis ;
- le tribunal de commerce de Montpellier est compétent pour connaître de l'affaire ;
- la société R. s'est engagée pour une période irrévocable de 24 mois ;
- les logiciels ont été livrés et fonctionnent sans anomalies ;
- elle a, à plusieurs reprises, renseigné, conseillé et dépanné la société R. pour résoudre des difficultés d'utilisation, alors que celle-ci a opté pour une absence de formation, pourtant préconisée dès l'origine de la relation contractuelle et recommandée à nouveau dans un courrier du 16 septembre 2013 ;
- la société R. n'a pas mis les moyens nécessaires pour exploiter normalement le logiciel qui lui a été livré ;
- la société R. qui invoque l'exception d'inexécution ne démontre pas l'existence d'un manquement contractuel ; l'attestation de Mme D., salariée de cette entreprise, est sujette à caution ;
- le logiciel « Fusion » qu'elle développe depuis plusieurs années fonctionne dans de nombreuses entreprises sans difficultés ;
- elle n'a commis aucun manquement à ses obligations contractuelles, le contrat de location définitivement formé doit être exécuté, tenant l'absence de clause résolutoire insérée au contrat ;
- le contrat étant conclu entre deux professionnelles, les dispositions protectrices en matière de clauses abusives ne sont pas applicables puisque celles-ci relèvent de la seule relation professionnel/consommateur ;
- elle pouvait stipuler une durée irrévocable de 24 mois et une faculté de résiliation en cas de non-paiement des loyers ;
- la clause d'exclusion des préjudices est valable car elle porte sur une carence de l'utilisateur et non de l'éditeur ;
- la société R. s'étant acquittée de deux loyers sur les 24 loyers prévus est redevable de la somme de 4.999,28 euros.
* * *
La procédure a été clôturée par ordonnance du magistrat chargé de la mise en état du 21 novembre 2017.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l'exception d'incompétence :
Le devis portant sur l'offre de location du logiciel de dessin et de chiffrage pour une durée irrévocable de 24 mois moyennant des loyers mensuels de 190 euros HT a été accepté par la société R., le 4 juillet 2013.
Au dessus du tampon commercial sur lequel a été apposée la signature du représentant de la société R. figure une clause stipulant que « la signature du bon de commande emporte acceptation sans réserves des conditions générales figurant au verso que la signataire reconnaît avoir lu en intégralité préalablement et que dans le cas de contestation quelconque relative à l'exécution ou à l'interprétation du contrat, les tribunaux de Montpellier sont seuls compétents de convention expresse, même en cas de demande incidente, d'appels en garantie ou en cas de pluralité de défendeurs ».
La clause attributive de juridiction est entièrement reprise en gros caractères à l'article 6 des conditions générales. Elle est conforme aux dispositions de l'article 48 du code de procédure civile.
L'acceptation de l'offre de location vaut rencontre des volontés et le fait que les parties aient régularisé le contrat de location de licence comportant des conditions particulières, le 11 juillet 2013, n'a pas opéré novation, de sorte que les conditions générales sont applicables et opposables à la société R.
La société 20-20 Technologies a donc valablement assigné la société R. devant le tribunal de commerce de Montpellier, par application de la clause attributive de compétence.
L'exception d'incompétence territoriale sera rejetée et il y aura lieu de réparer l'omission de statuer du premier juge qui n'a pas repris la disposition relative au rejet de cette exception dans le dispositif du jugement.
Sur le fond :
La société R. sollicite la résolution judiciaire du contrat de location en invoquant des dysfonctionnements du logiciel qui ne lui auraient pas permis de l'utiliser.
A l'appui des griefs, elle produit sa demande de résiliation du contrat en date du 27 septembre 2013, réitérée par son conseil, les 7 octobre 2013 et 10 avril 2014 ainsi que l'attestation d'une salariée, Mme X., embauchée le 9 septembre 2013, en qualité d'employée administrative.
Dans l'attestation dactylographiée signée par Mme X., dont la forme n'est pas conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, celle-ci précise qu'elle a été « dans l'incapacité d'utiliser le logiciel 2020 qui ne lui a pas permis d'être opérationnelle immédiatement contrairement à celui utilisé depuis ». Elle ajoute « qu'en ce qui concerne l'assistance technique téléphonique, nous avons dû nous y reprendre trois fois avant d'avoir une personne en ligne. Après plusieurs modifications de cette personne sur mon ordinateur car il manquait des éléments au logiciel, ce qui induisait des bugs lors de la conception, sa seule aide a été de nous dire de suivre une formation. »
Le contrat de travail à durée déterminée de Mme X. a pris effet le 9 septembre 2013, soit deux mois après la livraison du logiciel. Le fait qu'elle ait obtenu en juin 2006, un certificat d'études supérieures en création et aménagements d'espace intérieur de l'école supérieure des arts et techniques ne signifie nullement qu'elle était formée à l'utilisation du logiciel de dessin et chiffrage Fusion, alors même que le devis accepté par la société R. mentionne expressément qu'il est conseillé de suivre une formation de deux jours d'initiation à l'utilisation de celui-ci.
Il résulte en outre de la fiche émanant du service d'assistance technique de la société 20-20 Technologies que lors de l'appel provenant de la société R., le 16 septembre 2013, il a été procédé à une assistance à la mise à jour du logiciel. Un autre contact a eu lieu le 17 juillet 2013, soit quelques jours après la livraison, au titre de l'installation du catalogue du nouveau distributeur Chabert-Duval. Le 16 septembre 2013, la société 20-20 Technologie a adressé à la société R. une offre de formation relative au logiciel Fusion FX au prix de 230 euros HT, en se référant à l'entretien du même jour.
La société R. a précisé dans son courrier du 27 septembre 2013 que le logiciel était trop compliqué, que l'assistance technique était impossible à joindre et que le CD était incomplet.
Or, la seule attestation de Mme X. embauchée, deux mois après la mise en œuvre du logiciel, ne saurait suffire à établir les griefs allégués alors même que les problèmes rencontrés relèvent de difficultés d'utilisation en lien avec le choix de la société R. de ne pas faire suivre la formation préconisée par la société 20-20 Technologies par le ou les préposés devant utiliser le nouveau logiciel.
Il n'est justifié d'aucun manquement contractuel grave de la société 20-20 Technologies de nature à entraîner la résiliation du contrat de location ni d'une impossibilité d'utiliser le logiciel fourni.
La société R. a été à juste titre déboutée de ses demandes tendant à obtenir le prononcé de la résolution du contrat de location et le remboursement des loyers payés.
Le contrat de location ayant été conclu entre deux professionnelles, la société R. n'est pas fondée à invoquer les dispositions relatives aux clauses abusives.
En tout état de cause, la stipulation d'une durée irrévocable de 24 mois avec faculté de résiliation du contrat par la société 20-20 Technologies avec un préavis de 30 jours en cas de non-paiement des loyers ou de non-respect des obligations du locataire est valable et la limitation de responsabilité de l'éditeur (société 20-20 Technologies) n'est pas en cause, en l'espèce.
La société R. est donc redevable envers la société 20-20 Technologies des loyers dus jusqu'au terme du contrat fixé au 31 juillet 2015.
Elle sera condamnée à payer à la société 20-20 Technologies la somme de 4.999,38 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 11 février 2014. Le jugement sera réformé en ce qui concerne le point de départ des intérêts au taux légal dans la mesure où la lettre du 30 septembre 2013 ne vaut pas mise en demeure, au sens de l'article 1153 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
Succombant en son appel, la société R. sera condamnée à payer à la société 20-20 Technologies, la somme de 1.200 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, verra sa propre demande, de ce chef, ainsi que la demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive, rejetées et supportera la charge des dépens d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qui concerne le point de départ des intérêts au taux légal produits par la somme de 4.999,28 euros ;
Statuant à nouveau sur le chef infirmé et réparant l'omission de statuer ;
Rejette l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la SARL R. ;
Dit que la somme de 4.999,28 euros, mise à la charge de la SARL R., produira intérêts au taux légal à compter du 11 février 2014 ;
Y ajoutant ;
Condamne la SARL R. à payer à la SAS 20-20 Technologies la somme de 1.200 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la SARL R. de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toutes autres demandes des parties ;
Condamne la SARL R. aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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